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henri van cutsem

  • Le fidèle Louis Pion

    Van Cutsem, mécène / 4     

    Louis Pion (1851-1934), peintre et photographe, fait partie des artistes méconnus originaires de la région de Tournai. C’est lui qui a signé le beau portrait de profil en couverture de Henri Van Cutsem, un mécène. Né dans une famille d’agriculteurs, contrairement à ses frères, il choisit une autre voie et apprend le dessin et la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai sous la direction de Léonce Legendre. Puis, à Bruxelles, de Joseph Stallaert.

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    Louis Pion, Mignon rêvant à sa destinée, 1877,
    acquis par la ville, Tournai, Musée des Beaux-Arts

    Après son voyage en Italie en 1873, il revient à Bruxelles et y fait connaissance avec Guillaume Charlier, dont il devient l’ami. Pion lui a servi de modèle pour Le Déluge, sa première sculpture primée et acquise par Henri Van Cutsem. Tous deux entrent dans le cercle intime du mécène, qui les invite chez lui avenue des Arts à Bruxelles ou dans sa villa de Blankenberge.

    Le choix de léguer la collection Van Cutsem à Tournai, outre la rencontre avec le bourgmestre déjà évoquée, tient aussi à la position prise par la Commission des musées de Bruxelles lors de l’inventaire : elle a refusé Périmèle, Nymphe de Capri, une grande toile de Léonce Legendre, professeur puis beau-père de Louis Pion.

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    Léonce Legendre, Périmèle, Nymphe de Capri, Tournai, Musée des Beaux-Arts

    « L’âme bercée des visions artistiques qui le transportent dans le monde idéal, il traduit à l’île de Capri la légende d’une nymphe transformée en île, dans tout l’éclat de sa jeunesse et l’épanouissement de sa beauté. Couchée sur le sable, son opulente chevelure dorée s’enroule sous ses bras gracieusement renversés derrière la tête, la nymphe regarde la mer bleue dont les flots viennent effleurer ses pieds roses. Des coquillages et quelques branches de corail agrémentent le premier plan, tandis qu’on aperçoit au loin l’île de Capri baignée d’air et de lumière à demi confondue dans la profondeur du ciel. » (Louis Pion, à propos de l’œuvre de Léonce Legendre, archives du Musée des Beaux-Arts de Tournai)

    Dès lors, Louis Pion va se dévouer à l’avancement du projet de musée avec la ville de Tournai et avec l’architecte choisi par Van Cutsem pour le construire. Entre la commande à Victor Horta (1903) et l’inauguration du musée des Beaux-Arts de Tournai (1928), vingt-cinq ans de travail, de changements dans les plans, et la guerre de 1914-1918. Il fut décidé à Tournai d’exposer dans ce nouveau musée à la fois la collection d’art moderne de Henri Van Cutsem et les collections d’art ancien de la ville.

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    Source : La Librairie belge

    Pour faire avancer les choses, Louis Pion n’a pas manqué d’écrire au bourgmestre de Tournai : « Afin d’engager le Conseil à voter l’achèvement complet en une fois, le collège s’y montrant sympathique – Horta proposa d’abandonner ses honoraires d’une partie des travaux qui restaient à exécuter et Charlier après un instant de réflexion se tourne vers moi et dit : « Eh bien si Tournai veut faire ça – reprendre les travaux tout de suite et les achever en une fois, moi aussi je ferai quelque chose. Tu peux dire de ma part à l’administration communale […], moi aussi je ferai quelque chose : je donne pour le Hall de la sculpture toutes mes œuvres se trouvant dans mon atelier. » (archives du Musée des Beaux-Arts de Tournai, sans date)

    Le Dictionnaire des peintres belges mentionne dans sa notice sur Louis Pion, en plus de sa peinture, sa pratique de la photographie « qui donne naissance à une production d’admirables grisailles consacrées aux travaux des champs ». Il signale que l’artiste a été directeur de l’Académie de Tournai et, de 1926 à 1932, premier conservateur du musée des Beaux-Arts.

