Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

nature

  • Enfants de la Volga

    Que des Allemands aient été invités à cultiver sur les rives de la Volga par Catherine II, dans les environs de Saratov, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, que leur territoire soit devenu une république socialiste soviétique florissante puis soumise aux réquisitions, à la guerre, à la famine, et ses habitants finalement déportés en 1941 par Staline vers la Sibérie ou le Kazakhstan, je l’ignorais avant de lire la note liminaire de Gouzel Iakhina aux Enfants de la Volga (2021, traduit du russe par Maud Mabillard).

    gouzel iakhina,les enfants de la volga,roman,littérature russe,allemands de la volga,maître d'école,amour,famille,éducation,nature,culture

    Ce roman passionnant que la romancière russe (née en 1977) a dédié à son grand-père, « enseignant d’allemand dans une école de village », s’il suit cette trame historique, raconte d’abord l’histoire d’un village au bord du fleuve, Gnadenthal – la steppe sur la rive gauche, des montagnes sur la rive droite : « La Volga divisait le monde en deux. » Ou plus exactement l’histoire d’un maître d’école, le « Schulmeister Jakob Ivanovitch Bach », qui vit sans bruit mais écoute le « vaste monde ».

    Chargé de sonner la cloche à six heures, à midi et à vingt et une heures, il repeint au printemps le cadre des fenêtres et la porte de l’école dans un bleu ciel lumineux, enseigne quatre heures le matin et deux heures l’après-midi (la poésie allemande est sa passion), avant de faire ses « visites » à la Volga ou à Gnadenthal, en alternance, curieux de tout, choses et gens. Seules les tempêtes troublent sa vie calme : il les aime et sort, exalté, quand les éléments se déchaînent.

    Un jour, il est invité sur l’autre rive par un riche fermier, Udo Grimm, qui lui envoie un bon rameur kirghize pour traverser le fleuve. Il veut que Bach instruise sa fille de presque dix-sept ans, Klara, mais sans la voir : elle restera cachée derrière un paravent. Bach ne veut pas de ces conditions et repart, mais soudain tout le retient sur la rive droite, les éléments l’empêchent de retraverser la Volga et lui font rebrousser chemin. La voix timide et sensible de son élève finira par le captiver et ces mots dans le livre qu’il lui a glissé sous le paravent pour l’entendre lire : « Ne m’abandonnez pas. »

    Ainsi naît la belle histoire d’amour de Bach, 32 ans, pour la jeune Klara. L’annonce du départ des Grimm pour l’Allemagne le terrasse. Mais un soir, Klara, d’une beauté « aveuglante », est à sa porte et va vivre désormais sous sa protection. Le pasteur refuse de les marier, les villageois veulent renvoyer le maître d’école. Quand Klara s’enfuit, il la suit sur l’autre rive, dans la ferme laissée par son père. Ils finissent par y dormir ensemble sous l’édredon, bientôt le désir d’enfant la mine. De l’autre côté de la Volga, la guerre sévit et avec elle viennent la folie, la faim, les cadavres abandonnés. Bach prie avant de les jeter dans le fleuve.

    L’intrusion de trois hommes à la ferme, un jour, va changer leur vie. Ils finissent par trouver Klara cachée sous le lit et abusent d’elle. Bach en devient mutique. A Gnadenthal, on célèbre la naissance de la République socialiste soviétique des Allemands de la Volga. Klara est enceinte, sans que Bach sache de qui ; elle accouchera d’une fille. Bach vivait pour Klara. Quand celle-ci meurt, la nouvelle-née n’a plus que lui.

    Il doit retourner au village pour lui ramener du lait. Surpris à en voler dans une étable, il est amené devant le commissaire Hoffmann, le délégué du nouveau pouvoir, un bossu épris de littérature et de culture populaire. Bach ne parle pas mais écrit, dans une belle calligraphie allemande, qu’il a besoin de lait. Hoffmann lui en donnera en échange de vieux dictons, de textes sur la vie quotidienne des colons allemands, et finalement de contes de son invention.

    Le résumé de ces péripéties ne dit rien de ce qui enchante le lecteur des Enfants de la Volga : l’évocation poétique des paysages, des saisons, des émotions de Bach. Travailleur, il s’occupe de la ferme, de la petite Anna, puis d’un jeune voleur qui dit s’appeler Vaska. L’ancien maître d’école ignore tout un temps qu’Hoffmann, le propagandiste, retouche ses contes en les signant Hobach dans un journal. Bach finit par remarquer que « ce qu’il écrivait se réalisait », les bonnes choses et aussi les mauvaises…

    gouzel iakhina,les enfants de la volga,roman,littérature russe,allemands de la volga,maître d'école,amour,famille,éducation,nature,culture

    Un souffle épique traverse le destin de Bach et de ses enfants, sa fille et son « fils adoptif ». La manière dont il les éduque et dont ils lui échappent peu à peu fait le sel de ce récit où les années de malheur finissent par se succéder pour les riverains du fleuve. Bach tombe et se relève, possédé par son amour paternel sans limite, sa peur pour eux – il ira jusqu’au bout de ses forces. Gouzel Iakhina a écrit un roman formidable où la force des sentiments, la beauté de la nature tiennent tête aux réalités du monde et de l’histoire. Je vous le recommande. 

