« Puisque je vis parmi les humains en ce bas monde, je ne puis me résoudre à un total isolement. Je suis bien obligé, pour une raison ou pour une autre, d’avoir affaire à autrui. […]
Je ne veux pas faire confiance à quelqu’un de mauvais. Mais je ne veux pas non plus blesser quelqu’un de bon. Or, les gens qui apparaissent devant moi ne sont pas tous des méchants et ne sont pas davantage tous des bons. Il faut donc que mon attitude varie en fonction de ceux à qui j’ai affaire.
Cette variation est nécessaire pour tout le monde et du reste tout le monde la pratique. Mais marche-t-on vraiment sans risque sur une ligne singulière et délicate, où aucune erreur n’est permise, en accord parfait avec l’autre ? C’est là que se troublent mes grandes interrogations. »
Sôseki, A travers la vitre
Commentaires
Marcher sans risque parmi les humains...bien sûr que non.
C'est là l'intérêt de découvrir les autres, d'apprendre à chaque fois comment se positionner, réagir.
Une difficulté et de la crainte pour quelqu'un qui n'y est pas habitué, qui vit isolé, c'est vrai.
De là à penser par avance, que les autres vont nous faire du mal, c'est une méfiance un peu exagérée...même si ça peut arriver, bien sûr.
On y aura appris un peu plus sur la nature humaine, non ?
Bonne journée, Tania
Je me suis interrogée sur cette méfiance ou du moins prudence de l'écrivain japonais vis-à-vis de ses semblables. Peu d'affection de ses parents durant son enfance, des années d'enseignement parfois difficiles, et puis ses ennuis d'estomac qui l'ont amené à se replier sur lui-même. Il aimait la solitude, les trop nombreuses sollicitations le dérangeaient. Peut-être aussi se sentait-il étouffé par cette politesse obligée dans la culture japonaise, quels que soient ses sentiments ? Etait-il un peu misanthrope ?
De manière générale, pas de vie sociale, de rencontres sans risques, en effet. Chacun connaît cette variation d'attitude en fonction de ceux à qui on a affaire et se sent parfois en terrain délicat... Merci pour la réflexion, Colo & bonne journée.
Je n'arrive pas à avoir la crainte des autres mais je pense que les personnes plus âgées, ceux qui ont peur de sortir de chez eux car trop solitaires, ou les personnes fragilisées par un deuil, une maladie ou autres peuvent éprouver pareille peur de sortir après être restées trop longtemps hors du monde. Quelle tristesse...Nous avons tant besoin les uns des autres, tant à apprendre des autres, et en particulier de ceux différents de nous ! Joli extrait en tous les cas qui fait réfléchir...
Ne pas faire confiance à quelqu’un de mauvais ni blesser quelqu’un de bon : cette double préoccupation me semble indiquer qu'il a été victime de quelqu'un. Ce n'est pas la peur de l'autre, mais plutôt la difficulté de juger en qui on peut avoir confiance.
Beau plaidoyer, Manou, merci.
Ne pas vivre systématiquement dans la peur, c'est essentiel. En revanche écouter son instinct dans la perception qu'on peut avoir d'une personne inconnue, c'est nécessaire à sa sauvegarde . Se méfier, c'est ne pas faire confiance, par définition. Ca ne veut pas dire qu'on se ferme systématiquement à toute rencontre et pour quelqu'un qui voyage, c'est important de développer cette sorte de sixième sens, qui autorise les rencontres mais peut éviter bien des ennuis.
Chez vous qui voyagez beaucoup et avez rencontré tant de gens, je ne doute pas que ce sixième sens soit particulièrement affûté.
Je vois bien ce qu'il veut dire et je crois que tu as raison lorsque tu penses qu'il a pu être blessé ou avoir de mauvaises expériences. Après ça n'empêche pas de cotoyer les autres, mais on devient plus prudent et le temps nous confirme en général si l'on peut avoir confiance .. ou pas.
Les personnes de confiance sont si précieuses dans notre vie, n'est-ce pas ?
Une amie a été dépouillée en voulant porter secours sur une petite route à une automobiliste. C’était un piège. Elle me dit que malgré le trauma, cela n'a pas entamé sa capacité d'empathie et de confiance envers les autres. Une belle âme.
Bravo à elle d'avoir su préserver cette capacité malgré cette mauvaise expérience.
Jolies interrogations... universelles ?
Il semble que oui.