Alerte aux averses orageuses le premier dimanche de juillet. Pas de chance pour cette « première » : première « estivale » schaerbeekoise 2021 et surtout première balade en compagnie d’Adrienne, retrouvée avec joie à la gare de Schaerbeek ! Heureusement l’orage éclate à l’heure du repas et à 15 heures, pas besoin d’ouvrir un parapluie au Parc de la Senne. Christophe Mouzelard, notre guide, a donné rendez-vous place Gaucheret, dans le quartier Nord.
Photo panoramique de la place Gaucheret en 2012 (Renovas)
Cette place méconnue des Bruxellois, à cheval sur les communes de Bruxelles-Ville et de Schaerbeek, est située entre les tours d’un quartier d’affaires et un quartier résidentiel. La Senne, encore à ciel ouvert en 1951 comme il nous le montre sur une photo aérienne, marquait la frontière entre les deux. Elle sera voûtée et déviée vers le canal Bruxelles-Charleroi en 1955. (cf. « Un peu d’histoire » sur le site de Bruxelles-Environnement)
Source : Mapcarta (La coulée verte du parc est indiquée... en vert, entre chemin de fer et canal.)
Les habitants de ce quartier populaire ont été expropriés pour le projet immobilier Manhattan dans les années soixante : on projetait de construire là, tout près du centre, pas moins de 70 tours dont la moitié dépasserait les 50 mètres. Des routes urbaines assureraient les jonctions nord-sud et est-ouest. Les piétons circuleraient sur des socles hauts de 13 mètres. On construit un héliport, l’hélicoptèrè étant vu alors comme le transport idéal (l’héliport servira de 1954 à 1966). La première crise pétrolière, en 1973, signe l’arrêt des constructions.
Il faudra attendre les années 1990 pour que les tours commencées et le boulevard Albert II soient achevés. De la place Gaucheret en contrebas, nous observons la tour Zénith, la dernière construite, et celle de l’Ellipse qui date de 1980, avec une façade plus originale en courbe. Nous en sommes séparés par ce qui était resté un terrain vague jusqu’en 2000, à présent des talus herbeux aménagés sur les buttes de remblai, bordés de murets en pierre bleue, une réalisation de l’architecte Erik Vandevelde, près d’immeubles à appartements récents.
Une Maison des Citoyens (briques et béton) aux volumes simples, conçue par l’architecte Pierre Hebbelinck (2000) divise la place en deux parties. Le guide en décrit les alentours et raconte comment la station de l’Allée verte, créée en 1835 pour la ligne Bruxelles-Malines puis Anvers, a été abandonnée. Au sol, une longue barre de bronze rappelle l’ancien tracé, elle est décorée de motifs ferroviaires et de noms (non identifiés).
en ajouré : le premier tronçon / la suite en pointillés
A l’entrée du Parc de la Senne, avenue de l’Héliport, le portail s’ouvre tous les jours à huit heures du matin : haut de quatre mètres, il affiche en relief le plan de ce nouvel espace vert bruxellois dont trois tronçons sont déjà terminés. Cette friche à la lisière de Bruxelles-Ville et de Schaerbeek était restée à l’abandon depuis les années 1980, il a fallu les contrats de quartier Masui et Reine-Progrès pour créer ce nouveau parc – un appel d’offres gagné par la Compagnie du Paysage.
Inspirée par l’atmosphère de la High Line de New York (ici au niveau du sol) ou de la Promenade plantée de Paris (à partir de Bastille), la promenade linéaire suit un ancien lit du bras de la Senne, bordée d’une végétation abondante, étagée, adaptée au terrain et favorable à la biodiversité. Son premier tronçon (Héliport-Masui) a été aménagé en 2014-2016, le deuxième (Masui-Reine) en 2020, le troisième (Reine-Palais) n’a pas encore été inauguré. La suite, via une passerelle au-dessus du canal, aboutira au square du 21 juillet à Laeken.
