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histoire

  • L'escalier oublié

    la libre belgique,journal,opinion,simone falanca,l'escalier des juifs,mont des arts,bruxelles,louis titz,aquarelle,histoire,massacre,antisémitismeLe 3 février, une opinion publiée dans La Libre m’a beaucoup intéressée, à propos d’un lieu bien connu dans le centre de Bruxelles, le Mont des Arts. Simone Falanca, auteur et journaliste d’investigation italien, actuellement basé en Belgique, y parle de « L’escalier oublié du Mont des Arts, une histoire enfouie sous le béton ». Au départ, il s’agit d’une aquarelle mise en vente chez Horta le mois dernier : « Rue Ravenstein Bruxelles, vue de l’escalier des Juifs en 1906. Signée et datée: Louis Titz 1906. »

    L’histoire du Mont des Arts et de ses transformations au cours des siècles comporte donc un « escalier des Juifs » méconnu. L’auteur a mené l’enquête et raconte comment « cet escalier avait plus qu’un rôle pratique : il était l’artère d’une communauté ancrée dans la vie économique et sociale de Bruxelles. » J’ai appris ainsi un épisode peu glorieux du XIVe siècle, le massacre de Bruxelles, qui a mis fin brutalement à « la présence juive sur cette colline ». Je l’ignorais.

    Louis Titz, Rue Ravenstein Bruxelles, vue de l’escalier des Juifs, aquarelle, 1906. 

  • Pitié

    Alexievitch Babel.jpg« En Russie, depuis la nuit des temps, on a toujours aimé les forçats, ce sont des pécheurs, mais aussi des malheureux qui souffrent. Ils ont besoin d’encouragement et de réconfort. Il y a toute une culture de la pitié que l’on conserve précieusement, surtout dans les campagnes et les petites villes. Ce sont des femmes simples qui vivent là, elles n’ont pas internet, mais elles se servent de la poste. A l’ancienne. Les hommes boivent et se bagarrent, et elles, elles passent leurs soirées à s’écrire des lettres. Dans ces enveloppes, il y a l’histoire un peu naïve de leurs vies et toutes sortes de petits riens – des patrons de vêtements, des recettes de cuisine, et à la fin, on trouve obligatoirement des adresses de détenus. L’une a un frère en prison, et il a donné les coordonnées de ses camarades. Pour d’autres, c’est un voisin ou un camarade de classe. […]
    Quand on écoute les gens, dans les campagnes, la moitié des hommes ont déjà fait de la prison ou sont en train d’en faire. Et nous, nous sommes des chrétiens, nous devons aider les malheureux. »

    Extraits du récit de la réalisatrice Irina Vassilieva in
    Svetlana Alexievitch, La Fin de l’homme rouge ou Le Temps du désenchantement

  • Fascination du vide

    Passé la trêve des confiseurs, les réunions de nouvel an, avant de le rendre à la bibliothèque, j’ai poursuivi la lecture de La Fin de l’homme rouge ou Le Temps du désenchantement (2013, traduit du russe par Sophie Benech) de Svetlana Alexievitch. La seconde partie, La fascination du vide, rapporte « Dix histoires au milieu de nulle part », durant la décennie suivante : 2002-2012.

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    Vue de Moscou en 2004 : sur la rive gauche de la Moskova,
    Immeuble d'habitation de la berge Kotelnitcheskaïa

    Des années 1990, « les années Eltsine », elle entend dire que c’était une époque heureuse... ou des années désastreuses. Des années 2000, « les années Poutine », qu’elles ont été « grasses… grises… brutales… tchékistes… brillantes… stables… souveraines… orthodoxes… » Loin du rêve d’un « paradis démocratique » après la fin de l'URSS, de nombreux Russes se sont retrouvés « dans un endroit où c’était encore pire qu’avant ».

    Roméo et Juliette s’appelaient Margarita et Abulfaz, dans le récit d’une réfugiée arménienne de 41 ans, née en Azerbaïdjan, à Bakou, au bord de la mer, où « les Azerbaïdjanais, les Russes, les Arméniens, les Ukrainiens, les Tatars… » vivaient ensemble, tous soviétiques, tous parlant russe. A dix-huit ans, au printemps, un grand et beau garçon lui fait la cour – le grand amour qu’elle attendait : Abulfaz, qui est musulman.

    A trente kilomètres de Bakou a lieu en 1988 le pogrom de Soumgaït contre les Arméniens. On rapporte des scènes horribles, là-bas, puis à Bakou même. Quand Margarita, enceinte, se préparera à accoucher, personne ne voudra la prendre en taxi, ni l’accueillir à la maternité. Elle accouchera chez une vieille sage-femme russe dans les faubourgs. Dès qu’elle le peut, sa famille se réfugie à Moscou, avec de faux papiers. Abulfaz ne pourra les rejoindre que sept ans plus tard.

