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Nature - Page 28

  • Octobre

    Octobre a ramené tous les gris des ciels pluvieux mais aussi des couleurs dans mon jardin suspendu. Les cosmos (en pot) malingres tout l’été fleurissent généreusement, leurs corolles d’un rose violacé dansent au moindre souffle. Les feuilles pâlissantes du ginkgo biloba ne dansent pas, elles frémissent, elles s’accrochent, quelques-unes sont déjà à terre (façon de parler). La clématite, en face, est entrée dans la danse d’automne avec deux nouvelles fleurs.

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    Henri Le Roux, Jardin aux tournesols et potirons, 1922

    La tendance est ici au mauve – avec les asters et un pélargonium – tandis que les allègres dipladenias (mandevillas) trompettent en rose vif et que les bidens, tenaces depuis un an et demi, tiennent la note jaune citron. Les verts ? Douchés jour après jour, ils reprennent du poil de la bête, pour la plupart, avant de virer. Ils font notre bonheur de citadins haut perchés. Au pied de la clématite, derrière une petite plante grasse posée à son pied pour lui faire un peu d’ombre sur une terrasse où il n’y en a guère en été, voilà qu’une fougère s’impose parmi les sauvageonnes qui tapissent la terre. Une fougère, exposée au sud-ouest !

    Après Bleu, Noir, Vert, Rouge et Jaune, nous prépare-t-il l’histoire du blanc ? La conférence que Michel Pastoureau a donnée cette année à Lausanne permet de l’espérer. Si bien racontées par l’historien, les couleurs aident à vivre, les couleurs sont la vie. Les couleurs et leurs innombrables nuances. Aussi ai-je toujours eu un peu de mal avec les premières paroles d’Antigone, dans la pièce d’Anouilh, répondant à la nourrice : « De me promener, nourrice. C’était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. C’est devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs. »

    Le Jardin aux tournesols et potirons qui illustre ce billet est une huile sur toile d’un peintre belge, Henri Le Roux, datée de septembre 1922. Des couleurs chaudes et lumineuses. Pourquoi les masques jetables sont-ils bleus ? « Il s’agit de masques médicaux, aux couleurs assorties aux tenues du bloc opératoire, le bleu et le vert étant plus apaisants que d’autres couleurs », ai-je lu dans Libé. Le bleu est la  couleur préférée des Occidentaux, répète Michel Pastoureau dans chacun de ses livres. Pendant ces journées trop peu ensoleillées, il n’est pas interdit, en attendant de les voir disparaître pour de bon, d’imaginer que ces masques mettent sous les yeux de petits bouts de ciel bleu.

  • L'automne

    22 septembre, premier jour de l’automne.

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    En balade jusqu’au parc Saint-Vincent d’Evere, commune voisine de Schaerbeek. Les nids géants des perruches à collier y ont encore grandi et se multiplient en haut des arbres, spectaculaires.

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    Les orties ont bien poussé près de l’escalier qui descend du parc vers le Moeraske, cette zone protégée le long du chemin de fer, à la végétation sauvage.

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    La lumière y était particulièrement belle en ce début de saison : feuillages chatoyants, variations des couleurs dans la roselière où se déploie toute la gamme des verts, y compris sur l’eau des marais. 
    Entre-temps, l’automne a ramené la pluie, le vent, les ciels gris. On range les vêtements d’été.

  • De lumière

    norge,de lumière,poésie,littérature française,écrivain belge,soleil,nuages,drôme provençale,cultureDans l’étrange lumière solaire
    Un étrange olivier sommeillait
    La cigale au silence rongeait
    D’une calme, une égale colère
    Et le temps pour toujours semblait faire
    De cette heure un cristal solitaire.
    Sur une autre planète, est-ce vrai
    Qu’il existe des cœurs et des guerres,
    Des travaux, des saisons, des palais
    Quand ici le néant est parfait
    Dans l’étrange lumière ordinaire.

    Norge (Goût du bonheur)

  • Profonde Rose

    Soleil couchant, soleil levant,
    Gros soleil toujours prêt à pondre.
    Mais, ni derrière ni devant,
    La syllabe qui sait répondre.

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    Tes petits jours, ô paysan,
    Bien au chaud dans ta main serrée,
    Tes petits jours, tes petits ans,
    O tes jours de fine cendrée,

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    Je les vois jusqu’au fond du sang,
    Et fer et chair et glaise et glose,
    Mais dis-moi, la profonde rose,
    L’as-tu respirée en passant ?

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    Or voici le vin du pays,
    Cul-terreux, levons notre verre
    Et dis-moi si tu l’as cueilli,
    Ce fleuron qui fendait les pierres.

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    Soleil levant, soleil couchant,
    Ta joie est entre deux soleils,
    Ta joie est dans ce mince chant
    Où s’élance un bouton vermeil.

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    Mais va l’arracher si tu l’oses,
    Paysan, ta profonde rose !

