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  • Semblables

    modiano,la petite bijou,roman,littérature française,enfance,abandon,errance,ville,culture,extrait« Elle est entrée dans le café, à côté de la pharmacie. J’ai hésité avant de la suivre, mais je me suis dit qu’elle ne me remarquerait pas. Qui étions-nous toutes les deux ? Une femme d’âge incertain et une jeune fille perdues dans la foule du métro. De cette foule, personne n’aurait réussi à nous distinguer. Et quand nous étions remontées à l’air libre, nous étions semblables à des milliers et des milliers de gens qui reviennent le soir dans leur banlieue. »

    Patrick Modiano, La Petite Bijou

  • Un manteau jaune

    Modiano nous emmène souvent dans les rues de Paris, La Petite Bijou nous entraîne aussi dans le métro. C’est à la station Châtelet qu’un manteau jaune attire l’attention de la narratrice, qu’on n’appelle plus « la Petite Bijou » depuis des années : elle a d’abord vu de dos la femme qui le porte, puis, en attendant l’ouverture du portillon, elle a vu son visage : « La ressemblance de ce visage avec celui de ma mère était si frappante que j’ai pensé que c’était elle. »

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    Elle observe le vêtement dont la couleur s’est ternie, les traits de la femme assise sur un banc, avec « la certitude que c’était elle ». Mais elle ne parvient pas à lui adresser la parole, sinon en elle-même, et se contente de la suivre. « On m’avait dit qu’elle était morte, il y avait longtemps, au Maroc, et je n’avais jamais essayé d’en savoir plus. » A la sortie du métro, elle la voit composer un numéro dans une cabine téléphonique, parler, lui jeter un regard indifférent, comme dans le métro.

    Dans le café où la femme est entrée, elle va s’asseoir au fond, continue à l’observer. Devant son kir, les bras croisés et appuyés sur la table, elle a la même attitude que sur le portrait qui était au mur de sa chambre d’enfant, peint par Tola Soungouroff. Lui adresser la parole pour le lui dire ? « Elle ferait semblant de ne pas comprendre », elle mentirait, comme elle trichait à l’époque du portrait sur son âge ou sur son prénom.

    « J’avais l’impression d’être encore dans le wagon du métro. Ou plutôt dans la salle d’attente d’une gare, sans savoir exactement quel train je devais prendre. Mais pour elle, il n’y avait plus de train. Elle retardait l’heure de rentrer chez elle. Ça n’était pas très loin d’ici, sans doute. J’étais vraiment curieuse de savoir où. Je n’avais pas du tout envie de lui parler, je n’éprouvais à son égard aucun sentiment particulier. Les circonstances avaient fait qu’entre nous il n’y avait pas eu ce qui s’appelle le lait de la tendresse humaine. La seule chose que je voulais savoir, c’était où elle avait fini par échouer, douze ans après sa mort au Maroc. »

    Cette curiosité, cette filature, cette quête, c’est le sujet de La Petite Bijou. De soir en soir, reprendre le même chemin, guetter le manteau jaune, et quand il reparaît, suivre cette femme jusque chez elle. Des bribes de souvenirs reviennent au fil des pages. Souvenirs d’enfance, histoires de noms – nom sur les papiers, nom d’artiste –, traces du passé dans une vieille boîte à biscuits…

    Dans sa vie très solitaire, celle d’une enfant qui a grandi confiée à d’autres, Thérèse, la narratrice, a peu de personnes à qui parler : elle revoit de temps à autre un Russe polyglotte rencontré dans une librairie. Quand il lui a demandé un jour ce qu’elle recherchait dans la vie, elle a répondu : « des contacts humains… » Il est à l’écoute et de bon conseil : « Il faut trouver un point fixe pour que la vie cesse d’être ce flottement perpétuel… »

    Elle loue une chambre au 11, rue Coustou, parce que sa mère y a habité un certain temps et parce que les reflets rouges et verts d’une enseigne lumineuse, la nuit, la bercent, « aussi réguliers que des battements de cœur ». Pour gagner un peu d’argent, elle garde la petite fille de gens riches du côté du bois de Boulogne, un couple assez jeune qui a l’air de camper dans un hôtel particulier très peu meublé. La petite reste souvent seule, Thérèse reconnaît cette solitude, ce sentiment d’abandon.

    Les personnages de Patrick Modiano traversent le présent sur les traces du passé. Peu de péripéties dans La Petite Bijou, roman d’atmosphère envahi par le mal d’enfance. Il est si difficile à partager, quand on n’a pas eu l’occasion ni pris l’habitude de se confier à quelqu’un. Restent les rencontres de hasard, qui peuvent adoucir les moments les plus douloureux quand on se sent perdre pied.

