Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Africa museum

L’« Africa museum » vient de rouvrir ses portes à Tervueren / Tervuren, après cinq ans de rénovation. Longtemps appelé « musée colonial », en raison de ses origines, le « Musée royal du Congo belge » fut rebaptisé « Musée royal de l’Afrique centrale » après l’indépendance de la République démocratique du Congo en 1960.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Sous une photo (côté jardin), la maquette du domaine de l'Africa museum (côté chaussée)

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Nouveau pavillon d'accueil où le musée se reflète

On y accède aujourd’hui du côté des jardins par un nouveau bâtiment tout vitré qui sert de « pavillon d’accueil » : un escalier assez raide (ou un ascenseur) mène au long passage souterrain où une immense pirogue creusée dans le tronc d’un sipo, longue de 22 mètres et demi, fait office d’invitation au voyage ; elle pouvait transporter jusqu’à cent personnes ! On remonte ensuite vers une galerie d’introduction au « Musée en mouvement ».

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Pirogue. Ubundu, Bamanga, RDC, 1958 (22m50, 3500 kg)

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
© Chéri Samba, Réorganisation, 2002

Les polémiques qui ont accompagné la rénovation du musée (et certains choix plus politiques que muséaux) sont parfaitement illustrées par la toile de Chéri Samba à l’entrée, intitulée Réorganisation. On y voit, retenu à l’entrée par du personnel de l’ancien musée, le groupe de L’homme léopard tiré vers l’extérieur par des Congolais qui estiment que cette représentation de « l’effrayant Congolais assoiffé de sang » n’a plus sa place dans le musée actuel. Il a été finalement relégué avec d’autres statues jugées inappropriées dans une salle de dépôt.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Herbert Ward, Le dessinateur, 1910 (Dépôt de sculptures)

Parmi les bronzes écartés, des œuvres de Herbert Ward comme Le dessinateur, Le faiseur d’idole, Le chef de tribu ((illustrées sur Wikipedia). Et aussi ce groupe où un Arabe enturbanné impose son autorité à un homme nu jusqu’à la taille, rappel de la traite des esclaves par des commerçants « arabo-swahilis ». Celle-ci, qui précède la période coloniale, est évoquée fort discrètement par rapport aux exactions commises au Congo belge.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Sous la coupole ou sur les ornements extérieurs, le monogramme de Léopold II (double L)

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop

Il est vrai que nous sommes ici sur d’anciennes terres de Léopold II. Rappelons l’origine du musée Africa : à l’exposition universelle de Bruxelles en 1897, le roi Léopold II – surnommé par Eric Vuillard le « pharaon du caoutchouc » dans son récit Congo – a fait déplacer la « Section Coloniale » dans le Palais des Colonies (actuel Palais de l’Afrique) au parc de Tervueren, propriété royale héritée de Léopold Ier. Elle y devient le premier musée permanent du Congo et un institut scientifique. Sur les gains de son domaine privé royal du Congo, Léopold II commande à Charles Girault, l’architecte du Petit Palais à Paris, de nouveaux bâtiments où présenter ses collections : le « Musée du Congo belge » sera inauguré après sa mort par le roi Albert Ier, en 1910.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Masques d'initiation (Visages du rite mukanda)

Un siècle plus tard, les collections permanentes du musée Africa se déploient autour d’une cour intérieure. En deux heures, on peut tout voir sans trop s’attarder ; si l’on veut bien regarder, mieux vaut choisir – les collections sont abondantes. Le plan indique un parcours dans le sens des aiguilles d’une montre, mais nous sommes attirés d’emblée par la grande salle des « Rituels et cérémonies ».

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop

Au-dessus des vitrines anciennes en acajou, j’admire les frises art nouveau sur les murs et sous les plafonds, très bien restaurées. La présentation des rites africains, de la naissance à la mort, est fort intéressante. Des témoignages personnels (vidéos contemporaines) voisinent avec des objets très divers et souvent superbes : statuettes, masques, coiffes, costumes, coupes… Une petite photo de chaque objet facilite la recherche de sa légende. 

