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vie quotidienne

  • Son frère et lui

    Avec Le roitelet, je découvre l’univers de Jean-François Beauchemin, écrivain québécois (°1960). Son récit commence quand son frère et lui avaient treize et quinze ans : en l’absence du fermier, ils voient une de ses vaches s’écrouler, prête à mettre bas. « Ma théorie est que c’est à ce moment crucial qu’a basculé l’existence de mon frère. » Celui-ci, instinctivement, s’est saisi des pattes du veau pour le tirer et délivrer sa mère à bout de forces. Tout s’est bien passé, mais la nuit, l’aîné entend son frère sangloter dans la chambre à côté de la sienne et le lendemain, « les premiers signes de sa vertigineuse descente se manifestaient. »

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    Ayant connu jadis les excès de violence d’un jeune voisin d’immeuble qui, une fois traité par médicaments, était devenu paisible, en apparence, j’étais curieuse de lire ce récit, Folio primé l’an dernier, pour mieux comprendre comment la schizophrénie peut être vécue dans une famille. L’auteur lui-même s’est senti devenu alors « quelqu’un d’autre », « moins insouciant, plus préoccupé de l’avenir et, surtout, hanté par l’image fantomatique de [son] frère » et a commencé à vivre « plus ou moins en retrait des choses et du Monde ».

    La maladie de son frère s’est manifestée progressivement : mélancolique au début, puis bizarre dans son comportement, avec des crises soudaines de lucidité : « Je suis de moins en moins réel. C’est atroce. » Dans ces moments où son frère cadet exprime son accablement, l’aîné le voit comme un « roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête » ou un « roi au pouvoir très faible, voire nul ». Un jour où il le voit perdre conscience après avoir sauté dans un étang, il lui porte secours et l’entend dire « Pourquoi m’as-tu sauvé ? » « Et c’était comme si j’avais ramené à la vie un fantôme dont les chaînes allaient tinter, désormais, dans les moindres recoins de ma vie, de ma raison, et derrière chacun de mes pas. »

    Ce récit très émouvant de leur vie, depuis lors jusqu’à aujourd’hui, n’est pourtant pas pesant comme il aurait pu l’être. Le regard affectueux de l’écrivain sur son frère et surtout sa description des réactions des parents, des voisins, voire du chien et du chat, montrent à quel point la bienveillance et la patience aident à vivre. A présent que leurs parents sont morts et qu’eux-mêmes ont atteint la cinquantaine, l’accalmie attendue ne s’est pas produite : « Tout me reste à apprendre. »

    Le pépiniériste du village a engagé son frère pour la belle saison, pour l’entretien des plantes, l’arrosage, tâches qu’il accomplit parfaitement. Mais son hygiène corporelle et sa tenue vestimentaire laissent à désirer. L’auteur et sa femme ont bien du mal à y remédier, tant ils rencontrent de résistance. Idem pour les médicaments antipsychotiques prescrits par le médecin ou pour remettre un peu d’ordre dans son petit logement. Un jour où ils se sont mis à ranger un peu, une brique lancée brise soudain la fenêtre et ils entendent « Fous le camp, le fou ! », mais ne trouvent personne dehors. 

    Malgré les difficultés, la complicité profonde entre les deux frères s’exprime dans leurs attentions l’un pour l’autre et aussi dans leurs conversations imprévues sur l’existence. L’auteur est athée, son frère croit en Dieu. Tous les deux ont une conception différente de l’âme et ils en discutent régulièrement. « La lecture me lasse, lâcha-t-il, si en m’autorisant à côtoyer les êtres elle n’ajoute rien à ma compréhension des âmes. Ce roman est un somnifère. »

    Promenades avec le chien, observation des saisons, des oiseaux, des astres, entretien du potager et du jardin, la vie simple à la campagne les apaise, ils y ont des voisins, des amis sur qui compter. La tristesse de son frère, son constat impitoyable sur son état, ne l’empêchent pas d’être reconnaissant. A la pépinière, il déclare un jour : « Des millions d’êtres vivent sans amour. Aucun sans eau. Dans ce jardin, chez toi, tu m’as appris à donner les deux. »

    Le romancier québécois réussit à insuffler un climat poétique et serein dans son récit de leur existence troublée par cette maladie grave et l’angoisse qu’elle suscite. Un critique de La Presse, tout en reconnaissant sa « plume délicate » l’a trouvé trop « distancié ». Gabrielle Napoli y a trouvé « La déchirante douceur du monde » (En attendant Nadeau).

