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Hamlet ou le refus des faux-semblants

Ce qui me frappe en relisant La tragédie d’Hamlet, Prince de Danemark (traduction de F.-V. Hugo), c’est que Shakespeare y installe d’emblée la bataille du doute et de la certitude. La pièce s’ouvre sur les conventionnels « Qui est là ? » - « Qui êtes vous vous-même ? » des officiers de la garde sur les remparts d’Elseneur. On peut voir dans ces questions l’énigme essentielle de l’œuvre. L’étrange réponse d’Horatio aux sentinelles - « Est-ce Horatio qui est là ? » - « Quelque chose de lui. » - y fait écho.

Mais ce sont les premiers mots d’Hamlet lui-même qui révèlent son axe de conduite : le refus des faux-semblants.  Sa première réplique est un aparté. Le roi vient de s’adresser à lui : « Eh bien ! Hamlet, mon cousin et mon fils… » et Hamlet de corriger, à part, les termes choisis par son oncle, devenu son beau-père : « Un peu plus que cousin et un peu moins que fils. » Pour raisonner ce fils, trop affecté par la mort de son père, la reine lui rappelle que « c’est la règle commune : tout ce qui vit doit mourir, emporté dans l’éternité. » Elle lui demande pourquoi cette loi lui semble étrange. Hamlet, aussitôt, rectifie : « Elle me semble, Madame ! Non : elle est. Je ne connais pas les semblants. »

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Voilà un fils ébranlé au-delà de toute mesure par la mort de son père et le remariage de sa mère, et qui se soucie en permanence de l’exactitude des mots. A Horatio, qui le salue d’un courtois « votre humble serviteur », Hamlet précise : « Monsieur mon ami, c’est le nom que nous échangerons. »      Il refuse de même qu’Horatio se traite ironiquement de vagabond, il n’en est pas un. Lorsque celui-ci évoque le père d’Hamlet, « un magnifique roi », Hamlet, à nouveau, cherche la formule appropriée : « C’était un homme : voilà ce qu’il faut dire. »

Dire les choses telles qu’elles sont. Refuser les apparences trompeuses. Dès le premier acte, Shakespeare plonge Hamlet dans la quête amère de la vérité. Au dernier acte, Hamlet blessé souffle encore : « Il y a une trahison : qu’on la découvre ! » Dans cette tragédie où la vengeance finit par s’accomplir, la bataille des mots contre les faux-semblants n’est pas la moindre.

Commentaires

  • Excellente analyse et superbe photo! Ton commentaire me fait penser à un dialogue dans le Becket d'Anouilh.
    Le Roi: Pourquoi mets-tu des étiquettes sur tout, pour justifier tes sentiments?
    Becket: Parce que, sans étiquettes, le monde n'aurait plus de forme, mon prince...
    Le Roi: Et c'est important que le monde ait une forme?
    Becket. Capital, mon prince, ou sinon on ne sait plus ce qu'on y fait.

  • Merci pour cette brillante analyse. Devant tant d'érudition je préfère faire profil bas :-)). Juste une phrase d'Oscar Wilde,
    " Seuls les êtres superficiels ne jugent pas sur les apparences"

  • "La quête amère de la vérité" ou la quête des vrais-semblants, c'est aussi notre règle commune à tous. Voilà ce que j'aurais répondu à Hamlet ou à la mère, le coeur battant.
    Très belle photo !( Alfred Hitchcock ?)

  • @ MH : Photo prise à une exposition au Grand Hornu, les initiales sont bonnes, mais ce n'est pas Hitchcock ;-)

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