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Objet de force. Représentation d'un couple lemba. Mayombe. Fin du XIXe siècle

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Kiteya. Coupe, XIXe siècle

Les notices explicatives permettent de mieux comprendre ce qui est montré, comme cette robe wax portant la mention « 1 + 1 = 1 », « tenue idéale pour les demoiselles d’honneur dans un mariage congolais ». Parmi les acquisitions les plus anciennes du musée, j’ai admiré ces impressionnants cercueils nkudu ou sarcophages en bois à silhouette humaine, couverts de peintures rituelles. Et aussi l’art décoratif des peuples kuba, particulièrement travaillé. 

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Cercueils nkudu, bois, peintures rituelles, fin du XIXe siècle

Les salles suivantes retracent l’histoire de l’Afrique centrale à partir d’objets très anciens, les fresques peintes au-dessus des vitrines rappellent l’atmosphère de l’ancien musée. La « Salle des crocodiles », entre deux belles portes vitrées en fer forgé, montrent, en plus des crocodiles en bronze, de riches collections naturalistes : superbes papillons, insectes, poissons conservés dans le formol, et aussi des photos anciennes en noir et blanc. Le « Cabinet des minéraux » est impressionnant.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
De la salle "Une longue histoire" vers la "Salle des crocodiles"

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop

Dans la galerie consacrée à l’histoire coloniale, une immense carte murale reprend les découvertes géographiques en Afrique centrale au XIXe siècle. La présentation mêle des objets d’usage quotidien à d’autres plus importants, comme une lettre de Léopold II à Stanley, dont j’aurais aimé une reprise plus lisible du texte. Et aussi une évocation plus soignée de l’indépendance et de l’histoire congolaise contemporaine, davantage que des panneaux composés de titres et unes de journaux.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Aperçu de la xylothèque (Salle "Le Paradoxe des ressources")

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop

Que de richesses naturelles dans ce grand pays ! Parmi ses ressources, 82 000 essences de bois sont illustrées par une belle xylothèque et des tranches de bois précieux présentées sous une grande nasse en lianes, une pirogue de pêcheur, une de ces géniales « trottinettes » de transport.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Ci-dessous : © Aimé Mpane, Nouveau souffle ou le Congo bourgeonnant, bois et bronze

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop

C’est dans une vitrine consacrée au commerce de l’ivoire qu’on a posé de biais le buste de Léopold II en ivoire (copie d’un marbre de Thomas Vinçotte) qui trônait au centre de la grande rotonde sous le Dôme. Symboliquement, on a installé là une œuvre contemporaine de l’artiste Aimé Mpane, Nouveau souffle ou le Congo bourgeonnant, contrepoids aux statues d’origine maintenues, bien qu’elles témoignent d’une « vision coloniale », parce qu’elles sont classées. Cette tête en bois monumentale, surmontée de palmes et posée sur une coulée de lave en bronze, est un magnifique hommage à la grandeur et à la richesse du Congo.

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop
Loxodonta africana, Eléphant de savane d'Afrique : King Kasaï,
abattu et empaillé pour l'exposition universelle de 1958, restauré

africa museum,tervuren,musée royal de l'afrique centrale,congo,léop

Et voici la formidable salle des animaux sauvages et de la biodiversité, dominée par l’éléphant, qui a impressionné tous les écoliers belges depuis un siècle. C’est là que les gardiens nous ont demandé de sortir : il était cinq heures, le musée allait fermer, du moins pour le public. Au sous-sol, on préparait une réception privée. La découverte des « Langues et musiques » ainsi que de l’exposition « Art sans pareil » sera pour une autre fois. Le musée Africa mérite certainement plusieurs visites.

Commentaires

  • J'aimerais le voir et en même temps j'hésite. J'ai des souvenirs refoulés au sujet du Congo, et par exemple j'ai peur (réellement) de pas mal d'objets africains. Ce qui tombait mal puisque mon père adorait l'Afrique et les Africains. :) Mais je n'ai pas envie de me psychanalyser, il doit y avoir une raison mais qui n'est pas importante au niveau mondial, donc je continue d'hésiter et peut-être un jour...

