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histoire - Page 3

  • Quatre prénoms

    Le dernier roman d’Anne Berest, La carte postale, a été largement primé et recommandé dans la blogosphère. Le passage de la romancière à La Grande Librairie en avril dernier m’a tout à fait décidée à le lire. La carte éponyme figure sur la couverture du Livre de Poche, une photo en couleurs de l’Opéra Garnier et au dos, quatre prénoms.

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    Edition en gros caractères (2 volumes)

    Le roman s’ouvre sur l’arrivée de cette carte en janvier 2003 dans la boîte aux lettres de sa mère et l’effroi ressenti par celle-ci en découvrant les prénoms, « ceux de ses grands-parents maternels, de sa tante et de son oncle », tous les quatre morts à Auschwitz en 1942. Le dimanche suivant, toute la famille se rassemble – les parents d’Anne B. et ses sœurs : une photo de l’Opéra dans les années 90, le cachet de la poste du Louvre. Que peut signifier ce message anonyme ?

    Anne Berest, la narratrice, avait alors 24 ans  « et la tête occupée par une vie à vivre et d’autres histoires à écrire ». Ses parents ont glissé la carte dans un tiroir. Ce n’est que dix ans plus tard, quand Anne B. se repose chez ses parents en attendant d’accoucher, que Lélia, sa mère, se met à lui raconter ce qu’elle sait de la vie de ces quatre parents : Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques.

    Dans leur famille, tout commence par un amour contrarié à Moscou, celui d’Ephraïm Rabinovitch pour Anna Gavronsky, fille d’une cousine germaine. On lui cherche une autre fiancée. Ce sera Emma Wolf, la fille d’un grand industriel, venue de Lodz, à plus de mille kilomètres, pour épouser Ephraïm. En avril 1919, les jeunes mariés vont fêter Pessah, la pâque juive, chez les parents d’Ephraïm – Emma est enceinte.

    Ephraïm, socialiste avant tout, n’accorde pas d’importance à la religion, mais il aime cette fête traditionnelle. Ses parents ont exceptionnellement invité tous leurs cousins (sauf les Gavronsky). Le soir de Pessah, après la lecture du récit de la sortie d’Egypte et les prières, son père les surprend. Nachman tient, en tant que chef de famille, à les avertir : il est temps pour eux tous de quitter la Russie où l’antisémitisme renaît, malgré la Révolution. Nachman et sa femme Esther ont décidé de partir en Palestine et voudraient qu’ils les suivent là-bas.

    Emmanuel, leur plus jeune fils, préfère Paris, même si Nachman déconseille l’Europe. Quand Ephraïm sera recherché par la police, il choisira la Lettonie, tout juste indépendante, où les Juifs peuvent s’installer sans problème. Myriam (la grand-mère d’Anne B.) naît à Moscou en août, pendant qu’ils préparent leur départ pour Riga, où naîtra sa petite sœur, Noémie.

    « Terres promises », le Livre I, est le récit par Lélia des péripéties vécues par le couple, lettres et photos à l’appui. Les affaires tournant mal en Lettonie, Ephraïm et Emma vont rejoindre les parents en Palestine. Mais Ephraïm ne se fait pas à ce pays ; ils décident de repartir à Paris où Emmanuel est heureux de ses débuts au cinéma et où naîtra leur troisième enfant, Jacques.

    C’est l’histoire d’une famille heureuse jusqu’au 13 juillet 1942. Ce soir-là, les gendarmes viennent chercher les enfants, Noémie et Jacques. Ephraïm a eu le temps de chasser Myriam dans le jardin. Mariée en 1941 avec le beau Vicente Picabia (fils du peintre), elle ne figurait pas sur la liste. Elle seule survivra à la guerre.

    On n’est pas encore au milieu du roman quand la véritable enquête sur la carte postale débute, au Livre II, « Souvenirs d’un enfant juif sans synagogue ». La mère d’Anne qui s’occupe le mercredi de sa fille Clara, six ans, lui téléphone un soir, inquiète des mots de sa petite-fille : « Parce qu’on n’aime pas trop les Juifs à l’école ». L’image de la carte anonyme reçue par Lélia seize ans plus tôt lui revenant comme un flash, Anne B. veut « coûte que coûte » en retrouver l’auteur. Elle va avoir quarante ans, « cet âge où une force vous pousse à regarder en arrière, parce que l’horizon de votre passé est désormais plus vaste et mystérieux que celui qui vous attend devant. »

    Alors qu’on pensait lire la tragédie d’une famille juive parmi tant d’autres, le roman devient une quête pleine de suspens, de détours prévisibles et de hasards imprévisibles, passionnante, même si tant de pistes n’aboutissent pas. Des informations vont peu à peu permettre à Anne d’avancer, grâce aux archives de sa mère, qui a fait ses propres recherches et mis tant de choses par écrit.

