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dessin

  • Sophie Taeuber

    TaeuberArp (64) animaux.jpgLongtemps dans l’ombre de Jean Arp, Sophie Taeuber-Arp est à présent redécouverte comme une artiste à part entière.

    La journaliste et réalisatrice Safia Kessas propose sur le site de Bozar une série de podcasts passionnants en six épisodes, dont le premier s’intitule « l’ange muet se révèle près de 80 ans après sa mort ».

    Sophie T. a exécuté des danses modernes au Cabaret Voltaire de Zurich devant les dadaïstes. Formée aux arts appliqués, notamment à la technique du bois tourné, elle a fait sensation avec ses marionnettes « dada » traitées de manière abstraite.

    Entre 1925 et 1942, Sophie Taeuber-Arp a participé à plus de quarante expositions en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Son activité d’enseignante à l’École des arts appliqués de Zurich a souvent permis au couple de vivre et de créer librement.

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    L’exposition Arp à Bozar met bien son œuvre en valeur. Depuis la publication de la correspondance de Sophie Taeuber en 2021, on connaît mieux la vie qu’elle a menée : elle s’occupait de tout, maison et administration.

    Dans le magazine Bozar de la saison ’24-’25 (en ligne), je vous recommande l’article de Safia Kessas, « Sophie Taeuber, une voix retrouvée, aux côtés de Jean Arp » (pp. 13-18), une réflexion sur son rôle de femme artiste et de femme d’artiste.

    Sophie rêvait Sophie peignait Sophie dansait, poème écrit par Jean Arp après sa mort, est repris dans les Morceaux choisis (pp. 26-27).


    sophie taeuber-arp,exposition,bozar,art abstrait,couple,peinture,dessin,sculpture,design,femme artisteSophie Taeuber-Arp, Sienne, maisons, animaux, 1921,
    gouache et crayon sur papier brun,
    Etienne Bréton / Saint-Honoré Art Consulting

    Sophie Taeuber-Arp, Equilibre, 1932,
    huile sur toile,
    Stiftung Arp e.V., Berlin / Rolandswerth

    Sophie Taeuber-Arp, Forme bleue, 1935,
    gouache et crayon sur papier, collection privée

  • Arp & Taeuber-Arp

    Les couples d’artistes ne sont pas très nombreux dans l’histoire de l’art. Celui de Hans/Jean Arp & Sophie Taeuber-Arp, « Friends, Lovers, Partners », fait l’objet d’une formidable exposition au Palais des Beaux-Arts (Bozar), qui m’a beaucoup appris. Je ne connaissais pas grand-chose du premier en dehors de ses sculptures organiques, et je méconnaissais la seconde qui a joué un rôle moteur dans ce couple créatif, depuis leur rencontre à Zurich en 1915 jusqu’à sa mort accidentelle en 1943.

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    Entrée de l'exposition : Hans/Jean Arp avec Monocle-nombril, 1926
    & Sophie Taeuber avec la Tête Dada par Nic Aluf, 1920
    Stiftung Arp e.V., Berlin / Rolandswerth

    Jean Arp (1886-1966) et Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) s’intéressent tous deux à l’art textile – broderies et tapisseries – comme support de leurs compositions abstraites. Dès la première salle, en découvrant d’un côté des œuvres de Jean A. et de l’autre, de Sophie T., on voit tout de suite que celle-ci explore davantage la couleur.

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    © Hans/Jean Arp, Composition en diagonales, 1915, Tapisserie, laine, 
    Collection de Naomi Milgrom, Melbourne

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    Sophie Taeuber-Arp, Sans titre, vers 1918, broderie, soie sur toile,
    Hilti Art Foundation, Schaan

    Beaucoup d’artistes se sont réfugiés en Suisse durant la première guerre mondiale, notamment à Zurich où naît le mouvement dada (au Cabaret Voltaire). L’influence de Sophie T. apparaît dans les collages géométriques de Jean A. (papiers colorés sur carton). Dada rompt avec la tradition, Arp décrit ses œuvres comme « des constructions de lignes, de surfaces, de formes, de couleurs. »