Dès qu’on marche sur cette bande verte assez étroite, de cinq à treize mètres de large, souvent délimitée par des murs à l’arrière d’anciennes entreprises installées en bord de Senne, on ressent le changement d’ambiance. On oublie la ville, on est environné de verdure, plantée sur une nouvelle couche de terre (dépolluer le sol aurait été trop coûteux). Déjà on s’émerveille d’y apercevoir des fleurs d’acanthe.
Nous nous asseyons de part et d’autre du chemin pour écouter le guide. Il a fallu trois ans pour éradiquer la dangereuse renouée du Japon. Veiller à l’écoulement du trop-plein d’eau en cas d’orage par un pertuis. Négocier avec les riverains pour refaire ou rehausser des murs, placer du treillage en inox antieffraction à certaines fenêtres, du treillage pour les plantes grimpantes. Les matériaux sont de qualité : béton, inox, acier et bois dur (afzélia). L’éclairage comporte des lumières bleues pour rappeler l’eau de la Senne. Des drains récoltent l’eau de pluie dans une citerne de dix mille litres.
La ligne de marche en béton de trois mètres de large est bien équipée tout au long de la promenade. Banquettes, bancs à dossier, et même chaises-longues où une participante s’allonge avec plaisir. Sur le mur, des traces de dessins de l’ancienne école de l’Allée verte. Des plantes à fleurs, de beaux feuillages attirent le regard, et de fins bouleaux aux écorces lumineuses, comme ceux-ci près d’un potager confié aux bons soins de la maison ABC (Art Basics for Children). De l’autre côté, la sortie de secours d’une mosquée. Plus loin, des équipements sportifs, une place ouverte…
Christophe Mouzelard est intarissable et nous parle des bâtiments anciens et nouveaux entre lesquels s’étire ce nouveau jardin public bruxellois, de tronçon en tronçon. Près de la rue de l’Eclusier Cogge, où se trouve une école maternelle du même nom, il nous rappelle qui fut ce héros de 1914 chargé d’ouvrir et fermer les sept écluses pour inonder la plaine de l’Yser. Il nous parle aussi de Sainte-Adresse, près du Havre, où le gouvernement belge en exil a pu loger dans des hôtels tout neufs. (Le roi Philippe s’y est rendu pour le centenaire en 2018.)
Au bout d’une heure et demie, cette belle balade du patrimoine se termine à la rue des Palais où débouche le troisième tronçon du Parc de la Senne. En revenant sur mes pas, j’apprécie une nouvelle fois ce joli passage sur une passerelle entre des bouleaux. Je retournerai avec plaisir dans ce jardin public et j’espère que son extension vers Laeken sera aussi réussie !
Commentaires
il a fait un temps magnifique et c'est une découverte (et une réalisation) de premier plan :-)
Dans le quartier Nord, je ne connaissais quasi que la gare. C'est bien de voir où aboutissent des contrats de quartier bien menés.
Belle visite en ta compagnie!! C'est bien d'explorer nos lieux de vie; on ne connaît jamais assez la ville où l'on naît. Lorsque tu demandes ton chemin à Paris, les gens ne connaissent même pas leur quartier!
Les estivales font découvrir des quartiers de la commune où on ne va pas à pied, c'est gai de les découvrir avec un historien passionné. (Je ne suis pas née dans la région bruxelloise, j'y vis depuis l'âge de quatre ans.)
Magnifique découverte pour vous !
Toute cette verdure fait du bien à tous, un vrai plaisir.
Si on pouvait s'en inspirer pour la friche Josaphat... Mais le second plan d'aménagement semble en bonne voie pour bétonner tout de même.
https://perspective.brussels/fr/actualites/josaphat-un-nouveau-projet-pour-un-quartier-multifonctionnel-qui-repond-aux-enjeux-climatiques-et
Jolie "coulée verte" difficile à imaginer pour moi qui ai quitté Bruxelles il y a longtemps...
Les quartiers se transforment et se densifient le plus souvent, cela fait du bien de voir ces plantations et aménagements qui rendent la vie en ville plus respirable.