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sculpture - Page 10

  • Devenir Matisse

    Devenir Matisse, la belle exposition du musée Matisse dans la ville natale du peintre, Le Cateau-Cambrésis, vient de fermer ses portes. La semaine dernière, ce parcours dans les années de formation du peintre m’a enchantée : j’y ai vu beaucoup d’œuvres que je ne connaissais pas, peintures et sculptures prêtées par d’autres musées et de collections particulières, en France et à l’étranger.

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    Deux autoportraits de Matisse (1900 / 1918)

    Le Journal de l’exposition est disponible sur le site du musée. Après le rappel des origines et de la révélation qu’a été la peinture pour l’étudiant en droit de vingt ans lors d’une convalescence, on y suit le séjour de Matisse à Paris où il fréquente des académies, des ateliers, des écoles. Ce sont les cours de Gustave Moreau, qui encourage ses élèves à copier les grands maîtres au Louvre, qui vont le faire progresser le plus. Vers 1894, il s’y lie d’amitié avec Evenepoel, dont La petite Matisse (1896), un portrait de sa fille, contraste avec celui que Matisse a fait de son fils Pierre (1909), à la modernité patente. Quelle évolution aussi de son Autoportrait de 1900 à celui de 1918 !

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    Evenepoel, La petite Matisse, 1896 (Musée Dhont-Daenens, Deurle)
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    Matisse, Portrait de Pierre, 1909

    De deux natures mortes aux livres peintes en 1890,  retrouvées dans le grenier de la maison familiale, Matisse dit : « On est dans tout ce qu’on fait, dans ses premières toiles aussi bien que dans ses dernières. » Près de Jeune fille lisant de Corot est accrochée La liseuse de Matisse de 1895, de facture encore classique, qu’on peut comparer à une Etude de Marguerite lisant de 1906 – à nouveau le grand écart entre son travail d’avant et d’après 1900.

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    Corot, Jeune fille lisant, vers 1868 (National Gallery of Art, Washington)
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    Matisse, La liseuse, 1895

    Il lui a fallu beaucoup de persévérance dans les dernières années du XIXe siècle. A Paris, Matisse a dessiné dans la rue avec Marquet. De belles encres de Chine de l’un et de l’autre montrent des passants, des carrioles, des chevaux, des autoportraits. Ce travail sur le vif les a beaucoup aidés. Aux grands dessins de nus d’académie succèdent de nombreuses copies réalisées au Louvre : des natures mortes, des antiques, puis Chardin, Philippe de Champaigne, Ribeira…

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    Devenir Matisse, "Les copies au Louvre"

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    Chardin, La Pourvoyeuse, 1739 (Le Louvre, Paris) / Matisse d'après Chardin, 1896-1903

    La grande nature morte de Jan Davidsz. de Heem, La Desserte, que Moreau lui a conseillé de copier, lui donne un mal fou. C’est passionnant d’observer, à côté de la peinture prêtée par Le Louvre, la copie qu’en fait Matisse (Musée Matisse de Nice) et puis la reprise de ce sujet d’une façon tout à fait moderne, presque cubiste, en 1915,  « amplifiant la présence des lignes de construction du tableau et s’affranchissant totalement de la réalité » (Journal de l’exposition). De grands bronzes sont présentés de salle en salle : le Louvre a prêté entre autres le magnifique Apollon de Piombino et Jaguar dévorant un lièvre de Barye près de sa copie par Matisse.

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    Jan Davidsz. de Heem, La desserte, 1640 (149 x 203 cm)

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    Matisse, Nature morte d'après La Desserte de Jan Davidsz. de Heem, 1915 (MOMA, New York)

    Les voyages vont considérablement l’influencer. D’abord en Bretagne, à Belle-Ile-en-Mer, avec son voisin à Paris, le peintre Wéry. Deux vues de Paris peintes dans les années 1900 illustrent un changement radical dans le choix des couleurs, plus lumineuses, avec l’irruption du blanc dans sa peinture. Inspiré par les aquarelles de Turner, les tableaux de Monet, Matisse abandonne la palette des maîtres anciens.

