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Passions

  • Un jour à Avignon

    En arrivant à Avignon – « en Avignon » est archaïque, ai-je lu –, nous avons vu flotter des bannières au nom d’Othoniel. Son exposition « Cosmos ou les fantômes de l’amour » se déploie un peu partout dans la ville. Sur la place du Palais des Papes, nous avons vu en premier l’« Astrolabe » géant, argent et or, « en lieu et place de la statue de Jean Althen, botaniste arménien du XVIIIe siècle ayant importé la fleur de garance en France », « fleur solaire dont le mât en métal serait la tige et la sphère centrale le pistil. » (Panneau de présentation)

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    Je ne me souvenais pas de la remarquable façade de l’Hôtel des Monnaies (ci-dessous), en face du Palais des Papes, avec ses deux étages richement sculptés : aigles, dragons, angelots, guirlandes de fruits... Elle porte la date de 1619 (MDCXIX). Assurément, une visite guidée vaudrait la peine pour en apprendre plus sur le patrimoine avignonnais.

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    Par ce beau jour d’été, nous avons laissé derrière nous le magnifique Palais des Papes et sa queue de visiteurs encore très nombreux en septembre, avec l’intention de découvrir le Rocher des Doms et son jardin à l’anglaise. Nous ignorions qu’il était fermé pour travaux de réhabilitation. Il y avait heureusement moyen d’accéder à son belvédère par l’escalier du portail nord, donc nous sommes descendus vers le Rhône.

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    De la rive, nous avons admiré le célèbre pont Saint Bénezet (où se dressait une autre œuvre d’Othoniel). Nous avons longé les remparts de la ville, encore plus imposants quand on est à leur pied. Monter le large escalier des Doms permet de prendre la mesure de ce site naturel, berceau d’Avignon. De l’esplanade en haut du rocher, la vue est splendide vers Villeneuve-lès-Avignon et les paysages de la plaine du Rhône jusqu’au mont Ventoux.

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    Après le portail nord, une autre porte dans les remparts permet de rentrer dans la ville, la Porte de la Ligne. Elle donne accès au quartier de la rue Banasterie, où se trouve la chapelle des Pénitents noirs de la Miséricorde avec sa façade au grand décor baroque représentant « une nuée d’anges portant la tête de saint Jean-Baptiste sur un plat ». Cette confrérie avait pour but de secourir les prisonniers et d’assister les condamnés. Porte close, hélas.

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    En remontant vers la place du Palais des Papes, j’aperçois pour la première fois l’entrée du théâtre des Doms, avec une affiche surréaliste pour présenter sa nouvelle saison. C’est agréable de flâner entre les hauts murs de pierre blanche, les arbres et la végétation en contraste, de découvrir le jardin public du Verger Urbain V. J’entends pour la première fois les sonorités douces d’un handpan réverbérées par les murs – un instrument d’origine suisse, me répond le musicien.

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    Délicieux déjeuner sur la place de l’Horloge, à l’ombre des platanes. En y arrivant, nous avons vu Gérard Philipe sur une des fenêtres peintes aux alentours, qui rendent hommage à la capitale du théâtre et à son festival renommé. Installée en face de l’Hôtel de Ville (ci-dessous), j’admire la belle tour de l’Horloge, son ancien beffroi, et son horloge à jacquemart. Et aussi l’Opéra, avec les statues de Corneille et de Molière de part et d’autre de son escalier d’entrée.

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    La suite de cette belle journée fut une belle surprise. Je vous la raconterai bientôt, pour le plaisir de prolonger ce parcours d’un jour à Avignon.

  • Délabrement

    Jachina-Wolgakinder.jpg« Oh, comme Gnadenthal avait changé ! Comme les gens qui l’habitaient avaient changé ! Le sceau du délabrement et d’années de malheur avait marqué les façades des maisons, les rues et les visages. La géométrie harmonieuse qui avait jadis régné au village avait disparu : la rectitude des rues était gâchée par des ruines, les toits se tordaient, les volets, les portes et les portails penchaient désespérément. Les maisons s’étaient ridées de mille fissures, les visages – fissurés de mille rides. Les cours abandonnées béaient comme un ulcère sur la peau. Les tas de détritus noircis faisaient penser à des tumeurs violettes. Les cerisaies négligées – à des cheveux emmêlés de vieillards. Les champs à l’abandon – à des crânes chauves. Il semblait que les couleurs et les teintes avaient quitté cette région crépusculaire : les façades assombries, les cadres des fenêtres et des portes, les arbres secs, et même la terre, les visages blêmes des habitants, leurs moustaches et leurs sourcils gris – tout était devenu du même gris, couleur de la Volga par temps maussade. Seuls les drapeaux, les étoiles et les étendards rouges, tous généreusement dispersés dans le paysage local, brillaient d’une couleur vive, aussi insolente et saugrenue que du carmin sur les lèvres d’une vieille à l’agonie. »

    Gouzel Iakhina, Les enfants de la Volga

  • Enfants de la Volga

    Que des Allemands aient été invités à cultiver sur les rives de la Volga par Catherine II, dans les environs de Saratov, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, que leur territoire soit devenu une république socialiste soviétique florissante puis soumise aux réquisitions, à la guerre, à la famine, et ses habitants finalement déportés en 1941 par Staline vers la Sibérie ou le Kazakhstan, je l’ignorais avant de lire la note liminaire de Gouzel Iakhina aux Enfants de la Volga (2021, traduit du russe par Maud Mabillard).