    Dans cette traversée du XXe siècle, on croise autour des Rabinovitch des personnes sympathiques et d’autres beaucoup moins. Le temps d’un livre, Anne Berest rend son épaisseur à la vie de sa famille et reconstruit son histoire, tellement romanesque dirait-on – si elle n’était pas vraie ni si tragique. Formidable !

  • Ce qui suit

    tongres,tongeren,patrimoine,musée gallo-romain,devise,histoire,archéologie,,culturetongres,tongeren,patrimoine,musée gallo-romain,devise,histoire,archéologie,cultureUn peu partout dans le musée gallo-romain de Tongres, on peut lire sa devise, empruntée à Marc Aurèle, empereur-philosophe romain (121-180 apr. J.-C.) :

     

    Τὰ ἑξῆς ἀεὶ τοῖς προηγησαμένοις οἰκείως ἐπιγίνεται
    ou
    « Ce qui suit est toujours lié à ce qui précède. »
    « Wat volgt staat altijd in verband met wat eraan voorafging. »

     

    tongres,tongeren,patrimoine,musée gallo-romain,devise,histoire,archéologie,culture« Il est impossible de comprendre le présent, et encore moins de se projeter dans l’avenir, sans connaître le passé. L’archéologie nous offre une perspective à long terme sur nous-mêmes. Les archéologues comptent en millénaires. Ils étudient les processus de continuité et de changement. » (Site du musée)

    Maquette de Atuatuca Tungrorum dans la salle sur la période romaine

  • En train à Tongres

    Mercredi dernier, j’ai pris à Bruxelles-Nord le train pour Tongres, en bonne compagnie. Tongeren, au sud du Limbourg, en région flamande, est la plus ancienne ville du pays et je ne l’avais jamais visitée, bien qu’elle soit réputée pour son patrimoine et pour son musée gallo-romain qui a reçu le prix du musée européen de l’année en 2011.

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    Rare façade ancienne ayant survécu à l'incendie de 1677
    au-dessus d'un magasin qui abrite encore l'ancien escalier en bois

    En sortant de la gare, on emprunte l’avenue juste en face pour se rendre dans le centre. A la Via Julianus, l’office du tourisme nous a donné un plan avec trois parcours bien jalonnés pour découvrir la ville à l’époque romaine, Tongres la médiévale et Tongres la religieuse.

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    Statue de l'empereur Julien, IVe s.

    Nous sommes d’abord allées au Grote Markt (grand-place) où la statue du héros national attire tous les regards : le rusé Ambiorix, chef des Eburons (Ier siècle av. J.-C.), infligea une sanglante défaite aux légions romaines et réussit à échapper à César.

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    Statue d'Ambiorix sur la Grand-Place / Grote Markt

    Des terrasses de la place, on a un beau point de vue sur la tour-beffroi de la basilique Notre-Dame, qu’une immense grue débarrassait de ses derniers échafaudages. Elle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

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    Portail sud de la basilique Notre-Dame (et accès au Teseum)

    La ville se prépare aux fêtes du Couronnement (« Kroning ») en juillet prochain. « En tant que plus ancien site marial de ce côté des Alpes, des pèlerinages y ont été organisés dès le Moyen Âge. Lorsque la statue de Notre-Dame "Source de notre Joie" a été couronnée en 1890, les habitants de Tongres ont décidé de développer les pèlerinages en fêtes septennales du Couronnement. »

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    Statue de Notre-Dame (noyer, XVe s.) et son formidable décor d'hortensias

    En plus de l’architecture gothique, des vitraux et de l’intérieur remarquables, des autels latéraux finement sculptés, sans parler des grandes orgues, voici le somptueux décor floral réservé à la fameuse statue de Notre-Dame couronnée en 1890 – les drapeaux bleu et or du Kroning flottent déjà partout dans la ville.

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    Vue du couvent de Sainte-Agnès

    Après avoir fait le tour de la basilique, admiré ses façades et portails, nous sommes descendues vers le béguinage Sainte-Catherine. En chemin, j’ai été attirée par le couvent des Filles de Sainte-Agnès : antérieur à 1418, il est un des rares à avoir subsisté. Neuf couvents ont disparu pendant la Révolution française. Au XIXe siècle, l’église a été détruite et le couvent transformé en maison de maître, puis loué et quasi abandonné avant que les autorités flamandes l’achètent et le restaurent.

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    Le printemps dans la cour du couvent de Sainte-Agnès

    Quel endroit paisible ! Tout m’a plu dans le jardin du couvent ouvert aux visiteurs : les arbres fruitiers, les pelouses de pâquerettes et autres fleurettes, les poèmes gravés sur de grandes pierres posées dans l’herbe, les plantes de rocaille sur les toits et les murets le long de la passerelle qui permet d’en faire le tour. Sous un porche, un beau médaillon en relief est daté de 1670.