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    Louis Pion, La lecture, s.d., crayon sur papier, Tournai, Musée des Beaux-Arts

    Dans son discours inaugural en 1928, fidèle, « Le commandeur, Louis Pion » (titre du chapitre qui lui est consacré), 77 ans, n’a pas manqué d’évoquer ses amis disparus (Van Cutsem, décédé en 1904 ; Charlier, en 1925) : « C’était à mon sens un mandat que je tenais de mes amis défunts et dont l’accomplissement m’était imposé comme un devoir doublement sacré ». Il a aussi regretté le manque de place pour exposer tous les artistes et souhaité que « dans un temps pas trop éloigné, on pourra annexer au Musée deux nouvelles salles où ils seront mis en valeur ». Le projet d’extension actuel du musée, malgré la polémique suscitée par certains aspects du projet architectural, répond donc à un besoin d’espace ressenti dès sa naissance.

     

    Source : Henri Van Cutsem, un mécène, publié dans la collection « L’œuvre au miroir des mots » en 2018-2019, à l’occasion d’une exposition des Archives & Musée de la Littérature et du Musée des Beaux-Arts de Tournai.

  • Charlier, fils spirituel

    Van Cutsem, mécène / 3     

    Guillaume Charlier (1854-1925), fils d’un boutiquier bruxellois, était l’aîné de cinq enfants. A la mort de son père en 1870, il doit arrêter son apprentissage pour subvenir aux besoins de sa famille. Puis il suit des cours du soir à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et quand il présente en fin d’année sa sculpture Le Déluge, celle-ci est primée et acquise par Henri Van Cutsem : c’est le début d’une amitié durable.

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    Eugène Broerman, Portrait de Guillaume Charlier, s.d., huile sur toile marouflée sur carton,
    Musée des Beaux-Arts, Tournai © Paul M.R. Maeyaert (Wikimedia)

    Après deux années de formation à Paris dans l’atelier de Jules Cavelier, puis un voyage en Italie dont il ramène de nombreuses esquisses, il dispose enfin, grâce à Henri Van Cutsem qui le lui a fait construire en 1885, d’un bel atelier à Bruxelles, avenue de Cortenbergh. Quand le sculpteur épousera Marie Agniez, la sœur du musicien Emile Agniez que Henri Van Cutsem appréciait, celui-ci leur proposera de s’installer dans sa demeure avenue des Arts à Saint-Josse-ten-Noode, qu’il leur lèguera à sa mort – l’actuel Musée Charlier.

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    Guillaume Charlier, Groupe des Aveugles, Tournai

    Charlier, dont vous avez aimé Inquiétude maternelle (voir Figures féminines), opte pour le réalisme et ses œuvres ont une forte connotation sociale : il sculpte des travailleurs, des pêcheurs, des personnes dans la misère, des mendiants, des enfants. Ses sculptures sont nombreuses dans l’espace public, comme le Groupe des Aveugles près de la cathédrale de Tournai.  Il a aussi conçu divers monuments, comme le Monument aux morts de Saint-Josse-ten-Noode (commune voisine de Schaerbeek) qui attire toujours mon attention au début de l’avenue du Méridien : une femme levant un drapeau, allégorie de la Patrie, avec à ses pieds un lion couché et un soldat mort.

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    Monument aux morts de Saint-Josse-ten-Noode (Photo Micheline Casier)

    Henri Van Cutsem, qui ne se soucie pas de l’origine sociale de ses amis, admire son travail : « Depuis des années, je suis fixé sur le talent de Guillaume ; mon opinion est faite et ne pourrait être atteinte par les appréciations d’autrui. » (Correspondance d’Henri Van Cutsem à Théodore Verstraete, le 22 juin 1894). Il l’épaule comme un père, affection que l’artiste lui rend bien.

