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couleurs

  • Demi-tons

    Les couleurs fauves de l’automne ne s’affichent pas encore franchement en ce début du mois d’octobre, un mois qui offre souvent une si belle lumière, mais elles s’annoncent.

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    Au parc Josaphat, la douceur de l’air et les demi-tons s’accordent, caressent les promeneurs, tout comme le bruissement des feuilles dans le vent.

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    Certains feuillages en dentelle préparent déjà le festival : jaune or, rouge, vert déploieront bientôt toute leur gamme. L’eau verdie de l’étang joue sa note dans ce tableau de saison.

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    Verticales, horizontales, droites et courbes, lignes, formes, couleurs – même guidée par les jardiniers, la nature est artiste à sa manière. Voilà une photo qui ferait un bon puzzle, pour les amateurs.

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    Peut-être aussi cet îlot avec ses abris pour la faune locale, qui n’y sera pas dérangée. Les feuillages et les reflets dans l’eau seraient ici les parties les moins faciles à assembler.

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    En haut de la pelouse qui longe l’avenue des Azalées, leurs oreilles signalent les lapins qui grignotent l’herbe sans se soucier des promeneurs – pourvu qu’ils ne s’approchent pas. S’arrêter, regarder tout ce que la lumière du jour nous montre, par une après-midi d’octobre.

  • Un et double

    parc josaphat,schaerbeek,hêtres pourpres,printemps,nature,couleurs,arbres,ginkgo biloba,poésie,goetheLa feuille de cet arbre, qui, de l’Orient,
    Est confiée à mon jardin,
    Offre un sens caché
    Qui charme l’initié.

    Est-ce un être vivant,
    Qui s’est scindé en lui-même,
    Sont-ils deux qui se choisissent,
    Si bien qu’on les prend pour un seul ?

    Pour répondre à ces questions,
    Je crois avoir la vraie manière :
    Ne sens-tu pas, à mes chants,
    Que je suis à la fois un et double ?

    Johann Wolfgang von Goethe, Le Divan oriental-occidental

    (traduction de Henri Lichtenberger)

    Ginkgo biloba devant un "géant" pourpre du parc Josaphat

  • Nuances de pourpre

    Ils ne figurent pas dans la liste des arbres remarquables du parc Josaphat et pourtant, dimanche, en remontant de la place du Kiosque, je suis restée bouche bée devant les nouvelles parures des hêtres pourpres, qui donnent au parc un charme supplémentaire. Il s’y tenait un marché aux plantes avec quelques stands d’artisans (dont celui de Kriekebiche, que je suis bien contente de retrouver depuis que le magasin a dû fermer, bien que sa boutique en ligne soit ouverte à toute heure).

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    En début d’après-midi, le ciel était encore menaçant, mais c’était surtout le vent qui soufflait fort, ce qui ne se voit guère sur cette photo prise d’en bas de la plaine du Tir à l’arc. On y distingue à peine au sommet des arbres quelques mèches balayées vers la gauche au niveau du boulevard. De près, de loin, j'apprécie la variété des feuillages et des couleurs.

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    Peu de promeneurs dans le haut du parc en ce dimanche à la météo incertaine, mais beaucoup de monde dans son creux, à la terrasse de la Laiterie, aux tables qui entouraient le marché sur la place devant le Kiosque. Et là, plus aucun vent, un cadre accueillant pour ce rendez-vous printanier au cœur de l’ancienne vallée du Roodebeek, où le parc a été aménagé il y a un peu plus d’un siècle.

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    Le hêtre pourpre est la « vedette classique des grands parcs paysagés », selon Wikipedia : « Ses feuilles sont lisses à bord ondulé et présentent une couleur pourpre à cause d’une teneur élevée en anthocyanidine, mais selon les saisons elles peuvent varier avec du rose ou une forme de pourpre brillant qui masque la teinte verte de la chlorophylle. »

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    Voilà exactement ce qui m’a émerveillée en remontant vers le boulevard : ce brouillard coloré à travers lequel la ramure des grands hêtres reste visible en ce moment de l’année. Rien de tel qu’une silhouette humaine pour nous permettre d’apprécier leur taille. Voyez celui-ci au pied duquel un homme était assis dans l’ombre en compagnie de son chien.

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    Ou cet autre au feuillage plus rouge, vraiment royal, couronné lui aussi d’une trouée de ciel bleu. Ne dirait-on pas qu’autour de lui, de jeunes arbres reverdis de frais lui font la cour ?

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    Couleurs changeantes du temps, couleurs changeantes des arbres. Sous un autre angle, le feuillage des hêtres arborait encore d’autres teintes indéfinissables. A un distrait, ces nuances de pourpre pourraient évoquer l’automne, autre grande saison des hêtres, mais nul tapis de feuilles à présent sous les arbres dont l’ombre s’étend sur le velours vert des pelouses.

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    Au parc Josaphat, Schaerbeek, dimanche 28 avril 2024.

    C’est à regret que j’ai laissé derrière moi cette toile vivante du parc Josaphat que j’imaginais bien en touches vibrantes sur le chevalet d’un peintre. Le lendemain, la lumière avait changé, les hêtres pourpres ne portaient plus leurs habits brillants du dimanche. Ils n’avaient rien perdu de leur majesté.

