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Sculpture

  • Paysage à l'arbre

    Arbres Autrique Combaz.jpg« Cette lithographie, qui constitue le modèle d’une affiche qu’il dessinera en 1899 pour La Libre Esthétique, est révélatrice de l’attrait qu’il porte au thème de la nature mais aussi de la « démarche japonisante » qu’il adopte pour l’évoquer. Non seulement il partage avec les dessinateurs japonais l’idée selon laquelle un arbre peut être traité comme un thème à part entière, mais il partage aussi avec eux cette façon de représenter la nature dans ce qu’elle peut évoquer de plus expressif. » (Julie Bawin, Le japonisme en Belgique, l’affiche d’art et l’estampe Ukiyo-e)

    Gisbert Combaz, Paysage à l'arbre, estampe, 1899,
    Collection Ville de Bruxelles

    Place aux arbres !, Maison Autrique, Schaerbeek > 19.04.2025

  • Place aux arbres !

    Un agrandissement surplombe le comptoir d’accueil de la Maison Autrique : Horta et sa femme au pied d’un séquoia géant traversé par une route ! Une manière d’honorer Victor Horta (l’architecte qui a conçu cette maison à trente-deux ans, en 1893) et d’annoncer le sujet de l’exposition : Place aux arbres !

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    La Maison Autrique comporte déjà des éléments art nouveau, un style architectural inspiré de la nature où Horta excelle. Chaque exposition s’y déploie de la cave au grenier, ou cette fois, « des racines jusqu’aux feuilles » (dépliant, source des citations). Il s’agit d’observer l’évolution du paysage schaerbeekois et d’examiner la place des arbres en région bruxelloise, de manière à la fois didactique et artistique.

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    Jenos (Jenö) Karpathy, La vallée Josaphat, 1890, collection communale, Schaerbeek
    (Agrandir pour mieux voir les petits personnages)

    « La Maison Autrique est sise en bordure d’une chaussée médiévale, la chaussée de Haecht. Le plan d’urbanisation a désormais remplacé la nature. Nous nous situons au Nord de cette vallée asymétrique qu’est Bruxelles, un relief caractéristique des petites et grandes vallées de la Moyenne Belgique. » Jadis campagne nourricière, comme on le voit sur la toile de Jenos Karpathy, La vallée Josaphat, Schaerbeek a fini par se fondre dans la ville.

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    © Pascaline Wollast, Arbre en hiver, 2024, terre cuite, collection personnelle de l’artiste

    Au bel-étage, deux paysages d’Euphrosine Beernaert, trop peu éclairés pour les montrer ; ils font partie de la Collection communale, comme de nombreuses œuvres exposées ici. Au jardin, on peut apercevoir Arbre en hiver, terre cuite de Pascaline Wollast, une des artistes contemporaines du parcours. En descendant à la cuisine, vous verrez ses céramiques, des vases gravés, ainsi que des bols signés Kikie Crêvecoeur et Nathalie Joiris.

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    Maurice Langaskens, L'élagueur, s.d., Collection commune de Schaerbeek

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    Georges Frédéric, Scènes schaerbeekoises : tir à l'arc et cueillette des cerises, 1932,
    Collection commune de Schaerbeek

    On y expose aussi des fossiles de sigillarias et de lepidodendrons. Une des vidéos diffusées au premier étage explique ce dont il s’agit : ce n’étaient pas des arbres mais leurs ancêtres. Ces grandes plantes de l’Holocène pouvaient atteindre trente-cinq mètres de haut. Fossiles, eaux de sources, forêt de Soignes, vie des arbres en ville : ce sont les sujets des vidéos, de quelques minutes chacune. Vous y entendrez notamment un élagueur – celui de Langaskens taille un cerisier (la griotte de Schaerbeek était réputée) – et vous y verrez souvent l’avenue Louis Bertrand toute proche, où des riverains s’inquiètent de l’abattage des platanes prévu pour son réaménagement.