    C’est Charlier qui sera le légataire universel du mécène, chargé de poursuivre son action et de verser des rentes viagères à Van Strydonck et à Verstraete. En 1903, Van Cutsem avait rencontré le bourgmestre de Tournai, Victor Carbonnelle, et envisagé avec lui de léguer sa collection à cette ville si on y construisait un musée pour la recevoir. Ce projet, un accord oral, Guillaume Charlier aura à cœur de le poursuivre, secondé par Louis Pion, un artiste originaire du Tournaisis dont je vous parlerai dans le prochain et dernier billet de ce petit feuilleton.

     

    Source : Henri Van Cutsem, un mécène, publié dans la collection « L’œuvre au miroir des mots » en 2018-2019, à l’occasion d’une exposition des Archives & Musée de la Littérature et du Musée des Beaux-Arts de Tournai.

  • L'ami Door

    Van Cutsem, mécène / 2     

    L’ami Door, c’est Théodore Verstraete, un peintre né à Gand (1850-1907). A seize ans, il fréquente l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers, qu’il quitte deux ans plus tard pour peindre sans contraintes et directement sur le motif. Il s’installe à Brasschaat, dans la province d’Anvers, et aménage une roulotte en atelier ambulant pour peindre des paysages de Campine ou des polders, en Hollande. La nature l’apaise.

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    Théodore Verstraete, Printemps à Schoore (Le Verger), n. d., Huile sur toile,
    92 x 182 cm, Musée des Beaux-Arts de Tournai - Legs Van Cutsem

    « Au mois de mai, nous avons vu au champ de mars à Paris le verger en Zélande [Printemps à Schoore, ci-dessus], une œuvre importante, en relation directe avec les tendances de l’art contemporain. Au premier abord il nous a paru que le bleu des étoffes zélandaises ne s’harmonisait pas avec le vert superbe du verger, mais ayant vu depuis cette partie si curieuse de la Hollande nous devons reconnaître combien l’artiste le plus sincère de l’école belge a transcrit fidèlement un effet pris dans la nature. Ce verger a de la poésie et une grande fraîcheur de coloration. Il porte encore la marque d’une personnalité dont la place est aujourd’hui au premier rang de nos paysagistes. » (Georges Verdavainne dans L’Economie, cité par Van Cutsem dans une lettre à Théodore Verstraete, Bruxelles, le 24 juillet 1890)

    Verstraete préfère s’installer devant un paysage que se rendre ou ville ou rechercher la compagnie des autres. Van Cutsem se dit déçu dans ses lettres de ne pas recevoir sa visite à Bruxelles ou à la Côte. Mais il l’encourageait : « Ton œuvre est vraie comme observation de nature et le sentiment qui se dégage est intense et juste. Tu nous montres la bruyère avec sa végétation maigre et son horizon étendu ; tu as été impressionné par sa grandeur, son calme aux heures du crépuscule et tu nous fais partager ton sentiment. Quand en imagination, je me place devant ton tableau : que je me mets devant les yeux l’ensemble et le détail, j’en éprouve une satisfaction réelle. » (Correspondance d’Henri Van Cutsem à Théodore Verstraete, Blankenberghe, le 27 août 1883) En Hollande, l’ami Door s’est mis à peindre de nombreuses marines, par tous les temps, il finit par accepter les invitations de son ami à la Côte belge.

    Occasionnellement, le peintre partageait son « atelier » avec d’autres, comme Frans Simons et Rosa Leigh, puis Ernest Hoorickx : leurs œuvres sont parfois très proches quand ils travaillent devant les mêmes paysages. En 1883, Verstraete est un des membres fondateurs du groupe des XX à Bruxelles et co-fondateur du groupe Wees U Zelf (Sois toi-même). Il démissionne des XX deux ans plus tard en réaffirmant son indépendance. Rosa Leigh fait partie du groupe Als ik Kan (Si je peux) et du Cercle des femmes peintres de Bruxelles. (Je constate que « la seule femme artiste de leur entourage » n’est pas mentionnée dans Wikipedia. Le Dictionnaire des peintres belges la présente comme peintre de paysages, de natures mortes et de figures.) Tous ces peintres participent activement à la vie artistique de la fin du XIXe siècle.