  • Mon souvenir du musée était très partiel, ma mémoire n'avait enregistré que la beauté des animaux sauvages et l'aspect général des vitrines. Mais je me suis si souvent promenée dans le parc que j'avais fort envie de découvrir le musée rénové. (Pour info, le restaurant dans le pavillon d'accueil, avec une belle vue sur les jardins, affiche presque complet tous les midis, on y donne priorité aux groupes, il faut réserver.)
    La diversité des collections est telle, Edmée, que tu peux éviter certaines salles si tu le souhaites.

  • Merci Tania de nous avoir entrainés avec toi, dans cette visite documentée et dépaysante. Je ne savais pas qu'il existait tant d'essences de bois et j'ai appris le mot Xylothèque ! Quelle richesse ce musée ! Bises.

  • Merci, Claudie. C'est un bel endroit où il y a beaucoup de choses à apprendre.

  • Il me semble y être allée (surtout le parc, d'ailleurs) avec des amis africains (pas du congo)

  • Le parc est une destination de promenade très prisée, tout près de Bruxelles et de la Forêt de Soignes.
    Quant au musée, il est actif dans une vingtaine de pays africains et c'est un centre de référence renommé pour l'Afrique centrale.

  • Merci Tania pour cette visite très intéressante. En France nous sommes en pleine réflexion (et même un peu plus), sur la restitution des oeuvres aux peuples qui les ont produites. Ce mouvement s'accompagne également pour les oeuvres qui restent ici, de la nécessité de spécifier sous chaque objet, la manière dont il a été "acquis". J'ai écouté une émission sur ce thème et c'était réellement très intéressant.

  • Cette question se pose en Belgique aussi, comme partout en Europe, il me semble. Le site du musée informe sur l'origine des collections et sur les critères d'achat actuels : https://www.africamuseum.be/fr/discover/origin_collections

  • Bonjour Tania, merci pour cette belle visite.
    Le Congo et la Belgique...une histoire douloureuse aussi.
    J'aime beaucoup l'art africain en général et ici le couple lemba et la coupe dessous sont de toute beauté! le cercueil & sarcophage également!
    Bonne après-midi.

  • Une histoire très douloureuse, comme le rappellent de nombreuses plaquettes tout au long du parcours.
    Dans cette grande salle des "rituels et cérémonies", les beaux objets sont nombreux, avec des légendes et des textes d'explication très utiles. Bonne soirée, Colo.

  • J'y suis allée une fois il y a plusieurs années, ce sera un butd'excursion à l'été prochain, le parc est très agréable aussi.

  • Bon plan ! Oui, c'est très agréable de se promener par là.

  • je l'ai visité plusieurs fois et c'est vrai qu'il avait bien besoin d'un coup de neuf, ça a l'air très réussi!

  • Bravo. Je serai curieuse de connaître tes impressions.

  • Nos pays ont des passés peu glorieux quant au colonialisme... Si l'on ne doit parler que de ce musée, la mise en scène parait somptueuse, je reviendrai mieux observer et admirer ce que tu nous offres là. Merci Tania, très belle soirée. brigitte

  • En effet, Brigitte. De là à raser ce musée, comme le souhaitaient certains, il y a de la marge. Le nouveau musée tient la route, il me semble. Bonne journée !

  • C'est un lieu qui a l'air superbe, en plus au milieu d'un grand parc. C'est vrai que l'on ne se sent pas super à l'aise en visitant, en sachant tout ce que l'on sait maintenant, mais les objets sont magnifiques. J'ai dû écouter la même émission qu'Annie où un Africain disait, entre autres, qu'il préférait savoir certains objets dans les musées européens, plutôt que les voir s'abîmer définitivement dans des musées africains sans aucun moyen de conservation digne de ce nom.

  • Une réflexion que j'ai déjà entendue aussi. Un grand musée devrait s'ouvrir à Kinshasa cette année et la question de la restitution de certaines oeuvres se posera certainement à nouveau.

  • Quelle richesse vous nous faites partager ! J'ai honte de l'avouer , moi la Française , pour qui le Congo Belge n'a longtemps évoque que le chocolat Côte d'Or , que m'offrait alors ma petite cousine luxembourgeoise ! Ce pays aura toujours pour moi le goût du chocolat , ma madeleine de Proust !

