Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

anniversaire

  • La tante idéale

    « Je vais prendre le thé chez Nigel Nicolson, éditeur de quatre-vingt-deux ans, auteur d’un journal autobiographique et ancien membre de la Chambre des communes. C’est le petit-fils du troisième lord Sackville et le fils de Harold Nicolson, diplomate et membre de la Chambre des communes, et de Vita Sackville-West, femme de lettres, également connue comme personnage principal d’Orlando, roman de Virginia Woolf. »

    Mak Sissinghurst_Castle_Garden_aerial_view.jpg
    Vue aérienne du château et des jardins de Sissinghurst, Kent, Angleterre (Wikimedia, 2011)

    […] « Virginia Woolf était la tante idéale. « Elle nous apprenait à voir les choses à la manière des vrais écrivains. Elle voulait toujours en savoir plus. « De quelle couleur était la veste de ce professeur ? demandait-elle. Quelle voix avait-il ? Qu’est-ce que ça sentait ? Des détails, des détails ! » Une fois même, alors que nous attrapions des papillons, elle nous lança : « Dites-moi, qu’est-ce que ça fait d’être un enfant ? » Je me souviens encore que je répondis : « Tu sais très bien ce que ça fait, tu as été enfant toi-même. Mais moi, je n’ai aucune idée de ce que ça fait d’être toi, car je n’ai jamais été une grande personne. »

    Geert Mak, Voyage d’un Européen à travers le XXe siècle

    geert mak,voyage d'un européen à travers le xxe siècle,récit,littérature néerlandaise,europe,histoire,voyage,culture,nicolson,sissinghurst,sackville-west,virginia woolf
    Textes & prétextes, 15 ans

  • Depardieu en lecteur

    gérard depardieu,françois busnel,la grande libraire,16 février 2022,littérature,anniversaire,blog,culture,textes & prétextesA La grande librairie du 16 février, Gérard Depardieu était le seul invité de l’émission. « Du grand Depardieu » (Catherine Pacary dans Le Monde), que François Busnel a laissé parler, citer, digresser, lire, pour le bonheur des spectateurs.

    Ce « fou des mots » (Nicolas Dutent dans Marianne) connaît ses classiques, aime les romantiques plus que les contemporains, reconnaît sa dette envers Duras – « Marguerite » – qui lui a beaucoup appris, notamment à lire lentement, à apprécier les silences. Il a apporté un livre dont il s’émerveille et s’inspire : Amitiés d’écrivains. Entre gens du métier de Philippe Berthier.

    Depardieu incarne pour la première fois Maigret dans le film de Patrice Leconte adapté de Maigret et la jeune morte. Ce fut l’occasion d’un bel éloge de Simenon, de son commissaire si humain qui « écoute » plus qu’il n’enquête.

  • L'océan des lettres

    « On me demande souvent si je considère la littérature comme réellement importante.

    jon kalman stefansson,littérature,anniversaire,blog,culture,textes & prétextes
    © Frans Masereel (1889-1972), Jeune homme lisant sur un rocher

    N’ayant pas vécu toute mon enfance entouré de livres, je n’ai commencé à lire ce qu’on appelle les grandes œuvres littéraires qu’à partir d’environ 20 ans. Mais je n’oublierai jamais la joie et le bonheur que j’ai ressentis en me plongeant dans l’océan infini des lettres. Le souvenir de cette joie, de ce bonheur, me revient à l’esprit chaque fois qu’on m’interroge sur le sujet, ou quand je lis des articles qui contestent sérieusement l’influence de la littérature sur la vie et la société ou qui affirment qu’elle n’a d’autre rôle que décoratif et que son unique raison d’être est de divertir le bourgeois. Il me semble que ceux qui le contestent ne comprennent pas la puissance de la littérature, qu’ils l’ont oubliée, ou qu’ils n’ont plus foi en elle. Mais la littérature et sa force demeurent inchangées même lorsque vous cessez d’y croire. La seule chose qui change, c’est vous. Et c’est vous qui êtes perdants. »

    Jón Kalman Stefánsson, La littérature est un éternel franc-tireur (Le Monde, 16/5/2019, à l’occasion des Assises internationales du roman à Lyon).

    lire,vivre,vie active,lecture,passion,partage,littérature,culture
    Textes & prétextes, 14 ans