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    © Hans/Jean Arp, Collage géométrique, 1916,
    collage de papiers colorés sur carton, collection privée

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    Sophie Taeuber-Arp, Composition verticale-horizontale, 1916,
    Crayon de couleur, gouache et crayon sur papier,
    Stiftung Arp e.V., Berlin / Rolandswerth

    En 1916, Sophie T. est connue comme une artiste textile. Ses créations de perles et de fils (coussins, couvertures, sacs et colliers) sont des objets traditionnels, mais elle innove par les formes et les couleurs. Sa maîtrise est telle qu’un critique écrit : « elle aime tant le rouge qu’il faut l’en remercier. » Ses compositions picturales jouent sur la verticale et l’horizontale, les courbes et les droites.

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    Sophie Taeuber-Arp, Formes géométriques : sac en perles, vers 1917 / collier, vers 1918,
    Musée du Design, Collection des Arts décoratifs, Zurich, ZHdK

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    Sophie Taeuber-Arp, Marionnettes pour Le roi cerf, 1918

    Les deux artistes rejoignent un groupe suisse qui cherche à renouveler l’art et à l’intégrer dans la vie quotidienne, en abolissant la frontière entre art et arts appliqués. C’est ainsi que Sophie T. expose pour la première fois des têtes peintes et des marionnettes avant-gardistes pour la pièce de Carlo Gozzi, Le roi cerf. Les dadaïstes sont enthousiastes. C’est sa Tête Dada en bois tourné de 1920 qui dissimule une partie de son visage sur la photo à l’entrée de l’exposition.


    Vidéo : Marionnettes en mouvement par Marina Rumjanz (YouTube)

    A cette époque, Arp développe à l’encre « un vocabulaire formel biomorphe aux « ovales mouvants » caractéristiques de son œuvre ». On les retrouve dans cette peinture en relief sur bois présentée comme un portrait de Tristan Tzara et intitulée « La mise au tombeau des oiseaux et papillons »
    En 1922, les deux artistes se marient en Suisse. Sophie reçoit la nationalité allemande et prend le nom de Sophie Arp-Taeuber puis de Sophie Taeuber-Arp qu’on lui donne aujourd’hui. Ce qui m’a frappée, c’est comment avec des moyens très simples (lignes, formes, couleurs), ils n’ont cessé de créer du nouveau, et à quel point, un siècle plus tard, cela reste d’une étonnante modernité.

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    Sophie Taeuber-Arp, Eléments divers en composition verticale-horizontale, 1917,
    gouache et crayon sur papier, Mark Kelman, New York

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    © Hans/Jean Arp, Composition, vers 1920,
    encre et crayon sur papier, collection privée

    Tous deux explorent à leur manière le motif de l’oiseau. Dans la Composition à motifs d’oiseaux de Sophie T. (ci-dessous), j’ai particulièrement aimé les lignes légèrement concaves qui font penser à une toile, un voile soulevé par la brise, ce qui accentue l’aspect aérien de l’œuvre. Lion – Oiseau, ce sont des encres de Hans Arp pour illustrer un recueil de Tristan Tzara.

    TaeuberArp (66) Sophie Composition aux oiseaux.jpg
    Sophie Taeuber-Arp, Composition à motifs d'oiseaux, 1928,
    gouache et crayon sur papier, collection privée

    TaeuberArp (70) Hans Lion Oiseau.jpg
    © Hans/Jean Arp, Lion - Oiseau, vers 1923, projets pour le recueil de poèmes de Tzara
    publié en 1929, encre sur papier, collection privée

    Prenons la figure humaine, par exemple, qu’ils ont parfois approchée, toujours de façon abstraite. Sophie T. suggère un groupe de personnages rien qu’à l’aide de taches quadrangulaires ou par une déclinaison de rectangles pour des corps étendus. Hans A. montre deux têtes avec une ficelle sur une toile. Homme et femme (ci-dessous) est l’œuvre qui figure à l’affiche de l’exposition.

