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Bruxelles - Page 38

  • Kriekebiche

    kriekebiche,lilie dans les étoiles,artisanat,textiles,zéro déchet,bijoux,cosmétiques,papeterie,pour bébés,produits locaux,créateurs locaux,schaerbeek,1030,ateliers,boutique en ligneKriekebiche, la boutique d’artisanat de Lilie dans les étoiles, rouvre ses portes bientôt, le 12 mai, à la chaussée d’Helmet de 1030 Schaerbeek (n° 145, à l’arrêt du tram 55). J’avais découvert ses créations textiles « zéro déchet » grâce au Comptoir des Talents, venu occuper cet espace temporairement en décembre dernier, et j’ai été ravie de voir s’y installer Kriekebiche en février 2020, une bonne nouvelle pour la vie du quartier et le développement de l’artisanat local.

    Je vous recommande entre autres ses charlottes pour couvrir les plats, jolies et pratiques, qu’on peut obtenir dans différentes tailles et dans le même tissu – vous découvrirez son assortiment en ligne si cette « boutique de créateurs et ateliers » est située trop loin de chez vous. On trouve à Kriekebiche un peu de tout : cosmétiques, bijoux, articles pour bébés, articles de papeterie, produits locaux, gourdes et mugs…

    C’est aussi un endroit idéal pour dénicher sur place de petits ou grands objets cadeaux – en bois, en céramique, en verre, en tissu… – fabriqués par des artisans/artisanes ou créateurs/créatrices schaerbeekois/es. La boutique vaut le détour. Si vous n’habitez pas à proximité, vérifiez au préalable les heures d’ouverture, le reste du temps de Lilie étant réservé au travail dans l’atelier à l’arrière. Bonne réouverture à Kriekebiche le 12 mai prochain !

  • Dans le parc

    TVR La lecture au jardin hôtel solvay.jpg« Cette vaste composition décore l’escalier de l’Hôtel Solvay construit par Victor Horta. Les attitudes hiératiques des personnages sont contrebalancées par la facture pointilliste et le caractère chaleureux des coloris répond à ceux des matières utilisées par l’architecte. »

    TVR La lecture au parc 2.jpg

     

     

    René Dalemans, 100 ans d’arts plastiques en Belgique. D’un siècle à l’autre, 1883-1914, Artis-Historia, Bruxelles, 1986.

     

     

    Théo Van Rysselberghe, La lecture dans le parc,  1902, 320 x 448 cm,
    Hôtel Solvay, Collection Wittamer, Bruxelles

  • Plein air

    Boch Anna Côte de Bretagne.jpg« Anna Boch rend les grandes côtes sauvages de Bretagne avec une grande justesse de tons, les enveloppant dans le plein air et les imprégnant de la mélancolie qui leur est propre. »

    Extrait d’une critique publiée dans Les XX et La Libre Esthétique, 100 ans après, catalogue d’exposition, Bruxelles, MRBAB

    Anna Boch, Côte de Bretagne, 1902,
    huile sur toile, 108 x 146,5 cm, Bruxelles, MRBAB

  • Lumières d'Anna Boch

    Le catalogue de l’exposition consacrée à Anna Boch au Musée Royal de Mariemont en 2000 offre une présentation très complète de cette artiste belge, je l’ai rouvert pour vous.

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    En couverture du catalogue : Anna Boch, La cueillette (détail),
    vers 1910, Collection privée

    Anna Boch (1848-1936) a fait ses débuts de peintre auprès d’Isidore Verheyden, son maître et son ami, puis s’est associée aux XX, adoptant le pointillisme sous l’influence de Théo Van Rysselberghe, avant de poursuivre sa propre voie  qui la rapprochera des « luministes » autour d’Emile Claus. Elle a peint surtout des paysages, des jardins, des fleurs. Comme son frère Eugène Boch, peintre et ami de Van Gogh, elle a aussi été une mécène active et appréciée.