  • Lire, vivre

    Parmi vous, personne ne considère que lire des livres soit une perte de temps, je le sais. Mais si, à notre époque qui s’inquiète du déclin de la lecture, rares sont ceux qui reprendraient à leur compte l’insulte criée par son père à Julien Sorel dans Le rouge et le noir – « Chien de lisard » –, il existe encore des familles où l’on demande aux enfants plongés dans un livre : « Tu n’as donc rien à faire ? »

    lire,vivre,vie active,lecture,passion,partage,littérature,culture

    A l’occasion du troisième anniversaire bissextile de ce blog, créé un 29 février, voici quelques réflexions sur la lecture et la vie. « La lecture est une activité intérieure », écrit Siri Hustvedt dans un essai dont je vous parlerai bientôt. Une activité qui requiert de l’attention, de la concentration, de la mémoire, bonne pour la santé et le cerveau. Une activité intellectuelle. La passion de la lecture ne concernerait que 10 % des Français (en neuvième position des loisirs préférés selon une enquête de 2013).

    « Lire, c’est vivre plusieurs vies » pouvait-on lire jadis en haut des pages littéraires du Nouvel Obs. Pour Pierre Dumayet, « Lire, c’est vivre » ou encore « Lire est le seul moyen de vivre plusieurs fois. » Proust l’a exprimé mieux que personne : « Par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. »

    Est-ce à dire que lire nous met en congé de notre propre vie ? que nous oublierions de vivre en découvrant la vie des autres ? Le paradoxe de la lecture est qu’elle nous retire du monde pour nous y faire entrer. Nous vivons les heures de lecture à l’écart de la vie sociale, mais elles sont riches en fréquentations. En nous mettant à l’écoute des auteurs, nous nous interrogeons, nous nous efforçons de mieux comprendre les autres et nous-mêmes. Est-ce vivre la vie des autres ? Non. Je dirais : les rencontrer, les côtoyer, accéder à l’intime, nager en grande profondeur, comme il est si rare et si précieux de le faire vraiment entre êtres humains.

    lire,vivre,vie active,lecture,passion,partage,littérature,cultureEn lisant, nous ne vivons pas rien. Ce que nous vivons en lisant s’inscrit dans la trame de notre vie. Les heures de lecture ne sont ni inactives ni perdues, elles sont la vie. Certains écrivains ont dit bien mieux que moi la part essentielle des livres dans leur existence – je vous renvoie à ces extraits de Marcel Proust, Virginia Woolf, Italo Calvino, Hubert Nyssen, entre autres, au magnifique Don des morts de Danièle Sallenave.

    Le miracle de la lecture – qui ne doit pas nous faire renoncer à l’exercice physique, à la vie sociale, aux rencontres, entendez-moi bien –, c’est qu’elle agrandit la vie, c’est qu’elle nous ouvre au monde. Quel bonheur, ne trouvez-vous pas, de pouvoir partager ce qui nous tient à cœur dans la blogosphère !

    Lectrice de Nicolae Grigorescu / Lecteur de Sergius Pauser

    * * *

    Grand merci à toutes & à tous pour votre fidélité,

    vos partages, vos commentaires ou vos visites silencieuses.

    Tania

    lire,vivre,vie active,lecture,passion,partage,littérature,culture

    Textes & prétextes, 12 ans

  • Autour de Mrs Dalloway

    Les sept textes de Virginia Woolf publiés dans La soirée de Mrs Dalloway, je les avais déjà lus dans d’autres recueils. Ils sont ici traduits par Nancy Huston qui introduit ce petit livre de façon convaincante, suivant Stella McNichol dans son initiative « de rassembler des nouvelles thématiquement et temporellement proches du roman » Mrs Dalloway.

    woolf,virginia,la soirée de mrs dalloway,nouvelles,littérature anglaise,traduction,culture

    Mrs Dalloway dans Bond Street, la première nouvelle, est la seule dont Clarissa Dalloway est l’héroïne principale. Le plaisir de relire cette déambulation londonienne dans le but de s’acheter des gants (à rapprocher d’une autre qu’elle m’a rappelée, à la recherche d’un crayon à mine de plomb) a redoublé en comparant cette traduction à celle de Josée Kamoun (dans le recueil La fascination de l’étang).

