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Nature - Page 18

  • Un signe pour toi

    Il est pour toi, ce signe, afin qu’il te réjouisse comme la trouvaille d’une pépite d’or.

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    Range-le si tu veux avec le flacon vide et la truelle ébréchée, mais tu le retrouveras par quelque jour de dénuement.

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    Il est chaleur et lumière et s’efforce de toucher en toi ce sourire perdu qui est plus profond que toi-même.

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    Il semble maintenant très lointain, mais voici que tout proche, il vient éveiller ce qui depuis toujours cherche un éveil. […]

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    J’ai reçu tous mes signes, mais je reviens encore caresser ces visages et ne puis me lasser d’adorer leur contour.

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    J’ai recueilli le sourire de l’ange et cet ange en retour attendait nos sourires.

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    A toi, je parle ici d’une voix malhabile.
    Puisse mon signe pour toi se faire aussi léger que la fleur du pommier.

    Afin qu’un jour tu le cueilles ardent et coloré comme la pomme de septembre.

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    Trouverais-je un signe pour toi qui as fermé tant de livres sans y découvrir de secours ?

    Saurai-je envoyer dans ta nuit cette petite lueur clignotante ?

    Saurai-je mettre dans ton pain cette poignée de ciel affirmative ? […]

     

    Géo Norge, Un signe pour toi (Œuvres poétiques, Le vin profond, Pour le hautbois)

    Début du printemps 2022

  • La friche aux oiseaux

    La Libre du week-end annonce que depuis le début du mois, on recense les oiseaux bruxellois, nicheurs et hivernants. Les observations de centaines de volontaires, impliqués durant trois ans et répartis sur 192 carrés d’un km sur un, permettront de dresser l’Atlas des oiseaux de Bruxelles 2022-2025.

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    Pic épeiche - Dendrocopos major, friche Josaphat, 30/12/2015 © Bernard Pasau (source)

    « Adieu merle et moineau. Hello, buse et grand-duc » : c’est le titre du reportage de Sophie Devillers, qui a rencontré deux naturalistes, Alain Paquet et Benoît De Boeck sur la friche Josaphat – une zone sauvage de 24 hectares traversée par une voie de chemin de fer, dont je vous ai déjà parlé ici. Ils écoutent deux rouges-gorges dialoguer de part et d’autre, « en train de délimiter leur territoire ». Un pic épeiche fait de même en martelant un tronc de peuplier, un nid de pies occupe le sommet d’un autre.

    Pies, corneilles, mouettes s’adaptent parfaitement à la ville, les mésanges aussi. Certains oiseaux y réapparaissent, comme la buse variable, le hibou grand-duc. Mais les espèces liées « au bâti » – moineau domestique, rouge-queue noir, étourneau sansonnet et martinet noir – s’effondrent. L’architecture moderne de « verre, béton, fer » ne leur convient pas, et les moineaux ne trouvent plus assez de zones avec des graminées et des graines disponibles. Sans compter les maladies aviaires (malaria pour les moineaux, virus pour les merles)…

    Alain Paquet : « Si vous urbanisez ceci, c’est une catastrophe pour l’avifaune qui niche dans les quartiers, car ils viennent se nourrir ici sur la friche. » Et pourtant, le plan d’aménagement de la friche Josaphat en nouveaux logements suit son cours, malgré les pétitions, les manifestations, la nécessité d’espaces verts pour lutter contre le réchauffement climatique ! Voilà un article à envoyer au ministre bruxellois de la Transition climatique et de l’Environnement en lui demandant à quoi sert de voter pour les écologistes s’ils ne peuvent s’opposer à ce désastre annoncé.

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    Noor Vidts en pleine lumière - rtbf.be

    Changement de registre : en 2016, j’avais partagé sur ce blog mon enthousiasme pour la médaille d’or de Nafissatou Thiam à  l’heptathlon, aux JO de Rio. Et voici que Noor Vidts (quatrième à l’heptathlon aux JO de Tokyo en 2021) est devenue championne du monde du pentathlon (en salle) à Belgrade, battant trois records personnels et dépassant même le record de Belgique. Bravo à cette athlète qui poursuit des études de bio-ingénieur à la KUL.

