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Nature - Page 14

  • Vert mousse

    4 février. Un jour sans pluie au réveil et même, la matinée avançant, de grands pans de bleu dans le ciel – sortons ! Au parc Josaphat, le soleil un peu pâle caresse les mousses. Le long du ruisseau, près des feuilles mortes décolorées, les pierres moussues attirent le regard. Au pied des arbres, de petits tapis du même vert leur font écho.

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    Le jeu des courbes et des reflets dans les eaux miroirs, la transparence des arbres avec déjà des frémissements visibles sur leur contour un peu flou, le mouvement des ombres sur les pelouses, le vieux parc schaerbeekois déploie ses charmes à toutes les saisons, vous le savez, si vous venez régulièrement vous promener ici.

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    Au bout du parc, au lieu-dit « La cascade », quasi toujours à l’ombre, ce qui lui vaut d’être un bon endroit de rendez-vous pour ceux qui préfèrent ne pas être remarqués, tous les verts me semblent un peu glauques. Et puis revoilà de la mousse, à cheval sur les pierres, qui se dore au soleil.

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    Déjà les nuages regagnent du terrain. Qu’ils sont beaux, ces rameaux bourgeonnants tendus le plus loin possible vers la lumière ! Pas terre à terre, une des deux chèvres du parc, qui accueille de nouveaux locataires depuis quelques mois, au grand plaisir des promeneurs, préfère se jucher sur un morceau de tronc d’arbre pour être bien vue de tous.

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    Nous avions déjà croisé Napoléon, le troisième âne du parc, en compagnie de Camille et Gribouille. Mais pas ces deux chèvres blanches. « Il s’agit du bouc Gépeto et de la chèvre Trottinette, nés tous les deux en 2018. Ces nouveaux animaux ont été adoptés directement auprès de l’asbl Help Animals qui s’occupe d’animaux abandonnés ou saisis. » (site de la commune)

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    La prochaine fois, nous ferons peut-être connaissance avec les deux moutons également recueillis au parc Josaphat. Près des étangs, le coin des mousses au bord de l’eau est un havre discret – ils pourraient passer inaperçus, ces deux colverts occupés à leur toilette.

  • La friche Josaphat

    Il était temps d’y aller faire un tour. La friche Josaphat, ouverte aux curieux cet été, ferme ses portes au public ce soir. Cela fait des années que les Schaerbeekois entendent parler de ce grand terrain de 25 hectares, le long du chemin de fer, à la limite d’Evere, la commune voisine. Les défenseurs de ce « joyau écologique » en péril continuent à se battre contre le plan d’aménagement urbain qui prévoit d’y construire mille six cents logements.

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    « Vivre et travailler dans un parc : voilà la « carte de visite » du futur quartier mixte et durable qui va s’installer sur le site ferroviaire désaffecté de l’ancienne gare de triage « Josaphat », annonce la Société d’Aménagement Urbain (SAU) de la Région de Bruxelles-Capitale. En cliquant sur les liens, vous découvrirez les arguments des uns et des autres, notamment ceux de la commune de Schaerbeek qui y est favorable, mais a refusé le plan proposé l’an dernier, jugé trop dense, trop peu durable et trop peu soucieux du maintien de la biodiversité dans cette zone.

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    Un ciel gris mais pas de pluie, découvrons donc ce que propose encore « L’été à Josaphat ». Au début de l’avenue Latinis, en venant du boulevard, on passe entre des voitures en stationnement pour pénétrer sur la friche. L’été est fini mais la Compagnie des Nouveaux Disparus, un théâtre forain créé en 1994, est encore là avec son chapiteau, son camion, et tout l’équipement aux couleurs joyeuses. On ne voit quasi personne en ce début d’après-midi. La guinguette, le terrain de pétanque, tout est désert, mais quelqu’un vient à notre rencontre et nous indique où commence le sentier de promenade aménagé dans la friche, bien balisé.

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    Une clôture en bois protège ces terres rendues temporairement à la vie sauvage, où certaines plantes fleurissent encore. Bernard Pasau, un naturaliste membre de Natagora, y a photographié en juillet une espèce d’abeille jamais observée en Belgique, « la 103e espèce d’abeilles recensées (…) dont 24 espèces sont rares ou très rares » (Vivre ici). Ses photos d’oiseaux, de fleurs et d’insectes, dont de nombreuses libellules, valent le détour : vous les trouverez dans les albums proposés sur le site de la RTBF et sur celui d’Ezelstad/Cité des Anes.