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    Constant Montald, Le mur blanc, 1922, Collection commune de Woluwe-Saint-Lambert

    C’est sous le feuillage des arbres que l’on peut jouir de « la douceur de l’ombre » (Alain Corbin). Des sous-bois et des vues du parc Josaphat sont accrochés sur le premier palier. Dans la chambre à coucher, Le Mur blanc de Constant Montald borde un verger en fleurs. Au XXe siècle, les artistes s’éloignent volontiers de la vision « réaliste et feuillue » du XIXe pour peindre les arbres nus, comme dans cette toile naïve de Jacques Mathy au titre inattendu : La Terre n’est qu’un pays, tous les hommes en sont citoyens.

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    © Jacques Mathy, La Terre n'est qu'un pays, tous les hommes en sont citoyens, 1971,
    collection Commune d'Auderghem

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    Canopée de Kiki Crêvecoeur (impression de gommes gravées) illustre le goût de la nature en ville, au second étage. Dans la vitrine de la chambre jaune, en plus des fossiles de feuilles, on peut voir des fossiles d’oiseaux trouvés sur le site de Messel (Allemagne), classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

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    © Martin Bollé, Place des Bienfaiteurs à Schaerbeek, s.d.,  
    Collection commune de Schaerbeek

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    © Henri Stiellemans, Square F. Riga, jeu de balle pelote, 1930-1940, 
    Collection commune de Schaerbeek

    Deux tableaux du début du XXe siècle m’ont particulièrement intéressée : Place des Bienfaiteurs à Schaerbeek, par Martin Bollé, et Square F. Riga, jeu de balle pelote, par Henri Stiellemans. Pour qui connaît les lieux, c’est gai à observer. Les arbres du square étaient jeunes. La tourelle d’angle possédait encore son lanternon. Sous les grands arbres de l’avenue Huart Hamoir en hiver, Taf Wallet, en voisin, a figuré de nombreux passants dont les couleurs égaient la scène.

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    © Taf Wallet, Avenue Huart Hamoir, s.d., Collection commune de Schaerbeek
    (Agrandir pour mieux voir les petits personnages)

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    © Kikie Crêvecoeur, Variation, série (3), 2014, 2016-2017, impression de gommes gravées,
    collection personnelle de l’artiste

    Dans la chambre verte, revoici Kikie Crêvecoeur avec ses gommes gravées : Variation, une série de trois. De Nathalie Joiris, une étonnante « nanosculpture », Sous bulle, joliment intégrée ensuite dans un montage photographique. On est surpris sur le palier par une autre nanosculpture juchée très très haut.

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    © Dominique Discors, 4 saisons, lampe en vitrail Tiffany,
    collection personnelle de l’artiste

    Dans la salle Horta, pour finir, j’ai aimé cette lampe en vitrail signée Dominique Discors ; des papiers peints anciens à motifs végétaux ; d’autres œuvres de Kikie Crêvecoeur ; une estampe que je vous montrerai demain. Place aux arbres ! Ce thème est vaste et traité sous divers aspects, brièvement expliqués dans le dépliant qui sert de guide aux visiteurs. Que vous la connaissiez ou non, cette exposition est un excellent prétexte pour visiter la Maison Autrique (jusqu’au 19 avril 2025).

  • Esquisses (Drafts)

    « De Rubens à Khnopff », l’exposition Esquisses (Drafts) aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) donne à voir différents états du « geste créateur » à travers des siècles de peinture – on peut découvrir par exemple le dessin sous-jacent dans la Pietà de Rogier van der Weyden  (XVe siècle) grâce à une réflectographie infrarouge – du Moyen Age jusqu’à aujourd’hui.

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    Un texte présente chaque section. Le premier donne l’étymologie du terme « esquisse » : « de l’italien schizzo, lui-même dérivé du latin schedius, « fait sur-le-champ », et du grec σχέδιος, « faire à la hâte » ». L’esquisse est donc par nature « incomplète, préparatoire et spontanée ». Souvent de petite dimension, sur papier ou sur toile, elle est l’« expression la plus directe de la main du maître, qui matérialise le fruit de sa réflexion en quelques gestes spontanés. »

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    Pieter Codde (attribué à), Le jeune dessinateur, bois, 28 x 36,5 cm, MRBAB, Bruxelles. 