  • Sous les paupières

    Quand une page lue, un peu de musique, pas grand-chose devient pourtant de trop, il n’y a plus qu’à baisser le store douillet du regard. Projection privée : je me repasse le film des dernières promenades sur les sentiers où le ciel bleu nous avait donné rendez-vous.

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    Quelques jours de soleil et partout les ramures reprennent de l’élan. L’atmosphère a changé. Les premières branches fleuries attrapent la lumière. En contrebas du parc d’Evere, nous quittons le chemin creux vers un espace semi-sauvage où nous ne sommes jamais passés. Réveil végétal mêlé de désolation : des arbres, des arbustes ont été abattus, des parcelles d’anciens potagers et leurs abris semblent abandonnés. Des affichettes annoncent de futures constructions. Protégera-t-on ce bouleau et ce qui l’entoure ? Cela vaut mieux que des pelouses, même semées de charmants crocus comme nous en avons vu plus loin.

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    Au Moeraske, de l’abattage aussi le long du chemin de fer : on a coupé tout ce qui pourrait gêner l’installation d’une nouvelle clôture plus haute. Vers Saint-Vincent, les dernières tempêtes ont jeté à terre les énormes nids de perruches vertes que nous avons vus grandir d’année en année en haut des arbres. Elles en reconstruisent, coupent du bec des rameaux souples. Le long du sentier de la Renarde, on aperçoit déjà des pointillés blancs sur les jeunes arbres (cliquer). Le chemin d’écorces est moelleux. Nous voilà presque à la campagne. Des moutons paissent derrière les jardins de Haren.

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    Floraisons mousseuses au parc de Woluwe, qui nous attirent près des étangs. Gais bouquets de jonquilles. Plaisir, à cette saison, des espaces très ouverts à la lumière. Les eaux retiennent la couleur du ciel. Un friselis de dentelle enveloppe les arbres plus tout à fait nus. Je me retourne encore une fois vers cette vue paisible. Puis je m’endors.

  • Breuvage

    jon kalman stefansson,la tristesse des anges,roman,littérature islandaise,apprentissage,neige,voyage,culture« Certains dorment du sommeil du juste, répond Helga tandis qu’elle écoute le café qui passe, et dont la première coulée est exclusivement réservée à Kolbeinn, si irascible avant de prendre son petit déjeuner qu’il met en déroute la plupart des vivants, et jusqu’à la vie elle-même.
    Le café passe.
    Ah, le fumet de ce noir breuvage !
    Pourquoi faut-il que nous en conservions un si net souvenir, il y a si longtemps qu’il nous a été donné d’en boire, des dizaines d’années, et pourtant ce goût et ce plaisir nous hantent encore. »

    Jón Kalman Stefánsson, La tristesse des anges

  • Les larmes des anges

    Avant de raconter dans La tristesse des anges (Harmur Englanna) ce qui arrive au gamin islandais d’Entre ciel et terre et aux autres « qui vivent à la limite du monde habitable », Jón Kalman Stefánsson donne d’abord la parole aux défunts hantés par les souvenirs alors que le sommeil les fuit. Leur « cohorte égarée entre la vie et la mort » reste à l’affût de la lumière, même vacillante.

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    Dans une tempête de neige, une nuit d’avril, un homme et deux chevaux « avancent péniblement contre le vent du nord qui est plus fort que toute chose en ce pays ». Quand ils arrivent devant une grande maison, le cheval qui porte le cavalier frappe la première marche du perron. Le gamin hébergé chez le vieux capitaine Kolbeinn, venu voir à la porte, annonce que « Jens le Postier sur un cheval de glace » demande Helga.

    Celle-ci s’étonne de ne pas le voir entrer, Jens s’excuse : le gel l’a collé au cheval. Helga et le gamin ont fort à faire pour le détacher et faire monter les marches en le soutenant à cet homme de plus de cent kilos, qui demande qu’on s’occupe des malles et des bêtes et qu’on appelle Skuli, le rédacteur. Une fois séché, rhabillé et réchauffé, le postier lui communiquera les nouvelles.