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    Sophie Taeuber-Arp, Taches quadrangulaires évoquant un groupe de personnages, 1920,
    gouache et crayon sur papier, Collection privée

    Taeuber Arp Mari et femme.jpg
    © Hans/Jean Arp, Homme et femme, vers 1928, aquarelle et crayon sur papier, collection privée
    © SABAM Belgium 2024, photographer: Fabien de Cugnac

    Les formes circulaires ont été pour le couple un domaine d’exploration fécond : Hans privilégie l’ovale ou l’anneau nombril (voir le monocle sur sa photo). Sophie agence des cercles et d’autres formes géométriques. J’avoue avoir souvent préféré son travail – l’exposition révèle une femme artiste méconnue. Hans & Sophie ont aussi réalisé des œuvres ensemble, réunies dans une salle : Sculpture conjugale (en bois), Duo-peinture, Duo-dessins 

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    © Hans/Jean Arp & Sophie Taeuber-Arp, œuvres en duo : Sculpture conjugale (au milieu),
    Jalon (à droite) / Sophie Taeuber-Arp, Tête (à gauche)

    « Textile, peinture, dessin, design, sculpture, poésie : l’exposition que Bozar consacre à Hans/Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp permet de découvrir toutes les facettes du dialogue artistique permanent entre ces deux personnalités majeures de l’art abstrait au XXe siècle », écrit Jean-Marie Wynants dans Le Soir. Le petit Guide offert aux visiteurs propose des « Morceaux choisis » (correspondance, journaux, poèmes) très intéressants à lire pour prolonger la visite. Le catalogue magnifiquement illustré publié par le Fonds Mercator n’est disponible qu’en anglais. Compter deux heures au moins pour découvrir cette exposition très riche et variée, jusqu’au 19 janvier 2025. 

  • Moment de beauté

    Bonnard Caumont (42) La petite fenêtre.JPG« Représenter la nature quand c’est beau. Tout a son moment de beauté. La beauté, c’est la satisfaction de la vision. La vision est satisfaite par la simplicité et l’ordre. La simplicité et l’ordre sont produits par les divisions de surfaces lisibles, les groupements de couleurs sympathiques, etc. » (16/2/1932)

    Pierre Bonnard, Un sentiment qui tient le mur

     

    Pierre Bonnard, La petite fenêtre, 1946, huile sur toile
    Collection belge LGR

  • Notes de Bonnard

    En sortant de l’exposition Bonnard et le Japon, j’ai trouvé à la boutique de l’Hôtel de Caumont un petit livre : Pierre Bonnard, Un sentiment qui tient le mur – Notes, propos et entretiens, dans la collection de poche de L’Atelier contemporain. J’ai découvert avec curiosité ces notes bien présentées sur papier ivoire, illustrées de photos, de dessins et de mots griffonnés sur des pages d’agendas.

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    « Ce livre regroupe des notes de Bonnard qui révèlent un artisan passionné du métier de peindre autant qu’un poète fervent de la vie brève, un célébrant du passage »  annonce Alain Lévêque dans la préface. Le titre vient de l’artiste lui-même qui se rangeait dans la peinture et aussi le dessin « de sentiment ». Soucieux de rendre en peignant l’émotion première, il écrit, en janvier 1934 : « Une vision sentimentale qui tient le mur. (Un sentiment qui tient le mur.) »

    Les premières notes extraites des agendas de Bonnard conservés à la Bibliothèque nationale datent de janvier 1927 (il a 59 ans) : « Violet dans les gris. Vermillon dans les ombres orangées, par un jour froid de beau temps. » (7/1/1927) Le temps qu’il fait, c’est ce qu’il écrit en premier sous la date, par exemple, à la fin de ce mois-là : « beau temps par vent d’est » ou « pluvieux le matin belle après-midi ». Ou tout simplement : « beau ».

