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Peindre l'âme russe

L’exposition Ilya Répine va bientôt s’achever à Paris. Elle aura mieux fait connaître en France l’œuvre du grand peintre russe. Pour Stéphanie Cantarutti, conservatrice en chef du Petit Palais et commissaire de l’exposition interrogée dans le hors-série de Beaux Arts Magazine, celle-ci ne peut que passionner « ceux qui aiment Tolstoï ou Tourgueniev ou les Ambulants, incarnation d’une certaine idée de l’âme russe ».

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A l'entrée de la maison-musée de Repino (en 2005),
copie de l'autoportrait de Répine peint en Italie, à 43 ans (1887, Galerie Tretiakov) 

En 2005, j’ai eu le plaisir de visiter la belle maison-musée du peintre, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Saint-Pétersbourg : Ilya Répine (né dans l’actuelle Ukraine en 1844) a vécu là jusqu’à sa mort en 1930. La ville de Kuokkala, finlandaise jusqu’à la seconde guerre mondiale, ensuite soviétique, a été rebaptisée Repino en 1948 en l’honneur de ce grand artiste.

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La maison-musée de Répine, Les Pénates (Repino, 2005)

La maison en bois que le peintre a fait construire au début du XXe siècle, « Les Pénates », est surmontée de toits de verre étonnamment pointus, à la fois pour la lumière et pour empêcher que la neige s’y accumule. Dans cette toiture complexe, on remarque même une fenêtre en forme de fer à cheval. C’est une demeure chaleureuse, pleine des objets familiers, de photos et de toiles, entourée d’un parc paysager. Dans chaque pièce, on avait posé des bouquets de fleurs des champs.

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La table de la salle à manger où l'on ne servait que des plats végétariens,
sous l'influence de Tolstoï (Repino, 2005)

Les fenêtres de l’atelier donnent sur des arbres, j’en garde le souvenir d’une pièce inspirante. L’autre clou de la visite est la salle à manger où Répine et sa femme recevaient leurs invités autour d’une grande table ronde. Pas de domestiques, par principe. Les assiettes étaient disposées autour d’un plateau central surélevé et tournant, ainsi chacun pouvait respecter la règle de n’être servi par personne d’autre que soi-même. Pour celui qui y dérogeait, la sanction consistait à monter sur une petite tribune d’où il devait prononcer un discours !

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Ilya Répine, Les Haleurs de la Volga, 1870-1873, huile sur toile, Saint-Pétersbourg, Musée russe

A propos des Haleurs de la Volga, son premier tableau célèbre, on peut lire sur Russia beyond : « Ce n’était pas une masse grise insignifiante : chaque personnage avait son attitude, son caractère, son existence propre. Les hommes, dans leur effort commun, formaient un groupe qui marchait vers le spectateur comme pour briser les frontières de l’espace. Le tableau, envoyé en 1873 à l’Exposition universelle de Vienne, y a décroché une médaille d’or. »

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Ilya Répine, Quelle liberté !, 1903, Saint-Pétersbourg, Musée russe

L’art d’Ilya Répine est réaliste, sans académisme. Au Musée russe de Saint-Pétersbourg, j’ai admiré ses fameux Haleurs (anciennement Les Bateliers de la Volga). Et aussi Quelle liberté ! (1903, intitulé « Quel espace ! » dans le catalogue du musée), un joyeux couple d’étudiants dansant dans les vagues, une scène à laquelle un critique avait reproché alors son manque de réalisme, le jugeant plutôt allégorique.

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Ilya Répine, 17 octobre 1905, 183 x 2323 cm, Saint-Pétersbourg, Musée russe
(manifestation populaire qui fête la promulgation d'une nouvelle Constitution démocratique)

En plus des sujets historiques et religieux, Répine a peint le peuple russe dans sa vie quotidienne, dans la pauvreté comme dans la fierté, d’où son surnom de peintre de « l’âme russe ». Né à l’époque romantique, ce concept a été « porté par le grand élan universaliste et spiritualiste qui souleva alors toute l’Europe » (Alain Vircondelet, Peindre l’âme russe). Ecrivains, musiciens et peintres cherchent alors à exprimer l’identité et la spécificité de la  Russie.

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Ilya Répine, Libellule (sa fille Vera à 12 ans), 1884, Galerie Tretiakov, Moscou
Ilya Répine, Nadia Repina, 1881, Musée Raditchev, Saratov
Ilya Répine, Youri enfant, 1882, Galerie Tretiakov, Moscou

Ilya Répine est un remarquable portraitiste, un « stakhanoviste du portrait », écrit même Rafael Pic dans le hors série : il a renouvelé le genre en Russie. S’il a représenté ses proches dans des poses libres – ses filles Véra (Libellule, 1884) et Nadia (en rose et blanc, 1881), son fils Youri assis dans les plis d’un tapis (l’affiche de l’expo parisienne, 1882) –, il a peint des gens de tous les milieux, de nombreux compositeurs, dont Moussorgski juste avant sa mort, des écrivains, des grands personnages de son temps.

