« Avec Clara, on s’était connus à peine une année, et pourtant j’avais sans cesse éprouvé cette exigence contenue dans son regard intense, qui me criait « ne me déçois pas », et surtout « ne te déçois pas ». A une expression infime de son visage, je devinais ce qui lui déplaisait, une facilité, une rapidité qui réclamait la lenteur, des mots inutiles. Je me souviens de sa question quand j’osai lui montrer les bribes d’un nouveau roman : « Et toi, Fosco, où es-tu, dans ces pages ? » Clara traquait la jolie écriture qui n’avait rien à dire, les postures ennemies, le paraître, l’esbroufe, la comédie. « Je ne sais pas si j’ai du goût, mais j’ai le dégoût très sûr » (c’était du Jules Renard), provoquait-elle, fustigeant ces écrivains qui ont écrit des livres mais n’ont pas écrit le livre. »
Eric Fottorino, Des gens sensibles
Commentaires
Un très bel extrait comme toujours...on devine la personnalité de Clara à son désir de perfection et du mot juste. Merci pour ce partage
Ce métier de lectrice éditrice requiert compétences et empathie, tout en maintenant une telle exigence. Merci de réagir à cet extrait, Manou.
J'aime beaucoup "fustigeant ces écrivains qui ont écrit des livres mais n'ont pas écrit LE livre"... Une belle nuance, un regard précieux cette Clara. Bises, à bientôt Tania. brigitte
Une nuance qui importe, en effet. Bonne soirée, Brigitte. Bises.
Un métier qui dit être extrêmement compliqué celui de dénicher, savoir reconnaître le talent d'un(e) jeune écrivain...combien d'échecs pour une perle ?
Effectivement. Clara l'attachée de presse doit ensuite le faire connaître et reconnaître.