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Haïkus de printemps

Après Oreiller d’herbes, voici Haïkus de Natsumé Sôseki (traduits du japonais par Elisabeth Suetsugu), cent-trente-cinq haïkus choisis dans son œuvre poétique où ils abondent. Ces poèmes en trois temps sont présentés dans l’ordre chronologique « pour échapper à la fixité d’une classification par thèmes » (E. S.), une intention que je suis bien consciente de trahir en optant ici pour le printemps. De nombreuses aquarelles et calligraphies de Sôseki (1867-1916) ajoutent au charme de ce petit recueil.

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En couverture : motif de la couverture des Œuvres complètes de Sôseki publiées par les éditions Iwamani.
L’écrivain était séduit par l’aspect insolite des kanji (caractères chinois),
reproduction du « calque » d’une inscription sur pierre de la Chine ancienne.
(Cette édition ne met pas de tréma sur le « i » de « haiku », à la façon anglaise.)

Sur l’aile du vent
Légère et lointaine
L’hirondelle

(1894)

Akiyama Yutaka a dirigé aux éditions Iwanami la dernière collection en date des Œuvres complètes de Sôseki (vingt-huit volumes, dont l’Œuvre poétique au volume 17, plus un à part, en 1999). Dans sa préface, « Le dicible et l’indicible », il écrit : « Même après s’être affirmé en tant qu’« homme de lettres », Sôseki n’a jamais cessé de porter un poids tout au long de sa vie, déchiré jusqu’au bout entre la volonté de tout exprimer et la conscience de ce que le cœur renferme d’inexprimable. »

Estampe patinée par le temps
Il pleut sur Edo
Averse de printemps

(1896)

Un de ses disciples, Terada Torahiko, physicien et essayiste, se souvient qu’à sa question : « Qu’est-ce qu’un haïku ? », Sôseki avait répondu : « en premier lieu, le haïku est un concentré de rhétorique, en second lieu, il est un univers irradiant à partir d’un point focal, comme le rivet d’un éventail qui permet de maintenir ensemble toutes ses branches. » Son ami Masaoka Shiki, grand maître dans cet art « qui abhorre l’expression directe du sentiment », l’a initié à la composition des haïkus et il appréciait l’originalité de Sôseki dans cette forme poétique.

Vent d’est vent de printemps
Si je savais que tu m’attends
M’en irais de suite

(1896, sur une carte adressée à Masaoka Shiki.
A la mort de celui-ci en 1902, Sôseki composera cinq haïkus à sa mémoire.)

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Sôseki, Glycine, 1915

Le raffinement poétique du haïku échappe en grande part aux Occidentaux, explique bien Maurice Mourier dans Petits haïkus : grands poèmes, à propos des Journaux de voyage de Bashô et de L’esprit du haïku suivi de Retour sur les années avec le maître Sôseki de Torahiko Terada. Pour ce premier billet de mai, j’en extrais ceci, une des raisons qui nous y rendent si sensibles aujourd’hui : « Mais c’est l’importance démesurée du rapport à la nature au sens le plus large (vie animale, présence de l’arbre et de la fleur, météorologie, beauté des paysages, harmonie de la terre et du ciel) qui donne à ces textes si succincts leur coloration unique. »

Dans la plaine acidulée
Un ruisseau ondule
Miroitement du colza en fleur

(1894)

Le temps s’étire
Soirée de pluie printanière
Et moi je songe

(1897)

Jardin au crépuscule
Sans allumer la lampe ni tirer le volet
Je reste à contempler les fleurs

(1899)

Commentaires

  • Ce recueil est toujours sur ma pile de lecture , j'aime y revenir de temps en temps ... et goûter ces instants d'éternité qui éclosent au fil des pages.

    Un haïku de Sôseki que j'aime beaucoup :

    sans savoir pourquoi
    j'aime ce monde
    où nous venons pour mourir

  • Bonjour, Andrée. Des "instants d'éternité", c'est vrai, à garder sous la main. Merci pour ce haïku.

  • Ah celui- là que je n'ai pas lu semble franchement beau! Quelle évasion que les mots; ce sont des caravelles sur lesquelles partir....Merci, merci!
    Bonne nouvelle semaine !♥

  • Il l'est, et les illustrations y mettent des échos colorés qui me plaisent beaucoup. Bon mois de mai, Anne.

  • Quand je lis un haïku j'ai le sentiment d'avoir par les mots une porte d'entrée vers ce que Schopenhauer appelle "l'oeil unique du monde". Euh bon : remarque certes pas très originale mais l'expérience elle, est toujours profonde et émouvante. Merci donc Tania, pour ce parcours japonais fort bienvenu en effet au printemps.

  • J'en garde au chaud pour les autres saisons. Avec plaisir, Ariane.

  • Ce recueil est dans ma bibliothèque et je le reprends de temps à autre, selon l'humeur et l'envie. Grâce à ton billet, je vais y picorer ce soir, merci.

  • Tu as raison, le rouvrir et redécouvrir...

  • Le haïku par sa sobriété et sa concision nous mène à une poésie...qui me touche beaucoup. Je n'ai pas ce livre, je l'inscris direct sur la note des courses de demain !
    Merci Tania pour ce monde grand ouvert sur les livres que tu nous offres depuis ton clavier ! Bises.

  • Chaque haïku est un concentré de plénitude. Bonne soirée.

  • Le monde est magnifique, avec 17 syllabes, trois lignes et quelques brins de nature, tu pénètres dans un autre univers, c'est un enchantement !!! Merci Tania, douce soirée de lecture à toi, je t'embrasse. brigitte

  • Merci, Brigitte.

  • Lire quelques mots, puis imaginer le cadre, le paysage, le ressenti. Le travail du poète, puis celui du lecteur qui doit se mettre en situation.
    J'avoue que parfois j'ai du mal quand la nature ou la réalité évoquée m'est peu familière, ce qui n'est pas le cas dans ceux que tu as choisis.

    Tiens je t'en mets un autre qui m'enchante:
    Durante todo el día,
    Aunque no tan largo para la alondra,
    Cantando, cantando

    Matsuo Bashô

    (alondra est hirondelle, aunque= bien que...le reste tu comprends, non?)

  • Gracias por la alondra... y por todo. Buen día, Colo.

  • Plus je lis et médite sur les haïkus et plus je m'impatiente à la lecture des poètes romantiques. Merci pour cette présentation !

  • Avec plaisir, Lazuli biloba.

  • Bonjour Tania, j'ai ce livre dans ma bibliothèque, et comme les autres livres de haïkus j'aime m'y replonger régulièrement. à bientôt.

  • Bonsoir, Claude, quel plaisir de te retrouver ici. Nous voilà d'accord sur ces haïkus de Sôseki. A bientôt.

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