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Nervia / Laethem

Au Musée d’Ixelles, une rencontre inédite confronte deux groupes de peintres belges du XXe siècle : « Nervia / Laethem-Saint-Martin, Traits d’union / Koppelteken » les présente côte à côte et valorise leurs points communs. Loin des avant-gardes, ces artistes prônaient dans l’entre-deux-guerres un retour à la figuration dans une perspective humaniste, la primauté du dessin sur la couleur, un ancrage régional. 

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L’exposition évite le sentiment de déjà vu. Beaucoup de toiles viennent de collections privées, notamment du Fonds Léon Eeckman et le groupe Nervia, et du musée des Beaux-Arts de Gand. Léon Eeckman, courtier en assurances, les peintres Louis Buisseret et Anto Carte ont fondé Nervia en 1928 (de Nervie, entre la Sambre et lEscaut). Des artistes confirmés de Mons et de La Louvière s’y associent avec des plus jeunes. (Le principe d’exposer ici les sujets par « paires » en a écarté certains qu’on aurait aimé plus présents : Pierre Paulus et Taf Wallet, en particulier.)

 

Pour le premier groupe de Laethem-Saint-Martin, il s’agit également d’une « colonie d’artistes » plutôt que d’une école. Installés vers 1900 dans un village (Sint-Martens-Latem) non loin de Gand, sur une courbe de la Lys, des artistes désireux de vivre à la campagne et d’y mener une vie simple auprès des paysans cherchent un art où se rejoignent contemplation et réalisme, empreint de religiosité. 

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Anto Carte, Les deux aveugles, 1924, Musée des Beaux-Arts de Liège.

« Spiritualité » montre d’abord un magnifique ensemble d’Anto Carte, sans conteste la personnalité dominante du groupe Nervia : ses villageois réunis pour le lavement des pieds (Jeudi Saint), son Fossoyeur près d’un Christ en croix, ses Pèlerins d’Emmaüs rayonnent de présence. Le rapprochement entre son Retour et Le Fils prodigue (bronze) de George Minne met en valeur le mouvement des corps et des cœurs, inscrit dans le paysage ou sculpté dans l’émotion. 

Ce sont aussi des scènes paisibles comme le Paysage d’été d’Anto Carte où un mouton semble vouloir entrer dans le jeu d’une mère au fichu blanc avec son gamin dans un jardin en fleurs, entre deux maisons aux murs roses, et La cour de Saint-Agnès de Gustave Van de Woestyne (un des prêts du musée Van Buuren), une toile très claire et très cadrée aussi. 

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Anto Carte, Maternité, 1929, gouache sur papier, collection privée

Le thème de la « Maternité » revient souvent chez Anto Carte : une mère avec un enfant dans les bras est assise sur un muret du jardin, sa robe sombre dessine ses courbes. Dans l’arrière-plan lumineux, on découvre dans un second temps un jardinier qui les contemple, la tête et les mains appuyées sur le haut de sa bêche (on retrouve la mère et l’enfant près de deux pigeons dans des couleurs très douces sur la gouache ci-dessus). Plus loin, une mère habillée d’orange, l’enfant de blanc, un panier de fruits (détail de la toile choisie pour l’affiche) – derrière la maison passe un cavalier sur un cheval de trait, curieusement monté en amazone.

 

J’aimerais mettre un nom sur le très beau bleu-vert-clair, ni tout à fait turquoise ni vraiment opalin, qui apparaît sur de nombreuses œuvres d’Anto Carte, et qui colore aussi bien un tronc d’arbre qu’un mur, un vêtement, et toujours lumineux. On le retrouve atténué à l’arrière-plan de Tête d’homme à l’écharpe rouge, qu’il signe dans la couleur de l’écharpe et dédie à « Maria » pour son anniversaire, en 1941. Sur l’estrade au fond de la salle, une grande toile de deux mètres sur trois, fascinante : Le pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer (collection privée).

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Valérius de Saedeleer, Fin d’une journée sombre à Laethem-Saint-Martin, 1907, Musée des Beaux-Arts de Gand

« Quiétude » (des toiles plutôt intimes, des portraits d’enfants, de femmes), « Paysage », « Les grands modèles » (Bruegel), « Divergences », ce sont les autres sections de cette exposition : des regroupements thématiques et associations qui ne s’imposent pas toujours. Mais cette réserve ne doit pas faire de l’ombre à la grande qualité de la plupart des œuvres sélectionnées, au rez-de-chaussée comme à l’étage.  

Finesse des arbres en hiver d’un Valérius de Saedeleer, frimousses de Rodolphe Strebelle (Portrait des enfants Y. Peters), visages tout en regards, intérieurs paisibles de Louis Buisseret sous l’influence du Quattrocento, terribles piétas de Servaes et de Carte, l’exposition fait la part belle à l’humain – de l’enfance à la vieillesse – et à la nature, brabançonne (Frans Depooter) ou flamande (belle aquarelle de Jacob Smits intitulée Symbole de la Campine).  

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Louis Buisseret, Dans l’atelier du peintre,1928, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Le thème du peintre revient plusieurs fois, entre autres chez Louis Buisseret et Gustave Van de Woestyne (dans Hospitalité pour les étrangers, 1920, celui-ci s’est représenté invitant un vagabond à entrer chez lui). Le passeur d’eau (ou L’homme au roseau) d’Anto Carte, d’après le poème de Verhaeren, a servi aux affiches du groupe Nervia. 