    Outre leurs états d’âme, Jean-François Beauchemin aborde dans Le roitelet la place de l’écriture dans sa vie, le rôle qu’y jouent les vivants, les fantômes, les rêves. Quand son frère a eu terminé la lecture du manuscrit, lui qui avait mis l’écrivain au défi d’écrire un livre où rien ne se passe, lui a dit que « Oui, presque rien n’arrive dans cette histoire, mais tout y a un sens. »

  • Etendre la vie

    Bozar WWSU (14) Pêcheurs.jpgCette œuvre sans titre d’Edward Tingatinga (un bateau de pêche et quatre pêcheurs avec une grosse prise) a été peinte vers 1970, à l’époque où l’artiste tanzanien, au chômage, se servait de peinture pour vélo et de plaques de presse carrées, matériaux bon marché, pour représenter des scènes villageoises, des plantes, des animaux.

    Exposées dès 1970, ses œuvres de style à la fois naïf et surréaliste lui ont apporté un revenu sûr. Son art était si populaire qu’après sa mort (il a été accidentellement abattu par la police en 1972), il a eu de nombreux imitateurs, « l’école Tingatinga » (Wikipedia).

    © Edward Saldi Tingatinga (1932-1972), Sans titre, vers 1970,
    laque sur panneau, Collection Gunter Péus, Hambourg

    Bozar WWSU (56) Homme debout.jpgJ’ai admiré, dans Man standing by the pool (2020 – un demi-siècle plus tard), comment Ian Mwesiga (Ouganda) a joué sur les lignes et sur les angles pour donner à son personnage droit comme un « i » une triple présence avec son reflet dans l’eau et son ombre sur le carrelage.

    When We See Us, en attirant l’attention sur les thèmes choisis, juxtapose des œuvres d’époques différentes, et de plus, très diverses par leurs couleurs, la technique utilisée, la composition.
    Sur le moment, j’ai trouvé cela déconcertant. Certaines auraient pu être mises davantage en valeur.

    © Ian Mwesiga, Man standing by the pool, 2020, huile sur toile,
    150 x 130 cm, Collection privée, Chicago

    « Les artistes font ce qu’ils ont toujours fait : étendre la vie. Les artistes sont là pour donner d’autres perspectives, pour donner des moments de répit. L’art ne va pas changer le monde malheureusement. Je l’aurais bien aimé. Mais l’art peut offrir de la réflexion, de la critique, des possibilités de voir autrement, il offre l'extension de nos horizons, augmente nos capacités de connexions. Je souhaite qu’après avoir vu l’expo, les gens aient une sorte de vie augmentée, avec plus de compréhension, plus de connaissances, car il est sidérant qu’il reste tant d’ignorance en Europe sur l’Afrique. »

    Koyo Kouoh, commissaire de l’exposition avec Tandazani Dhlakama.
    Première femme africaine désignée pour diriger la Biennale de Venise, décédée inopinément en mai 2025

    Guy Duplat, Décès de Koyo Kouoh, commissaire de la prochaine Biennale d'art de Venise, La Libre Belgique, 10/5/2025

    When We See Us, Bozar, Bruxelles > 10.08.2025

  • Expo panafricaine

    When We See Us : Un siècle de peinture figurative panafricaine. Ce sont les dernières semaines (jusqu’au 10 août prochain, de 11h à 19h), pour visiter à Bozar cette exposition qui « explore l’autoreprésentation noire » et rend hommage à la manière dont les artistes noirs peignent « le sujet du corps humain et sa représentation » (Guide de l’exposition). Elle montre plus de 150 œuvres des cent dernières années, d’environ 120 artistes.

    Bozar WWSU (85) Vue partielle.jpg
    Vue partielle sur le thème "Triomphe et émancipation"

    A l’opposé de la série « When They See Us » qui dénonce l’injustice liée aux préjugés raciaux, Koyo Kouoh et Tandazani Dhlakama, commissaires de l’exposition, ont voulu montrer l’expérience noire « vécue et perçue à travers le prisme de la joie » (idem pour toutes les citations), tant en Afrique que dans sa diaspora. Ma première impression, en la découvrant, c’est la grande diversité des peintures présentées côte à côte. J’ai pris parfois des photos de biais pour limiter les reflets, comme pour cette Lectrice (1939)  de William H. Johnson (1901-1970), « considéré comme l’un des artistes afro-américains les plus importants de sa génération ». Sur une chaise en bois, les yeux baissés, absorbée dans sa lecture : un portrait entre réalisme et expressionnisme.