    Devenus des « individus de nationalité caucasienne », ils ne trouvent pas d’appartement à louer – les annonces précisent « pour famille slave », pour « Russes orthodoxes »« Tous les Arméniens de Bakou sont partis en Amérique », sa mère, son père… A l’ambassade des Etats-Unis, on n’a pas voulu croire à l’histoire de Margarita, « trop belle et trop horrible ».

    Les récits se succèdent sur les changements « après le communisme ». Fini le temps où « tout le monde vivait de la même façon ». A la mort de la grand-mère, des inconnus se présentent pour les aider à organiser l’enterrement – leur grande générosité deviendra chantage : ils sont chassés de chez eux, c’est le début d’une errance terrible d’un endroit à l’autre, de conditions de vie impossibles.

    Alissa, 35 ans, raconte dans le train pour Pétersbourg comment elle a fait carrière, se méfiant des hommes qui « considèrent les femmes comme des proies, des trophées de guerre, des victimes ». Ses parents enseignants l’emmenaient à Sotchi en été, lisaient, allaient au théâtre – des « romantiques », juge-t-elle. Elle a gagné Moscou en stop, décidée à réussir dans le nouveau monde de l’argent, même sans amour. « La solitude, c’est un choix. Je veux avancer. Je suis une chasseresse, pas une proie soumise. C’est moi qui choisis. La solitude ressemble beaucoup au bonheur. »

    Une étudiante blessée lors d’un attentat terroriste dans le métro de Moscou témoigne à contrecœur, parce que sa mère insiste. Son regard sur les gens a changé, elle ne se sent plus « aucun lien avec eux ». (Il y a eu des attentats terroristes dans la capitale russe en 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2006, 2010, 2011, note Svetlana Alexievitch.) Les « frères pour l’éternité » de l’époque soviétique sont devenus cruels avec les « étrangers », la violence des « crânes rasés » diffuse tant de « la haine dans l’air » !

    A Moscou en 2004, nous avons regardé les immeubles staliniens sans imaginer qu’en dessous des « nouveaux Russes » enrichis, des Tadjiks et des Ouzbeks vivaient au sous-sol, « dix-sept à vingt personnes par pièce ». Quand l’autrice les rencontre avec un ami journaliste, ils disent leur satisfaction de trouver beaucoup de travail dans la capitale, mais aussi leur peur constante des agressions dans la rue.

    Témoignages du monde des prisons, des lendemains de manifestation…  La Fin de l’homme rouge ou Le Temps du désenchantement de Svetlana Alexievitch, livre lourd de désillusions terribles, se termine avec les « Commentaires d’une femme ordinaire » de soixante ans, fataliste : « Nous, on continue à vivre comme on a toujours vécu. Sous le socialisme, sous le capitalisme… » Pour elle, il faut tenir le coup jusqu’au printemps, jusqu’à la floraison de son lilas.

    S’il fallait un seul mot pour résumer ce « roman des voix », comme l’appelle Svetlana Alexievitch dans un entretien, je choisirais « Souffrances », le titre d’un film évoqué lors d’une rencontre avec sa réalisatrice, Irina Vassilieva. Le Monde, en 2013, parlait de « tombeau littéraire de l’URSS ».

  • En train

    Train W Dessine-moi (55).jpgA l’exposition « Dessine-moi un train ! » de Train World, dont vous pouvez visionner la bande annonce ici, j’ai admiré cet ensemble d’affiches ferroviaires de la SNCB illustrant des destinations belges. 

    Signées Armand Massonet et Herman Verbaere, elles sont placées un peu haut, il faut prendre du recul pour apprécier leur qualité picturale et graphique. Au centre, la Grand-Place de Bruxelles vue du ciel (sur fond noir).

     

    Affiches de la SNCB par A. Massonet et H. Verbaere

     

    Train W Dessine-moi (50).jpg


    Près de voitures historiques qui rappellent les décors fastueux de la Compagnie des wagons-lits, on peut apprécier l’art des verreries de la maison Lalique avec ces panneaux en verre moulé pressé, un joueur de flûte entre deux naïades, au-dessus de luminaires anciens.

     


    Maison Lalique. Panneaux décoratifs "naïades et joueur de flûte",
    reproduction de modèles créés par René Lalique
    vers la fin des années 1920, verre moulé pressé.
    Collection SNCB-Train World Heritage

     

    Moby Train projet56_.jpgA la fin du parcours, de très confortables sièges de train à grande vitesse accueillent les visiteurs pour regarder une vidéo panoramique. On y présente la sculpture monumentale qui prendra place l’année prochaine sur le rond-point du pont Van Praet : Moby Train.

    François Schuiten s’est associé au sculpteur français Pierre Matter pour réaliser cette locomotive baleine qui marquera l’entrée en ville, à proximité du musée, et portera « les valeurs d’une mobilité associée à la nécessité de mieux protéger notre milieu et la vie animale » (Train World).