« L’œuvre d’art n’existe que par sa seule puissance d’évocation et d’exaltation. Elle n’atteint son but qu’en procurant à qui l’écoute ou la contemple, une joie de nature particulière » disait Louis Buisseret. Conception d’autrefois, peut-être, qui fait encore notre bonheur aujourd’hui. Jusqu’au 17 janvier 2016.

Commentaires

  • Sans m'attarder outre mesure, pardonnez-moi, je trouve les tons de toutes les illustrations superbes .

  • On aimerait s'attarder longtemps sur chacun de ces peintres, peu connus mais de grand talent. Les tableaux que tu as choisis sont magnifiques; merci pour tous les liens, fort intéressants.
    Je vais explorer plus avant Anto Carte que je connais très mal, merci!

  • aussi à mon programme de visites :)
    merci pour cet avant-goût très alléchant

  • @ Christw : Heureuse que vous les aimiez, bonne soirée.

    @ Colo : Le musée m'a aimablement donné accès aux photos pour la presse, ce qui m'a permis de proposer des illustrations de bonne qualité. Il y a beaucoup d'autres toiles que j'aurais aimé montrer aussi, mais pour ceux qui le peuvent, les découvrir sur place vaut encore mieux.

    @ Niki : Merci, Niki & bonne visite au musée d'Ixelles.

  • La maison communale de Schaerbeek avait présenté ce groupe en 1988, à l'occasion d'un hommage à Taf Wallet qui habitait Schaerbeek et avait son atelier au square Riga, pas loin de chez moi. Une amie me l'a fait connaître.

  • Ce que je remarque en premier, ce sont moi aussi les couleurs, surtout dans le premier tableau. Une exposition que j'irais voir si j'étais plus près !

  • Quelle bouffée d’air frais que ce retour à des artistes belges de talent du célèbre groupe de Lathem-Saint-Martin qui prônaient « un retour à la figuration dans une perspective humaniste ». … Les reproductions de quelques œuvres de Anto Arte sont particulièrement troublantes de pureté, de réalisme (les deux aveugles dans la neige) et cette maman à l’enfant d’un tracé léger dans un clair-obscur apaisant et frais. …

  • C'est une exposition qui fait du bien, tu t'en rends compte, et une belle manière de faire mieux connaître ces peintres belges. Bonne soirée, Doulidelle.

  • Ce n'est pas une conception "d'autrefois", bien au contraire. C'est plutôt ce qui manque cruellement à notre actuelle prétendue "civilisation", un regard doux sur l'autre , sur la "vraie vie": attendrissement plutôt qu'agressivité, compassion et bienveillance plutôt que jugement à l'emporte-pièce , douceur plutôt que violence.
    Il faudra bien un jour en finir avec cette société de spécialistes et de coachs en tous genres qui nous enseignent comment nous devons réagir ou nous comporter , qui nous formatent et nous désensibilisent pour mieux vendre leurs fameux "produits" y compris culturels et artistiques.
    J'aime particulièrement "les deux aveugles".
    Pourquoi des peintres comme Anto Carte ne sont-ils pas plus connus? Parce que leurs toiles ne sont pas des objets de spéculation ?
    C'est vrai je suis un peu "remonté" en ce moment :)
    Très belle fin de semaine Tania

  • Bonjour, Gérard. Où nous mène cette société "de crise" perpétuelle, difficile à dire. Vous montrez bien ce qui lui manque trop souvent.
    Anto Carte est en Belgique le plus "coté" des peintres du groupe Nervia, j'espère qu'on lui consacrera un jour une belle rétrospective à Bruxelles. (Le musée des Beaux-Arts de Mons en a organisé une il y a vingt ans, que je n'ai pas vue.)

  • Une belle exposition qui me fait découvrir des peintres pleins de talent. Ixelles, c'est loin du centre de Bruxelles?

  • Une belle exposition qui me fait découvrir des peintres pleins de talent. Ixelles, c'est loin du centre de Bruxelles?

  • Non, c'est à vingt minutes de la Gare Centrale en bus (38). Voici l'itinéraire, pour info : https://www.stib-mivb.be/reisweg-itineraire.html?l=fr
    Et le petit plan sur le site du musée : http://www.museedixelles.irisnet.be/infopratiques

  • Je suis entièrement d'accord avec vous Gurard !! Où est la vraie vie ?
    Et vous avez raison, Anto Carte a un immense talent, il se dégage une telle force de son travail... comme vous, j'aime beaucoup "les deux aveugles".

  • C'est vrai witchy , la mode c'est d'être "en colère" , de se distinguer en parlant plus fort que "l'autre" , de haïr , de trahir, de mépriser ,de ne s'intéresser qu'à soi et à ses petits "besoins" matériels.
    Entre frustrations matérielles et mépris de tout ce ou ceux qui ne vous ressemblent pas, la société qu'on nous montre n'a en effet rien à voir avec la vraie vie où tout est couleurs et diversité, où le regard est plus fort que la possession, où les femmes et les hommes pourraient être plus libres s'ils ne suivaient pas les auto-proclamés bergers du consumérisme.
    C'est pour cette raison que j'aime le blog de Tania ( entre autres) dont la douceur et la générosité transpirent dans le choix même de ses textes et de ses illustrations .
    Vous avez sans doute remarqué comme moi que la toile de Anto Carte s'intitule "Les deux aveugles" et non pas les deux "non-voyants" comme on les (non) définit aujourd'hui !
    Très bonne journée à vous aussi.

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