  • Pour les Belges aussi, même si la société Côte d'Or n'est plus belge, hélas. Je me souviens d'une visite scolaire à la fabrique et au parfum irrésistible du chocolat dans lequel on y baignait. Le logo à l'éléphant a été conservé.

  • Certainement un très beau musée mais dans ce genre de lieu comme au Musée Guimet en france on ne peut s'empêcher de songer au passé si lourd
    le livre de Vargas llosa sur les exactions au Congo reste dans ma mémoire de façon forte

  • Bien sûr. Tu fais allusion au "Rêve du Celte" ?

  • je visitais régulièrement le musée lorsque mes fils étaient petits - ils aimaient beaucoup, moi moins compte tenu de l'historique des lieux - peut-être y retournerais-je, en tout cas merci pour cette belle balade virtuelle

  • Avec plaisir, Niki. Malgré tout, c'est une partie de notre histoire et ce musée est devenu aussi "un centre mondial de recherche et de diffusion des connaissances" (site du musée : mission et organisation) qui compte 80 scientifiques parmi ses 250 employés.

  • Très belle batisse, luimineuse, aérée où il doit faire bon admirer ces chefs d'oeuvre.

  • Cette architecture d'inspiration parisienne est un bel écrin, en effet.

  • Passionnant ! je comprends qu'il ait fallu te mettre à la porte du musée ! Je ne connais pas du tout mais je suppose qu'il est l'équivalent du musée du quai Branly à Paris ? Merci de me le faire découvrir.

  • Le Musée royal de l'Afrique centrale n'est pas comparable au Quai Branly dont les collections beaucoup plus vastes et diversifiées viennent aussi d'autres continents et sont centrées sur les arts. Celui-ci est un établissement à mission scientifique, à la fois sur l'histoire passée et la période contemporaine. Tu trouveras beaucoup de renseignements sur le site africamuseum. Bonne journée, Claudialucia.

  • Avec plaisir, Eimelle.

  • … ou à d'autres pillages et conquêtes de guerre, en effet. Ce musée-ci en est un cas emblématique.

  • Un musée plein de trésors et on est toujours partagés entre le plaisir de voir des œuvres auxquelles nous n'aurions jamais accès et le souvenir de nos pays impliqués sans complexe dans la colonisation.
    J'ai bien aimé ce dialogue entre la sculpture contemporaine et le passé du musée.
    La pirogue est superbe.

    J'ai participé il y a peu à une visite guidée dans notre Musée d'Aquitaine, autour des salles d'ailleurs et j'ai beaucoup apprécié les explications.
    Il faut aussi au moins une demi-journée pour visiter l'ensemble du musée allant de la Préhistoire à l'époque actuelle, sans oublier la partie dédiée au commerce triangulaire et à l'esclavage, que je n'ai pas revue cette fois-ci.

  • Merci pour ton appréciation, Maïté/Aliénor. Je ne connaissais pas le musée d'Aquitaine, je retiens cela pour le jour où j'irai visiter Bordeaux.

  • J'y suis allé deux fois il y a une quinzaine d'années, chaque fois dans le cadre de visites pédagogiques avec mes élèves qui ont adoré. A 9-10 ans, ils ne voyaient pas l'aspect historique de la colonie, mais surtout les animaux et la vie en Afrique. J'ai envie d'y retourner seul pour voir comment a évolué ce musée.

  • La dénonciation du colonialisme n'était guère mise en avant dans l'ancien musée. A présent, elle l'est, de manière que certains jugent excessive. Je serai curieuse de lire tes impressions quand tu l'auras revisité - le "nouveau" musée vaut vraiment le déplacement.

  • Je n'y suis pas encore allé depuis mon précédent commentaire, mais j'ai mis un lien sur mon blog vers ton article, ainsi qu'un compte-rendu d'un ouvrage que j'ai lu sur le Congo belge. Bonne semaine Tania.

  • Merci de relayer ce billet, à bientôt.

Écrire un commentaire

Optionnel