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    William H. Johnson, La lectrice, 1939, détrempe sur papier, Collection Evans

    L’accrochage ne suit ni un ordre chronologique, ni une répartition géographique, ni des affinités esthétiques. Les œuvres se succèdent autour de six thèmes : Le quotidien, Repos, Triomphe et émancipation, Sensualité, Spiritualité, Joie et allégresse. Voyez ces Vendeuses de vin de palme (1965), ce jour de lessive (1945), cette fête d’anniversaire (2021) : les activités ordinaires sont représentées dans des styles très différents.

    Bozar WWSU (8) The Conversation.jpg

    La première œuvre qui me retient vraiment est signée par Zandila Tshabalala (°1999), une jeune artiste sud-africaine, la plus jeune des peintres de cette exposition : The Conversation (2020). Le regard frontal et assuré de cette femme assise les jambes repliées sur un fauteuil de jardin blanc, entourée de verdure, lui donne « dignité et pouvoir ». Elle semble seule, mais il y a deux paires de chaussures sur le sol – est-elle à l’écoute, comme le suggère le titre ? J’aime beaucoup les couleurs de ce tableau, bien présenté sur un mur rouge orangé. (Rouge, vert et noir sont les couleurs du drapeau panafricain.)

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    Thenjiwe Niki Nkosi, Ceremony, huile sur toile, 2020, 115 x 145 cm © the artist. Homestead Collection

    Plus loin, voici Cérémonie (2020) de la sud-africaine Niki Nkosi (°1980) : les personnages enlacés vus de dos, peints dans des couleurs très douces (ils sont plus de trois, regardez bien), forment une composition à la fois graphique et chargée d’émotion. Dans un article sur cette exposition déjà présentée à Bâle, après Le Cap, Guillaume Lasserre donne un commentaire intéressant sur ces « gymnastes se donnant l’accolade ». J’y vois un magnifique symbole du soutien mutuel, que ce soit dans le sport ou dans la vie.

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    ©  Mokgosi, Pax Kaffraria : Graase-Mans, 2014, huile et fusain sur toile

    Le premier thème se poursuit dans la grande salle avec une immense peinture de Meleko Mokgosi. Pax Kaffraria est « un projet en huit chapitres qui aborde des questions d’identité nationale, d’histoire coloniale, de mondialisation, de transnationalité, d’esthétique bélizienne, africaine et post-coloniale » (site de l’artiste). Il peint ici des domestiques en soignant le rendu des corps, des tenues ; le décor est montré plus simplement. Au centre, on remarque les manches tombantes de l’homme au pull blanc et noir à côté de la nounou. (A Bozar, la première peinture du triptyque ci-dessus est à droite des deux autres. En ligne, on les retrouve exposées dans d’autres assemblages.)

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    Johnny Arts, Ozor international barber also specialist in hair dying and shamporing, 1962,
    huile sur contreplaqué, Iwalewahaus, University of Bayreuth

    On connaît l’importance de la coiffure dans la culture africaine. Voici quinze propositions pour hommes par Johnny Arts (Nigeria) en 1962, avec un nom indiqué pour chacune, et six sortes de tresses illustrées, avec les tarifs, près de la tresseuse en action, une peinture (sans date) de Moustapha Souley (Sénégal). (Cela m’a rappelé les histoires de cheveux racontées par C. N. Adichie dans Americanah.)

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    © Katlego Tlabela, Tableau vivant III : Oasis, 2020, acrylique, encre et collage sur toile,
    77 x 231 cm, The Dito Collection

    Sur le thème du repos, une autre grande œuvre panoramique s’intitule « Tableau vivant III : Oasis ». Sur trois toiles juxtaposées (bords intégrés dans la composition), Katlego Tlabela a peint une villa luxueuse avec piscine et court de tennis. Un majordome blanc au costume strict attend le nageur noir qui sort de l’eau. L’artiste montre ainsi « la vie oisive, décadente et romantique des nouvelles classes aisées dans une société sud-africaine postapartheid » (Guillaume Lasserre)

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    © Kudzanai-Violet Hwami, An evening in Mazowe, 2019,
    huile sur toile, 180 x 130 cm

    Conversation entre hommes bien sapés, sieste en solo ou à deux, quelles peintures choisir ? Le magnifique portrait de femme par Kudzanai-Violet Hwami, Une soirée à Mazowe, m’a plu par son atmosphère paisible et par le traitement non conventionnel du décor. Sungi Mlengeya a peint deux amies vêtues de blanc, sur fond blanc, qui ne sourient pas, regardent ailleurs. « Leur délicate étreinte est apaisée, muscles relâchés, mains détendues. Leurs yeux disent à la fois une distance et un défi » (Nicolas Michel dans Jeune Afrique).