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    Matisse, Belle-Ile-en-Mer, pochade, 1896 (Collection particulière)

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    Matisse, Vue de Notre-Dame, 1904 (Collection particulière)

    En 1904, « grâce à Signac qui leur trouve une location à bas prix », Matisse découvre Saint-Tropez, puis Collioure. Divisionnisme, fauvisme : « Voici les idées d’alors : construction par surfaces colorées. Recherche d’intensité dans la couleur, la matière étant différente. » Comme en témoignent une petite toile superbe de Manguin (collection particulière), Cavalière, femme endormie ou une aquarelle de Cross, Etude pour le Cap Layet.

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    Matisse, Paysage de Saint-Tropez au crépuscule, juillet 1904 (Collection de Bueil & Racct-Madoux, Paris)

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    Henri Manguin, Cavalière, Femme endormie, printemps-été 1906 (Collection particulière)

    Que de belles choses à cette exposition, de Matisse et d’autres ! Elle continue au premier étage, avec des  portraits, des bronzes, des œuvres d’élèves de Matisse dans la section appelée « La transmission ». Mais l’Académie ouverte un temps par Matisse à Paris, fréquentée surtout par des élèves nordiques, ne durera pas, elle ferme en 1911. Cela lui prend trop de temps et d’énergie, il choisit d’être peintre et non professeur.

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    Max Weber, Les Baigneuses, 1906 (Collection particulière)

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    Aperçu de la collection permanente

    Retrouver ensuite les Matisse du musée – peintures, dessins, sculptures – est chaque fois un grand plaisir. La collection permanente vaut par elle-même le voyage dans cette ville du Nord où Matisse est cité et illustré de tous côtés. On ne peut quitter le musée Matisse sans revoir la magnifique collection Tériade dont je vous ai déjà parlé (Rouault, Léger, Chagall…). Les restaurants en face du musée affichant complet, nous avons trouvé une table accueillante un peu plus haut, à l’Hostellerie du Marché, qui propose une cuisine fraîche et bio.

  • Dénominateur commun

    kiki smith,entre chien et loup,exposition,la louvière,centre de la gravure,corps,nature,vivant,peinture,sculpture,culture« Le corps est notre dénominateur commun, la scène de notre désir et de notre souffrance. Je veux exprimer par lui qui nous sommes, comment nous vivons et nous mourrons. »

    Kiki Smith

    Kiki Smith. Entre chien et loup,
    Centre de la Gravure
    et de l’image imprimée,
    La Louvière > 23.02.2020

    © Kiki Smith, Sittng with a Snake, 2007, estampe numérique sur soie,
    175 x 124 cm, Paris, collection Galerie Lelong

     

  • Exposition Kiki Smith

    De Kiki Smith, en entrant au Centre de la Gravure et de l’image imprimée à La Louvière, je n’avais que deux images en tête : un Nocturne vu à la Villa Empain l’an dernier et l’illustration qui accompagne l’article de Roger Pierre Turine dans La Libre Belgique. Une très belle photo d’elle en noir et blanc accueille les visiteurs de l’exposition Kiki Smith. Entre chien et loup au Centre de la Gravure.

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    « Le titre de l’exposition de Kiki Smith évoque cette heure particulière du passage du jour à la nuit, ce moment où le chien est placé à la garde du bercail et où le loup profite de l’obscurité pour sortir du bois ! Toute l’œuvre de Kiki Smith oscille entre lumière et obscurité, glisse de la quiétude d’une nature apprivoisée à une animalité indomptable pour entrer dans le monde de la nuit, cet instant particulier où plaisir et peur se rejoignent. » (Catherine De Braekeleer, directrice du CGII)

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    © Kiki Smith, Tattoo Print, 1995, sérigraphie, 51 x 76 cm,
    La Louvière, Centre de la Gravure et de l'image imprimée

    D’emblée, Tattoo Print illustre ses thèmes de prédilection : le corps féminin, intérieur et extérieur, visage et sexe ; la nature, animale et végétale, ici des papillons et des fleurs. Des mots s'y répètent comme des mantras (Sweet, Lucky, Special…). Une série de douze estampes, Banshee Pearls, multiplie les surimpressions de son visage à différents âges, les distorsions, les contrastes. Tout près, un bronze intitulé Fontaine de dents, surprend et par le motif et par la taille !

