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La plus belle avenue

Souvent fréquentée aujourd’hui pour ses restaurants, l’avenue Louis Bertrand à Schaerbeek a été conçue, lors de l’urbanisation au début du XXe siècle, comme une avenue de prestige pour mener de la chaussée de Haecht au parc Josaphat. Dans le cadre des Estivales, Anne-Cécile Maréchal nous a raconté et montré « la plus belle avenue de Schaerbeek » – vous pouvez encore vous inscrire auprès de PatriS pour cette visite, prévue une seconde fois le 28 août à 17 heures (il convient de signaler son absence en cas d’empêchement, au profit des personnes inscrites sur les listes d’attente !)

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Vue de l'avenue Louis Bertrand depuis la chaussée de Haecht © MRBC-DMS 

Rendez-vous était donné devant l’église Saint-Servais, en haut de l’avenue Louis Bertrand. Quasi chacune de ses maisons figure à l’Inventaire du patrimoine architectural, beaucoup d’entre elles ont été primées : les architectes ont rivalisé de créativité pour séduire la bourgeoisie élégante qui déambulait sur cette avenue-promenade dotée d’un terre-plein central, comme l’avenue Louise ou l’avenue de Tervueren. A mi-hauteur de sa courbe en éventail, là où se dresse à présent le « vase Bacchanale », se trouvait l’ancienne église : difficile d’imaginer là des fermes, des champs, des maisons villageoises, des ânes… Mais nous le verrons mieux plus loin.  

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Vase "Bacchanale", don de Raoul Warocqué

La guide sort de son sac de grandes photos anciennes, où l’on voit des promeneuses en robes longues sous leurs ombrelles au début du siècle dernier (saviez-vous que ce n’est qu’en 1936, vu le trafic automobile, que sera décrétée l’obligation de marcher sur les trottoirs ?) Sur un tableau illustrant l’essor démographique dans la commune, elle nous montre la formidable expansion de Schaerbeek : des 1800 habitants du village en 1830 (indépendance de la Belgique), on passe à 50.000 en 1890, à 100.000 en 1914 (plus de 130.000 un siècle plus tard).

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Avenue Louis Bertrand, 1-3 (étages)

Avant de descendre l’avenue, exercice de comparaison entre les deux maisons quasi jumelles qui « ouvrent » l’avenue Louis Bertrand, de style éclectique « d’inspiration Renaissance ». Celle de droite abrite un commerce au rez-de-chaussée. La façade de celle de gauche, occupée par un notaire, a été récemment nettoyée, ce qui met en valeur ses statues et ses balcons plus travaillés. Pourtant ces fausses jumelles ont été proposées au concours de 1907 par le même architecte, Oscar Lauwers : en plus de la date affichée dans la pierre, « anno 1909 », un « L » sur un édicule renvoie, supposons-nous, soit à la société d’assurances Labor, inscrite sur la façade, soit au nom de l’architecte. (Tous les détails ici.)

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Avenue Louis Bertrand, 2 © MRBC-DMS

La commune avait posé ses exigences au départ – au moins six mètres de largeur, des matériaux de qualité – et encouragé les architectes en organisant des concours de façades (le registre en est conservé à la Maison des Arts, avec de précieuses photographies des maisons primées). Bien que l’avenue Louis Bertrand garde très belle allure, les décors de façade ont néanmoins subi les outrages du temps ; beaucoup de sgraffites ont disparu, par exemple. Si l’avenue porte le nom du fondateur du Parti ouvrier belge, il n’y a pas habité (il avait sa maison dans le quartier des Fleurs). Maisons et immeubles de rapport ont été construits ici pour une clientèle aisée.

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Avenue Louis Bertrand, 15 (photo 2012) © MRBC-DMS 

Du côté impair, nous nous arrêtons devant le numéro 15 : cet immeuble à très large façade claire en pierre d’Euville, très chic dans sa simplicité, primé en 1907-1908, a été transformé en appartements en 1937. Il se développe en « L » à l’arrière (annexes, ateliers) et possède encore son ascenseur d’origine. L’intérieur est très soigné : plafonds cloisonnés, cheminées anciennes – un film y a été tourné l’an dernier.