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    Damseaux, Emile de, « [Le château La Closière à La Louvière] », S.l., s.n., [ca 1868-1871], PHENIX (UMONS),
    consulté le 15/4/2020, http://biblio.umons.ac.be/public/bv/?p=3004

    Née dans une famille de la haute bourgeoisie, celle de la faïencerie Boch Frères-Keramis à La Louvière, Anna Boch a mené sa vie d’artiste tout en jouissant d’une grande aisance matérielle. Elle a vécu à La Closière, château extravagant que son père a fait construire par Poelaert (l’architecte du Palais de Justice de Bruxelles), où son cousin Octave Maus venait souvent en visite. Puis Anna Boch fait édifier son hôtel particulier à Bruxelles (rue de l’Abbaye à Ixelles). Elle avait une propriété à la Côte belge, s’est acheté une voiture (Minerva, 1907) pour voyager en Grèce, en Italie, dans le sud de la France et en Bretagne.

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    Anna Boch, Femme dans un paysage, 1890-1892,
    huile sur toile, 101 x 76 cm, Amsterdam, Stedelijk Museum

    On aime les belles choses dans ce milieu où les filles reçoivent par tradition une formation musicale et picturale. Lors des voyages en famille, son frère et elle emportent de quoi faire des croquis et des aquarelles. Ses plus anciennes œuvres datent de 1864, quand elle a seize ans. Son premier professeur à Bruxelles la déçoit, mais elle est ensuite l’élève d’Euphrosine Beernaert avec qui elle parcourt la Zélande et dont elle gardera une œuvre toute sa vie.

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    Anna Boch, Portrait d'Isidore Verheyden dans son atelier, 1883-1884,
    huile sur toile, 70 x 60 cm, collection privée

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    Isidore Verheyden, Portrait de mademoiselle Anna Boch, 1884,
    huile sur toile, 95 x 71 cm, Bruxelles, MRBAB

    Isidore Verheyden (1846-1905) l’aide à « saisir la nature en mouvement ou au repos » (Paul Colin). La palette d’Anna Boch s’éclaircit, ils travaillent ensemble en atelier et en plein air pendant une dizaine d’années (1876-1886). Ses premières œuvres exposées ont du succès ; en 1885, la même année qu’Ensor, elle est élue comme « vingtiste » à l’âge de 37 ans. Verheyden étant marié et père, Anna Boch « opta pour la solitude » (Cécile Dulière). Le jeune peintre néo-impressionniste Théo Van Rysselberghe, devenu son mentor, fait d’elle en 1892 un magnifique portrait.

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    Théo Van Rysselberghe, Anna Boch dans son atelier, 1889-1893,
    huile sur toile, 95 x 68 cm, Springfield, USA, Fine Arts Museum

    Anna fait de beaux achats aux expositions des XX : La musique russe d’Ensor, où c’est peut-être elle au piano, avec le jeune Willy Finch qui l’écoute ; Le Pouldu de Gauguin ; La Vigne rouge de Van Gogh, une des rares toiles vendues de son vivant. Attirée par la démarche néo-impressionniste, elle acquiert en 1892 La Seine à la Grande Jatte de Seurat, en 1907 La Calanque de Signac (en revendant ses deux toiles de Van Gogh).

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    Anna Boch, La desserte (détail), 1889
    huile sur toile, 90 x 140 cm, collection privée

    Mais l’artiste n’aime pas le côté systématique du pointillisme et revient à sa peinture « plus sensuelle et plus spontanée, friande du « morceau » enlevé avec brio et de la symphonie chaude et vibrante » (Paul Colin). Elle peint des paysages lors de ses voyages, des toiles « d’un chromatisme puissant et harmonieux » (Thérèse Thomas). En 1904, elle rejoint le cercle « Vie et lumière » d’Emile Claus et Georges Buysse.

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    Anna Boch, Falaise à Sanary, s. d., 
    huile sur toile, 81 x 61 cm, Gand, Musée des Beaux-Arts

    En plus de ses participations régulières à La Libre Esthétique, Anna Boch organise deux premières expositions personnelles : au Cercle Artistique et Littéraire de Bruxelles en 1907, à la galerie Druet à Paris en 1908. Vues du Midi, coins de Belgique et de Hollande, jardins fleuris, champs de pavots, fermes, plages, voiliers au port… Un « plein succès ». J’aimerais vous montrer son Bouquet au Bénédicité (légué au musée des Beaux-Arts de Tournai), mais il est invisible sur la Toile. Ses œuvres ont toujours été très favorablement accueillies par le public.