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    © Kiki Smith, How I know I'm here I, 1985-2000, linogravure, 29,2 x 109,2 cm,
    La Louvière, Centre de la Gravure et de l'image imprimée (suite de 4 estampes illustrées sur le site du Centre)

    La suite How I know I’m Here, avec un fort contraste entre les lignes blanches et le fond noir (linogravure), mêle à nouveau son visage à des parties du corps (mains, pieds, organes), comme une exploration en profondeur du corps féminin dans tous ses aspects. « Ebranlée par l’apparition et les ravages causés par le sida », chez sa sœur entre autres, Kiki Smith voit dans le physique un « réceptacle de l’identité et de la condition humaine ». (Toutes les citations sont extraites du catalogue.)

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    © Kiki Smith, Red Cap, 2001, lithographie et rehauts aux crayons de couleur, Paris, collection Galerie Lelong

    Dans un autoportrait saisissant de 1996, l’artiste se montre dévêtue jusqu’à la taille, les mains posées sur les cuisses, le visage enduit de plâtre qui coule sur sa peau. Je pense à une scène inoubliable de Cris et Chuchotements (Bergman, 1972) à la manière d’une pietà. Cette photographie avait fait l’affiche d’une exposition passée, il y a dix ans, où 23 femmes exposaient sous ce titre pour marquer les 20 ans du Centre de la Gravure.

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    © Kiki Smith, Large Birds, 2007, encre, crayon et paillettes sur papier népalais, 260 x 630 cm,
    Bruxelles, Collection privée

    Large Birds, une grande composition où l’artiste se représente de profil, étendant le bras vers le premier des trois paons – on y voit aussi des étoiles et d’autres oiseaux – exprime la connexion vitale que nous avons avec notre environnement, vulnérable comme nous. « Jusqu’à ce qu’il étende le cercle de sa compassion à toutes les créatures vivantes, l’homme lui-même ne trouvera pas la paix » (Albert Schweitzer). Toutes, et pas seulement les animaux domestiques comme cette chatte et sa portée : Kiki Smith dessine des biches, des chouettes, des insectes (même des mites) et, bien sûr, le loup.

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    © Kiki Smith, Litter, 1999, 55 x 76,4 cm, lithographie en 4 couleurs, Paris, collection Galerie Lelong

    Au premier étage, une série impressionnante de gravures sur bois date du dernier séjour de sa mère à l’hôpital : Mortal « montre la lente transition de la vie à la mort et, en même temps, aborde la façon dont notre société considère le vieillissement et le trépas comme étant tabous ». Kiki Smith a dessiné et photographié sa mère pendant ce mois où elle lui rendait visite tous les jours. Les traits du visage, les gestes des mains, la position des pieds montrent à la fois l’extrême fragilité et néanmoins l’énergie du corps qui rayonne jusqu’au bout.

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    © Kiki Smith, Mortal, 2007, 6e sur 12 gravures sur bois, 58 x 72,5 cm,
    La Louvière, Centre de la Gravure et de l'image imprimée

    Près des gravures sont exposés aussi des bronzes, des livres qu’elle a illustrés, et même une estampe numérique sur soie, Sitting with a Snake, un autoportrait ? Et voici le loup : tantôt sage, assis près du Chaperon rouge comme un gentil chien (Friend), tantôt sauvage, prédateur de la femme nue (Splendid, In a Field), ambivalence qui se décline aussi dans Wolf Girl, l’affiche de Kiki Smith. Entre chien et loup (jusqu’au 23 février 2020).

