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  • Peintres belges

    Antica Namur (15) Gouweloos 2.jpgExposées à Antica Namur, voici trois œuvres signées par des peintres belges.

    La photo ne rend pas exactement les couleurs de ce tableau de Jean Gouweloos où j’ai aimé le geste du modèle qui ajuste son chapeau en souriant face au miroir – mouvement et expression qui donnent vie au sujet.
    Ce peintre bruxellois également affichiste a peint des paysages, des marines, et beaucoup de portraits féminins charmants (à découvrir ici).

    Jean Gouweloos (1868-1943) 

    Antica Namur (22) Spilliaert.jpg

    Cette aquarelle de Léon Spilliaert m’a plu par sa simplicité. Je n’en ai pas noté les références, excusez-moi. Où a-t-il peint ce petit clocher entouré d’arbres ?* C’était en mai 1932 (daté en bas à gauche). J’admire comme les couleurs du ciel et de l’eau se répondent, comme la lumière s’y répand. Une œuvre de plus sur ce blog du peintre ostendais qui m’est cher.

    Léon Spilliaert (1881-1946), Vue de l’église de Mariekerke*
    située à Sint-Amands (près de Puurs), grâce aux indications de Cléanthe
    en commentaire sur une autre aquarelle très proche, visible ici.

    Antica Namur (2) Delvaux L'atelier sans cadre.jpg

    L’atelier de Paul Delvaux, aquarelle et encre, tranche avec ses peintures les plus connues, au dessin précis, comme ses vues de gares. Le peintre assis porte un chapeau, le modèle nu occupe une place centrale. A gauche, des visiteurs à l’atelier, deux ou trois, la femme au dos découvert étant peut-être un autre modèle. L’à-peu-près des couleurs fluides donne une impression bien plus libre que ses huiles sur toile au rendu « fini ».

    Paul Delvaux (1897-1994), L'atelier, aquarelle et encre de Chine sur papier

    Dans un catalogue de 1997, Laurent Busine soulignait la technique du peintre différente « quand sa main tient la plume et le pinceau qu’elle conduit sur le papier ». L’aquarelle garde les traces du travail, les repentirs, « alliés à la liberté d’inspiration et à l’improvisation » – « comme une scène où l’artiste se montre dans un rôle : l’aquarelliste dans la doublure du peintre. » (Paul Delvaux, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique)

    « Le premier mérite d’un tableau est d’être une fête pour l’œil »  : cette citation dEugène Delacroix s’affiche sur le site de Remarkable paintings, galerie présente à Antica Namur ; vous y trouverez un beau diaporama de peintures belges et hollandaises du XIXe au début du XXe siècle.

  • A Namur pour Antica

    Au salon des antiquaires de Namur, dès l’entrée, on est frappé par tout ce qui brille dans les stands, l’argenterie ancienne, les bijoux, les objets dans les vitrines… Le portail d’Antica Namur vous en donne un aperçu. Le mobilier ancien et les arts décoratifs sont ici à la fête, présentés par plus de cent galeries européennes. Voyez par exemple cet ensemble de porcelaines de Chine. Les pièces exposées vont de l’art ancien, qui domine, jusqu’aux XIXe et XXe siècles.

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    A la galerie Lamy, j’ai reçu quelques explications sur deux éléments de statues anciennes représentant Bouddha qui m’avaient attirée. Le geste de la main au bout d’un bras sino-tibétain en bronze doré et laiton (16e/17e s.) m’intriguait : l’index (ciel) posé sur le pouce (terre) forme un cercle, symbole de la vie, entre ciel et terre. Une fleur est gravée sur la paume de l’autre main, d’un rare grand bras en bronze incrusté de cuivre (Tibet, dynastie Yuan, 13e/14e s.). Vous trouverez des photos de détails en cliquant sur les liens.

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    Deux bras en bronze (liens ci-dessus)

    La galerie Ming-ki, spécialisée dans les arts de la Chine ancienne et de l’Amérique précolombienne, présentait un amusant vase sifflet en terre cuite noire. Quelle modernité dans cet objet daté de 1000 – 1450 après J.-C., originaire de la côte septentrionale du Pérou (Chimu) ! J’ai admiré là aussi cette grande grenouille en guise de pectoral, en or, encore plus ancienne, 800 – 1200 après J.-C. (Panama ou Costa Rica, Gran Chiriqui).