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    L'agneau est un des attributs de Sainte Agnès, bien qu'il n'y ait aucun rapport étymologique
    entre le grec agnê (à l'origine du prénom Agnès) et le latin agnus (agneau) (Wikipedia)

    Puis voici le Begijnhof aux anciennes maisons de briques avec leur jardinet derrière le mur où sont percées les portes d’entrée. Contrairement aux maisons de bois, celles-ci ont échappé au grand incendie de Tongres en 1677. Les fruits d’un grand verger procuraient des revenus aux béguines. Au XVIIe siècle, leur nombre a quasi doublé : près de 300 ! Il fallait de nouvelles maisons, le verger a disparu. On a planté un tilleul sur la place baptisée « Onder de Linde » (sous le tilleul). Le béguinage a été fermé en 1796, pour en faire un quartier résidentiel. Au XIXe, on y logeait des familles d’ouvriers.

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    Jardinet d'une maison du béguinage, vu à travers le grillage de la porte

    Par la rue Sainte-Ursule, l’itinéraire mène à la tour de la Moerenpoort (porte de Visé), la seule des six portes de la ville qui subsiste de son rempart médiéval long de 4,5 km. L’office du tourisme donne un code pour pénétrer dans la tour qui comporte un petit musée local. Les escaliers donnent accès au toit d’où l’on a une très belle vue sur Tongres et la campagne, région de vergers et de prairies.

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    Entrée du musée gallo-romain

    Il était temps de remonter vers le grand musée gallo-romain. Le parcours chronologique de l’exposition permanente est riche de plus de deux mille objets pour évoquer le passé de Tongres, de l’homme de Neandertal aux Romains : silex, poteries, verreries, outils, tables où l’on peut toucher des objets pour comparer les matériaux, et même personnages en résine grandeur nature. En plus de l’audioguide (adulte ou enfant), des panneaux et de petits films didactiques font vivre tout ce trésor archéologique.

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    Entrée du musée du Béguinage de Tongres,
    classé au titre du patrimoine de l'humanité par l'UNESCO

    Il faudra retourner à Tongres pour visiter les vestiges romains, le Teseum, le musée du béguinage, les alentours… Quelle chance d’avoir eu ce beau temps printanier pour notre excursion !

  • Diversité

    Mak Carte Europe.jpg« L’« Europe » est une notion politique encore neuve, le mot « européen » n’est en usage que depuis les grands voyages de découverte du XVIe siècle, avant lesquels prévalait l’opposition « chrétiens » / « reste du monde ». D’autres sons de cloche se font néanmoins entendre. On peut en effet avoir des doutes quant au sens de toute cette discussion sur « l’identité européenne », et même se demander si cette notion n’est pas en contradiction avec l’histoire même de « l’idée d’Europe ». Car s’il y a bien une caractéristique prégnante de la civilisation occidentale c’est la diversité, et non une identité unique. »

    Geert Mak, Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle

  • Europe 1942-1999

    Commencé en janvier 1999, le voyage de Geert Mak à travers l’Europe du XXe siècle l’a conduit, d’août à décembre, de Stalingrad à Saint-Blimont, de Bénouville à Budapest, de Bruxelles à Dublin, de Berlin à Tchernobyl et enfin de Bucarest à Sarajevo (sans citer les nombreuses étapes intermédiaires).

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    Odessa, Primorsky Boulevard (photo Alex Levitsky & Dmitry Shamatazhi / Wikimedia Commons)

    Les treize pages du témoignage de Winrich Behr (1918-2011) présentent un double intérêt. Elles donnent la mesure des rapports compliqués entre l’armée allemande et Hitler : en janvier 1943,  jeune officier, Behr a été envoyé au quartier général du Führer pour lui faire rapport sur la situation désespérée de leurs troupes sur le front russe, ce qu’Hitler n’était pas très disposé à entendre. Après la guerre, Européen convaincu, Winrich Behr s’est engagé dans la CECA, puis il a été vice-secrétaire général de la Communauté européenne.

    Stalingrad-Volgograd s’étire en ruban le long de la Volga – « Seul le fleuve n’a pas changé. » Geert Mak y cherche les traces de la bataille de Stalingrad et fait le bilan des pertes de l’Armée rouge à la fin de la Seconde Guerre Mondiale : « huit à neuf millions de morts, et dix-huit millions de blessés. De plus, seize à dix-neuf millions de civils y ont laissé la vie. Les estimations du nombre total de morts tournent autour des vingt-cinq millions, soit cinq fois plus que le total des victimes allemandes. Ce sont là des chiffres qui dépassent l’intelligence. »

    A Kiev, un jour férié où les anciens combattants portent leurs décorations, Mak entend leur désarroi : ils ont reconstruit la ville, mais peinent avec leur pension de vingt euros par mois. « Le pays est infesté de bandits et de brigands ! » Les nostalgiques de l’époque soviétique sont furieux contre la corruption et l’abandon des classes laborieuses, se sentent trahis. Irina Trantina, interprète, l’emmène au « Ravin des femmes », de plus de 2 km de long, profond de 50 m. Après la prise de Kiev (1941), les 33771 juifs de la ville qui avaient reçu l’ordre « de se préparer à partir pour la Palestine » y ont été tués par balles – Kouznetsov a raconté ce massacre dans Babi Yar (nom du lieu en russe) – suivis de beaucoup d’autres.