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    © Kiki Smith, Friend, 2008, eau-forte et rehauts, Paris, collection Galerie Lelong

    Je ne connais pas assez l’art de la gravure pour apprécier la technique de Kiki Smith, qui m'a paru très variée. Cette exposition à La Louvière permet en tout cas d’appréhender son univers parfois déroutant, troublant, « étrange confluence entre le corporel et le fantastique ». Du concret, des choses ordinaires mais un regard qui ne l’est pas, des émotions. Sa « première exposition personnelle majeure en France » est en cours à La Monnaie de Paris. « L’œuvre de Kiki Smith ne véhicule pas des idées, elle montre des choses, elle dévoile une attitude. Que ces choses, cette attitude, nous donnent des idées à nous qui les regardons, est une autre affaire, c’est notre affaire. » (Jean Frémon)

  • Muse

    Brancusi (19) Muse 1912.jpg« C’est en 1909, avec sa Muse endormie, que Brancusi s’engage dans les chemins de l’exploitation de la forme dogmatiquement pure de l’ovoïde, qui, à partir de la représentation idéale de la sphère – sa forme absolue, – propose l’immersion de la sphère dans le courant vital de ce monde, dans l’existence en marche, qui sollicite, tourmente, déforme. L’ovoïde, c’est la descente de la sphère dans le fleuve, dans le courant ininterrompu de la vie. »

    Radu Varia, Brancusi, Gallimard, 1989.

    Brancusi, La Sublimation des formes, Bozar, Bruxelles,
    Europalia Romania > 12.01.2020

    © Brancusi, Muse, 1912

  • Europalia : Brancusi

    L’exposition Brancusi, la sublimation des formes, phare du festival Europalia Romania, attire beaucoup de monde à Bozar (Palais des Beaux-Arts de Bruxelles) depuis son ouverture. Depuis que j’ai vu Le Baiser sur une tombe du cimetière Montparnasse, il y a longtemps, j’ai une prédilection pour ce sculpteur qui a travaillé peu de temps à l’atelier de Rodin avant de trouver sa voie – « rien ne pousse à l’ombre des grands arbres, », pensait-il.

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    Pages d'un ouvrage présenté à l'exposition : photo et texte de Brancusi (cliquer pour agrandir)

    Le parcours chronologique nous fait découvrir Constantin Brancusi (1876-1957) depuis son voyage, en grande partie à pied, de Roumanie à Paris, où il arrive en 1904 et exerce d’abord de petits métiers pour survivre, jusqu’à l’installation du site de Târgu-Jiu dans son pays natal en 1937. De nombreuses photographies accompagnent les œuvres, souvent prises par lui-même ; il avait demandé à Man Ray de l’initier, afin de choisir sa propre manière de montrer ses sculptures, son atelier et ses autoportraits.

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    © Brancusi, Le sommeil, 1908

    Deux marbres, d’emblée, montrent l’émancipation de Brancusi par rapport à Rodin : celui-ci, dans Le sommeil, a sculpté le beau visage de Camille Claudel, finement rendu ; Brancusi reprend la position de la tête mais laisse un côté du visage inachevé. Pour Rodin, « c’est par le modelé que la chair vit, vibre, combat, souffre… » ; Brancusi va préférer au modelage la taille directe de la pierre.

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    © Brancusi, La prière, 1907 (à droite, La prière de Rodin, plâtre, 1909)

    Dans La prière de Brancusi, une femme agenouillée à la silhouette stylisée s’incline, contrairement à La prière de Rodin où elle reste droite. Un bronze de Wilhelm Lehmbruck, Tête de femme inclinée, exprime la même intention : montrer le recueillement, l’intériorité. Les sculptures de Brancusi sont souvent placées au centre de la salle, ce qui permet de bien les regarder sous tous les angles et de remarquer, par exemple, cette ligne creuse de la colonne vertébrale, comme plus loin dans La sagesse de la terre.