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    A feuilleter en ligne (Internet archive)

    Affaibli par un  accident vasculaire cérébral en 1893, Théodore Verstraete a pu compter sur le soutien indéfectible de Henri Van Cutsem. En juillet 1894, celui-ci lui écrit : « Quand vous recommencerez à peindre, soyez prudent et ne pensez d’abord au travail qu’à petites doses. Vous verrez, mon brave Door, la convalescence marchera vite et le rétablissement là, vous produirez de nouveau toute une série de chefs-d’œuvre. »

    L’aide morale du collectionneur envers son ami, qui perdra la vue, se double d’une aide financière ; il lui versera une rente mensuelle jusqu’à sa mort et fera ériger un monument à sa mémoire en 1909, dans un parc anversois.

     

    Source : Henri Van Cutsem, un mécène, publié dans la collection « L’œuvre au miroir des mots » en 2018-2019, à l’occasion d’une exposition des Archives & Musée de la Littérature et du Musée des Beaux-Arts de Tournai.

  • Van Cutsem, mécène

    La mention « legs Van Cutsem » est omniprésente sur les étiquettes des œuvres exposées au Musée des Beaux-Arts de Tournai. Curieuse d’en apprendre plus sur cet homme, je me suis plongée dans la lecture de Henri Van Cutsem, un mécène, publié dans la collection « L’œuvre au miroir des mots » en 2018-2019, à l’occasion d’une exposition des Archives & Musée de la Littérature et du Musée des Beaux-Arts de Tournai. Richement illustré, l’essai consacré à ce mécène bruxellois abonde en citations tirées de sa correspondance avec les artistes qu’il soutenait et qui lui rendaient bien son amitié.

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    Louis Pion, Portrait d’Henri Van Cutsem, huile sur toile, s.d., legs Van Cutsem,
    Tournai, Musée des Beaux-Arts (d'après la couverture du livre source)

    Henri Van Cutsem (1839-1904) est décédé avant de voir l’écrin architectural qui allait abriter sa collection. Qui était-il ? Né dans une famille aisée qui détenait l’Hôtel de Suède (remplacé par les Galeries Anspach) à Bruxelles, Van Cutsem  a grandi dans un milieu attiré par l’art. Sa mère venait d’une famille d’intellectuels, son père fut un élève prometteur d’Ingres avant de se consacrer au commerce d’œuvres d’art et à l’hôtel familial. Après des études de droit à Liège, Henri fit de même.

    Son premier achat, à 35 ans, c’est l’Atelier, signé Henri de Braekeleer, que je vous avais signalé après vous avoir montré une autre toile du peintre, La Blanchisserie. Cette année-là, il épouse Léontine Van Opstal. Henri Van Cutsem s’intéresse d’abord au réalisme, à l’Ecole de Tervueren, à quelques artistes étrangers.

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    Henri De Braekeleer, L’Atelier, 1873, huile sur bois, 75 x 114 cm. Tournai, Musée des Beaux-Arts,
    Legs Van Cutsem – 1904 (podcast à écouter sur le site du musée)

    1880 est une année charnière dans sa vie : son fils Jean meurt cinq mois après sa naissance. L’année suivante, c’est le tour de Laure, sa sœur cadette. Enfin, en 1884, Henri Van Cutsem perd son épouse. Désormais, il cherche « la compagnie et le réconfort auprès des artistes » dont certains deviennent de véritables amis intimes. Vivre pour l’art et soutenir des artistes, moralement et matériellement, devient sa raison de vivre.

    A part quelques œuvres d’impressionnistes français acquises lors des échanges belgo-français du groupe des XX à Bruxelles, ses achats visent à encourager ses amis artistes à travailler. Henri Van Cutsem les aide financièrement, leur écrit, les invite chez lui à Bruxelles ou à la campagne (Ochamps, dans la province du Luxembourg) ou sur la Côte belge, dans sa villa de Blankenberge. Sa correspondance comporte peu d’éléments intimes : il y relate des faits de la vie courante, ses voyages, des expositions, transmet des invitations, voire des conseils. En retour, Henri Van Cutsem aime qu’on soit présent à sa table et qu’on le tienne au courant du travail en cours.