    © François Schuiten & Pierre Matter, Projet Moby Train
    présenté sur le site Eole.eu

     

  • Dessine-moi un train

    L’exposition en cours à Train World s’adresse aux amateurs de dessin et aux visiteurs de ce fameux musée du train installé dans l’ancienne gare de Schaerbeek, qui a largement de quoi les éblouir, même s’ils ne se passionnent pas a priori pour l’histoire des chemins de fer. Intitulée « Dessine-moi un train ! », elle « explore le travail de treize grands artistes – auteurs de BD, architectes, peintres, affichistes, sculpteurs ou designers – qui ont exprimé, par leur art, la beauté du train et celle de l'univers ferroviaire. » Leurs œuvres sont présentées tout au long du parcours.

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    Affiche de l'exposition par Béatrice Duculot

    Non seulement on peut y découvrir le monde du train vu par André Franquin, François Schuiten, Paul Delvaux, entre autres, mais les visiteurs sont aussi invités à dessiner eux-mêmes dans quatre « zones créatives réparties dans le musée ». On reçoit à l’entrée, si on le souhaite, un crayon avec le fascicule de l’expo où des pages vierges sont réservées à cet usage.

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    Dessins originaux (crayon et aquarelle) de Louis Dela Censerie, architecte de la gare d'Anvers (1894)

    Béatrice Duculot a réalisé l’affiche de l’exposition et les dessins qui décorent les guichets de la grande salle d’entrée où l’on peut admirer en permanence les maquettes des grandes gares belges. Dans le cadre de l’expo, on y expose des dessins préparatoires. Par exemple, des dessins originaux (crayon et aquarelle) de la très belle gare d’Anvers (Antwerpen) par  Louis Dela Censerie (1838-1909) ou, plus récemment, des études à l’aquarelle pour la gare de Liège-Guillemins par Santiago Calatrava (°1951).

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    Pékin-Hankou, La grande épopée 1898-1905, Kana, 2021,
    avec des dessins originaux de Li Kunwu & François Schuiten

    Dès l’entrée dans le grand hall, où les anciennes locomotives font toujours autant d’effet à chaque visite, on aperçoit des dessins sur un écran, des panaches de vapeur qui s’échappent d’un modèle réduit pour illustrer « Le siècle de la vapeur : 1835-1939 ». Il y a là une très belle Locomotive à l’encre de Chine de Li Kunwu (°1955) et plusieurs œuvres coréalisées avec François Schuiten en 2021 pour évoquer l’histoire de la construction de la ligne de chemin de fer Pékin-Hankou et de l’immense viaduc métallique au-dessus du fleuve Jaune.

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    Planche 18 de QRN sur Bretzelburg (1e partie), 1961,
    crayon, encre de Chine, plume de Sommerville, Collection Franquin & Co SA

    Il faut prendre le temps d’observer en détail les planches dynamiques d’André Franquin (Spirou) qui non seulement, à l’aide de nombreux croquis sur le vif, dessine avec justesse le monde ferroviaire où se déplacent ses personnages, mais réussit à rendre le mouvement d’un train en marche, le frottement des roues sur le métal des rails... Autre régal, les formidables onomatopées qui accompagnent ces scènes, avec leur graphisme lui-même en mouvement.

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    Table à dessin devant la "12"

    Et voici l’impressionnante locomotive à vapeur « Type 12 », au fuselage aérodynamique, qui a inspiré à François Schuiten, le scénographe de Train World, un album intitulé La Douce. Juste devant, trois tables à dessin permettent de s’initier à l’art du pantographe. En suivant précisément les lignes déjà tracées, on sera surpris du résultat, même approximatif. A essayer.

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    © Paul Delvaux, Panorama de Watermael-Boitsfort, 1982,
    huile sur toile, prêt à long terme de la commune de Watermael-Boitsfort
    (cliquer pour agrandir)

    Vous vous souvenez, si vous l’avez visitée, de la magnifique exposition « Paul Delvaux, l’homme qui aimait les trains » en 2019. Quatre peintures réalisées en 1963 pour la SNCB, deux Gare la nuit et deux Gare de jour, font à présent partie du parcours permanent. S’y ajoute le très gai Panorama de Watermael-Boitsfort, une toile inédite de 1982 : on y reconnaît la gare, l’église, la maison communale et on sourit devant les voitures ouvertes du tram et les tenues d’une autre époque.

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    Dessiner avec Paul Delvaux (écran de départ)

    Si vous aimez jouer, vous pouvez composer une toile en y insérant des motifs de Delvaux (à capturer au passage sur un écran), et le résultat s’affichera en grand sur le mur en face de vous. Des dessins, des affiches, des peintures, des haltes « (ré)créatives », on ne s’ennuie pas à Train World. L’exposition « Dessine-moi un train ! » est programmée jusqu’au 11 mai 2025.