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Nature - Page 11

  • Imagine

    mcdaniel-tiffany-betty.jpg« – Imagine les saisons ici, ma Petite Indienne, m’a-t-il dit en souriant. Tout le reste du printemps, tu vas t’amuser à grimper dans cet arbre, là-bas. (Il a fait un geste en direction du grand chêne des marais tortueux dans la cour.) Ensuite, quand l’été arrivera, tu passeras la journée à manger des tomates dans le premier potager, qui sera là, à cet endroit. (Du doigt, il m’a montré un carré d’herbes hautes sur le côté de la maison.) A l’automne, tu resteras assise sur la véranda à regarder les feuilles tomber. L’hiver venu, tu taquineras les arbres nus en leur disant qu’ils ressemblent tous à des araignées sur le dos. »

    Tiffany McDaniel, Betty

  • Petite Indienne

    Dès sa parution l’an dernier, Betty (traduit de l’américain par François Happe), le roman de Tiffany McDaniel dédié à sa mère, Betty Carpenter, a récolté un succès international. Le poème de Betty au début ne laisse pas de doute sur les malheurs qui ont accablé son enfance.

    MA MAISON DETRUITE

    Donne-moi un mur,
    Je te donnerai un trou.
    Donne-moi une fenêtre,
    Je te donnerai une vitre brisée.
    Donne-moi de l’eau,
    Je te donnerai du sang.

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    © Tiffany McDaniel, Three Sisters, squash, corn, and beans, original painting by Tiffany

    Betty est la sixième des huit enfants d’un père cherokee aux cheveux noirs, Landon Carpenter, et d’une mère plus jeune que lui de onze ans, Alka Lark, aux cheveux blonds. De tous ses frères et sœurs, c’est elle qui ressemble le plus à son père. Elle est sa « Petite Indienne », sa favorite, bien que cet homme « fait pour être père » soit attentif et attaché à chacun de ses enfants.

    L’histoire dramatique de ce couple qui s’est marié en 1938 dans la désapprobation générale est racontée avec force par la romancière américaine : rejet de la famille Lark, difficultés rencontrées par Landon à son travail, quand il en trouve, déménagements nécessaires pour fuir la violence. Mais ce qui éclaire le récit du début à la fin, malgré toutes les horreurs qui s’y succèdent, c’est leur façon de vivre quotidienne en relation avec la nature.

    Les arbres et les plantes, le soleil et les orages, les étoiles, tout ce qui vit autour d’eux vit avec eux. Le père de Betty lui rappelle comment, chez ses ancêtres, les Aniwodi, un clan de créateurs « réputé pour ses guérisseurs et ses sorciers », les femmes possédaient et cultivaient la terre, les hommes chassaient. Les colons blancs ont mis fin à leur société matriarcale et matrilinéaire, renvoyé les femmes des champs à la cuisine.

    « L’âme de mon père était d’une autre époque. D’une époque où le pays était peuplé de tribus qui écoutaient la terre et qui la respectaient. Lui-même s’est tellement imprégné de ce respect qu’il est devenu le plus grand homme que j’aie connu. » Cette omniprésence du monde vivant – animal, végétal, minéral – autour des personnages, mêlée à tout ce qui leur arrive, donne au roman une atmosphère originale, voire magique.

    En épigraphe, une citation tirée de la Bible donne sa tonalité à chaque chapitre. La romancière a magnifiquement doté les enfants Carpenter d’une aura particulière. Betty, la narratrice, a une relation privilégiée avec son père. Ses frères et sœurs le savent, sans rien perdre pour autant de l’amour paternel qui les porte du début jusqu’à la fin. Et c’est lui qui les soutient, quelles que soient les circonstances. La mère de Betty a eu trop à porter elle-même pour venir en aide à ses enfants, même si elle s’y efforce.

    Tiffany McDaniel, la fille de Betty, a mis dix-sept ans à écrire cette histoire de sa famille sur plusieurs générations, qui se déroule dans le sud de l’Ohio où sa mère a grandi, dans les contreforts des Appalaches. Contrairement aux habitants de leur petite ville où ils se heurtent au racisme ordinaire, les Carpenter ne craignent pas trop la malédiction attachée à la maison délabrée où ils ont emménagé. Le père a suffisamment d’histoires à leur raconter pour que la famille y vive avec ses propres mythes.

    Le plus étonnant pour moi, à la lecture de Betty, best-seller abondamment primé où la question du destin des femmes est si présente, c’est qu’à travers une telle succession de souffrances en tous genres, cette romancière américaine née en 1985 parvienne à faire triompher deux thèmes très forts, ici inséparables : le bonheur de cohabiter avec la nature, l’initiation à la bonté.