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    Vase sifflet à deux chambres et avec perroquet, 1000 – 1450 après J.-C,
    terre cuite, côte septentrionale du Pérou (Chimu)

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    grande grenouille en or archéologique comme pectoral,
    800 – 1200 après J.-C., (Panama ou Costa Rica, Gran Chiriqui).

    « La vraie pépite de cette année tient dans le petit stand partagé par Artwins et Le Cloître de l’art, deux galeries sœurs, sises dans la cour du 16, rue Grange Batelière à Paris, à 150 mètres de l'Hôtel Drouot. Artwins, c'est Catherine Thieffry. Le Cloître de l'Art, c'est Salomé Fischer » a écrit Philippe Farcy dans La Libre. J’ai passé un bon moment à regarder là des œuvres très intéressantes. Parmi des « dessins, estampes et tableaux essentiellement du XIXe siècle, s’inscrivant dans une veine ‘fin-de-siècle’, à la fois symboliste mais également romantique », Artwins expose un dessin aux crayons de couleur, délicat et ravissant : Femme au balcon de Raoul-Henri Dreyfus (ci-dessous). Lisez, s’il vous plaît, le beau commentaire de la galeriste.

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    Raoul-Henri Dreyfus, Femme au balcon
     circa 1910, crayons de couleur, 18,5 x 24 cm 

    La seconde galeriste, me voyant lire les vers écrits à l’encre sous une gouache au cadre en bois et métal spectaculaire, m’a présenté d’autres gouaches superbement encadrées de cet artiste (cadres art nouveau en bois), chacune accompagnée de quelques vers écrits. On peut charger sur le site le catalogue qui en présente quelques-unes sous le titre « Dans l’univers poétique de W. Ingold ». Ce sont des illustrations pour un projet de recueil intitulé « à travers la nuit des temps », vers 1920, juste après la première guerre mondiale, sur une thématique à la fois funèbre et poétique. J’aimerais en apprendre plus sur ce peintre méconnu. Bravo en tout cas à ces deux galeristes pour leur belle cohérence artistique. J’espère les revoir à la Brafa.

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    W. Ingold, gouache sur carton, fixée sur papier, circa 1920,
    poème à la plume et à l'encre en bas :

    Le ciel est bleu, les derniers voiles
     Des brumes d’hier se sont enfuis 
    Et la paix sous l’œil des étoiles
     Bénit ceux que la mort réunit

    Autre découverte, chez Florian Kolhammer au stand toujours très soigné, des « reliefs Art Nouveau » de Georg Klimt (vers 1900). Le frère cadet de Gustav Klimt s’était formé à Vienne à la ciselure et à la sculpture. Outre « Demeter et Dyonisos » illustrés sur le site de la galerie, j’ai aimé les deux profils sur cette paire de reliefs « sécessionnistes ».

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    Georg Klimt, paire de reliefs sécessionnistes, vers 1900,
    cuivre finement ciselé et plaqué argent, 25,5 x 35,5 cm

    Comme souvent, aux salons d’antiquaires, on pense suivre les allées systématiquement et puis on a l’œil attiré à droite, à gauche, et finalement on réalise qu’on n’est pas passé partout. Deux heures n’y suffisent pas. J’aurais dû imprimer le plan des stands qui n’était pas distribué sur place. Et préparer ma visite sur internet, exposant par exposant, comme conseillé. Où ai-je vu cette peinture de Frans Gaillard si ensoleillée ? Je ne sais plus. Peu importe. Je vous montrerai d’autres tableaux dans le prochain billet.

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    Frans Gaillard (1861-1932)

    Beaucoup de vases de René Lalique étaient exposés à la galerie BG Arts, dont le vase Ceylan aux perruches mises en relief par l’opalescence. J’ignorais que Lalique avait aussi fabriqué des bracelets.

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    René Lalique, statuette Suzanne en verre opalescent moulé-pressé, vers 1925

    Nous nous sommes arrêtés devant sa Suzanne (verre opalescent moulé-pressé, vers 1925) où une danseuse déploie joliment son voile, illustration de couverture de l’édition spéciale de Paris Match pour Antica Namur. L’effet visuel est très joli, le visage stylisé un peu décevant.

