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Balades

  • 54 Odes

    D’une Ode à l’ex à une Ode à la vie, David Van Reybrouck, essayiste, historien, romancier et auteur de théâtre né en 1971, aborde dans Odes (textes traduits du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin, 2021) 54 sujets qui sont autant d’occasions d’exprimer sa gratitude. « Les textes réunis ici sont tous parus de 2015 à 2018 sur la plateforme journalistique néerlandaise De Correspondent. »

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    Il s’agit d’expériences vécues, de rencontres, d’art, de vie quotidienne, de voyages, de lectures, de musique… « Soudain nous étions là de nouveau. Un café de Bruxelles, lundi de la semaine dernière. C’était le soir et nous étions assis l’un à côté de l’autre. A regarder les gens, à sentir nos cuisses se toucher, à penser à cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. » »

    Six ans de vie ensemble, puis trois mois de silence avant ces retrouvailles. « Qui sont donc ces gens que nous avons tant aimés ? Le mot « ex » ne rend pas justice aux rapports intenses, stratifiés, que nous entretenons avec nos anciennes amours. » Sur ces vies qui convergent puis divergent, l’auteur cite « le plus beau poème d’adieu de la poésie néerlandaise » :
         « Demain
         je vais retrouver la femme que j’aime
         et lui rendre ses ailes. » (Rodaan al-Galidi)

    Ce recueil d’hommages à la première personne dit les sentiments et les émotions, en y mêlant de nombreuses observations et références culturelles. A Zagreb existe un musée des Relations brisées, fondé par un couple d’artistes qui n’a pas voulu « partager douloureusement » leurs affaires communes et a préféré les exposer, en souvenir du temps passé ensemble ; l’idée a plu, d’autres couples en rupture sont venus enrichir la collection.

    L’Ode à la déconnexion s’insurge contre « le dogme qu’il vaut toujours mieux pouvoir être en ligne partout. » L’Ode au printemps, née d’un paysage d’arbres fruitiers en fleurs aperçus du train, interroge la place congrue de la nature et de la vie sauvage dans la littérature néerlandaise du dernier demi-siècle. Les seuls néerlandophones à en parler encore sont selon lui « les poètes du dimanche et les alpinistes ». Les artistes contemporains n’ont pas « ce genre de pudeur », comme Olafur Eliasson « déployant un fleuve » dans un musée de Copenhague.

    Van Reybrouck se rend au bois de Hal pour admirer son « tapis bleu-mauve de jacinthes sauvages » qui attire du monde chaque année et pense aux tableaux de Monet, à la ressemblance entre « le vieux Monet » et le jeune Jackson Pollock, aux photos « fantastiques » du plancher de l’atelier de Pollock prises par Robert Weingarten. « Et vous découvrez que les éclaboussures sur le plancher aux Etats-Unis sont aussi des touches de lumières de nénuphars à Giverny et de jacinthes dans un bois près de Bruxelles. » (Ode au printemps)

    Parmi les belles rencontres de l’auteur, dont le titre le plus connu est sans doute Congo. Une histoire (prix Médicis 2012), actuel président de PEN Flandre, il y a celle de Lobsang Chokta, vice-président du département de PEN pour les écrivains tibétains en exil lors d’un congrès annuel de PEN international à Reykjavik. « Un vieil esprit dans un jeune corps », un homme « exceptionnellement doux », ancien moine bouddhiste qui avait traversé l’Himalaya à pied pour se rendre auprès du dalaï-lama, avec qui il a eu l’occasion de faire une excursion en voiture de location et de contempler « d’infinis paysages d’une infinie beauté ». (Ode au plus bel être humain)

    Comment ne pas s’émouvoir en lisant l’Ode à la progéniture qui ne verra jamais le jour (en vers) ? Comment ne pas être surpris qu’une Ode au gypaète barbu mène à la mort d’Eschyle ? Comment ne pas s’arrêter sur une fin de paragraphe, dans Ode à l’auto-stop – « Plutôt libre et vulnérable qu’en sécurité et craintif » – en se demandant si cette devise n’est pas plus masculine que féminine ? Comment ne pas acquiescer en lisant l’Ode au réconfort où il parle de la mort de son père ?