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Comme la promenade du jour est une « visite en famille », Anne-Cécile Maréchal s’adresse aux enfants pour leur proposer de lire une année, de repérer un détail, etc. La façade néo-gothique du 19, « carte de visite » d’un ornemaniste, Charles Temperman, se prête particulièrement au jeu : il l’a dotée de nombreuses sculptures. Combien de visages sur cette façade ? Où voit-on un chat ? un écureuil ? Quel motif entoure l’année 1908 ? (Ce sont les fameuses cerises de la Cité des Anes, des griottes servant à préparer la Kriek.) A quoi sert ceci près de la porte ? (Un décrottoir.)

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Nous passons devant le Musée schaerbeekois de la bière pour nous arrêter devant les superbes grilles installées au 37 dans l’alignement : la maison en retrait est l’ancienne cure de Saint-Servais. A travers les grilles, nous apercevons aussi l’arrière de l’Ecole n° 1 où nous irons plus tard. La guide nous invite à nous rapprocher sur le terre-plein central du fameux vase en bronze sculpté par Godefroid Devreese, à l’emplacement du chœur de l’ancienne église. Ses scènes de « Bacchanale » changent radicalement de registre ! Devreese, qui avait son atelier rue des Ailes, a sculpté une variante de ce vase dans le marbre ; celui-ci se trouve au musée de Mariemont (notice).

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Parmi les architectes de l’avenue Louis Bertrand, des noms familiers aux participants des Estivales comme celui de François Hemelsoet, mais un autre grand nom de l’Art Nouveau a œuvré ici : Gustave Strauven, qui a travaillé avec Victor Horta. Une exposition lui sera consacrée en septembre aux Halles Saint-Géry. En pleine restauration sous les échafaudages, sa superbe façade du 43 illustre tous les archétypes de l’Art Nouveau. Au croisement de la rue Josaphat, deux restaurants occupent le rez-de-chaussée de deux autres bâtiments de Strauven, le 63-65 avec sa fameuse marquise en fer forgé, le 53-61 avec ses céramiques remarquables.

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Si vous passez par là, il faut absolument vous en approcher : au-dessus de la signature spectaculaire de Strauven, deux panneaux de céramique peinte superposés, signés « WEZEL / 16. RUE KESSELS », représentent le vieux Schaerbeek. Sur celui du dessus, une tête d’âne entourée de cerises ; sur celui du bas, une vue de l’ancienne église entourée de maisons villageoises – ce qui se trouvait ici même avant l’urbanisation au début du XXe siècle. 

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Nous pénétrons dans l’avenue Josaphat pour admirer deux autres splendeurs Art Nouveau : le Gymnase de l’Ecole n° 1 – la commune voulait « élever par la beauté » et aussi valoriser l’hygiène, l’éducation physique. C’est l’œuvre d’Henri Jacobs, comme la façade de l’école un peu plus loin, qui a conservé des sgraffites de Privat-Livemont. Quel contraste avec l’architecture contemporaine de la Maison des Femmes de Schaerbeek, au 253 ! 

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La verrière du Gymnase de l'Ecole n° 1, rue Josaphat

Anne-Cécile Maréchal nous a montré bien des merveilles lors de cette promenade, des grandes et des petites choses, et l’a terminée par une présentation du Brusilia, à la place de l’ancien Palais des Sports, puis du mât de Lalaing dont elle nous a raconté toute l’histoire, jusqu’à sa récente restauration complète. J’ai particulièrement apprécié sa façon joyeuse de communiquer et son attention à l’égard de tous les membres du groupe, adultes et enfants, invités à participer à la découverte

Commentaires

  • une belle avenue en effet :) un endroit où il fait encore agréable de flâner

  • Je vois que tu visites ton pays et qu'il y a toujours quelque chose à voir! Quelle richesse architecturale dans cette rue!

  • Je pense que tu devrais imprimer tes billets sur Schaerbeek, les relier, publier...
    Un superbe cadeau à faire ou une brochure à vendre, distribuer....enfin, ils sont tellement détaillés, instructifs, joliment illustrés!