  • La fleur soleil

    Promenons-nous du côté des prairies, a proposé une amie qui vit dans le Brabant flamand, elles sont particulièrement fleuries cette année. Prairies fleuries ? Va pour la rime. (Le Brabant, une des neuf provinces belges, a été divisé en deux en 1995 : le Brabant flamand (Vlaams-Brabant) et le Brabant wallon, grosso modo au nord et au sud de la région bruxelloise.)

    brabant wallon,balade,prairies,fleurs,bouton d'or,nature

    Peu après avoir laissé les maisons derrière nous, en empruntant le sentier qui passe entre les champs, nous nous sommes retrouvés près d’un verger encore jeune couvert de boutons d’or sous les arbres.

    brabant wallon,balade,prairies,fleurs,bouton d'or,nature

    Cette renoncule (du latin ranunculus* « petite grenouille ») abonde dans les endroits frais et humides, nous en avions vu aussi, de l’autre côté de la frontière linguistique, à la Réserve de Rixensart. Elle se répand dans les pâturages (bien que fraîche elle soit toxique pour les animaux). Dans cette campagne flamande, il me semble qu’on voit de moins en moins de vaches, de plus en plus de chevaux ou de poneys.

    brabant wallon,balade,prairies,fleurs,bouton d'or,nature

    Des boutons d’or, il y en avait tout le long du chemin. Petite fleur brillante, d’un jaune éclatant, cette fleur sauvage « illumine nos balades printanières » ai-je lu dans Les jardins de Mélusine à propos de « la fleur soleil qui s’invite partout », « une star incontournable des prairies ». 

    brabant wallon,balade,prairies,fleurs,bouton d'or,nature

    En effet. Une bande d’un jaune plus dense encore s’annonçait derrière une clôture et une fois arrivée à sa hauteur, je n’ai pu résister à cette mer de boutons d’or au pied des arbres, vraiment spectaculaire, ni, un peu plus loin, à cette composition en vert et jaune sous les nuages.

    brabant wallon,balade,prairies,fleurs,bouton d'or,nature

    C’est donc ici que le beau bateau de Robert Desnos a déposé sa cargaison !

    Un beau bateau, chargé jusqu’au sabord,
    De cent millions de boutons d’or,
    Vient de Chine ou San-Salvador.

    Le roi Nabuchodonosor
    Il brait, il mange, il boit, il dort,
    Il n’aura pas de boutons d’or.

    (Chantefleurs & Chantefables)

  • En mai

    Armand Silvestre,en mai,poème,littérature française,printemps,nature,cultureDans la tiède haleine des fleurs
    Le printemps passe par bouffées,
    Brodant l’aile aux mille couleurs
    Des libellules et des fées.

    Son vol accroche aux réseaux verts
    Des broussailles ébouriffées,
    Dépouille errante des hivers,
    De longs fils de soie, en trophées.

    L’air du soir sonne les abois
    Des belles filles décoiffées :
    – Dans nos cœurs, comme dans les bois,
    Le printemps passe par bouffées !  

    Armand Silvestre (1837-1901)

    Photo : à la Réserve de Rixensart

  • A la Réserve

    Au début du mois, c’est le jaune des champs de colza qui m’avait enchantée près des bois de Monstreux. A la mi-mai, c’est le jaune des boutons d’or qui accueille les promeneurs près de la Lasne à Rixensart. Cette commune du Brabant wallon veille sur ses espaces naturels et en particulier sur les « derniers témoins des vastes ensembles de prairies marécageuses qui occupaient jadis les vallées brabançonnes » (site de Rixensart). 

    rixensart,réserve,castors,natagora,prairie,lasne,grenouilles,nature,biodiversité

    Depuis notre dernière balade à cet endroit, le paysage a bien changé : à présent une Réserve gérée par Natagora, « organisation non gouvernementale qui défend et protège les espèces et les paysages menacés en Wallonie et à Bruxelles », ce site accueille des castors qui remodèlent les lieux et rendent à l’eau sa place naturelle.

    rixensart,réserve,castors,natagora,prairie,lasne,grenouilles,nature,biodiversité

    Des passerelles en bois permettent de se promener au-dessus du sol marécageux et d’observer comment la faune et la flore en profitent, avec le coassement des grenouilles en bande sonore. Enfant ou adulte, c’est toujours gai de les repérer et de les voir sauter ici et là.

    rixensart,réserve,castors,natagora,prairie,lasne,grenouilles,nature,biodiversité

    Plus loin, des tiges des roseaux secs se dressent entre les plantes et arbustes aquatiques, certaines sont dépouillées, d’autres encore plumeuses. Leur beige doré contraste avec le vert des feuillages au printemps et les épis flottants agrémentent le tableau.

