« Je suis née au milieu d’eux, c’est plus facile de redevenir comme eux… Non ! Je voulais plutôt être putain, j’avais lu ça dans Ici Paris, des récits de filles perdues. Au moins, elles en étaient sorties, de leur trou. Je partais, je m’évadais, je cherchais dans le Larousse les mots étranges, volupté, lupanar, rut, les définitions me plongeaient dans des rêveries chaudes, destin blanc et or, salles de bains orientales, je me coulais dans des cercles de bras et de jambes parfumés. La beauté, une sorte de bonheur fatal étaient de ce côté, pas dans la maigre sonnette, les pots de confiture gluants au milieu de leur auréole. Le bien, c’était confondu avec le propre, le joli, une facilité à être et à parler, bref avec « le beau » comme on dit en cours de français ; le mal, c’était le laid, le poisseux, le manque d’éducation. »
Annie Ernaux, Les armoires vides
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