    Inattendue, la notation d’un mot dont l’auteur a dû chercher la signification, « brouhaha », mot répété dans tous les romans de Modiano, a-t-il observé. Bienvenues, à rebours des habitudes contemporaines, l’Ode au refus de photographier, l’Ode à l’écoute, l’Ode aux gens âgés : « Sans doute peu de choses nourrissent-elles autant l’intelligence émotionnelle que les relations entre des gens nettement plus âgés ou plus jeunes. » Van Reybrouck (laïc) ose une Ode à nos dirigeants religieux (opposés aux dirigeants politiques) et séduit avec une Ode à la négligence (en peinture, chez Liebermann ou Turner).

    Dans la postface où l’auteur explicite comment est né ce recueil dont certains textes sont illustrés (en plus du sous-bock dessiné par Tzenko au début de chaque ode, comme celui qui figure sur la couverture), il dit ceci : « Ecrire des odes, je le conseille à tout le monde : on en devient plus attentif, plus enthousiaste, plus avide et plus reconnaissant. » (Postface)

  • Sympa

    Sympa resto (1).jpg

    Sympa, ce panneau qui décline l’esprit maison d’un resto de village, affiché près de la cuisine. L’accueil à l’Auberge de Saint-Pantaléon-les-Vignes y correspond bien. C’est aussi cela, les vacances dans la Drôme : déjeuner sous les branches d’un immense platane.

     

    Sympa Grignan.jpgElle est belle, l’affiche aux couleurs d’Ann Veronica Janssens sur la grille du cimetière de Grignan.
    La chapelle était malheureusement fermée le dimanche où nous y sommes passés pour les revoir. Aurait-il fallu insister davantage comme lu ici ? « Attention la porte de la chapelle étant très lourde il faut pousser fort pour pouvoir l'ouvrir. » (Ce serait mieux de l’indiquer sur place.)

     

    Sympa Singer.jpg

    Sympa, la vieille Singer sous l’écriteau d’un atelier de couture à Venterol. Je découvre que le prolongement de la rue du Bout du Monde où j’ai pris cette photo s’appelle route de la Gare – où donc est-elle, cette gare ? Dans le passé, sans aucun doute.

  • Eclairages naturels

    L’atmosphère estivale était bien au rendez-vous de nos vacances dans la Drôme pendant la première quinzaine de septembre, comme un peu partout cette année. En voici quelques photos à partager avec vous. D’abord ce ciel entre les arbres, où les nuages s’étirent, où s’improvisent des rêves de peindre, comme l’écrivait Colo devant « le calme délicieux du couchant ».

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    A l’approche du soir, les changements subtils de la lumière sur le paysage familier rendent aux arbres toutes leurs nuances de vert, soulignent les reliefs, renforcent cette impression de paix sur la terre que l’on ressent, si loin des tragédies de l’actualité. La magie des éclairages naturels transforme alors tout ce qui capte encore les rayons du soleil : un ballet de graminées, un bouquet de lavande au pied d’un muret. Contempler malgré tout, s’imprégner du beau, du mystère, du silence, y puiser de « l’élan vital ».

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    Les oliveraies sont nombreuses dans le pays de Nyons. J’adore leur tremblement argenté qui titille l’œil  et en particulier le bruissement lumineux des oliviers près de cette petite route.

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    Ce puits de clarté m’attire à chaque fois que j’y passe. Dans nos régions, seuls les saules nous font la grâce de scintiller ainsi.

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    A certaines heures, les nuages improvisent de belles variations : voyez cette masse grise couvrant peu à peu l’azur, cette couche de Chantilly qui dessine une nouvelle ligne de crête au-dessus des montagnes, ces jeux du soleil et des ombres. Le matin, sous un ciel dégagé, le même paysage devient théâtre avec ses arbres en silhouette : le regard alors plonge dans le lointain et s’ouvre au nouveau jour.