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    Ce roman passionnant que la romancière russe (née en 1977) a dédié à son grand-père, « enseignant d’allemand dans une école de village », s’il suit cette trame historique, raconte d’abord l’histoire d’un village au bord du fleuve, Gnadenthal – la steppe sur la rive gauche, des montagnes sur la rive droite : « La Volga divisait le monde en deux. » Ou plus exactement l’histoire d’un maître d’école, le « Schulmeister Jakob Ivanovitch Bach », qui vit sans bruit mais écoute le « vaste monde ».

    Chargé de sonner la cloche à six heures, à midi et à vingt et une heures, il repeint au printemps le cadre des fenêtres et la porte de l’école dans un bleu ciel lumineux, enseigne quatre heures le matin et deux heures l’après-midi (la poésie allemande est sa passion), avant de faire ses « visites » à la Volga ou à Gnadenthal, en alternance, curieux de tout, choses et gens. Seules les tempêtes troublent sa vie calme : il les aime et sort, exalté, quand les éléments se déchaînent.

    Un jour, il est invité sur l’autre rive par un riche fermier, Udo Grimm, qui lui envoie un bon rameur kirghize pour traverser le fleuve. Il veut que Bach instruise sa fille de presque dix-sept ans, Klara, mais sans la voir : elle restera cachée derrière un paravent. Bach ne veut pas de ces conditions et repart, mais soudain tout le retient sur la rive droite, les éléments l’empêchent de retraverser la Volga et lui font rebrousser chemin. La voix timide et sensible de son élève finira par le captiver et ces mots dans le livre qu’il lui a glissé sous le paravent pour l’entendre lire : « Ne m’abandonnez pas. »

    Ainsi naît la belle histoire d’amour de Bach, 32 ans, pour la jeune Klara. L’annonce du départ des Grimm pour l’Allemagne le terrasse. Mais un soir, Klara, d’une beauté « aveuglante », est à sa porte et va vivre désormais sous sa protection. Le pasteur refuse de les marier, les villageois veulent renvoyer le maître d’école. Quand Klara s’enfuit, il la suit sur l’autre rive, dans la ferme laissée par son père. Ils finissent par y dormir ensemble sous l’édredon, bientôt le désir d’enfant la mine. De l’autre côté de la Volga, la guerre sévit et avec elle viennent la folie, la faim, les cadavres abandonnés. Bach prie avant de les jeter dans le fleuve.

    L’intrusion de trois hommes à la ferme, un jour, va changer leur vie. Ils finissent par trouver Klara cachée sous le lit et abusent d’elle. Bach en devient mutique. A Gnadenthal, on célèbre la naissance de la République socialiste soviétique des Allemands de la Volga. Klara est enceinte, sans que Bach sache de qui ; elle accouchera d’une fille. Bach vivait pour Klara. Quand celle-ci meurt, la nouvelle-née n’a plus que lui.

    Il doit retourner au village pour lui ramener du lait. Surpris à en voler dans une étable, il est amené devant le commissaire Hoffmann, le délégué du nouveau pouvoir, un bossu épris de littérature et de culture populaire. Bach ne parle pas mais écrit, dans une belle calligraphie allemande, qu’il a besoin de lait. Hoffmann lui en donnera en échange de vieux dictons, de textes sur la vie quotidienne des colons allemands, et finalement de contes de son invention.

    Le résumé de ces péripéties ne dit rien de ce qui enchante le lecteur des Enfants de la Volga : l’évocation poétique des paysages, des saisons, des émotions de Bach. Travailleur, il s’occupe de la ferme, de la petite Anna, puis d’un jeune voleur qui dit s’appeler Vaska. L’ancien maître d’école ignore tout un temps qu’Hoffmann, le propagandiste, retouche ses contes en les signant Hobach dans un journal. Bach finit par remarquer que « ce qu’il écrivait se réalisait », les bonnes choses et aussi les mauvaises…

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    Un souffle épique traverse le destin de Bach et de ses enfants, sa fille et son « fils adoptif ». La manière dont il les éduque et dont ils lui échappent peu à peu fait le sel de ce récit où les années de malheur finissent par se succéder pour les riverains du fleuve. Bach tombe et se relève, possédé par son amour paternel sans limite, sa peur pour eux – il ira jusqu’au bout de ses forces. Gouzel Iakhina a écrit un roman formidable où la force des sentiments, la beauté de la nature tiennent tête aux réalités du monde et de l’histoire. Je vous le recommande. 

  • Regarde

    « On ne voit que ce que l’on regarde. »

    Merleau-Ponty

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    Michel Goulet, Les Espaces du dedans - Hommage à Henri Michaux - 2014 / Namur, VII/2025

    Parmi ces quatre chaises poèmes de Michel Goulet découvertes par hasard cet été près du Delta à Namur, voici celle dédiée à Henri Michaux dans sa ville natale.

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