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    Anna Boch, Femme lisant dans un massif de rhododendrons, s.d., collection privée

    Avant la première guerre mondiale, elle acquiert en 1911 une propriété à Ohain, dans le Brabant wallon, une retraite campagnarde avec un beau jardin et une grande pergola qui l’inspireront. Elle y peint sa filleule Ida-Anna, fille du fidèle couple de domestiques de sa grande maison d’Ixelles. Jusqu’à la fin de sa vie, elle continue à exposer, propose des paysages, des bouquets, des natures mortes, quelques personnages et portraits.

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    Anna Boch, Fillette au jardin. La Pergola, vers 1912, huile sur toile, 58,5 x 78,5 cm, Mettlach, Keramik Museum

    Il y aurait beaucoup à raconter sur les liens privilégiés d’Anna Boch avec l’art nouveau (elle fait appel à des artistes de renom pour ses demeures, comme Horta), avec la musique (à ses « lundis musicaux » bruxellois participent Eugène et Théo Isaÿe, Gabriel Fauré, Vincent d’Indy ou encore la cantatrice Marie-Anne Weber), avec la céramique (elle en a peint elle-même, a introduit Finch dans la manufacture familiale et, plus tard, fait engager Charles Catteau chez Boch Frères Keramis).

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    Juliette Samuel-Blum, Buste de Anna Boch, Bruxelles, MRBAB

    Son testament de 1935, repris à la fin de ce catalogue très riche, témoigne de ses affections, de sa générosité envers toutes sortes d’associations pour les artistes et les musiciens nécessiteux, les élèves pauvres, les hôpitaux, et de ses legs importants aux musées belges, notamment un Seurat, un Signac, un Gauguin et deux bustes aux MRBAB, de son orgue à l’église d’Ecaussines. Anna Boch, « la grande dame des XX », est inhumée au cimetière d’Ixelles.

  • Turi Kumwé

    Elle m’a donné la vie – et tant d’amour. Maman s’en est allée.

    Pendant ces jours où je n’ai pu ni lui tenir la main, ni rafraîchir son visage, ce texte de Gioia Kayaga fut un baume : merci aux poètes des « fleurs de funérailles ».

    Turi Kumwé. On est ensemble.

                            

    Gioia Kayaga : « Turi Kumwe (On est ensemble) »

     

    En Kirundi, pour se dire au revoir,
    quand on quitte quelqu’un,
    un ami ou un membre de la famille,
    on peut se dire « Turi kumwé ».
    Ça signifie « on est ensemble » :
    malgré l’éloignement physique,
    on est unis par des forces invisibles ;
    on reste connectés.

    « Turi kumwé », pour dire :
    les liens qui nous tissent sont solides et sincères,
    ils ne craignent pas les kilomètres,
    ne pourront jamais disparaître.
    « Turi kumwé », pour dire :
    les liens qui nous tissent sont le sang, la mémoire,
    ils se déploient bien au-delà des étoiles du soir,
    ils sont faits de tout ce qui filera toujours entre nos doigts.
    « Turi kumwé »
    Juste deux mots pour dire tout ça.

    J’ai perdu des proches là-bas,
    au Burundi, plusieurs fois :
    mon grand-père, ma cousine…
    je n’ai pas pu être présente aux funérailles.
    Alors avec les autres, on se parle
    puis on se dit au téléphone ou par message,
    « Turi kumwé »
    deux mots lancés comme une bouée de sauvetage.
    On est ensemble :
    ce soir, moi non plus, je ne dors pas
    à distance, je te serre fort dans mes bras.
    On est ensemble :
    notre douleur en partage
    à distance, je sèche les larmes sur ton visage.
    « Turi kumwé »
    Je te garde avec moi.
    Tu me gardes avec toi.
    Juste deux mots pour dire tout ça.

