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architecture - Page 3

  • Entrez lentement

    Pas de majuscule au titre de Florence Marchal, entrez lentement. L’obsession Eileen Gray, qui vient de paraître aux éditions espaces.regards, avec des dessins de Florence Collard. Il n’y en a pas à ces mots peints au pochoir sur un mur de la villa E.1027 conçue en 1925 par l’architecte-designer irlandaise : « une petite maison en bord de mer, située entre Menton et Monaco, au pied du village de Roquebrune, sur la presqu’île du cap Martin ».

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    Florence Marchal, architecte et plus, propose sous ce titre une « exofiction, contée non sans malice », suivie de documents sur Eileen Gray et sur ce « joyau de l’architecture moderniste et symbole de liberté des années folles » qui a traversé le siècle cahin-caha jusqu’en 2000, année de sa vente au Conservatoire du littoral, avant restauration. Aujourd’hui, ouvert au public.

    Avec humour, l’autrice a placé deux citations en épigraphe: « Un bon plan de maison commence à la tringle à rideaux. » (Le Corbusier) et « Les formules ne sont rien : la vie est tout. » (Eileen Gray) Quand Florence Marchal y est entrée pour la première fois, la villa était « squattée et délaissée », comme le montre, sur la couverture, la photographie de la salle de séjour prise en juillet 1997. Du chemin des douaniers, on ne voyait pas la maison, mais elle n’a pas hésité à enjamber un muret pour s’en approcher.

    Son désir était grand de découvrir E.1027 (E comme Eileen, 10 pour la lettre J de Jean, 2 pour B de Badovici, 7 pour G de Gray). La biographie d’Eileen Gray par Peter Adam venait d’être traduite, cela tombait bien : elle était « à la recherche de femmes architectes » pour son mémoire. Son histoire – « une jeune fille de l’aristocratie irlandaise s’en va à Paris étudier l’art » – et sa photo de profil l’attirent, et surtout cette petite villa conçue pour son compagnon, Jean Badovici.

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    © Florence Collard, Entrez lentement

    « Je regarde la fresque aux couleurs criardes qui revêt dorénavant le grand mur qu’elle voulait nu comme une résistance nette et claire et je n’ose pas avancer. » Que Le Corbusier (« le Corbeau ») ait peint, en 1938-1939, de grandes fresques sur les murs de cette maison dont il avait apprécié « l’esprit rare qui en a dicté toutes les dispositions », une intervention polémique, est une des pierres d’achoppement sur lesquelles Florence Marchal a construit son texte.

    Une fois rappelées les circonstances dans lesquelles Eileen Gray découvre en janvier 1925 « le lopin rocailleux » près de la mer, « la beauté sauvage du paysage », « ce mélange de friche et de culture » qui correspond à ce qu’elle cherche, le texte s’ouvre. C’est la maison qui raconte : « Je suis née, façonnée par ses mains. J’ai été désirée, aimée, et un jour rejetée, par trop d’attente. J’ai connu trois années entières de bonheur, un peu plus si je compte celles où elle me conçoit et me pousse hors de terre. Le reste n’est qu’une alternance d’espoir et de résignation, de souffrance et de tristesse, rarement de joie, mais aussi d’étonnement et d’amusement pour ce beau monde qui tournoyait à mes côtés. »

    Florence Marchal a choisi un angle original en faisant parler cette maison « vivante », « diva sortie in extremis de l’oubli ». Celle-ci a « bonne mémoire », une mémoire quasi amoureuse de sa créatrice qui a brûlé avant sa mort « la plupart de ses archives, les traces de son intimité, n’épargnant que le fruit de son travail. » Elle reconnaît la paternité de Bado (Badovici), jeune architecte, « une beauté slave et du bagou », qui « voyait en elle une aristocrate moderne et une artiste talentueuse » et sans qui elle ne serait pas née.

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    © Florence Collard, Entrez lentement

    « Je fus une sorte de caprice balancé sur l’oreiller, une idée solaire au cœur de l’hiver. […] Je serais donc son petit refuge à lui, une opportunité pour elle, une prise d’élan. Dans l’inconnu. Elle muta ainsi architecte autodidacte […] Je ne fus hélas pas l’unique, deux autres me succédèrent, mais je suis restée la préférée, bien qu’elle n’hésitât pas à m’abandonner à l’heure de tourner la page, perpétuellement en fuite, d’elle-même avant tout. »

    En onze séquences, E.1027 raconte ce qu’elle a vu et entendu, ce qu’elle a ressenti, le passage des amis, ses ombres et ses lumières, la lubie de « l’oiseau de mauvais augure » (le Corbeau) venu marquer son territoire en peignant des fresques – il aura le mauvais goût de les publier « dans son Œuvre complète, sans prendre la peine de mentionner [sa] créatrice ».