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    Source : KBR

    A la fin de l’année 1894, Henri Van Cutsem est fait « Chevalier de l’Ordre de Léopold » en tant que mécène et protecteur des arts. Ses amis lui offrent un beau « Liber amicorum » composé d’études, de dessins, d’aquarelles, de chansons, de textes – un long poème, L’Art, que lui a dédié Lucien Solvay – et de partitions, avec en couverture un bas-relief en bronze argenté de Pieter Braecke. Le mécène mourra dix ans plus tard, après avoir pris des dispositions pour la pérennité de son action et de sa collection. Deux musées naîtront de ses legs d’œuvres d’art, de mobilier et de vaisselle : le Musée des Beaux-Arts de Tournai et le Musée Charlier à Bruxelles.

    * * *

    Dans la foulée de ma visite au musée des Beaux-Arts de Tournai, je vous ai préparé un petit feuilleton à suivre, si vous voulez, pendant que je m’éloigne un peu. Les prochains épisodes seront consacrés aux amis artistes d'Henri Van Cutsem.

    Amicalement,

    Tania

  • Figures féminines

    Au Musée des Beaux-Arts de Tournai, La folle danseuse ou Les soucis domestiques est le titre d’une belle exposition de « Figures féminines » dans les collections, autour de deux sculptures fameuses de Rik Wouters. Ce musée remarquable en forme de « tortue » (le seul musée imaginé par Victor Horta) fermera dans les prochaines années pour un grand chantier de restauration et d’extension. Je suis heureuse de l’avoir revisité sous sa forme originelle et dans une « ambiance surannée » (La Voix du Nord) à l’occasion de ce parcours critique sur l’image de la femme dans l’art.

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    Dans l’atrium, Les soucis domestiques (au centre) et La folle danseuse (à droite) de Rik Wouters
    (Belfius Art Collection)

    Nel, la femme de Rik Wouters et son modèle permanent, était au centre d’une exposition vue à Malines il y a cinq ans. Première des sept figures dont le rôle inspire le parcours, elle est suivie de salle en salle par Pénélope, Marthe, Vénus, Carmen, Madeleine et Suzanne. La collection permanente du musée, du XVe au XIXe siècle, avec quelques ajouts contemporains, est essentiellement composée de la collection d’un grand mécène bruxellois, Henri Van Cutsem (1839 – 1904).

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    Henri De Braekeleer, La Blanchisserie, 1861, huile sur toile,  legs Van Cutsem - 1904

    De beaux dessins d’intérieurs de maison (crayon et pastel) d’Henri Ottevaere voisinent avec une grande peinture représentant Jésus chez Marthe et Marie, d’après Jordaens. Dans la seconde moitié du XIXe, les peintres ne se limitent plus aux déesses, figures bibliques et beautés idéales, ils peignent des femmes ordinaires à leurs tâches domestiques. Sous La Blanchisserie (1861), signée Henri De Braekeleer, on rappelle que le travail du linge, « répétitif, sous-payé », était alors à risque (tuberculose) et les blanchisseuses, déconsidérées, soupçonnées de prostitution ou d’alcoolisme. Un commentaire audio d’une vue de son atelier est proposé en ligne.

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    Guillaume Van Strydonck, La malade (L'accouchée), 1887, huile sur toile,  legs Van Cutsem - 1904

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    André Collin montre des religieuses au travail dans une salle d’hôpital, discrètes, silencieuses. Belle lumière du Nord sur une toile émouvante où Guillaume Van Strydonck représente son épouse qui vient d’accoucher, en 1887. Quel contraste avec les couleurs chaudes de Petit Maître dort, peint lors d’un voyage en Inde : dans une approche très différente des Orientalistes, il magnifie la servante indienne chargée de surveiller le sommeil de l’enfant, devenu secondaire dans la composition du tableau.