    Ce sont des notes très concises, souvent des phrases nominales, des notations sur la couleur. « Si c’est harmonieux ce sera vrai – couleur, perspective, etc. Nous copions les lois de notre vision – non les objets. » (8/1/1928) Elles disent la recherche du beau : « Que le sentiment intérieur de beauté se rencontre avec la nature, c’est là le point. » (18/1/1939)

    Des peintres y sont nommés : Cézanne, Vallotton, Rubens… On trouvera plus loin de petits textes de Bonnard en hommage à Odilon Redon, Maurice Denis, Paul Signac, Maillol, ses souvenirs sur Renoir. Dans les premiers jours de septembre 1940, il cite des poètes : « 4 poètes Villon La Fontaine Verlaine Mallarmé ». En janvier 1944 : « Celui qui chante n’est pas toujours heureux. »

    Pour un numéro spécial que lui consacre la revue Verve, Bonnard sélectionne quelques notes dont celle-ci m’a fait penser au wabi-sabi japonais : « Les défauts sont quelquefois ce qui donne la vie à un tableau. » Son petit-neveu Antoine Terrasse en cite d’autres, devenues célèbres, pour le catalogue de Bonnard dans sa lumière à la Fondation Maeght en 1975 : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » et aussi « J’espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon. »

    Les divers entretiens qui suivent éclairent la manière dont l’artiste considérait l’art, sa vie de peintre, ce qui comptait pour lui, à différentes périodes de sa vie. A Raymond Cogniat, en 1933, il confiait une date clé pour sa conception de la peinture : « C’était pendant des vacances que je passais dans le Dauphiné, dans une propriété de ma famille, aux environs de 1895 ; un jour, les mots et les théories qui étaient le fond de nos conversations : couleurs, harmonies, rapports de lignes et de tons, équilibre, ont perdu leur signification abstraite pour devenir quelque chose de très concret. Brusquement j’avais compris ce que je cherchais et comment je pourrais tenter de l’obtenir. 
    La suite ? Le départ était donné ; le reste a été de la vie quotidienne. »

    Observations personnelles, propos tenus, correspondances, Un sentiment qui tient le mur est plein de ces mots d’artiste parfois fulgurants : une vision de l’art et de la vie. Avec justesse, à la fin de la préface, Alain Lévêque écrit que «  Bonnard est l’un des grands peintres de l’émotion première de vivre » et qu’« En nous redonnant à aimer la simple matière des heures journalières, sans jamais moraliser, Bonnard nous convie à faire fruit du temps fini. »

  • Métamorphoses

    imagine,100 ans de surréalisme international,exposition,bruxelles,mrbab,symbolisme,surréalisme,peinture,sculpture,dessin,photographieLe mouvement surréaliste était d’avant-garde, mais non « exempt de misogynie ». Au début de l’exposition « Imagine ! », une grande reproduction d’un montage publié dans La révolution surréaliste du 15 décembre 1929 montre  les photos d’identité de seize (hommes) surréalistes aux yeux baissés encadrant Je ne vois pas la [femme] cachée dans la forêt de Magritte.
    Heureusement les artistes femmes ont bien leur place ici, on en est redevable à l’exposition « Surréalisme au féminin ? » du musée de Montmartre, où on pouvait voir ce Couple d’oiseaux anthropomorphes de Suzanne van Damme, du temps où la peintre belge fréquentait les surréalistes à Paris.

    © Suzanne Van Damme, Couple d’oiseaux anthropomorphes, 1946, Rediscovering Art by Women (RAW)

    imagine,100 ans de surréalisme international,exposition,bruxelles,mrbab,symbolisme,surréalisme,peinture,sculpture,dessin,photographieJe repense à ce drôle de couple devant une œuvre de Meret Oppenheim, Daphné et Apollon. Dans les Métamorphoses d’Ovide, la nymphe se transforme en laurier pour échapper à l’étreinte d’Apollon.
    Sur cette petite toile, celui-ci est également transformé en arbuste, au corps difforme comme « une pomme de terre germée » (audioguide) : la surréaliste suisse a privé le dieu de sa beauté, alors que Daphné, « lumineuse et belle », est « perchée sur ses racines comme sur des escarpins ».

    © Meret Oppenheim, Daphné et Apollon, 1943, huile sur toile, Collection privée

    « Imagine ! » 100 ans de surréalisme international, MRBAB,
    Bruxelles
    > 21.07.2024