  • Au musée d'Orsay

    Parmi les acquisitions des dernières années présentées sur le site du musée d’Orsay, j’avais repéré quelques œuvres à découvrir au niveau supérieur. En traversant une passerelle, j’ai le regard attiré par cette plaquette de Charles René de Paul de Saint-Marceaux, sculpteur et médailleur : Vieillesse (ou Hiver). J’admire ses lignes, je frissonne en observant les oiseaux qui s’approchent de ce beau nu féminin dont les mains et les pieds sont si bien rendus. (Le musée possède un pendant, Le Printemps, non exposé.)

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    Charles René de Saint-Marceaux, Hiver, 1897
    Plaquette uniface en cuivre argenté ou étamé, H. 19,3 ; L. 24 ; EP. 1 cm, Musée d’Orsay

    Une foule se presse au café Campana sous l’horloge à travers laquelle on aperçoit le Sacré-Cœur sur sa butte – il faisait plus calme au restaurant, heureusement. Les « cloches » et le décor des frères Campana, designers brésiliens, sont censés créer une ambiance « onirico-aquatique » inspirée des dessins d’animaux marins d’Emile Gallé.

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    Georges Morren, A l'Harmonie (Jardin public), 1891, huile sur toile,
    49,8 x 100,1 cm (achat en 2019), Musée d’Orsay

    Dans la galerie des Impressionnistes, le pas ralentit : tant de chefs-d’œuvre ! Arrêt devant A l’Harmonie, une peinture de George Morren qui représente une journée ensoleillée dans un parc d’Anvers, un impressionniste belge à rapprocher de Seurat (Un dimanche à La Grande-Jatte) : il y a quelque chose d’étrange dans cette « vision d’un monde idéalisé où des femmes et des enfants sages prennent soin les uns des autres dans un décor bien ordonné » (communiqué de presse). La fillette à l’ombrelle rouge n’a pas un regard pour celle qui s’est arrêtée en face d’elle.

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    Edgar Degas, Le Tub, Entre 1921 et 1931, Statuette en bronze patiné,
    H. 22,5 ; L. 43,8 ; P. 45,8 cm, Musée d'Orsay.

    Voilà Le Tub en bronze de Degas dont je ne me souvenais pas, plus grand que je ne l’imaginais (plus de quarante centimètres de côté) : que c’est beau ! Nous admirons la statuette sous tous les angles en pensant au fameux pastel homonyme. Degas a souvent montré les femmes à leur toilette. Celle-ci lave son pied gauche et appuie l’autre sur le bord de la bassine en zinc. On voit bien le socle fait de « linges trempés » comme il le décrivait à un ami dans une lettre.

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    Gustave Caillebotte, Les Soleils, jardin du Petit GennevilliersVers 1885, Huile sur toile
    Sans cadre H. 130,5 ; L. 105,8 cm / avec cadre H. 158,8 ; L. 133,5 ; EP. 4 cm, Musée d'Orsay

    On a donné une place centrale à l’œuvre de Caillebotte récemment acquise par dation : Les Soleils, jardin du Petit Gennevilliers, une vue de son jardin. Comme Monet, il se voulait « peintre-jardinier » et s’enthousiasmait pour les grands tournesols, une culture exclusivement ornementale à l’époque. « Le choix d’un étonnant format vertical, et l’écrasement des plans provoqué par la juxtaposition du proche et du lointain, sont peut-être inspirés par l’exemple de l’estampe japonaise et par la photographie. » 

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    Meijer De Haan, Nature morte au lilas1890, Huile sur toile,
    H. 39,8 ; L. 32,2 cm. Musée d'Orsay

    Meijer de Haan : connaissez-vous ce peintre néerlandais ? Une exposition a été consacrée ici en 2010 à cet artiste qui peignait aux côtés de Gauguin au Pouldu et à Pont-Aven. Ils ont décoré ensemble la salle à manger de l’auberge de Marie Henry (dont de Haan fut l’amant). Le musée d’Orsay a acheté cette charmante Nature morte au lilas en 2016 (vente publique), elle complète quelques natures mortes de ce peintre déjà dans ses collections.

