Tzvetan Todorov, dans sa longue préface aux Confessions de Marina Tsvetaeva (ou Tsvetaïeva) récemment publiées par Le Livre de Poche, estime à un dixième environ des écrits intimes de la grande poétesse russe (1892 – 1941) les textes rassemblés dans ce volume intitulé Vivre dans le feu. Bouleversant.
Russie d’avant et d’après la Révolution, Allemagne et Tchécoslovaquie, France (de 1925 à 1939), URSS : son destin tragique va de rendez-vous en rendez-vous avec les violences de l’histoire et de son histoire. Une fille adorée qui survivra à la misère mais s’éloignera d’elle, une autre morte à l’hospice, un époux admiré qui la laissera se débrouiller seule et dont les choix politiques seront calamiteux pour les siens, une vie sans douceur, une vie de chien.
Sa passion pour la poésie, la lecture, l’écriture ; le besoin d’être sinon aimée, du moins comprise ; la maladresse à vivre les choses matérielles mais l’effort constant de donner à sa famille tout ce qu’elle peut – ce sont les préoccupations constantes dont elle entretient ses correspondants. Amis ou amies, trop souvent de passage, elle se livre à eux toute entière dans ses lettres : « Je ne peux aimer que quelqu’un qui, par une journée de printemps, me préférera un bouleau. – C’est ma formule. » L’exaltation des débuts, elle la sait pourtant promise à la désillusion amoureuse. « L’amitié est chose aussi rare que l’amour, quant aux connaissances – je n’en ai pas besoin. » Les engouements se succèdent.
La naissance d’un fils, Mour, en 1925, la comble. Elle lui offre sa devise : « Ne daigne ». « Ne daigne – quoi ? Rien qui abaisse : quoi que ce soit. Je ne daigne m’abaisser (à la peur, au lucre, à la douleur personnelle, aux considérations existentielles – et aux économies). »
Mais Marina Tsvetaeva ne se trouve vraiment que dans la solitude et ses cahiers – « Pas la littérature, - l’auto-dévoration par le feu ». Au critique Bakhrakh, elle explique : « Le travail sur le verbe est un travail sur soi. » A Boris Pasternak, en 1927 : « Comprends-moi bien : je ne vis pas pour écrire des vers, j’écris des vers pour vivre. (…) Je n’écris pas parce que je sais, mais pour savoir. Tant que je n’écris pas à propos d’une chose (ne la regarde pas), elle n’existe pas. »
« Sténographe de la vie », c’est l’épitaphe qu’elle souhaitait. Marina Tsvetaeva n’a pas de tombe connue dans le cimetière d’Elabouga où elle fut enterrée après son suicide. « La manière dont nous subissons notre mal de vivre – voilà notre liberté. » Je l’ai lue le cœur battant.
Commentaires
Bienvenue amie!
Tu me donnes vraiment envie de lire, de mieux connaître Marina et son mal de vivre. J'espère pouvoir te communiquer parfois une certaine légèreté de vivre aussi.
Hello amie de ma soeur,
Que tu nous fasses part de tes lectures aussi nombreuses qu’intéressantes me comble de joie. Ce n’est pas pour te mettre de la pression, mais depuis quelques années le roman ne me réjouit guère. Peut-être que tu me donneras l’envie de lui consacrer un peu plus de temps.
Merci.
NB: Pour répondre à ta question, je n’ai malheureusement pas de connivences particulières avec des malinois.
Je ne connaissais pas cet écrivain et vais m'empresser de la lire. Merci.
Quel plaisir de voir les débuts d'une communication à travers la littérature sur nos blogs respectifs.
Cédant aux critiques très favorables du livre de Stieg Larsson, la trilogie des Millenium, j'ai emprunté le tome 1 au CDI et m'apprête, après vous avoir envoyé ce message, à ouvrir la première page avec le délice de la découverte. Je vous tiendrai au courant !!!
J'ai ajouté votre blog à mes favoris. A bientôt.
Amitiés de France
Racine
Un destin tragique, mais l'époque l'était particulièrement, pour les Russes restés dans la nouvelle Russie et ceux qui se sont retrouvés en exil.
Je retrouve dans ton billet mon ressenti à la lecture de sa biographie
j'ai à côté de moi ses carnets complets dont est extrait "vivre dans le feu" je me régale à l'avance, je vais lire ça tranquillement en étalant ma lecture car ce sont des écrits qu'on ne lit que par petit bout tant ils sont intenses
Ses carnets complets ! Un trésor de lecture.
Merci de ranimer cette page initiale. Bonne journée, Dominique.
je vais mettre ce livre sur ma liste à lire - je pense que j'apprécierai cette lecture
Chère Niki, merci pour ton passage sur ce billet n° 1.
quelle belle continuité depuis 16 ans, bravo!
Je te retourne le compliment, chère Adrienne. Ton blog aussi est né cette année-là et même avant, si je me souviens bien.
Tu m'enverrais le lien vers ton premier billet ? Je n'ai pas trouvé comment y arriver.