    Le beau texte de Florence Marchal et les dessins lumineux de Florence Collard ont ravivé mes souvenirs d’un séjour à Roquebrune-Cap Martin. J’ignorais alors l’existence de la villa d’Eileen Gray, et j’aimerais la re-visiter un jour, puisque entrez lentement m’y a déjà introduite à travers une voix sensuelle et rebelle – à découvrir.

  • Balades de janvier

    Pourquoi pas une poignée de porte pour ouvrir ce premier billet balade de 2022 ? Je m’étonne, je me réjouis chaque fois que je me promène dans mon quartier et que j’y vois soudain, alors que je suis passée là mille et une fois, un détail jamais remarqué et pourtant remarquable. Cette fois, c’était peut-être à cause du soleil, si bas à cette saison, qui en ce premier jour de l’an faisait briller une poignée jaunie par le frottement des mains, joliment sculptée en forme de poisson.

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    La lumière est magicienne, j’en suis persuadée. Elle cache, elle montre, elle révèle. Voyez cette belle maison art nouveau que nous ne manquons jamais d’admirer au passage. Du côté ombre de l’avenue à cet instant, l’harmonie de sa façade était particulièrement mise en valeur. Quel accord en douceur entre ses briques claires et les bandeaux de pierre bleue, les reliefs des contours de porte et de fenêtres (des jolis nœuds du haut aux volutes du bas) éclairés juste comme il le fallait.

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    Un autre jour, le soleil allait bientôt se coucher sur la campagne quand au bord de la route – nous avions évité les chemins détrempés après une série de jours pluvieux –, ces deux autruches se sont tournées vers nous. Dans ce coin du Brabant flamand, les chevaux ont souvent remplacé les vaches d’autrefois. Verrons-nous se multiplier ces drôles de volatiles ? Impressionnant, leur regard noir.

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    Vous aurez deviné, si vous avez l’habitude de visiter ce blog, quel est le parc schaerbeekois que voici par un beau jour de janvier. Les jardiniers communaux ont bien travaillé cet hiver, le parc Josaphat a belle allure après la taille, le ramassage des feuilles, le nettoyage autour des étangs. Par un jour sans vent, ceux-ci offrent de jolis jeux de miroirs.

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    Et qu’apercevons-nous sur ces nouveaux abris flottants destinés aux canards, avec deux maisonnettes ? Des oiseaux que nous n’avions jamais vus ici : on dirait bien un couple de cormorans. Un coup d’œil à la belle galerie du photographe Philippe Massart permet d’apprécier la variété des oiseaux à observer au parc et dans les parages.

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    En revenant sur nos pas, nous n’avons plus trouvé les cormorans au même endroit, mais sur un autre étang. A peine ressortis de l’eau où ils allaient chercher leur pitance, ils replongeaient si vite qu’il était fort difficile de prendre une bonne photo. La lumière, magicienne et malicieuse, nous jouait des tours.

  • Nord-Midi

    schuiten,peeters,bruxelles,un rêve capital,album,beau livre,histoire,architecture,urbanisme,culture,dessin« Parfois, on pourrait croire que Bruxelles n’est formé que de gares, que la capitale tout entière n’est qu’un lieu de passage destiné à être traversé au plus vite. Il est vrai que c’est de Bruxelles, le 5 mai 1835, qu’est parti le premier train du continent européen, reliant la capitale à la ville de Malines, vingt-deux kilomètres plus loin. Comme le réseau ferroviaire belge s’étend rapidement, la petite gare de l’Allée Verte ne suffit plus. On construit la gare du Nord, puis celles du Luxembourg et du Midi.
    Très vite, certains édiles bruxellois suggèrent de créer une liaison directe entre la gare du Nord et celle du Midi, avec une gare centrale au cœur de la ville. »

    (La Gare Centrale ne sera inaugurée qu’en 1952 par le jeune roi Baudouin, « au milieu d’un paysage urbain chaotique ».)