  • La maison que nous habitions durant une bonne trentaine d’années avait un décrottoir situé à côté de la porte d’entrée. Son origine date de la fin du 18éme siècle quand les rues n’étaient pas pavées et les bottes pleines de boue. Or, la maison avait été construite en 1929 comme maison d’avant-garde. Les rues étaient propres et bien entretenues et les habitants entretenaient leurs trottoirs. Pourquoi alors ces vilains accessoires ?

  • J'ai fait aussi cette visite en son temps avec PatriS. Je connaissais les architectes fondateurs (ou parmi les fondateurs) nous nous étions connus à l'Isuru (école d'urbanisme et de rénovation urbaine). J'aimais beaucoup le paysage en carrelages, les cerisiers de Schaerbeek et ils nous avaient montrés, dans une rue à gauche, en descendant, une maison ancienne légèrement en retrait de l'alignement actuel. J'ai eu une collègue qui a habité un troisième étage, dans un des immeubles de rapport. C'était très beau, mais sans chauffage central (mais avec des convecteurs je crois). Quand ils ont eu un enfant, ils ont déménagé. Il y avait aussi une très bonne pâtisserie à l'époque (à gauche en descendant, mais je ne parviens pas à me rappeler le nom). Un genre de pâtisserie élégante et pas une chaîne (comme Espagne). La vraie pâtisserie qui ne désemplissait pas avant les fêtes...

  • @ Adrienne : Mais non - à présent, je préfère écouter ;-) Et ce billet n'est qu'un aperçu de la visite, bien plus détaillée.

    @ Claudialucia : Toujours, oui, j'ai la chance d'habiter une commune au patrimoine architectural exceptionnel.

    @ Colo : C'est gentil, Colo, mais je laisse ça aux historiens de l'art.

    @ Doulidelle : Vilains, les décrottoirs ? Figure-toi qu'on leur a même consacré une exposition à l'ULB, voici un article à ce propos : http://www.lepoint.fr/culture/grandeur-et-decadence-du-decrottoir-17-08-2011-1363406_3.php

  • Tu connais bien cette avenue, Pivoine. Forcément, la conception du confort a beaucoup évolué en un siècle. Ces maisons ne comportent pas de garage, pour la plupart, et sont souvent divisées en appartements. (Tu parles de la pâtisserie Husson, je suppose.)

  • C'est magnifique ! J'imagine ton plaisir à suivre ces visites et c'est tellement agréable de bien connaître l'histoire de sa ville.

  • Un grand plaisir, oui, à chacune de ces Estivales ! Et la prochaine fois, ce sera dans un quartier où je ne me suis jamais promenée, chouette.

  • Aah ! Merci Tania, oui, c'était Husson, découvert justement grâce à la collègue qui habitait en face (un peu plus haut). La maison de coin, dont tu montres une photo par ailleurs (vers le bas de la chaussée de Haecht, vers le dépôt de trams) a ou avait une étude de notaire où je me suis rendue, curieux hasard...

    De 1985 à 1990, j'ai travaillé au Quai des Usines, je prenais donc le 92 (ou le 93 et je changeais à la Cage aux Ours, qui s'est quand même améliorée depuis), je descendais avant le pont Van Praet et je travaillais dans ce qu'on appelle parfois l'avatar bruxellois du Familistère de Godin... On a quand même bel et bien un ancien familistère à Bruxelles et bien qu'y ayant travaillé cinq ans, je n'ai vu l'intérieur qu'à deux ou trois reprises.

    mais par la suite, je ne sais comment j'y suis rentrée, pour le montrer à l'une ou l'autre personne.

  • Il me semble que le n° 2 est encore occupé par un notaire, en effet. Je n'ai jamais mis les pieds dans cet ancien familistère pour ma part, devenu "centre Godin" d'après Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Familist%C3%A8re_Godin

  • Je découvre beaucoup de jolies choses grâce à vous Tania car je connais peu la Belgique. Nous envisageons un voyage prochain avec mon mari.

  • Si vous passez quelques jours à Bruxelles, n'hésitez pas à me faire signe, Armelle.

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