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    © Brancusi, Le Baiser, 1907

    Et voici ce fameux Baiser (1907), si différent du chef-d’œuvre de Rodin, et chef-d’œuvre de la sculpture moderne : une étreinte les yeux dans les yeux, bouche sur bouche, les bras enlacés – volumes, creux, pleins, lignes. Un minimalisme de la forme, des corps à peine suggérés, le baiser devenu fusion, signe universel, iconique. Brancusi continuera à en simplifier le dessin qui aboutira à la Porte du Baiser.

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    © Brancusi, Le commencement du monde, vers 1920 (Dallas Museum of Art)

    Avec Le commencement du monde (vers 1920) s’ouvre une période essentielle dans la sculpture de Brancusi, de l’œuf à l’envol (pour résumer). Le marbre poli à l’extrême, pour capter la lumière, est posé sur une plaque ronde de maillechort (alliage imitant l’argent) qui reflète l’ovoïde et souligne son point d’équilibre, le tout sur un socle (toujours conçu et fabriqué par l’artiste) étudié pour renforcer l’œuvre. Le carré et le rond, le solide et le fragile, l’ombre et la lumière – « recherche de la quintessence des choses » (Guy Duplat).

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    © Brancusi, Tête d'enfant endormi, 1908 (Collection particulière)

    Quel chemin parcouru depuis les têtes d’enfant de ses débuts, comme le très émouvant Supplice. Un pas a été franchi avec Tête d’enfant endormi, une tête non plus dressée mais posée sur la tempe. Parmi les disciples de Brancusi, Isamu Noguchi est représenté à l’exposition avec sa propre version du Baiser (1945) en albâtre, et aussi Irène Codréano avec Eileen Lane (1925, polyester), un buste épuré de leur amie commune. Dans cette salle, on peut aussi voir de petits films de Brancusi tournés dans son atelier, où évoluent des danseuses.

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    © Brancusi, Muse endormie, bronze doré, 1910, Centre Pompidou, MNAM-CCI,
    RMN-Grand Palais, photo Adam Rzepka, Sabam Belgium, 2019

    Beaucoup de monde dans la salle de la Muse endormie en bronze doré (affiche de l’exposition) et d’autres têtes emblématiques de Brancusi. Des étudiants entouraient les sculptures pour les dessiner, il devenait difficile de circuler autour des œuvres. Joli sourire d’une autre Muse accoudée en marbre sur un socle en bois sombre.

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    © Constantin Brancusi, Léda, 1926, Centre Pompidou, MNAM-CCI,
    RMN-Grand Palais, photo Adam Rzepka, Sabam Belgium, 2019

    Après Leda, bien mise en valeur, on tourne vers la salle des oiseaux : Maïastra, puis le fabuleux Oiseau d’or sur un très élégant socle en marbre qui évoque la Colonne sans fin. La série des Oiseaux dans l’espace (Brancusi en a créé une quinzaine, en marbre ou en bronze) est aussi présentée à travers de nombreuses photographies qui les montrent chez des particuliers ou à l’atelier sous des éclairages aux effets très divers.

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    © Brancusi, L'Oiseau d'or, vers 1919 (Minneapolis Institute of Art)

    Une exposition si riche mérite d’être revisitée, je suis loin d’en avoir parlé de façon exhaustive. Poisson, Torse de jeune homme, chaque sculpture retient le regard. Quelques peintures aussi, dont une gouache délicate, Femme au peigne. Des œuvres ou photos d’artistes proches du sculpteur accompagnent cette magnifique rétrospective, qui se termine par la présentation du site de Târgu-Jiu en images : la Colonne sans fin, la Porte du Baiser, la Table du Silence. Ne manquez pas ce rendez-vous avec Brancusi à Bozar (jusqu’au 12 janvier 2020).