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    Guillaume Van Strydonck, Petit Maître dort, 1895, huile sur toile,  Don de M. Van Cutsem

    Avec Vénus, déesse de l’amour, place au nu, académique ou non, et aux hommages à la beauté féminine comme dans Au théâtre d’Edouard Agneessens qu’admirait Verhaeren : « Elle a cette flamande distinction bien portante et aussi ce je ne sais quoi de délicatement mystérieux, si féminin et si attirant… » C’est près de là qu’est accroché le premier d’une série d’autoportraits d’Hélène Amouzou, une Togolaise (née en 1969) formée à la photographie argentique à Bruxelles. « À travers ses autoportraits dans lesquels elle incarne une figure évanescente, où elle apparaît telle une ombre dans le décor, on comprend toutes les inquiétudes qui l’animent. » (Gwennaëlle Gribaumont dans La Libre).

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    Edouard Agneessens, Au théâtre, 1880, huile sur toile,  legs Van Cutsem - 1904

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    Hélène Amouzou, Autoportrait, 2005-2011,
    photographie argentique, collection privée

    Coup de cœur pour le très beau portrait de sa femme par Emile Claus, pour une Etude de femme au pastel de Louis Anquetin, ami de Toulouse-Lautrec, pour les œuvres de Fantin-Latour, « peintre du silence ». J’avais oublié que Van Cutsem en avait tant dans sa collection : c’est un régal de s’attarder devant ses magnifiques portraits et des bouquets lumineux de roses ou de pois de senteur.

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    Henri Fantin-Latour, La lecture (Mlle Marie Fantin, soeur du peintre), 1863, huile sur toile
    legs Van Cutsem - 1904

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    Henri Fantin-Latour, Pois de senteur, 1880, huile sur toile
    legs Van Cutsem - 1904

    Henriette Calais, avec une belle Allégorie féminine, est une des rares signatures féminines dans ce legs. On retrouve Guillaume Van Strydonck avec un bel ensemble de dessins, des pastels et une grande toile impressionniste, Le vieillard et les trois jeunes hommes, à côté de Printemps à Schoore de Théodore Verstraete. La composition du Portrait de femme signé Rassenfosse est très moderne, et pourtant cette toile date de 1892.

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    Henriette Calais, Allégorie féminine, s.d., crayon sur papier,  legs Van Cutsem - 1904

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    Armand Rassenfosse, Portrait de femme, 1892, crayon et pastel sur papier, Musée des Beaux-Arts, Tournai

    Carmen, Marie-Madeleine, Suzanne au bain : de salle en salle se déploie la riche thématique de cette exposition sur l’image de la femme en peinture et en sculpture, accompagnée de documents divers et de citations, dont plusieurs passages d’Une chambre à soi de Virginia Woolf. Une vidéo rappelle l’étonnante « performance » de Kubra Khademi à Kaboul pour dénoncer les attouchements en rue, près de son « armure » en fer.

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    Guillaume Charlier, Inquiétude maternelle, n.d., marbre, legs Van Cutsem - 1904

    Les peintures françaises léguées par Van Cutsem aux Beaux-Arts de Tournai sont devenues les phares de la collection : vous trouverez ces chefs-d’œuvre de Manet, Monet et Seurat sur le site du musée. Je préfère conclure avec un sculpteur bruxellois que le mécène a toujours soutenu, Guillaume Charlier, qui n’a cessé de représenter les pauvres gens de son milieu d’origine. C’est lui qui hérita de la maison personnelle de Van Cutsem à l’avenue des Arts à Bruxelles, devenue Musée Charlier – à redécouvrir bientôt ?

    * * *

    P.-S. (12/8/2021) Pour information, une pétition vient d’être lancée : « Contre l'enlaidissement du Musée des Beaux-Arts de Tournai ». Voici le lien qui en reprend les arguments : Petition · Monsieur Paul-Olivier DELANNOIS, bourgmestre de Tournai : Contre l'enlaidissement du Musée des Beaux-Arts de Tournai · Change.org