    Le gamin s’est habitué à dormir dans cette maison, seul dans une grande chambre, après avoir lu tout son saoul – « une enivrante liberté ». Tandis qu’aux baraquements des pêcheurs, Andrea est en train de lui écrire, lui craint d’être chassé : il fait la lecture à Kolbeinn, aveugle, d’Hamlet puis d’Othello, mais lit mal, sans respirer, il déçoit le capitaine qui s’est fâché. Les deux femmes de la maison, Geirbrudur et Helga, l’encouragent à s’exercer. Lui préfère les poèmes, comme ceux d’Ólöf Sigurðardóttir.

    Au magasin de Tryggvi où on l’avait envoyé, l’apparition de Ragnheidur l’a troublé. La jeune fille « posée, lointaine », à l’allure si froide, a glissé une friandise dans sa bouche puis l’a enfoncée dans la sienne. On compte sur lui aussi pour accompagner Brynjolfur à son bateau, le navire ponté de Snorri qui n’a pas encore repris la mer ; pour traduire des vers anglais en islandais, à l’aide d’un dictionnaire ; pour écrire une lettre…

    Chez Sigurdur, le médecin, Jens est réprimandé pour le retard du courrier, même si deux certificats témoignent du mauvais temps qui l’a retardé. Sigurdur cherche à l’impressionner. Jens patiente debout en pensant à Salvör, devenue fille de ferme après avoir fui son mari violent. Elle a perdu un fils, sa fille a été placée ailleurs. En douceur, Salvör et lui se sont rapprochés. Mais le médecin l’envoie remplacer un autre postier malade, loin du Village ; pour éviter les ennuis et gagner la prime promise, Jens accepte.

    « La neige tombe si dru, écrit le gamin, qu’elle relie le ciel à la terre. » Il pense à sa sœur perdue, Lilja. Il relit les lettres de sa mère qu’il comprend mieux maintenant. De son frère, il n’a aucune nouvelle. Il voudrait écrire à Andrea de quitter Pétur, mais où irait-elle et de quoi vivrait-elle ? « Les mots semblent être la seule chose que le temps n’ait pas le pouvoir de piétiner. »

    Le puissant Fridrik, le pasteur, et beaucoup d’autres critiquent le fait que Geirbrudur ne soit ni épouse ni mère. Kolbeinn lui a bien proposé le mariage, mais elle y perdrait l’autorité sur ses biens. Le vieux capitaine ne s’est jamais marié – « je lisais trop », répond-il quand le gamin s’en étonne. « Mais celui qui ne franchit pas la distance qui mène vers l’autre voit ses jours s’emplir d’un son creux. »

    Un soir où Kolbeinn ne rentre pas, Helga et le gamin vont le chercher à l’hôtel tenu par Teitur et sa femme, le « Bout du monde ». Leur fille qui a l’âge du gamin est disgracieuse mais courageuse ; elle pourrait enseigner l’anglais au gamin, suggère Helga. Celui-ci n’a d’yeux que pour Ragnheidur dont il a aperçu les épaules blanches dans la salle ; quand elle le rejoint, elle lui annonce son départ prochain pour Copenhague et l’embrasse.

    Geirbrudur a conçu tout un programme pour instruire le gamin qui s’en réjouit, c’était le vœu de ses parents. Mais d’abord, il devra accompagner Jens et l’aider, surtout dans les traversées en barque – le postier n’aime pas l’eau et le gamin s’y connaît bien. Alors commence « Le voyage », un terrible et interminable parcours dans la neige, qui occupe les deux tiers du roman.

    Un voyage dantesque, semé d’embûches et d’égarements, de fatigues extrêmes et de dangers mortels. De rares étapes sont les seules occasions de se réchauffer le corps, mais pas forcément l’âme. Les défunts ne sont pas loin. Le gamin a bien du mal à suivre le vaillant postier ami du silence alors que lui a besoin des mots pour se sentir en vie. Et partout, la tristesse des anges : « Voilà les larmes des anges, disent les Indiens au nord du Canada quand la neige tombe. »