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    Maurice Denis, Le Christ vert, 1890
    Huile sur carton H. 21 ; L. 15 cm, Musée d'Orsay

    Autre nouveauté, ce Christ vert de Maurice Denis acquis en 2020, « à la fois une scène religieuse et une expérience picturale radicale » (cartel). Une peinture plus petite que je ne pensais, mais d’une grande présence. « Je crois que l’art doit sanctifier la nature ; je crois que la vision sans l’Esprit est vaine ; et c’est la mission de l’esthète d’ériger les choses belles en immarcescibles icônes » (Maurice Denis, cité dans le commentaire du musée).

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    Odilon Redon, deux Figures, 1901, 
    Huile, détrempe, fusain et pastel sur toile, Musée d'Orsay

    Un gros coup de cœur m’a retenue dans la galerie Françoise Cachin : le décor d’Odilon Redon pour le baron Robert de Domecy, quinze panneaux destinés à son château. « Je couvre les murs d’une salle à manger de fleurs, fleurs de rêve, de la faune imaginaire » écrivit-il pendant la réalisation de ce décor. Dans Figure, fleur jaune, la fleur tient lieu de soleil au-dessus du paysage derrière une silhouette vêtue d’un voile rouge fleuri, qui fait face à une autre Figure dans son pendant du même format longiligne.

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    Odilon Redon, Décoration Domecy : frise de fleur, marguerite rose
    et frise de fleur et baies, 1901, Musée d'Orsay

    Des panneaux et des frises sont accrochés aux quatre murs de la salle, dominée par trois grandes peintures de près de deux mètres et demi de hauteur, d’un peu plus d’un mètre soixante de largeur – immersion assurée : Arbre sur un fond jaune, La branche fleurie jaune, Arbres sur un fond jaune. Pour moi qui ai manqué l’exposition Odilon Redon. Prince du rêve au Grand Palais en 2011, il reste beaucoup à découvrir de cet artiste dont tant d’œuvres m’ont déjà touchée.

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    Odilon Redon, La Branche fleurie jaune, 1901,
    Huile, détrempe, fusain et pastel sur toile, H. 247,5 ; L. 163,5 cm. Musée d'Orsay

    Sur le site de Narthex, un article montre d’autres fresques décoratives réalisées par le peintre pour la bibliothèque (ancien dortoir) de l’abbaye de Fontfroide. J’y trouve, pour terminer, cette citation d’un article bien plus ancien : « Redon se lassa bientôt de cette sorte d’enfer spiralant et noir où il s’était enfermé ;  il éprouva le besoin de la lumière et monta vers la couleur comme vers un paradis » (in « Odilon Redon, le merveilleux de la peinture » de Marius-Ary paru en 1907 dans la Revue illustrée).

  • Beauté intérieure

    Le Chat au parc suite (3) beauté.jpg« Mettons-nous dans la tête d’un visiteur s’approchant de la sculpture. Il l’aperçoit d’abord de profil, et que voit-il ? Un énorme Chat ouvrant son manteau devant les promeneurs. Et que se dit-il ? Voilà un gros pervers qui dévoile sa nudité aux passants. Eh bien non !

    Le Chat ne mange pas de ce pain-là ! Et ceux qui le connaissent le savent. Il est bien trop subtil que pour verser dans cet humour graveleux de bas étage. Par contre, ceux qui ont vu la sculpture de face ont été pris par le charme de l’image évoquée : nous avons tous un petit oiseau* qui chante à l’intérieur de nous. Pour certains, c’est un rossignol ou un canari, pour d’autres, un vilain gros canard qui chante faux. » (Geluck, Le Chat.com)

    Philippe Geluck, Le Chat déambule, parc de Bruxelles > 10.09.2023

    Philippe Geluck, Beauté intérieure (*dans la statue, l'oiseau se balance)