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calligraphie

  • Petite dame nue

    Bruxelles, La Cambre, 1947

    alechinsky,pinceau voyageur,exposition,villa empain,bruxelles,peinture,art,écriture,gravure,calligraphie,orient,peintre belge,culture« Séance de modèle vivant. Il y avait une petite dame nue que nous devions dessiner. J’aimais bien travailler à l’encre de Chine avec un pinceau. Le professeur : « Ici, pas de pinceau, mais un crayon bien taillé. Une seule ligne sans lever la mine du papier. » J’acceptai d’obéir. Il m’en a fallu du temps, pour retrouver ce qu’il venait de me faire perdre. »

    Pierre Alechinsky

    © Pierre Alechinsky, A La Cambre, 1946,
    encre sur papier, collection privée 

    2024

    alechinsky,pinceau voyageur,exposition,villa empain,bruxelles,peinture,art,écriture,gravure,calligraphie,orient,peintre belge,culture« J’étends le papier au sol et il m’attend. Les couleurs emplissent nombre de bols identiques. J’en connais le poids. Ma main droite les tient à tour de rôle. Chez moi, c’est la gauche, ma meilleure main, qui tient le pinceau.
    – Quel pinceau ?
    – Un pinceau japonais. Neuf centimètres de poils de chèvre montés sur dix-neuf centimètres de bambou premier choix. Ainsi passons-nous, pinceau et moi, indifféremment du dessin à la peinture et de la lithographie à l’eau-forte. »

    Pierre Alechinsky

    © Pierre Alechinsky, Matériel minimum, 1988,
    encre sur papier du XIXe siècle, collection privée

    Alechinsky, pinceau voyageur, Villa Empain, Bruxelles > 16.03.2025

  • Pinceau voyageur

    Alechinsky, pinceau voyageur, à la Villa Empain, rassemble une centaine d’œuvres, de 1947 à 2024. Les peintures exposées datent d’avant, pendant et après Cobra, jusqu’à aujourd’hui. Je suis toujours heureuse de retrouver cet artiste belge peintre et graveur qui vient de fêter ses 97 ans ; il arrive chaque fois à me surprendre – ses œuvres ne permettent pas de tout saisir d’un seul regard, il faut prendre le temps de les regarder, laisser l’œil s’y promener.

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    © Pierre Alechinsky, Vocabulaire, 1986, 
    Acrylique et estampage sur papier marouflé sur 8 toiles (Photo Silvia Cappellari)

    Surprise de trouver cette fois le grand hall vide – excepté, au bout, sous la verrière, l’étonnant clavecin décoré par Pierre Alechinsky –, j’y ai remarqué de nouveaux éléments décoratifs : un grand vase sur une armoire étonnante, à droite, et à gauche de superbes luminaires de part et d’autre du café de la villa.

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    Attiré par l’Orient, Alechinsky se passionne pour la calligraphie au Japon en 1955.  A New York en 1965, influencé par le peintre Walasse Ting (d’origine chinoise), il passe de la peinture à l’huile vers l’acrylique sur papier posé à plat sur le sol, pour peindre penché en avant, « un pinceau dans la main gauche ; un bol de couleur ou d’encre dans la main droite » (Guide du visiteur). En 1988, en Chine, il réalise des estampages selon cette technique chinoise ancestrale.

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    © Pierre Alechinsky, Alvéoles, 1972, acrylique sur papier marouflé sur toile, collection privée
    (dimensions non indiquées sur les cartels)

    Au grand salon, face aux fenêtres, Alvéoles défie les visiteurs : drôles de têtes, drôles de bêtes, un volcan, un nu féminin et un éléphant vert, un serpent, des yeux partout – il y a de quoi inventer des histoires. Dans l’autre salon, l’immense et magnifique Vocabulaire en bleu et crème (ill. 1), huit grands panneaux de 280 x 80 cm réunis, offre case par case les motifs de l’univers du peintre. Je pensais les connaître (ils figurent dans le catalogue d’Ostende, 2000) et, incroyable, j’y vois pour la première fois un lecteur ! A moins que ce soit un dessinateur devant sa feuille ?

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    © Pierre Alechinsky, Vocabulaire, 1986, détail

    De 1980 à 2004, Alechinsky a travaillé avec le céramiste Hans Spinner à Grasse. « Rapidement, plaques de lave carrées ou circulaires accueillent dans la même fluidité que le papier, la pierre lithographique ou la plaque de gravure, volcans ou chutes d’eau, Gilles de Binche, ondulations des vagues ou astres en mouvement. » (Daniel Abadie in Guide du Visiteur) Dans l’escalier, des laves émaillées ont été accrochées sur les côtés. Deux belles laves rondes se font face sur les coursives à l’étage.