    Ce pourrait être le premier chapitre d’un roman, comme elle l’écrivait dans son Journal en 1922. Huit pages sur douze décrivent les impressions de Mrs Dalloway en chemin ; les suivantes, ce qui se passe dans la boutique. Un régal d’écriture du « flux de conscience » chez une femme « charmante, posée, ardente, aux cheveux étrangement blancs vu le rose de ses joues : c’est ainsi que la vit Scrope Purvis, C.B., qui se hâtait vers son bureau. » (N. H.) – « charmante, équilibrée, pleine de goût de vivre ; curieux ces cheveux blancs avec ces joues roses ; ainsi la voit Scope Purvis, compagnon de l’Ordre du Bain, qui court à son bureau. » (J. K.)

    Les temps changent, je m’en étonne. Big Ben « sonne » ou « sonnait », les passages du passé au présent varient d’une traduction à l’autre, le présent étant en principe réservé au monologue intérieur. On aimerait une édition bilingue pour voir ce qu’il en est dans le texte original.

    Les nouvelles suivantes se déroulent à la soirée : homme ou femme, les invités dont Virginia Woolf rapporte les états d’âme sont mal à l’aise. Un camarade d’école n’a pas osé décliner l’invitation de Richard Dalloway croisé dans le quartier de Westminster, qu’il n’avait plus vu depuis vingt ans. « Pas du tout son genre » de s’habiller pour une soirée, mais il ne veut pas être impoli. Il observe : « Oisifs, bavards et surhabillés, sans la moindre idée en tête, ces dames et ces messieurs continuaient de parler et de rire » (N. H.) – « Et tout ce beau monde de rire et de papoter, ces gens désœuvrés, bavards, trop élégants ! » (Hélène Bokanowski dans le recueil La Mort de la phalène)

    Il faudra bien qu’il joue le jeu lui aussi quand Dalloway lui présentera Miss O’Keefe, une trentenaire à l’air arrogant, avec qui il tiendra une conversation désaccordée après laquelle ces deux « amoureux du genre humain » se quitteront, « se détestant, détestant toute cette maisonnée qui leur avait fait vivre une soirée de douleur et de désillusion » (L’homme qui aimait le genre humain).

    Virginia Woolf aimait et craignait en même temps la vie mondaine, son Journal l’atteste. Nul doute qu’elle prête à Lily Everit ses propres sentiments quand elle écrit que sa vraie nature était « de faire de grandes promenades solitaires méditatives, d’escalader des portails, de patauger dans la boue, le brouillard, le rêve et l’extase de la solitude, d’admirer la roue du pluvier et de surprendre des lapins » etc. (Présentations)

    Ancêtres puis Ensemble et séparés illustrent à sa manière, subtile et ironique, les malentendus qui naissent de devoir converser aimablement avec des gens qu’on ne connaît pas et qui ne savent rien de votre vie. Faire bonne figure, écouter patiemment ceux qui ne s’intéressent aucunement à vous, tout peut être source d’irritation dans la grande comédie du paraître qu’est la vie mondaine. Même et parfois surtout, pour Mabel comme pour celle qui invente son histoire, la façon dont on est habillé (La nouvelle robe).

    La dernière nouvelle, Un bilan (chez Nancy Huston, Mise au point chez Hélène Bokanowski), en moins de six pages, emmène deux invités des Dalloway dans le jardin : un fonctionnaire « très estimé » (lui aussi compagnon de l’ordre de Bath) et Sasha Latham, « dame élancée et élégante aux mouvements quelque peu indolents », contente de prendre l’air en compagnie de cet homme « sur qui l’on pouvait compter, même dehors, pour parler sans arrêt », ce qui lui permet de marcher « majestueuse, silencieuse, tous les sens en éveil, les oreilles dressées, les narines humant l’air, telle une créature sauvage mais très contrôlée, qui prenait son plaisir la nuit. »

    Le génie de Virginia Woolf est d’enchaîner ainsi les situations, les sensations, les dialogues et le ressenti, l’ennui et l’émerveillement, donnant vie à ses personnages, avec admiration ou avec ironie, souvent avec empathie. « La soirée de Mrs Dalloway est aussi, sur le fond, une réflexion magistrale sur le thème de l’imperfection humaine. » (Nancy Huston)

    woolf,virginia,la soirée de mrs dalloway,nouvelles,littérature anglaise,traduction,culture
    Textes & prétextes, onze ans
    Merci pour vos visites & vos commentaires.

    Tania