  • Regardons

    Pastoureau le-petit-livre-des-couleurs 2017.jpg« Nos couleurs sont des catégories abstraites sur lesquelles la technique n’a pas de prise. Je crois qu’il est bon de connaître leurs significations, car elles conditionnent nos comportements et notre manière de penser. Mais, une fois que l’on est conscient de tout ce dont elles sont chargées, on peut l’oublier. Regardons les couleurs en connaisseur, mais sachons aussi les vivre avec spontanéité et une certaine innocence. »

     

    Michel Pastoureau, Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs

    Couverture 2017

  • Le sens des couleurs

    Avant d’ouvrir Le petit livre des couleurs (2005) de Michel Pastoureau, je me disais bien que ses réponses à Dominique Simonnet (un feuilleton paru dans L’Express durant l’été 2004) ne m’apprendraient pas grand-chose de nouveau. C’est une bonne et courte introduction à sa façon d’aborder l’histoire des couleurs dont il est devenu le spécialiste, à conseiller à ceux qui ne l’ont pas encore lu sur ce sujet. Pour les autres, espérons qu’il complète bientôt ses fameux albums Bleu, Noir, Vert, Rouge et Jaune par la grande histoire du blanc.

    Pastoureau Le petit livre 2014.jpg

    La jolie couverture en collection Points histoire (celle-ci date de 2014) tranche sur la grisaille ambiante en cette fin d’année, mais à l’intérieur, aucune illustration. Or, je l’ai déjà souligné, les magnifiques reproductions proposées dans les albums originaux donnent un supplément de vie aux explications de l’auteur. En plus des six chapitres par couleur (celles déjà citées), Pastoureau aborde dans un septième  les « demi-couleurs : gris pluie, rose bonbon ».

    Il rappelle que pendant longtemps, le blanc, le rouge et le noir étaient les trois couleurs de base. Réhabilité aux XIIe et XIIIe siècles, le bleu jusqu’alors déconsidéré va élargir cette base à six couleurs, avec le vert et le jaune. Derrière cette évolution, il y a l’histoire des pigments, des teintures, des symboles culturels – différents en Occident et en Asie, par exemple. C’est au XVIIIe siècle que le bleu « devient la couleur préférée des Européens ». Aujourd’hui, il est la couleur « consensuelle » par excellence, choisie pour les emblèmes des organismes internationaux (ONU, Unesco, Union européenne).

    Dans le système à trois couleurs de l’Antiquité, « le blanc représentait l’incolore, le noir était grosso modo le sale et le rouge était la couleur, la seule digne de ce nom ». Le rouge tranche avec l’environnement et, comme pour toutes les couleurs, son symbolisme est ambivalent : il signifie la vie et la mort. Pastoureau constate une inversion des codes vestimentaires à partir du XVIe siècle : au Moyen Age, le bleu était plutôt féminin (à cause de la Vierge) et le rouge, masculin (signe du pouvoir et de la guerre) ; ensuite le bleu, plus discret, devient une couleur masculine, « le rouge part vers le féminin » – il est resté la couleur de la robe de mariée jusqu’au XIXe.

    Pastoureau m’a fait rire en racontant les malheurs de sa voiture d’occasion de jeune marié – « un modèle pour père de famille, mais rouge ! » – et en concluant que « c’était vraiment une voiture dangereuse. » Ma citadine rouge vif se porte très bien, malgré plus de dix ans d’âge, et je me réjouis toujours de la facilité avec laquelle je la retrouve dans un parking parmi toutes les nuances de gris.

    A propos du blanc, l’historien évoque une distinction souvent perdue de vue, entre le mat et le brillant, entre « albus », mat, et « candidus », brillant. Idem pour le noir : « niger » est brillant, « ater », mat et inquiétant. Le blanc hygiénique (et résistant aux lessives) imposé pendant des siècles à « toutes les étoffes qui touchaient le corps » (linge de maison, linge de corps) – a cédé la place aux teintes douces d’abord, et à présent, même aux couleurs vives. Dans les codes visuels, les différences entre « noir et blanc » et « couleurs » sont aussi intéressantes à observer.

    Depuis l’enfance, Pastoureau préfère le vert, ce qu’il relie à sa passion pour la peinture. Trois de ses grands-oncles étaient peintres, son père adorait l’art et l’emmenait souvent dans les musées. A l’adolescence, lui-même peignait volontiers et surtout « en camaïeu de verts » : parce qu’enfant de la ville, la campagne le fascinait ? Cette couleur « moyenne » était mal-aimée. Que la société contemporaine la revalorise n’est pas pour lui déplaire. Ce n’est pas encore le cas pour le jaune qui, selon lui, « a un bel avenir devant lui ».

    Pastoureau couverture 2007.jpg
    2007

    Enfin, parmi les demi-couleurs, l’historien comme le « peintre du dimanche » met le gris à part, pour son grand nombre de nuances et parce qu’il « fait du bien aux autres couleurs ». Quand on lui demande si nous sommes plus sensibles aux couleurs qu’autrefois, Pastoureau répond que nous le sommes moins. « La couleur est désormais accessible à tous, elle s’est banalisée. » Mais il ne manque pas de nuancer : le rapport aux couleurs diffère selon les cultures et selon les milieux sociaux.