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    Tout le long du sentier, on a prévu des bancs fabriqués avec des palettes, des poubelles qui invitent au tri. On aperçoit l’une ou l’autre mare, des zones humides favorables à la faune comme à la flore locales. A lire Jacqueline Saintenoy-Simon, qui a observé cette friche urbaine depuis plus de vingt ans, « il ne reste que des miettes » de la belle flore qui faisait jadis l’admiration des botanistes belges, « miettes que les défenseurs du site essaient de protéger. »

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    Au chemin de terre succède un sentier couvert de paillis. La promenade ne mène à présent plus jusqu’au bout de la friche, près du pont d’Evere, elle forme une boucle vers le milieu du site. On revient le long du chemin de fer, dont les talus, derrière la clôture métallique, offrent encore des couleurs en ce premier mois d’automne : du blanc, du bleu, du jaune, des mauves et aussi des champignons sauvages : coprins chevelus et coprins noirs d’encre (ou coprins pies ?) aux pieds blancs.

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    Je suis heureuse d’avoir pu observer cette friche de plus près et j’espère que l’opposition aux aménagements urbains excessifs – une pétition « Stop Béton (à Bruxelles) : sauvons la friche Josaphat » a récolté près de dix mille signatures jusqu’à présent – sera entendue. La sauvegarde de l’environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, l’amélioration de la biodiversité, la qualité de la vie en ville, tout cela est ici en jeu, il suffit de s’y promener pour s’en rendre compte. Voilà pour les partisans de la transition écologique une belle occasion de passer des discours aux actes !

  • Vêpres à Zenarruza

    rufin,immortelle randonnée,compostelle malgré moi,chemin de saint-jacques de compostelle,récit,littérature française,pèlerinage,marche,chemin du nord,espagne,nature,culture,spiritualité« La magie entêtante de la prière nous avait tous saisis. C’est une des particularités du Chemin que d’offrir au pèlerin et quelles que soient ses motivations, des instants d’émotion religieuse inattendue. Plus la vie quotidienne du marcheur est prosaïque, occupée d’affaires d’ampoules douloureuses ou de sac trop lourd, plus ces instants de spiritualité prennent de force. Le Chemin est d’abord l’oubli de l’âme, la soumission au corps, à ses misères, à la satisfaction de mille besoins qui sont les siens. Et puis, rompant cette routine laborieuse qui nous a transformés en animal marchant, surviennent ces instants de pure extase pendant lesquels, l’espace d’un simple chant, d’une rencontre, d’une prière, le corps se fend, tombe en morceaux et libère une âme que l’on croyait avoir perdue. »

    Jean-Christophe Rufin, Immortelle randonnée

  • Vers Compostelle

    Beaucoup d’entre vous ont déjà lu Immortelle randonnée de Jean-Christophe Rufin. J’étais intriguée par ce « Compostelle malgré moi » (en sous-titre) et curieuse, bien sûr, de ce célèbre chemin de pèlerinage ou de randonnée qui ne cesse d’attirer du monde, croyant ou pas.

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    Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8lerinage_de_Saint-Jacques-de-Compostelle

    Ce qui m’a plu tout de suite, c’est le ton du récit. Rufin dit les choses telles qu’il les a vécues, ressenties, en s’appuyant d’abord sur les aspects concrets de l’entreprise. Comment s’inscrire et obtenir la « credencial », le carnet à faire tamponner aux étapes, le choix du point de départ et du chemin – pour lui, en partant d’Hendaye, ce seront huit cents kilomètres – « environ quarante jours » – vers Compostelle par le nord (en passant par Irun, Bilbao, Santander, Oviedo).

    Bien sûr, l’état d’esprit diffère d’un marcheur-pèlerin à l’autre et aussi selon qu’on marche seul ou à deux voire en groupe. Si l’auteur a choisi cet itinéraire, c’est parce qu’il est moins fréquenté que le Camino frances. Il tient à cheminer seul et surtout, autant que possible, à dormir seul – impossible pour lui de trouver le sommeil en collectivité. Il emporte une tente légère dans son sac à dos.