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    Vue de l'escalier : douze laves émaillées d'Alechinsky
    de part et d'autre de Lumière née de la lumière de Bang Hai Ja
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    © Pierre Alechinsky, Sauve qui peut, 2001,
    lave émaillée chez Hans Spinner, collection privée

    Dans la première chambre, ses débuts : une petite encre que je montrerai prochainement ; une grande encre sur toile, Mes pays ; en vitrine, une revue japonaise de calligraphie, une eau-forte, Les ombres sur la plage ; des œuvres des années 1950, quand il pratique comme pour Le feu « une forme de all-over « organique » semi-abstrait, où ce sont le plus souvent des composants qui se réfèrent à la nature qui occupent toute la surface de la toile » (Itzhak Goldberg, dans un article passionnant signalé par Colo).

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    © Pierre Alechinsky, Ink, 1988, eau-forte, collection privée

    Plutôt que les encres sur pages d’atlas (voir Palimpsestes, La Louvière, 2017) ou sur carte de navigation aérienne de la salle suivante, j’ai envie de vous montrer Ink, une eau-forte accrochée près de l’entrée de la salle de bain bleue. Sous les lunettes du peintre (en rouge), des volutes s’échappent de la bouteille d’encre et se déploient comme une plante (qui aurait des yeux), un pinceau est posé devant.

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    © Pierre Alechinsky, Les livres délivrent, 1991, grès modelé par Hans Spinner, collection privée

    Surprise dans la salle de bain : Alechinsky a répété en miroir Les livres délivrent sur un « livre » en grès modelé par Hans Spinner, posé sur un trépied. Dans le même esprit, sur des étagères, vingt-six plus petits « livres » plus ou moins ouverts, des porcelaines du même céramiste (1994 à 2006), portent des inscriptions et des dessins variés en noir & blanc, souvent ingénieux – « Il faut tenir les siens en liesse ». Des objets rarement montrés, à découvrir.

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    © Pierre Alechinsky, Le Goût du Gouffre, 1981-1982,
    acrylique sur papier marouflé sur toile avec bordure à l'encre de Chine, 153 x 240 cm, collection privée

    Ensuite des œuvres en rouge et noir (dont Lieu-dit aux lignes raides inhabituelles dans les marges) et d’autres couleurs, des estampages encore, des peintures à l’acrylique et à l’encre. Tantôt (depuis Central Park) l’espace central est en couleurs et les « remarques marginales » à l’encre, tantôt c’est l’inverse, comme Alechinsky l’a dit lui-même (voir la dernière illustration ici). Autour du sujet central en noir, bien plus tard, il osera la bordure en couleurs au lieu des habituels dessins cloisonnés.

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    Vitrine présentant Le bleu des fonds de Joyce Mansour
    illustré par Pierre Alechinsky

    Le travail d’Alechinsky comme illustrateur est aussi montré à l’exposition, il accompagne des auteurs comme Salah Stétié, Amos Kenan ou Joyce Mansour. Dans le boudoir où se termine le parcours sont exposées des estampes de 5 dans ton œil de Salah Stétié, poète et écrivain franco-libanais, visibles & lisibles en ligne.

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    © Pierre Alechinsky, Lame de fond, 2011, encre et acrylique marouflé sur toile, Galerie Lelong & Cie

    Juste avant l’exposition (jusqu’en mars 2025 à la Villa Empain), Roger Pierre Turine a rencontré Pierre Alechinsky dans son atelier de Bougival. Il écrit dans La Libre qu’« Alechinsky trouve ici sa place. Gaucher de naissance, il fut toujours fasciné par l'Orient et une écriture qui, articulée de droite à gauche, le galvanisa. » Et aussi : « Ce qui confère à l'accrochage sa valeur fondamentale : on y comprend la force plastique d'un travail toujours remis sur le métier. »

  • Haïkus de printemps

    Après Oreiller d’herbes, voici Haïkus de Natsumé Sôseki (traduits du japonais par Elisabeth Suetsugu), cent-trente-cinq haïkus choisis dans son œuvre poétique où ils abondent. Ces poèmes en trois temps sont présentés dans l’ordre chronologique « pour échapper à la fixité d’une classification par thèmes » (E. S.), une intention que je suis bien consciente de trahir en optant ici pour le printemps. De nombreuses aquarelles et calligraphies de Sôseki (1867-1916) ajoutent au charme de ce petit recueil.