    Le jeune dessinateur attribué à Pieter Codde (XVIIe) annonce une salle consacrée aux « études », ces exercices recommandés aux débutants : représenter des parties de figures d’après nature, des têtes, des mains, des animaux, des draperies… de manière à préparer toutes les parties du tableau projeté. Une Etude de Marie de Hongrie sur un trône par Louis Gallait (XIXe), qui la peindra dans L’abdication de Charles Quint, montre la préparation de la tête, des mains, le rendu de la robe. (Désolée pour les reflets.)

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    Louis Gallait, Etude pour L'abdication de Charles Quint. Marie de Hongrie,
    Pierre noire et craie blanche, sanguine, gouache blanche, 56,8 x 40,4 cm, MRBAB, Bruxelles

    Les études peuvent aussi être peintes à l’huile et en couleurs. Eugène Verboeckhoven peint ainsi toute une bande de poussins dans diverses positions. Marie De Paepe, presque un siècle plus tard, fait de même avec trois « poupousses ». Plus ancienne, une « Etude animale » de Jacomo Victors regroupe autour d’une chèvre les différents occupants de la basse-cour, sans oublier chien et chat – quasiment un tableau à part entière.

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    Jacomo Victors, Etude animale, huile sur toile, 156 x 187 cm, MRBAB, Bruxelles

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    Eugène Verboeckhoven, Poussins, 1858,
    Huile sur papier marouflé sur toile, 27,5 x 55,5 cm, MRBAB, Bruxelles
    (dédié à Colo, qui en connaît un bout sur le sujet)

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    Marie De Paepe-Casier, Poupousses, 1943, huile sur toile, 70 x 80 cm, MRBAB, Bruxelles

    Esquisser des figures, c’est observer la silhouette, l’attitude, croquer un détail en particulier. Voici Trois études d’une femme coiffée d’un petit chapeau d’Antoine Watteau, où sanguine et rehauts de craie blanche font merveille, puis, vues de dos, Trois silhouettes de dames en chapeau de James Ensor (pastel et lavis). Plus j’avance dans l’exposition, plus je suis sensible à la vivacité des esquisses où le geste est beaucoup plus perceptible que dans l’œuvre finie. L’inachèvement donne à ces œuvres anciennes ou modernes une fraîcheur qui nous rapproche de l’artiste, comme si nous visitions son atelier.

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    Jean Antoine Watteau, Trois études d'une dame au chapeau, s.d.,
    21,2 x 31,2 cm,  MRBAB, Bruxelles

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    James Ensor, Trois silhouettes, s.d., aquarelle sur papier, 25,3 x 33,6 cm, MRBAB, Bruxelles

    Voyez ces personnages d’Henri Leys (Etude pour Faust et Marguerite) : la démarche du couple « se rendant à l’église » est bien rendue, le manteau d’homme bordé de velours ou de fourrure prend vie sous nos yeux, tandis que la robe de sa compagne est structurée par le dessin qui souligne les plis et quelques motifs. Le peintre a soigné aussi les manches à crevés, entre autres détails qui retiennent le visiteur devant cette esquisse à l’huile.

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    Henri Leys, Personnages se rendant à l'église, esquisse,
    huile sur bois, 60 x 35 cm,  MRBAB, Bruxelles

    Les belles choses modernes ne manquent pas, signées Ensor, Vogels, Rik Wouters… Une esquisse à l’huile de ce dernier, Nu assis au bord du lit (on reconnaît Nel, son épouse et son modèle), avec des indications de couleurs et l’utilisation de parties non peintes, comme dans sa Dame en bleu de la même année, illustre la proximité entre l’esquisse et l’œuvre achevée chez ce peintre.

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    Anne Bonnet, Etudes pour La ville d'or, 1955-1956,
    aquarelle et gouache, encre de Chine sur papier, MRBAB, Bruxelles

    Ai-je déjà mentionné sur ce blog le nom d’Anne Bonnet (1908-1960) ? Cette artiste bruxelloise, d’abord réaliste, a évolué vers une certaine géométrisation ; attentive aux architectures, elle était proche des peintres de la Jeune peinture belge. Près de La Ville d’Or (1955-1956), cette magnifique composition à l’huile dominée par le jaune et l’orange dans toutes leurs nuances, on peut voir deux études (aquarelle, gouache et crayon) où Anne Bonnet a exploré d’autres formes et couleurs avant le choix définitif.