    A Odessa, « sur le plus beau boulevard du monde », l’historien décrit la vue, les rues « d’allure XIXe », raconte le déclin du port. Il situe dans cette ville, dont il était déjà amoureux avant d’y aller, la frontière la plus nette du continent européen, la ligne de fracture entre peuples chrétiens d’Occident et cultures orientales. Odessa, mi-française, mi-italienne, si européenne.

    Sur le bateau qui l’emmène à Istanbul, l’auteur pense à Orhan Pamuk (je retire Le Livre noir de ma bibliothèque). A la tolérance de l’empire ottoman a succédé le nationalisme au XIXe siècle, « l’épuration ethnique contre les Grecs », le génocide arménien. La ville est devenue moins cosmopolite, plus provinciale. Voilà Geert Mak à Anógia (Crête), rasé en 1944, « village résistant ». Puis à  Argostoli où il rencontre la « Grande Dame » de l’île de Céphalonie et consulte les archives du musée sur le massacre massif d’Italiens par les Allemands. Encore une histoire oubliée par l’Histoire officielle.

    Puis il remonte l’Italie dans le sillage des troupes alliées. On oublie parfois que le premier débarquement a eu lieu en Sicile, suivi d’autres dans le Sud. Sortant du tunnel de Fréjus, Mak constate : «  Mais de ce côté des Alpes, la lumière a elle aussi disparu, l’éblouissante lumière de l’Italie. Je me prends à penser que l’Europe connaît encore une ligne de partage primordiale, celle de la lumière. » Vichy – Pétain – la Résistance – le serment des chemises noires de la Milice française : « Je jure de combattre la démocratie, la dissidence gaulliste et la lèpre juive. » Oradour-sur-Glane...

    Il y a tant de pages auxquelles on voudrait faire écho, sur le Débarquement en Normandie et un autre, moins connu, en Hollande. Villes bombardées par les Allemands, puis par représailles, Cologne, Berlin, « toutes les vieilles cités rhénanes en cendres », Dresde. La raison des bombardements de masse est toujours la même : démoraliser l’ennemi. 41 millions d’Européens sont morts durant la Seconde Guerre. Partout, Mak rencontre des gens et les écoute.

    En 1951, la prospérité revient en Europe occidentale, l’Etat-Providence s’ébauche, les empires coloniaux se terminent, sauf en France (Indochine, Algérie). En riposte à la fondation de l’OTAN en 1955, le Pacte de Varsovie et la guerre froide font passer l’URSS dans le camp ennemi. De 1948 à 1989, ce sont des années « lugubres » pour l’Europe centrale et orientale.

    Geert Mak n’est pas tendre pour Bruxelles, une ville qui « ne dévore pas ses habitants mais se dévore elle-même ». Il la rapproche d’Odessa, on s’y sent « près des grandes lignes de faille entre le Nord et le Sud de l’Europe ». A Sint-Joris-Weert (Brabant flamand) et, de l’autre côté du viaduc, à Nethen (Brabant wallon), après la scission de la province de Brabant, il constate que les Belges mènent la même vie, mais que leur univers mental se nourrit à un système culturel différent.

    Les années soixante voient la jeunesse européenne se rebeller, des groupes terroristes émerger. Les soixante-huitards ne recherchaient pas vraiment le pouvoir, « mais le pouvoir de la critique, le pouvoir « d’avoir raison », mais pas le pouvoir lié à la gestion quotidienne des affaires, où l’on se salit les mains. » En 1972 (il y a cinquante ans), le Club de Rome appelait à imposer des limites à la croissance : « La planète n’est pas assez vaste et ses ressources ne sont pas suffisantes pour tolérer plus longtemps le comportement égocentrique et agressif de ses habitants. »

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    La suite (1999-2022)

    Sur les dernières décennies, Voyage d’un Européen dans le XXe siècle offre des rappels et points de vue qui incitent à la réflexion. Geert Mark souligne les réussites de l’Union européenne, ses manques aussi. Bien sûr, « L’Europe ne peut tenir tout entière dans un seul livre », écrit-il. Deux index – de noms, de lieux – sont précieux pour retrouver ses chats dans cet ouvrage phénoménal.