    rixensart,réserve,castors,natagora,prairie,lasne,grenouilles,nature,biodiversité

    De jour, on a peu de chance d’observer le castor, qui joue un rôle important dans la protection d’autres espèces. A défaut, on photographie les arbres et tout ce qui se reflète dans l’eau. On aperçoit des branches qui y sont tombées, des troncs entamés durant l’hiver. « Les saules peuvent représenter jusqu’à 90% de son alimentation, mais il s’adapte aussi aux ressources de son territoire » (Dossier Natagora).

    rixensart,réserve,castors,natagora,prairie,lasne,grenouilles,nature,biodiversité

    « Grâce à lui et ses ingénieuses constructions de barrages et de chenaux, le castor fait apparaître des milieux aquatiques et humides, permettant ainsi l’apparition d’une végétation variée. Ce qui entraîne alors la venue de toutes sortes de batraciens, d’insectes, d’oiseaux, de poissons… qui peuvent trouver des zones de quiétude pour se reproduire, nicher ou tout simplement se nourrir. » (site de Rixensart)

    rixensart,réserve,castors,natagora,prairie,lasne,grenouilles,nature,biodiversité

    Une cane juchée sur un piquet semble elle aussi absorbée par ce riche environnement tout de vert et d’or. En remontant vers les maisons, j’observe avec plaisir près du sentier l’eau vive qui se fraie un chemin dans tout ce jaune printanier et y ajoute son glouglou et sa clarté. Merci aux Rixensartois qui nous ont emmenés à la Réserve.

  • Promenons-nous

    Du temps estival pour le premier mai de cette année et une invitation à la promenade : voilà de quoi se sentir renaître avec le printemps. Dans la région de Nivelles, en Brabant wallon, l’église du village de Monstreux était le point de repère pour se mettre en marche.

    premier mai,promenade,monstreux,brabant wallon,colza,bois,ail des ours,lumière,jacinthes,arbres,printemps,renaissance,nature

    Il faut d’abord longer la route pour monter vers les bois. Sur la gauche, une allée mène au portail d’une belle ferme brabançonne qui donne envie de prendre une première photo. Vous en aurez une vue plus complète et même une vue du ciel en regardant ce reportage paru dans L’Avenir il y a un an, avec les photographies du journaliste « reporter d’images » Mathieu Golinvaux.

    premier mai,promenade,monstreux,brabant wallon,colza,bois,ail des ours,lumière,jacinthes,arbres,printemps,renaissance,nature

    Les grands champs de colza en fleur sont un régal pour les yeux, de grandes flaques de soleil sur terre. « Miroitement du colza en fleur » (Haïkus de printemps) Je me souviens de maman qui aimait arrêter la voiture sur le bord de la route pour s’imprégner d’un paysage habillé de jaune et qui avait tenté d’en rendre la couleur sur la toile ; ce n’était pas aussi simple qu’elle l’avait imaginé.

    premier mai,promenade,monstreux,brabant wallon,colza,bois,ail des ours,lumière,jacinthes,arbres,printemps,renaissance,nature

    Au bout d’un champ de colza, on entre dans le bois. Double sensation d’un coup : la fraîcheur de l’ombrage, la lumière du sous-bois. Des deux côtés du chemin, la floraison de l’ail des ours bat son plein au pied des arbres et le long du ruisseau. C’est un enchantement. Le sol tacheté d’ombre et de lumière sous les jeunes feuillages et les tapis d’étoiles blanches fêtent l’inauguration du mois de Marie.

    premier mai,promenade,monstreux,brabant wallon,colza,bois,ail des ours,lumière,jacinthes,arbres,printemps,renaissance,nature

    Cà et là les jacinthes des bois, fleurs d’avril si appréciées qu’il faut à certains endroits les protéger de la cueillette sauvage, posent encore leur bleu délicat dans l’une ou l’autre clairière. Quel chemin moelleux sous nos pas, une vraie moquette naturelle de feuilles et d’humus !

    premier mai,promenade,monstreux,brabant wallon,colza,bois,ail des ours,lumière,jacinthes,arbres,printemps,renaissance,nature

    Bien sûr il faut aussi lever les yeux, tenter d’apercevoir l’oiseau qui chante si joliment au-dessus de nous. En allant vers la vallée de la Thisnes, on ne manque pas de saluer quelques magnifiques chênes. Leur grand âge donne le vertige du temps.

    premier mai,promenade,monstreux,brabant wallon,colza,bois,ail des ours,lumière,jacinthes,arbres,printemps,renaissance,nature

    « Jamais le mois de mai ne parvient à épuiser toutes les beautés dont il dispose. » (Marie Gevers, Plaisir des météores) La boucle de la promenade nous fait descendre en douceur du monde des arbres vers les prairies ouvertes sous l’azur. Voici bientôt l’église Saint Michel et les maisons, le monde des hommes dans la chaleur de midi.