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    Anne Bonnet, La ville d'or, 1955-1956, huile sur toile, 150 x 100 cm, MRBAB, Bruxelles

    Formidables esquisses de Rubens tout en mouvement, études pour des scènes historiques, portraits, paysages… Tous les genres sont représentés à l’exposition avec ce même objectif : montrer l’art en cours d’élaboration. Non chronologique, le parcours décline les caractéristiques de l’esquisse, selon le genre, la technique ou le thème, et réussit à capter l’attention en renouvelant l’approche tout du long.

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    Vue partielle de la dernière salle : œuvres de Constantin Meunier

    Pour le sculpteur, l’esquisse, parfois dessin, parfois modèle en format réduit, sert à obtenir l’approbation du commanditaire pour le projet, avant sa réalisation dans le matériau choisi. Des plâtres de Constantin Meunier pour son Monument au travail, plusieurs esquisses et un haut-relief en bronze de L’Industrie, un grand plâtre du Port. Une étonnante maquette d’un monument de Joseph Rulot (jamais réalisé). Un petit modèle en carton d’une sculpture abstraite, Archétypes, de Walter Leblanc et sa réalisation en acier oxydé, permet de mesurer l’impact spectaculaire du changement de format (325 x 200 x 25 cm) et de matériau.

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    Walter Leblanc, Modèle en carton pour Archétypes, 1985,
    MRBAB, Bruxelles

    Je ne savais pas trop ce que j’allais découvrir à cette exposition temporaire des Musées Royaux des Beaux-Arts, une visite intéressante à condition de prendre le temps de regarder, bien sûr. Ceux qui savent dessiner y trouveront des crayons et des cartons pour croquer à leur tour ce qu’ils ont perçu. L’exposition reste en place jusqu’au 16 février prochain aux MRBAB.

  • Sophie Taeuber

    TaeuberArp (64) animaux.jpgLongtemps dans l’ombre de Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp est à présent redécouverte comme une artiste à part entière.

    La journaliste et réalisatrice Safia Kessas propose sur le site de Bozar une série de podcasts passionnants en six épisodes, dont le premier s’intitule « l’ange muet se révèle près de 80 ans après sa mort ».

    Sophie T. a exécuté des danses modernes au Cabaret Voltaire de Zurich devant les dadaïstes. Formée aux arts appliqués, notamment à la technique du bois tourné, elle a fait sensation avec ses marionnettes « dada » traitées de manière abstraite.

    Entre 1925 et 1942, Sophie Taeuber-Arp a participé à plus de quarante expositions en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Son activité d’enseignante à l’École des arts appliqués de Zurich a souvent permis au couple de vivre et de créer librement.

    TaeuberArp (101) Sophie Equilibre.jpg

    L’exposition Arp à Bozar met bien son œuvre en valeur. Depuis la publication de la correspondance de Sophie Taeuber en 2021, on connaît mieux la vie qu’elle a menée : elle s’occupait de tout, maison et administration.

    Dans le magazine Bozar de la saison ’24-’25 (en ligne), je vous recommande l’article de Safia Kessas, « Sophie Taeuber, une voix retrouvée, aux côtés de Jean Arp » (pp. 13-18), une réflexion sur son rôle de femme artiste et de femme d’artiste.