    Schuiten-Peeters, Bruxelles, un rêve capital (La jonction Nord-Midi)

    © François Schuiten, La Type 12 – Pont, 2017

  • Enfants de Bruxelles

    Schuiten et Peeters signent ensemble Bruxelles, un rêve capital, à ne pas confondre avec Brüsel (5e album des Cités obscures, 1992), la bande dessinée où ils avaient dénoncé dans une fiction apocalyptique ce qu’on appelle la « bruxellisation » : la destruction d’une ville « livrée aux promoteurs au détriment du cadre de vie de ses habitants, sous couvert d’une « modernisation » nécessaire » (Wikipedia).

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    Bruxelles, un rêve capital offre une plongée dans une ville bien réelle, racontée par Benoît Peeters et dessinée par François Schuiten, qui se considèrent tous deux comme des « enfants de Bruxelles ». Leur amour de notre capitale si diverse, ils en ont témoigné aussi en sauvant la Maison Autrique, œuvre de jeunesse de Victor Horta, ou, plus récemment, en œuvrant à l’aménagement de Train World, dont on doit la scénographie à François Schuiten (des pages y sont bien sûr consacrées).

    Leur nouveau livre propose « une traversée tout à fait subjective de l’histoire de Bruxelles », dont ils évoquent librement des moments, des lieux, des personnages marquants. Il suffit de le feuilleter sur le site de l’éditeur pour apprécier la beauté des illustrations pleine page (les deux premières montrent le mât de Lalaing et l’avenue Louis Bertrand). Parfait pour découvrir Bruxelles dont tous les charmes ne se dévoilent pas en un seul jour, jouissif pour ceux qui y vivent sans être forcément conscients de son passé et de son évolution urbanistique.

    « La Belgique est un livre d’art magnifique dont, heureusement pour la gloire provinciale, les chapitres sont un peu partout, mais dont la préface est à Bruxelles et n’est qu’à Bruxelles. » Cette phrase de Fromentin (dans Les Maîtres d’autrefois) mise en épigraphe est la première des nombreuses citations qui accompagnent l’ouvrage au fil des pages.

    En 1830, Bruxelles ne comptait que cent mille habitants (nous sommes douze fois plus en région bruxelloise actuellement). De grands travaux l’ont fait « devenir une capitale », comme la construction des Galeries Royales Saint-Hubert, du Palais de Justice monumental (au cœur de la bédé Le dernier pharaon), les aménagements urbanistiques lancés par le roi Léopold II, etc.

    Parmi les réalisations les plus réputées dans la capitale belge, on s’attendait moins à l’ascension du « Géant » de Nadar en 1864 au Botanique qu’à l’épanouissement de l’art nouveau avec Victor Horta ou à l’édification du Palais Stoclet, le chef-d’œuvre de Josef Hoffmann – j’espère comme tant d’autres pouvoir le visiter un jour. Au XXe siècle, voici « L’expo 58 » puis l’arrivée du Parlement européen…

    J’ai aimé voir mis à l’honneur, en plus des architectes ou des artistes, le génial Paul Otlet et son Mondaneum – l’inventeur de la Classification Décimale Universelle si utile en bibliothèque. Schuiten et Peeters ont bien sûr casé leurs favoris dans cette galerie aux trésors bruxelloise. On apprend que la « rue du Labrador », la première adresse (fictive) de Tintin, est devenue réalité à Louvain-la-Neuve, c’est la rue du musée Hergé.

    « Les raisons de critiquer Bruxelles sont nombreuses, connues, presque trop évidentes. Mais les raisons de l’aimer sont bien réelles, même si elles sont plus discrètes », concluent-ils, en rappelant que la ville est sans doute l’une des plus vertes d’Europe. Bruxelles, un rêve capital est un bel album à placer sous le sapin ou dans sa bibliothèque, pour s’y promener et pour rêver de la ville magnifiée par François Schuiten, entre réalisme et fantastique.

  • Mon plaisir

    Tenaerts Jaurès.jpgC’est mon plaisir, je ne m’en lasse pas, de me promener dans le quartier Huart Hamoir. Je vous ai déjà vanté les charmes de cette belle avenue qui porte le nom d’un ancien bourgmestre de la commune, côté pair et côté impair.

    Dans l’une des avenues qui s’étirent de part et d'autre du petit parc ovale à mi-hauteur entre la gare de Schaerbeek et le square Riga, j’avais déjà remarqué la façade pimpante de cette jolie maison qui porte la plaque bleue de l’avenue Jean Jaurès – sans savoir qu’elle était signée Louis Tenaerts et que je la retrouverais à l’exposition du Centre culturel.

    Louis & moi / ik Tenaerts, Centre culturel de Schaerbeek > 11.07.2021