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    En couverture : motif de la couverture des Œuvres complètes de Sôseki publiées par les éditions Iwamani.
    L’écrivain était séduit par l’aspect insolite des kanji (caractères chinois),
    reproduction du « calque » d’une inscription sur pierre de la Chine ancienne.
    (Cette édition ne met pas de tréma sur le « i » de « haiku », à la façon anglaise.)

    Sur l’aile du vent
    Légère et lointaine
    L’hirondelle

    (1894)

    Akiyama Yutaka a dirigé aux éditions Iwanami la dernière collection en date des Œuvres complètes de Sôseki (vingt-huit volumes, dont l’Œuvre poétique au volume 17, plus un à part, en 1999). Dans sa préface, « Le dicible et l’indicible », il écrit : « Même après s’être affirmé en tant qu’« homme de lettres », Sôseki n’a jamais cessé de porter un poids tout au long de sa vie, déchiré jusqu’au bout entre la volonté de tout exprimer et la conscience de ce que le cœur renferme d’inexprimable. »

    Estampe patinée par le temps
    Il pleut sur Edo
    Averse de printemps

    (1896)

    Un de ses disciples, Terada Torahiko, physicien et essayiste, se souvient qu’à sa question : « Qu’est-ce qu’un haïku ? », Sôseki avait répondu : « en premier lieu, le haïku est un concentré de rhétorique, en second lieu, il est un univers irradiant à partir d’un point focal, comme le rivet d’un éventail qui permet de maintenir ensemble toutes ses branches. » Son ami Masaoka Shiki, grand maître dans cet art « qui abhorre l’expression directe du sentiment », l’a initié à la composition des haïkus et il appréciait l’originalité de Sôseki dans cette forme poétique.

    Vent d’est vent de printemps
    Si je savais que tu m’attends
    M’en irais de suite

    (1896, sur une carte adressée à Masaoka Shiki.
    A la mort de celui-ci en 1902, Sôseki composera cinq haïkus à sa mémoire.)

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    Sôseki, Glycine, 1915

    Le raffinement poétique du haïku échappe en grande part aux Occidentaux, explique bien Maurice Mourier dans Petits haïkus : grands poèmes, à propos des Journaux de voyage de Bashô et de L’esprit du haïku suivi de Retour sur les années avec le maître Sôseki de Torahiko Terada. Pour ce premier billet de mai, j’en extrais ceci, une des raisons qui nous y rendent si sensibles aujourd’hui : « Mais c’est l’importance démesurée du rapport à la nature au sens le plus large (vie animale, présence de l’arbre et de la fleur, météorologie, beauté des paysages, harmonie de la terre et du ciel) qui donne à ces textes si succincts leur coloration unique. »

    Dans la plaine acidulée
    Un ruisseau ondule
    Miroitement du colza en fleur

    (1894)

    Le temps s’étire
    Soirée de pluie printanière
    Et moi je songe

    (1897)

    Jardin au crépuscule
    Sans allumer la lampe ni tirer le volet
    Je reste à contempler les fleurs

    (1899)

  • Rivière et ciel

    le clézio,le flot de la poésie continuera de couler,essai,littérature française,poésie chinoise,tang,li bai,du fu,histoire,culture,peinture,calligraphieRivière et ciel d’une seule couleur
    Sans une ombre de poussière

    Brillante au milieu de l’éther
    La roue de lune solitaire

    Sur ce rivage, qui est le premier homme
    A avoir aperçu la lune ?

    Lune au-dessus de la rivière, en quelle année
    Avez-vous éclairé les hommes pour la première fois ?

    La destinée des hommes d’âge en âge
    Ne connaît jamais de fin

    Lune au-dessus de la rivière, année après année
    Vous êtes toujours la même

    Qui sait quelle âme attend
    La lune au-dessus de la rivière ?

    On ne voit que le long fleuve
    Emporter sans cesse ses eaux

    Zhang Ruoxu (660-720),
    Printemps, rivière, fleur, lune, nuit

    in J.M.G. Le Clézio, Le flot de la poésie continuera de couler

    Wou Tao-tseu ? Paysage. Chine, 8e s. Lavis sur soie. H. 98 cm