    Sophie rêvait Sophie peignait Sophie dansait, poème écrit par Jean Arp après sa mort, est repris dans les Morceaux choisis (pp. 26-27).


    sophie taeuber-arp,exposition,bozar,art abstrait,couple,peinture,dessin,sculpture,design,femme artisteSophie Taeuber-Arp, Sienne, maisons, animaux, 1921,
    gouache et crayon sur papier brun,
    Etienne Bréton / Saint-Honoré Art Consulting

    Sophie Taeuber-Arp, Equilibre, 1932,
    huile sur toile,
    Stiftung Arp e.V., Berlin / Rolandswerth

    Sophie Taeuber-Arp, Forme bleue, 1935,
    gouache et crayon sur papier, collection privée

  • Arp & Taeuber-Arp

    Les couples d’artistes ne sont pas très nombreux dans l’histoire de l’art. Celui de Hans/Jean Arp & Sophie Taeuber-Arp, « Friends, Lovers, Partners », fait l’objet d’une formidable exposition au Palais des Beaux-Arts (Bozar), qui m’a beaucoup appris. Je ne connaissais pas grand-chose du premier en dehors de ses sculptures organiques, et je méconnaissais la seconde qui a joué un rôle moteur dans ce couple créatif, depuis leur rencontre à Zurich en 1915 jusqu’à sa mort accidentelle en 1943.

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    Entrée de l'exposition : Hans/Jean Arp avec Monocle-nombril, 1926
    & Sophie Taeuber avec la Tête Dada par Nic Aluf, 1920
    Stiftung Arp e.V., Berlin / Rolandswerth

    Jean Arp (1886-1966) et Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) s’intéressent tous deux à l’art textile – broderies et tapisseries – comme support de leurs compositions abstraites. Dès la première salle, en découvrant d’un côté des œuvres de Jean A. et de l’autre, de Sophie T., on voit tout de suite que celle-ci explore davantage la couleur.

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    © Hans/Jean Arp, Composition en diagonales, 1915, Tapisserie, laine, 
    Collection de Naomi Milgrom, Melbourne

    TaeuberArp (20) Sophie soie.jpg
    Sophie Taeuber-Arp, Sans titre, vers 1918, broderie, soie sur toile,
    Hilti Art Foundation, Schaan

    Beaucoup d’artistes se sont réfugiés en Suisse durant la première guerre mondiale, notamment à Zurich où naît le mouvement dada (au Cabaret Voltaire). L’influence de Sophie T. apparaît dans les collages géométriques de Jean A. (papiers colorés sur carton). Dada rompt avec la tradition, Arp décrit ses œuvres comme « des constructions de lignes, de surfaces, de formes, de couleurs. »

    TaeuberArp (12) Hans Collage géométrique.jpg
    © Hans/Jean Arp, Collage géométrique, 1916,
    collage de papiers colorés sur carton, collection privée

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    Sophie Taeuber-Arp, Composition verticale-horizontale, 1916,
    Crayon de couleur, gouache et crayon sur papier,
    Stiftung Arp e.V., Berlin / Rolandswerth

    En 1916, Sophie T. est connue comme une artiste textile. Ses créations de perles et de fils (coussins, couvertures, sacs et colliers) sont des objets traditionnels, mais elle innove par les formes et les couleurs. Sa maîtrise est telle qu’un critique écrit : « elle aime tant le rouge qu’il faut l’en remercier. » Ses compositions picturales jouent sur la verticale et l’horizontale, les courbes et les droites.

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    Sophie Taeuber-Arp, Formes géométriques : sac en perles, vers 1917 / collier, vers 1918,
    Musée du Design, Collection des Arts décoratifs, Zurich, ZHdK

    TaeuberArp (47) Sophie Marionnettes.jpg
    Sophie Taeuber-Arp, Marionnettes pour Le roi cerf, 1918

    Les deux artistes rejoignent un groupe suisse qui cherche à renouveler l’art et à l’intégrer dans la vie quotidienne, en abolissant la frontière entre art et arts appliqués. C’est ainsi que Sophie T. expose pour la première fois des têtes peintes et des marionnettes avant-gardistes pour la pièce de Carlo Gozzi, Le roi cerf. Les dadaïstes sont enthousiastes. C’est sa Tête Dada en bois tourné de 1920 qui dissimule une partie de son visage sur la photo à l’entrée de l’exposition.