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Ilya Répine, Léon Tolstoï labourant, 1887, Moscou, galerie Trétiakov

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Ilya Répine, Léon Tolstoï au repos dans la forêt, 1891, Moscou, galerie Trétiakov

Son amitié de trente ans avec Tolstoï, que Répine a rencontré en 1880 (il avait 36 ans, Tolstoï 52), nous vaut les nombreux et magnifiques portraits de l’écrivain de Iasnaïa Poliana. Il rend la puissance de son regard, la fougue de ce prophète à longue barbe qui porte secours aux affamés, marche pieds nus dans la forêt, laboure lui-même avec deux chevaux… « Répine a contribué, plus que tout autre peintre, à fixer la légende tolstoïenne. » (Rafael Pic)

Commentaires

  • Magnifique compte-rendu de ta visite en 2005. Pour mieux en profiter il faut agrandir les images.
    Et pour commencer, quelle maison extraordinaire !
    Merci Tania !

  • Bonjour, Fifi & merci à toi. Je te recommande d'ouvrir le lien sur "Les Pénates" : tu y trouveras une description plus détaillée des lieux et en particulier, la photo du bureau aux fenêtres donnant sur les arbres qui correspond parfaitement à mon éblouissement dans cette pièce.

  • L'exposition est magnifique. J'attendais depuis longtemps de pouvoir regarder les toiles. Ton billet complète à merveille cette visite. En effet, devant les peintures, on ne peut s'empêcher de penser aux grands romans russes. Les portraits sont d'une grande beauté. J'ai une affection particulière pour son allégorie de la jeunesse " Quelle liberté ", la grande toile qui clôt l'exposition.

  • J'ai cherché si tu en avais parlé mais n'ai rien trouvé en cherchant Répine (avec ou sans accent). J'ai lu un compte rendu dans la blogosphère mais je ne sais plus chez qui, malheureusement (qu'il ou elle se fasse connaître, ce serait gentil).

  • Je te remercie d'avoir cherché, en vain. Je n'ai pas pris le temps pour les expositions de fin d'année, que ce soit Répine ou la superbe collection Morozov.

  • Tu as vu deux belles expositions, bravo. Alors chez qui donc ai-je lu un compte rendu ?

  • Mais quelle splendeur cette maison aux toits de verre ! Et en ouvrant les liens, je comprends ton émerveillement en entrant dans le bureau du peintre !
    Merci Tania pour la visite d'une exposition...que j'ai manquée. Il y a tant de tendresse dans ses portraits....

  • N'est-ce pas ? J'ai eu la chance de voir des oeuvres de Répine dans les grands musées de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Le hors série semble épuisé, je suis contente de l'avoir.

  • Très intéressant compte- rendu d'exposition, ce n'et pas facile à faire.......Ma dernière expo date du 24 décembre à Paris.......;;je n'ai rien écrit dessus!! (c'était Simone Pheulpin au M.A.D (musée des arts décoratifs)
    Donc: 10/10 pour toi!!!

  • Grand merci pour ta cote, Anne... mais je n'ai pas vu cette expo, juste lu le hors série et ravivé mes souvenirs de voyage.
    (Simone Pheulpin, plieuse de temps : des oeuvres textiles étonnantes, de vraies sculptures même !)

  • Je ne verrai hélas pas l'expo Répine au Petit Palais, je ne veux pas prendre les transports en commun tant que le covid est aussi haut. Merci pour ce beau billet qui nous donne à voir les tableaux que tu as aimés. Quelle chance de les avoir vus là-bas ..

  • Je te comprends, Aifelle, moi-même je n'ai pas encore repris mon abonnement bruxellois. De grands souvenirs de deux voyages culturels en Russie, le premier à Moscou, le second à Saint-Pétersbourg, préparés par des amies chères (disparues mais très présentes).

  • C'est un artiste magnifique, j'aurais vraiment aimé voir cette exposition. Et sa maison, une pure merveille, ses toits pointus sont féériques, quelle imagination ! Je rêve d'habiter une maison en bois, je n'aurais pas pensé y associer des toits de verre, la nuit, quel spectacle ce doit être ! Merci Tania, je vais visiter les liens que tu nous proposes. Douce journée. brigitte

  • Rêvons, rêvons, Brigitte. Ici en ville, les étoiles sont beaucoup moins visibles qu'à la campagne, mais j'en ai une de toi tout près, suspendue dans la bibliothèque.
    Le blanc du givre est en train de fondre et le ciel déploie du bleu, chouette ! Belle journée, bises.

  • un peintre que j'aime beaucoup et quand je lis un roman russe je pense immédiatement aux images qu'il nous a offert

  • Je compte feuilleter le catalogue de l'exposition quand je le trouverai en librairie, un cadeau à se faire ?

  • Quelle chance que vous ayez visité Saint-Pétersbourg. Avez-vous vu le film "Russian Ark" d'Aleksandr Sokurov ? Il a été filmé à l'intérieur du musée de l'Ermitage le 23 décembre 2001. Il raconte l'histoire de la Russie depuis Pierre le Grand jusqu'à aujourd'hui. Je l'ai regardé plusieurs fois et c'est un de mes préférés.

  • N'est-ce pas, Jane ? Je ne connaissais pas ce film et j'aimerais beaucoup le voir. La bande-annonce est disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=ZV1kphEEXn8

  • Encore mieux : le film est visible en ligne, super !
    https://www.youtube.com/watch?v=PECz8C7m_Yo

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