    Norge (Goût du bonheur)

    Lumières du soir en Drôme provençale, IX/2020 (Photos T&P)

  • Marcheur des Alpes

    Dans Eloge de la marche (traduit de l’anglais par Thierry Gillyboeuf), Leslie Stephen (1832-1904), le père de Virginia Woolf, encourage à sortir du bureau ou de la bibliothèque pour mieux penser. « Il invente un genre littéraire à part entière, celui de l’essai buissonnier » écrit le traducteur dans sa préface, où il rappelle qui était Leslie Stephen : un garçon « pâle et chétif », « tête de Turc de ses condisciples » à Eton qu’il quitte à quatorze ans, parti étudier la philosophie en Allemagne grâce à une bourse de Cambridge.

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    Vue sur le Cervin, été 2008 (Photo T&P)

    En 1857, il entreprend de traverser l’Allemagne à pied, fait l’ascension du mont Rose et découvre les Alpes bavaroises et le Tyrol. « Sept étés durant », de juillet à septembre, il se rend en Suisse pour une tournée des « pics, cols et glaciers ». Il préside l’Alpine Club et édite l’Alpine Journal pendant plusieurs années. Aujourd’hui on le considère comme « l’une des figures majeures de l’alpinisme littéraire ». Le Terrain de jeu de l'Europe (The Playground of Europe, 1871) est un classique du genre. Deux des quatre textes de ce petit recueil en sont extraits.

    En premier vient « Mon père : Leslie Stephen »  par Virginia Woolf. Elle rappelle que cette « période faste » d’exploits paternels « fluviaux et montagnards » était terminée quand les enfants Stephen étaient jeunes, mais qu’il en restait des vestiges dans la maison : coupe en argent, alpenstocks rouillés… Son père se contentait alors de simples balades en Suisse ou dans les Cornouailles. Virginia fait le portrait d’un homme attachant, avec des sautes d’humeur mais le sens de l’humour, frugal mais exigeant avec ses enfants tout en leur accordant la liberté dans leurs choix.

    Eloge de la marche, le deuxième texte, date de 1902. « Marcher est aux loisirs ce que labourer et pêcher sont aux travaux industrieux : quelque chose de simple et de primitif ; cette activité nous met en contact avec la terre maternelle et la nature élémentaire, elle ne requiert aucun dispositif complexe ni excitation superflue. Elle est faite pour les poètes et les philosophes, et pour pouvoir pleinement l’apprécier, il faut au moins être capable de vénérer l’« ange qu’on nomme la Contemplation ». » (tiré de Milton)

    Leslie Stephen, également professeur et biographe, s’appuie sur sa propre expérience de marcheur et sur de nombreux exemples tirés de ses lectures, quasi tous d’écrivains anglais, qu’il faudrait mieux connaître pour en apprécier tout le sel. Néanmoins son propos reste intéressant par sa façon de décrire le bonheur de marcher : « Quand on s’est mis en route de bonne heure, que l’on a suivi le sentier des gardes-côtes sur les versants dominant les falaises, que l’on a traversé non sans mal le tapis pourpre et doré d’ajoncs et de bruyères recouvrant les landes… »

    Un coucher de soleil au mont Blanc, – « la meilleure chose qu’il ait écrite, selon lui », écrit Virginia Woolf –, superbe hommage au « vieux Monarque des montagnes », comme il l’appelle, rapporte une ascension entreprise le 6 août 1873 en partant de Chamonix. « Le soleil se levait sur une de ces aubes fraîches, pleines de rosée, de celles que l’on ignore partout, sauf dans les montagnes, où l’air vivifiant semble pénétrer tous les pores de la peau. »

    Il prend le temps de décrire l’état d’esprit, la vue qu’on a en chemin, le constant souci de l’orage imprévu, le calcul de l’horaire pour arriver à temps au sommet pour admirer le coucher du soleil, les exercices de gymnastique pour lutter contre le froid. Puis vient le spectacle du coucher du roi des montagnes, sublime, avec ses éclairages changeants, somptueux, et des émotions d’une intensité rare.

    Les Alpes en hiver terminent le recueil. Après des années de marche estivale, il lui fallait absolument découvrir les montagnes à la saison des neiges et du gel. « En hiver, les Alpes, comme je l’ai dit, sont un pays de songe. Depuis que me voyageur aperçoit, des terrasses du Jura, la longue série de pics qui va du mont Blanc au Wetterhorn, jusqu’à un moment où il pénètre dans les recoins les plus reculés de la chaîne, il traverse une suite de rêves dans un rêve. »

    Du sommet inaccessible où elle est maintenant, ce billet est pour Jo qui aimait tant les Alpes et les a portées dans son cœur jusqu’au bout. (Merci à celle qui m’a offert cette lecture.)

    ***

    Voici pour vous mes dernières lectures du mois d’août.
    Ne vous étonnez pas si je laisse vos commentaires sans réponse – le temps d’une pause pour moi.
    Bonnes lectures & que tout aille bien !

    Tania