Le Boulevard périphérique d’Henry Bauchau (Actes sud, 2008) commence dans le métro. Le narrateur pense à Paule, sa belle-fille qu’il va visiter à l’hôpital où on la soigne pour un cancer. En même temps surgit le souvenir de son ami Stéphane, assassiné en 1944, et donc éternellement dans la force de ses vingt-sept ans.
Jour après jour, nous suivons ces allées et venues, et aussi ce va-et-vient entre présent et passé. La malade est immobilisée, autour d’elle on se déplace. On vient à son chevet, on la quitte. Elle-même, pour continuer à vivre, dans le lit où elle est clouée, se prépare à un voyage en Suisse où elle compte s’installer quand elle sera guérie. Son mari, pris par son travail, se faufile dans les embouteillages et prend la direction de l’hôpital quand il le peut. Mais il y a aussi Win, le petit garçon, dont il doit assurer les trajets entre l’école, la maison, la chambre de sa mère.
Difficultés de circulation, problèmes de voiture, aléas des transports en commun, escaliers à descendre, ascenseurs à emprunter, peur d’être en retard : le narrateur, malgré la fatigue, est fidèle aux rendez-vous avec Paule, qui tient tant à leurs conversations. L’a-t-il décidé ? Y est-il forcé ? Non, c’est un courant qui l’emporte, sans qu’il s’y oppose. Stéphane, l’ami qui l’a initié à l’alpinisme, se jouait de l’immobilité. C’était le maître du geste juste. Avec lui, l’élan du corps ouvrait sur une joie de vivre pleine et partagée. La guerre les a séparés. Quand il a appris la mort de Stéphane, dans des circonstances non éclaircies, il n’a eu de cesse d’en savoir plus, est reparti sur ses traces, sans se douter alors que c’est encore en mouvement, face à l’inéluctable, que ce premier de cordée avait lancé son dernier défi.
Avec une superbe simplicité de ton, Bauchau dit ce qui se meut entre les hommes, entre les femmes, entre les hommes et les femmes. Dans le mouvement de la vie. « Ainsi nous vivons entourés, protégés par l’attention de quelques êtres qui nous sont peu à peu arrachés. »
Commentaires
Merci pour votre commentaire et je me suis empressé d'acheter ce roman
d'un auteur qui fait honneur à la littérature belge et je ne manqueria pas de le commenter prochainement sur mon blog.
Bauchau m'est inconnu et je suis toujours surprise de constater combien la littérature, et l'art en général, ont du mal à traverser les frontières culturelles. A part Amélie Nothomb, les auteurs belges contemporains sont pratiquement inconnus ici en Espagne.
Le mouvement de la vie, la disparition d'êtres aimés, ces sujets me touchent et tu en parles si bien que je note le tout pour ma prochaine visite.
Merci de me remettre en mémoire Henri Bauchau. J'avais adoré son cycle sur la mythologie, et en particulier son Antigone qui pour moi est une pure merveille. Je suis comme ma sœur, je note le titre dans mon calepin et à ma prochaine visite d'une bonne librairie, je n'hésiterai pas. Merci A. de nous avoir mis l'eau à la bouche.
Ce roman est sur mon bureau, je l'ai commencé après avoir lu "Oedipe sur la route", ce livre m'a laissée dans l'expectative : je n'avais de cesse de le finir et étais envahie de sentiments contradictoires, je sentais que c'était une grande oeuvre mais j'avais l'impression de passer à côté de son sens profond, je vais continuer la lecture de "Le boulevard périphérique", je n'avais pas vu votre billet et il me conforte dans mon choix.
J'ai terminé la lecture du livre et relu votre billet qui est d'une excellente justesse. Merci Tania.
Un très beau livre, d'un construction sidérante. J'ai beaucoup aimé, c'est un de mes coups de cœur.