    Lire Immortelle randonnée, c’est donc l’accompagner dans cette entreprise et découvrir avec Rufin, de son point de vue forcément, en quoi consiste ce « pèlerinage » ancien vers Saint Jacques, sur les traces du roi Alfonse II qui le premier s’est rendu à Compostelle pour voir les reliques du saint, pour les « Jacquets » des temps contemporains. Le récit en aborde tous les aspects : chaussures, ravitaillement, balises, auberges, rencontres, solitude, météo, motivations, fatigue, religion, commerce, tourisme, beautés et laideurs.

    Le plus fascinant, qui se dessine peu à peu à la lecture, c’est la transformation qui se produit à la longue, décrite avec simplicité et sincérité, m’a-t-il semblé. La réalité des paysages traversés s’écarte du chemin imaginé, les motivations de départ font place à d’autres. Non seulement le corps se façonne aux aléas du chemin, mais l’esprit aussi, l’idée qu’on se faisait du chemin, des autres et de soi-même. On croit faire le chemin et c’est le chemin qui vous façonne. « Le Chemin est une alchimie du temps sur l’âme. »

    Ainsi cette confidence : « Sans doute ne suis-je pas le seul à goûter les choses et les êtres au moment où ils nous quittent. Mais j’ai poussé plus que d’autres le vice ou la gourmandise jusqu’à m’éloigner souvent de ce que j’ai de plus cher, pour en mesurer le prix. Jeu dangereux où l’on peut gagner beaucoup, mais où il y a encore plus à perdre. » Ou encore « Le Chemin réenchante le monde. »

    Comme il l’explique à la fin, Jean-Christophe Rufin n’a pas pris de notes en chemin, ce n’est que bien plus tard qu’il cèdera à la demande de deux amis éditeurs de mettre par écrit ce qu’il leur racontait. Ce n’est donc ni un carnet ni un guide de voyage sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. L’écrivain ne recourt à l’histoire ou ne décrit un lieu que parce qu’il y a mis les pieds, sans se donner en exemple ni prétendre à une quelconque performance. Immortelle randonnée est le partage d’une aventure personnelle. 

  • Octobre

    Octobre a ramené tous les gris des ciels pluvieux mais aussi des couleurs dans mon jardin suspendu. Les cosmos (en pot) malingres tout l’été fleurissent généreusement, leurs corolles d’un rose violacé dansent au moindre souffle. Les feuilles pâlissantes du ginkgo biloba ne dansent pas, elles frémissent, elles s’accrochent, quelques-unes sont déjà à terre (façon de parler). La clématite, en face, est entrée dans la danse d’automne avec deux nouvelles fleurs.

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    Henri Le Roux, Jardin aux tournesols et potirons, 1922

    La tendance est ici au mauve – avec les asters et un pélargonium – tandis que les allègres dipladenias (mandevillas) trompettent en rose vif et que les bidens, tenaces depuis un an et demi, tiennent la note jaune citron. Les verts ? Douchés jour après jour, ils reprennent du poil de la bête, pour la plupart, avant de virer. Ils font notre bonheur de citadins haut perchés. Au pied de la clématite, derrière une petite plante grasse posée à son pied pour lui faire un peu d’ombre sur une terrasse où il n’y en a guère en été, voilà qu’une fougère s’impose parmi les sauvageonnes qui tapissent la terre. Une fougère, exposée au sud-ouest !

    Après Bleu, Noir, Vert, Rouge et Jaune, nous prépare-t-il l’histoire du blanc ? La conférence que Michel Pastoureau a donnée cette année à Lausanne permet de l’espérer. Si bien racontées par l’historien, les couleurs aident à vivre, les couleurs sont la vie. Les couleurs et leurs innombrables nuances. Aussi ai-je toujours eu un peu de mal avec les premières paroles d’Antigone, dans la pièce d’Anouilh, répondant à la nourrice : « De me promener, nourrice. C’était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. C’est devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs. »

    Le Jardin aux tournesols et potirons qui illustre ce billet est une huile sur toile d’un peintre belge, Henri Le Roux, datée de septembre 1922. Des couleurs chaudes et lumineuses. Pourquoi les masques jetables sont-ils bleus ? « Il s’agit de masques médicaux, aux couleurs assorties aux tenues du bloc opératoire, le bleu et le vert étant plus apaisants que d’autres couleurs », ai-je lu dans Libé. Le bleu est la  couleur préférée des Occidentaux, répète Michel Pastoureau dans chacun de ses livres. Pendant ces journées trop peu ensoleillées, il n’est pas interdit, en attendant de les voir disparaître pour de bon, d’imaginer que ces masques mettent sous les yeux de petits bouts de ciel bleu.