    Vidéo : Marionnettes en mouvement par Marina Rumjanz (YouTube)

    A cette époque, Arp développe à l’encre « un vocabulaire formel biomorphe aux « ovales mouvants » caractéristiques de son œuvre ». On les retrouve dans cette peinture en relief sur bois présentée comme un portrait de Tristan Tzara et intitulée « La mise au tombeau des oiseaux et papillons »
    En 1922, les deux artistes se marient en Suisse. Sophie reçoit la nationalité allemande et prend le nom de Sophie Arp-Taeuber puis de Sophie Taeuber-Arp qu’on lui donne aujourd’hui. Ce qui m’a frappée, c’est comment avec des moyens très simples (lignes, formes, couleurs), ils n’ont cessé de créer du nouveau, et à quel point, un siècle plus tard, cela reste d’une étonnante modernité.

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    Sophie Taeuber-Arp, Eléments divers en composition verticale-horizontale, 1917,
    gouache et crayon sur papier, Mark Kelman, New York

    TaeuberArp (34) Hans Composition encre.jpg
    © Hans/Jean Arp, Composition, vers 1920,
    encre et crayon sur papier, collection privée

    Tous deux explorent à leur manière le motif de l’oiseau. Dans la Composition à motifs d’oiseaux de Sophie T. (ci-dessous), j’ai particulièrement aimé les lignes légèrement concaves qui font penser à une toile, un voile soulevé par la brise, ce qui accentue l’aspect aérien de l’œuvre. Lion – Oiseau, ce sont des encres de Hans Arp pour illustrer un recueil de Tristan Tzara.

    TaeuberArp (66) Sophie Composition aux oiseaux.jpg
    Sophie Taeuber-Arp, Composition à motifs d'oiseaux, 1928,
    gouache et crayon sur papier, collection privée

    TaeuberArp (70) Hans Lion Oiseau.jpg
    © Hans/Jean Arp, Lion - Oiseau, vers 1923, projets pour le recueil de poèmes de Tzara
    publié en 1929, encre sur papier, collection privée

    Prenons la figure humaine, par exemple, qu’ils ont parfois approchée, toujours de façon abstraite. Sophie T. suggère un groupe de personnages rien qu’à l’aide de taches quadrangulaires ou par une déclinaison de rectangles pour des corps étendus. Hans A. montre deux têtes avec une ficelle sur une toile. Homme et femme (ci-dessous) est l’œuvre qui figure à l’affiche de l’exposition.

    Taeuber-Arp Sophie Taches quadrangulaires.jpg
    Sophie Taeuber-Arp, Taches quadrangulaires évoquant un groupe de personnages, 1920,
    gouache et crayon sur papier, Collection privée

    Taeuber Arp Mari et femme.jpg
    © Hans/Jean Arp, Homme et femme, vers 1928, aquarelle et crayon sur papier, collection privée
    © SABAM Belgium 2024, photographer: Fabien de Cugnac

    Les formes circulaires ont été pour le couple un domaine d’exploration fécond : Hans privilégie l’ovale ou l’anneau nombril (voir le monocle sur sa photo). Sophie agence des cercles et d’autres formes géométriques. J’avoue avoir souvent préféré son travail – l’exposition révèle une femme artiste méconnue. Hans & Sophie ont aussi réalisé des œuvres ensemble, réunies dans une salle : Sculpture conjugale (en bois), Duo-peinture, Duo-dessins 

    TaeuberArp (110) Duo.jpg
    © Hans/Jean Arp & Sophie Taeuber-Arp, œuvres en duo : Sculpture conjugale (au milieu),
    Jalon (à droite) / Sophie Taeuber-Arp, Tête (à gauche)

    « Textile, peinture, dessin, design, sculpture, poésie : l’exposition que Bozar consacre à Hans/Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp permet de découvrir toutes les facettes du dialogue artistique permanent entre ces deux personnalités majeures de l’art abstrait au XXe siècle », écrit Jean-Marie Wynants dans Le Soir. Le petit Guide offert aux visiteurs propose des « Morceaux choisis » (correspondance, journaux, poèmes) très intéressants à lire pour prolonger la visite. Le catalogue magnifiquement illustré publié par le Fonds Mercator n’est disponible qu’en anglais. Compter deux heures au moins pour découvrir cette exposition très riche et variée, jusqu’au 19 janvier 2025.