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    Gustav Gurschner, Lampe de table Jugendstil, 1890-1899,
    bronze patiné et nacre coque marmoratus, H. 53 cm x 21 x 19,5cm

    Voici pour terminer une lampe Jugendstil (1898) de Gustav Gurschner (Autriche, 1873-1970) – avec une coquille « Turbo marmoratus » (gastéropode marin de la famille des escargots turbans). La notice d’Antiques Emporium indique que cette lampe Art Nouveau en bronze patiné est couronnée d’une coquille naturelle et irisée qui sert d’abat-jour : « De la base aux formes dynamiques s’élève une élégante figure féminine, qui se confond gracieusement avec le bronze et la coquille dans un geste fluide qui respire à la fois la force et le raffinement. »

  • Etudes

    Laurens Degas La petite danseuse Stock.jpg« Les nombreuses esquisses préparatoires montrent les difficultés techniques rencontrées par le sculpteur. Il a réalisé vingt-six études de la Petite danseuse, nue ou vêtue, en adoptant une vingtaine de points de vue différents. Il a du mal, par exemple, à représenter le pied gauche vu de dos, s’y reprend à plusieurs fois, il ne faut pas qu’il ait l’air déformé. Et comment parvenir à ce que la courbe des bras semble naturelle de quelque côté qu’on les regarde ? De plus près, il exécute aussi de nombreux dessins du visage de Marie. Sur les Quatre études de danseuse, on la voit de face, jolie brune aux joues rondes, aux yeux grands ouverts, au regard profond. Sans doute est-on là au plus juste de sa véritable apparence, tandis que sur les autres dessins ses traits sont plus vulgaires. »

    Camille Laurens, La petite danseuse de quatorze ans

  • La petite danseuse

    Chaque fois que je l’ai regardée au musée d’Orsay, cette jeune ballerine, j’ai souri devant son menton bien relevé. Camille Laurens, dans La petite danseuse de quatorze ans, rappelle que la sculpture « habillée » de Degas qui a scandalisé au Salon des Indépendants de 1881 était en cire, présentée dans un parallélépipède en verre. Certains se demandaient alors si c’était de l’art, on la trouvait grotesque, voire simiesque.

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    Edgar Degas, Petite danseuse de quatorze ans, entre 1921 et 1931,
    bronze patiné, tutu en tulle, ruban de satin, socle en bois, H. 98 ; L. 35,2 cm
    © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

    Degas ne l’a plus exposée par la suite. Après sa mort en 1917, on l’a retrouvée chez lui parmi plus de cent cinquante statuettes en cire. Ses proches ont décidé de la confier à une fonderie avec l’aide du peintre Paul-Albert Bartholomé, ami de l’artiste : « vingt-deux moulages en bronze seront donc fondus par Hébrard d’après un premier moulage en plâtre, puis patinés pour imiter au mieux la cire, et enfin dispersés dans des musées ou des collections privées. »

    Cette petite danseuse, Camille Laurens l’a toujours aimée : « elle m’intrigue et me touche ». Son essai porte avant tout sur son modèle : Marie Geneviève Van Goethem. Ses parents étaient belges, une blanchisseuse et un tailleur ayant fui la misère en s’installant « au pied de Montmartre, dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale ». Marie y est née en 1865. Sa sœur aînée avait déjà posé pour Degas, « avant de se prostituer et, quand la faim était intenable, de commettre des vols, seule ou avec sa mère. »

    Edgar Degas, « bourgeois nanti, plutôt conservateur », habitait aussi dans le neuvième arrondissement autour de Pigalle, dans un appartement au cinquième d’un immeuble « nouvellement bâti », son atelier était dans la cour. Fasciné par les danseuses, il employait souvent des modèles qui venaient poser chez lui ; en 1880, il n’avait pas encore l’autorisation de circuler librement dans les coulisses du nouvel Opéra, le palais Garnier.