    Bozar WWSU (88) Yoyo Lander.jpg
    Yoyo Lander, I can’t Keep Making the Same Mistakes, 2021,
    aquarelle sur papier taché, lavé et collé

    A Bruxelles, on connaît les Congolais Chéri Samba (sa Femme conduisant le monde est en costume d'homme !) et Chéri Chérin, mais les autres ? J’espère que cet aperçu à mi-parcours de l’exposition vous donnera envie de visiter When We See Us, pour la variété et la richesse de la figuration panafricaine et aussi pour remédier à notre ignorance devant tant d’artistes dont même le nom nous est inconnu. Plusieurs de ces peintres m’ont vraiment donné envie de découvrir leur art plus avant, comme Yoyo Lander, artiste californienne aux collages complexes et expressifs (cliquer pour agrandir la photo et apprécier les détails). Elle travaille à partir de morceaux de papier aquarelle teintés individuellement ce grand nu de dos m’a impressionnée.

  • Instants Delerm

    Lire Les instants suspendus de Philippe Delerm, c’est retrouver cette exploration du presque rien dont il s’est fait une spécialité. L’épigraphe me ravit : « Ne vous contentez pas de regarder la campagne romaine, les fêtes vénitiennes ou le visage fier de Charles Ier sur son cheval, mais jetez aussi un coup d’œil au saladier sur la desserte, au poisson dans la cuisine et à la miche de pain croustillant dans l’entrée. » (Alain de Botton, Comment Proust peut changer votre vie)

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    Le « minimalisme positif » (titre de l’essai que Remi Bertrand lui a consacré) ne fait pas de tort. « Sortir du tunnel » propose un premier exercice d’attention à la fois visuelle et tactile de l’espace-temps, à lire ici. « L’octascope » intrigue, quand on ne connaît pas l’instrument. Un arrêt sur première phrase, la « petite boule équivoque » d’un oursin, des chaussures de sport, tout vient à point à qui sait attendre et Delerm est de ceux-là.

    Certains textes donnent envie de les relire immédiatement, pour mieux les goûter : « S’approcher de la rose trémière », par exemple. Bien vues, « ces feuilles de chou trouvées on ne sait trop chez quel fripier », bien observée cette silhouette : « Elle ne s’appuie jamais, elle a sa rigueur, sa dignité. » Et pour une fois la chute – chut –, je l’avais pressentie.

    C’est sympathique d’accorder deux pages à la mouche – « L’été ne serait pas immobile s’il n’enfantait ce dérisoire contre-pouvoir noir ». C’est amusant, après une description de l’art de tenir sa veste sur l’épaule comme Belmondo ou Lino Ventura, de découvrir que certains Italiens ôtent leur veste et la tiennent à deux doigts, « mais devant eux, le bras tendu, écarté du corps » !

    « Miracle de l’instant » rend hommage à Willy Ronis, « le photographe de la surprise, de la découverte, de l’instant », à travers deux prises, cadeaux reçus grâce à « l’attente, le regard, la bienveillance ». Il y a toujours, dans ces recueils de Delerm, de quoi solliciter tous les sens : des moments de gourmandise délicate, des sons ou des bruits qui portent davantage qu’eux-mêmes, ces choses du quotidien qui s’inscrivent dans le tissu de la vie.

    Cet été m’aura décidément portée vers les textes courts, parfaits par ces jours de chaleur et de jeux olympiques. (Deux semaines déjà et je regrette de n’avoir pas pris de notes au jour le jour, pour garder la trace de certains moments, qui ne passeront pas forcément à la postérité au contraire du « vol » de Duplantis à 6 m 25.) On n’est pas surpris de trouver justement ce dernier titre du recueil : « Trouver un sujet de texte court » : « Parfois cela fera sourire, tellement ça semble dérisoire, tellement opposé à ce qu’on appelle un sujet. Mais ce sourire-là dit qu’on est sur la piste. »

  • Insupportable

    Op de-beeck-bien-des-ciels.jpgJOS

    « Je fume et j’observe. Je vois les ciels gris, les oiseaux qui gazouillent tout là-haut, les toits bas des maisonnettes du quartier, toutes aussi petites. La mangeoire du pigeonnier chez le voisin, fabriquée de travers avec des bouts de bois. Soudain, toutes les images ressurgissent. Lentement, dans des couleurs vives. Je n’arriverai jamais à me les sortir de la tête.
    Prends une profonde inspiration. Reste calme.
    Garder des secrets, ce n’est pas difficile, c’est les supporter jour après jour qui est insupportable. »

    Griet Op de Beeck, Bien des ciels au-dessus du septième