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Des histoires

Dürrenmatt Portrait.jpg« Y a-t-il encore des histoires possibles, des histoires pour écrivains ? Quand on est de ceux qui n’aiment pas parler d’eux-mêmes, qui se refusent à tirer de leur moi des vérités générales, sur le mode romantique ou poétique, qui ne se sentent pas obligés de dire leurs espoirs et leurs échecs, le plus véridiquement du monde, ni comment et avec qui ils couchent, comme si la véracité pouvait donner à tout cela une portée universelle, alors qu’elle en fait un simple compte rendu médical, psychologique dans le meilleur des cas ; pour peu qu’on cherche au contraire à s’en détourner, préférant s’effacer discrètement et défendre ce qui est de l’ordre du privé, gardant face à soi la matière comme le sculpteur son matériau, travaillant cette matière et grandissant à son contact, tentant, en classique pour ainsi dire, de ne pas désespérer tout de suite, même si personne ne peut nier la pure folie qui surgit de toutes parts, alors l’écriture devient plus difficile et plus solitaire, plus absurde aussi, on se fiche d’une bonne note dans l’histoire littéraire – à qui n’a-t-on pas décerné de bonnes notes, quels torchons n’a-t-on pas encensés, – les exigences de l’heure prennent le dessus. »

Friedrich Dürrenmatt, La panne (incipit)

Friedrich Dürrenmatt, Portrait du psychiatre Otto Riggenbach, 1962,
gouache sur carton, collection Centre Dürrenmatt Neuchâtel

Commentaires

  • Ce premier chapitre du livre m'a semblé brillant, un plaisir d'en relire un extrait ce matin.
    C'est d'autant plus vrai à cette époque où tout un chacun se croit obligé, ou alors c'est plus facile comme le dit Dürrenmatt, de parler de sa famille, de soi-même.

  • Et dire que le texte date de 1956 !
    Merci, Colo & bonne journée.

  • Que dirait-il aujourd'hui devant la multiplication des récits personnels ou à peine transposés sur "mon père" "ma mère" etc ... surtout dans la littérature française je crois. Ces récits n'ont pas forcément valeur d'universalité.

  • Dans certains cas, c'est du nombrilisme, dans d'autres un désir de mémoire ou une quête personnelle sincère. La discrétion y est parfois malmenée.
    Peut-être est ce parce qu'ils sont davantage des raconteurs d'histoires que je lis beaucoup de romans des littératures d'ailleurs, en traduction.

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