    C’est la mère de Marie qui a imposé à ses trois filles d’entrer à l’Opéra : les petits « rats » étaient de petites filles pauvres, non scolarisées, qui gagnaient ainsi, au début, deux francs par jour, « tout de même le double du salaire d’un mineur ou d’un ouvrier du textile ». Les plus douées montaient en grade, très peu devenaient célèbres. La majorité sexuelle étant fixée à treize ans, on tolérait que les filles aient des « admirateurs », leurs mères servant d’entremetteuses.

    Pour trouver de l’argent, certaines manquaient les cours de danse et posaient comme modèles. L’engouement pour les danseuses dans la deuxième moitié du XIXe siècle, écrit Camille Laurens, peut être comparé « à l’insatiable curiosité de nos contemporains envers les stars, les people », « objets à la fois d’admiration et de dénigrement ». A l’époque, les femmes ne montraient ni leurs jambes ni leurs chevilles.

    Une fois le cadre posé, l’autrice suit d’une part le travail de Degas, que ses problèmes de vue poussent de la peinture vers la sculpture, mais aussi des raisons esthétiques – obtenir « plus d’expression, plus d’ardeur et plus de vie » – et d’autre part les relations entre Marie Van Goethem et l’artiste.

    Avec cette statue, Degas n’a respecté ni les bienséances, ni les règles académiques de l’art. « Degas saisit la réalité sans filtre et suscite des sensations qui n’apaisent pas. Il interroge la société. En ce sens, il est beaucoup plus réaliste qu’impressionniste. » Camille Laurens veut aller plus loin que l’histoire, l’époque, les conditions négociées avec la mère. Son sujet, c’est principalement le sort de la petite Marie, la manière dont elle a été considérée.

    L’autrice a poussé très loin ses recherches documentaires pour en donner une vision la plus juste possible. Elle cite les commentaires d’autres artistes, se base sur de nombreux livres, thèses, articles référencés dans une bibliographie. La dernière partie décrit son exploration des sources – « Car ce n’était pas la vie d’un petit rat ou d’un jeune modèle à la fin du XIXe siècle que je voulais connaître, c’était la sienne, en un temps dont j’ignorais la durée. »

    Aidée par Martine Kahane, conservateur général de l’Opéra national de Paris, qui a enquêté sur la Petite Danseuse de quatorze ans de Degas, elle a consulté le site des Archives de Paris, a trouvé la date de naissance de Marie Van Goethem (7 juin 1865) après celle d’une autre Marie, une sœur née en février 1864, qui n’a vécu que quelques jours. Et ce n’est que le début : « L’archive est un gouffre, c’est une spirale à l’attraction de laquelle il est impossible de résister. Chaque détail prend une place démesurée dans l’esprit, tout fait signe comme dans une histoire d’amour, tout est matière à interprétation, à obsession. »

    La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens est une étude passionnante qui change à jamais notre regard sur la sculpture de Degas : sous le bronze et le tutu de danse, nous voyons le petit modèle, une inconnue à laquelle nous ne pensions pas, désormais présente à jamais.

  • Fontainebleau

    Quand Jean Santeuil rêve dhuîtres et de Sauternes...

    « Le joli musée qu’un dîner, quand ce goût d’eau de mer, dont, dans notre ville du milieu des terres, nous rêvions jusqu’à le sentir, nous est présenté, presque facile à toucher, humide à la fleur de la coupe argentée et pierreuse, quand la couleur du vin brille comme la couleur d’un tableau sous la protection transparente du verre, quand les plats apportés sans relâche dans des plats d’argent sur la table éblouissante nous donnent en une heure la sensation pleine et directe de ces divers chefs-d’œuvre dont le désir de l’un suffit à remplir de charme une heure oisive et d’appétit.

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    Gustave Caillebotte, Nature morte aux huîtres, 1881

    Ici comme dans les musées, comme dans les bibliothèques ce n’est pas seulement notre immense désir d’une chose rêvée qui nous la présente et qui nous donne traduits ces jugements de Ruskin sur Rembrandt que nous désirions tant connaître et pour lesquels nous aurions appris l’anglais, ces nuages de Turner pour lesquels nous avons voulu passer la Manche, ce Fontainebleau qui existe à un endroit où, où qu’on aille, on est à Fontainebleau. »

    Marcel Proust, Jean Santeuil (Villes de garnison)