    « Saura-t-on jamais de quel secret désarroi, de quelle lointaine et obscure blessure d’enfance Patrick Modiano, romancier passé avec le temps de la confusion à la compassion, tire la faculté d’être ému jusqu’aux larmes par les jeunes femmes à l’abandon, les orphelines un peu butées, les provinciales esseulées et timides que l’on croise dans la rue sans les voir, mais que lui, doué d’un sixième sens, prend le temps de regarder, d’écouter et d’accompagner avec une infinie délicatesse ? » (Jérôme Garcin, « La Petite Bijou, c’est moi… », L’Obs, 26/9/2007)

  • Fleurs de trottoir

    Cet été, pas d’Estivales schaerbeekoises à mon programme, mais de petites balades dans le quartier aux heures les plus fraîches. Les arbres et les plantes à leur pied souffrent de la sécheresse. Les roses trémières délivrent déjà leurs graines. Celles qui fleurissent encore ont leur feuillage abimé.

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    Cela semble moins gêner les « mauvaises herbes » qui poussent entre les dalles de trottoir et puisent de l’humidité par-dessous. De plus en plus de gens les laissent vivre, même si cela fait désordre aux yeux de ceux qui pensent encore, comme quand j’étais enfant, qu’il faut régulièrement prendre un petit couteau pour enlever ces intruses et faire place nette. L’époque où chacun entretenait son trottoir semble révolue.

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    Le bon côté ? Les plantes rudérales sont utiles – Bruxelles environnement propose en ligne, pour les reconnaître, un carnet sur 25 plantes sauvages fréquentes sur les trottoirs. La région encourage aussi les « jardins de trottoir » et fournit une liste des espèces à privilégier pour favoriser la petite faune sauvage, des plantes « indigènes et mellifères ».

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    Inattendus, les pétunias (ou surfinias, je ne sais) implantés au bas d’un mur n’en font pas partie, quelqu’un a dû les semer en place. Les fosses d’arbres réservent aussi parfois des surprises comme de jolis tournesols. Au bord d’un trottoir, j’ai admiré cette clématite des haies peu fréquente hors des jardins, du plus bel effet. 

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    Dans ma rue, le bougainvillier qui avait été si beau l’année de sa plantation devant une façade n’a pas tenu le coup ; même si le climat change, si les oliviers supportent nos hivers de plus en plus doux, les plantes méditerranéennes ont besoin de conditions très particulières pour s’acclimater. Cet été, un plant de tomates l’a remplacé et semble bien se porter.

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    Quelle était donc cette plante rencontrée il y a peu, aux étonnants épis floraux passant du vert au rose puis se couvrant de baies noires comme des mûres ? Je n’avais jamais vu ce « raisin d’Amérique » aussi appelé « teinturier » (Phytolacca americana) qui porte encore d’autres noms. L’article de Wikipedia signale que ses fruits sont toxiques pour les êtres humains et pour de nombreux animaux. Ornementale, certes, mais guère à sa place en rue, à la portée des enfants. Et chez vous, comment se portent les fleurs de trottoir ?


    Merci, Zoë, pour le lien vers cette vidéo. (Mise à jour 14/8/2022)

  • Les oiseaux du parc

    Il y a peu, je vous parlais des oiseaux de la friche, voici Le printemps des oiseaux, une exposition de photographies de Philippe Massart à la bibliothèque Sésame (à voir jusqu’à la fin du mois) et un livre, Les oiseaux du parc Josaphat et de Schaerbeek, qui nous ravit ! A l’expo, un diaporama sonore permet aussi d’apprendre à reconnaître leur cri et leur chant.

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    Depuis que nous avons la chance d’habiter près de la cime d’un érable sycomore, avec vue sur un intérieur d’îlot, nous identifions peu à peu les oiseaux qui le fréquentent, quelque dix-sept espèces jusqu’à présent, de la pie bavarde au pouillot véloce. Pour la première fois depuis une dizaine d’années, nous entendons et apercevons avec un énorme plaisir des moineaux, devenus si rares en ville, qui piaillent et volent entre quelques gros feuillages accueillants dans l’avenue voisine.

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    Les oiseaux que Philippe Massart a photographiés sont beaucoup plus nombreux, comme vous avez déjà pu vous en rendre compte si vous avez ouvert le lien vers la galerie photos sur son site. Comme l’écrit Thomas Jean, photographe et vidéaste animalier spécialisé dans l’observation de la faune sauvage en milieu urbain (La minute sauvage) dans une courte préface, « Philippe Massart nous invite à entrevoir le beau, le discret, l’invisible. Cette vie sauvage qui subsiste en pleine ville. »

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    Les oiseaux du parc Josaphat et de Schaerbeek (250 photos) ont droit chacun à une double page : à gauche, une photographie pleine page ; à droite, plusieurs clichés pour illustrer les divers aspects ou états de son espèce, plus une notice qui attire l’attention sur le plumage ou le comportement et aussi, de façon très amusante, une évocation personnalisée de son chant. La mésange charbonnière, par exemple, zinzinule ou titine ainsi : « City 2, City 2 » (un complexe commercial bien connu des Bruxellois) !

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    Après les magnolias, les cerisiers sont en fleurs au parc Josaphat. Philippe Massart y organise régulièrement des promenades ornithologiques, j’espère pouvoir y participer un jour. J’aimerais observer une de ces orites à longue queue qu’une merveilleuse photo nous montre serrées les unes contre les autres sur une branche ou ce roitelet huppé avec son bandeau jaune sur la tête – il y en a tant à découvrir !