    J’espère que vous me pardonnerez de vous parler de moi,
    plutôt que de Dieu, du ciel,
    de la folie de ce moment précis
    et de l’abîme de votre chagrin.
    J’ai une seule règle en poésie :
    être sincère,
    parler uniquement
    de que de ce que je connais bien.
    Et je ne sais rien du destin,
    je ne sais rien de votre peine,
    rien de celle que vous pleurez ;
    je ne sais rien de son chemin,
    de qui elle a été
    ni de combien votre cœur saigne
    de la voir s’en aller.
    Je sais seulement l’impuissance,
    la solitude, l’éloignement, le silence
    quand on ne peut ni dire au revoir à celle qui s’en va,
    ni embrasser ceux qui restent.
    Je connais ce poids qui leste,
    qui rend lourd et acide l’estomac.

    « Turi kumwé »
    Je veux juste vous écrire, vous dire :
    je suis avec vous, aujourd’hui.
    A travers le temps et le monde,
    à chaque naissance, chaque perte, chaque seconde ;
    nous sommes ensemble
    dans notre humanité ;
    nous partageons l’expérience,
    l’épreuve commune de l’humilité.

    Je suis avec vous, aujourd’hui,
    et nous sommes des milliers,
    dans les villes, les campagnes :
    des milliers de cœurs qui vous accompagnent…
    Des cœurs abstraits.
    Physiquement, vous êtes seul.e.s
    dans cette tempête.
    Seul.e.s sur le seuil,
    seul.e.s face au deuil universel
    des exilés, des prisonniers
    seul.e face au deuil intemporel
    des réfugiés, des confinés.

    Le deuil est une expérience personnelle
    qui se réinvente à chaque perte.

    Vous êtes seul.e.s sur le seuil,
    et il faut apprendre :
    apprendre à raviver les gestes,
    les mémoires anciennes,
    les rites des ancêtres
    inscrits au creux de nos ADN ;
    apprendre à inventer ses propres règles,
    ses traditions nouvelles,
    ses rituels collectifs et individuels
    pour apaiser la peine.

    Allumer une bougie
    pour accompagner l’âme
    regarder danser la flamme,
    peut-être même danser avec elle.
    Écrire des lettres sur papier :
    écrire les mots qu’on n’a jamais dits,
    les mots qu’on n’a pas dits assez souvent,
    qu’on n’a pas dits assez fort,
    les mots qu’on n’a pas dits une dernière fois.
    Prendre un seul jour ou plusieurs mois,
    écrire ces mots et, toujours,
    les libérer en les lisant à haute voix.
    Dresser un hôtel,
    brûler l’encens
    Accepter la tristesse,
    sentir l’odeur,
    entendre la voix
    Accueillir les signes qu’elle nous envoie
    Témoigner du supplice,
    dénoncer l’injustice
    Chanter en boucle cette chanson qui fait du bien
    Habiter en paix avec son chagrin
    Dessiner un portrait,
    en chérissant chaque trait
    Fabriquer des écrins
    pour les images, les objets
    Écrire une oraison vitale
    Se rappeler que personne ne disparaît, jamais :
    des âmes rejoignent la Lumière,
    des âmes rejoignent l’Univers.
    Les êtres qu’on aime deviennent des comètes,
    deviennent des anges qui nous protègent.
    Écrire un carnet avec les larmes et les sourires,
    noter chaque détail, chaque souvenir
    Rendre un hommage intime
    Se reconnaître victime, ensemble.

    Et partager.

    Partager l’émotion avec l’autre,
    avec les autres,
    refuser de porter seul sa peine
    comme on porterait une faute.
    Trouver les mots pour partager les Adieux,
    avec l’âme, plus qu’avec le corps.
    Trouver le moyen d’être là, pour eux
    d’être présent, pour ceux qui restent, encore,
    encore un peu.
    Être là, au-delà de la peur ambiante,
    de l’incertitude, du confinement.
    Être là, malgré l’éloignement,
    Inventer ses propres « Turi Kumwé ».
    Être là avec courage et créativité.
    Être là et tout réinventer.

    Je vous reviens... quand je pourrai.

    Tania