  • Sauvages

    Rouge Cloître octobre (13).jpgQu’ils sont gais à rencontrer, les cyclamens sauvages !
    A cette saison où les feuillages se dorent au soleil, où le Rouge-Cloître déploie ses couleurs, ces touffes aux subtiles nuances de rose, çà et là sous les arbres, captent le regard.

     

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    Les premiers, plus vifs, prenaient leur bain de lumière de l’après-midi. Les seconds, plus à l’ombre, plus pâles, offraient leur douceur au regard.

     

     

    Quoi que dise le cyclamen dans le langage des fleurs, le mot « délicatesse » lui correspond parfaitement.  

  • Vieil or d'octobre

    Démenti à la mauvaise réputation du ciel belge, le soleil a brillé sur la dernière semaine d’octobre. Du temps idéal pour se promener au Rouge-Cloître paré de tout son vieil or. Ce site en forêt de Soignes, vous l’avez déjà vu ici, est remarquable à toutes les saisons.

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    Tandis que certains pêchent tranquillement et que d’autres font carrément la sieste, couchés sur la rive, nous prenons l’allée ensoleillée qui longe l’étang du Moulin, si belle sous la lumière d’automne filtrée par les feuillages.

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    Plus loin, une plate-forme en surplomb donne un excellent point de vue vers le grand étang des Clabots. Les arbres tombés ou chablis sont des refuges fort appréciés des canards et autres volatiles qui s’y reposent, sans être dérangés le moins du monde par les passants ou les photographes amateurs.

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    Devant nous, derrière, de quelque côté que l’on regarde, le festival des couleurs est bien lancé. La gamme des jaunes domine encore sur les arbres, mais les tapis de feuilles sous les hêtres annoncent déjà le rouge rouille caractéristique du sol de cette belle forêt.

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    En revenant par l’autre côté des étangs, on se rapproche peu à peu de la longue et superbe bâtisse blanche de la Maison du Prieur. Sa restauration est à présent terminée. On espère y retrouver l’an prochain une terrasse où se régaler peut-être, comme au siècle dernier, de tartines au fromage blanc et radis.

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    A l’arrière du prieuré, l’ancienne ferme et ses annexes accueillent des ateliers d’art et l’association Cheval et Forêt. Deux Brabançons étaient de sortie, on ne se lasse pas d’admirer ces fameux chevaux de trait qu’on voyait dans tous les villages quand nous étions enfants.

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    A droite des écuries, un chemin monte vers un beau talus champêtre, un côté du site souvent moins fréquenté, où le soleil jetait ses derniers feux. Puis on arrive à la plaine de jeux. En ce jour d’école, deux gamins avaient pour eux seuls le grand bateau-pirate en bois à explorer en tous sens.

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    En continuant vers la droite, on descend vers la passerelle entre les deux étangs du Lange Gracht. Les cygnes n’étaient pas les seuls à en fouiller la vase. Après avoir traversé, on retourne vers l’entrée par la rue pavée du Rouge-Cloître.

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    Du talus où prospèrent les prêles et les roseaux, on a une jolie vue sur le site et ses murs d’enceinte. Profitant du dernier soleil de la journée, un canard s’éclaboussait joyeusement sur le petit étang du Lange Gracht.

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    Pour cette semaine de congé, je signale l’exposition « Jojo en balade à Rouge-Cloître » présentée actuellement au Centre d’art (ancien prieuré), qui plaira aux enfants d’aujourd’hui comme à ceux d’hier qui lisaient Spirou : elle rend hommage au bédéiste André Geerts (1955-2010) et à son petit héros malicieux.

  • Echappée drômoise

    Echappée ? En peinture, cela se dit « d’une perspective de ciel ou de lointain entrevue par un espace libre, réservé à cet effet » (Jules Adeline, Lexique des termes d’art, citation du TLF). Voilà qui résume bien le lieu et l’esprit de mon séjour en Drôme provençale, dont voici un début d’abécédaire.

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    ARBRES. Oliviers scintillant sous le soleil, pins s’arrondissant à la rencontre du ciel, ombre accueillante des tilleuls, yeuses omniprésentes, les arbres sont des repères dans ce paysage de vignes et de lavandes.
    Ils font signe par la fenêtre ouverte. Ils vous attendent au bord de la route ou du chemin, comme ce « sempervirens » à la silhouette imposante.

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    BESTIAIRE. Les petits scorpions de Provence aiment rôder la nuit et, quand on a la chance de disposer d’une piscine, il convient de vérifier si l’un ou l’autre n’y est pas tombé en s’aventurant sous la bâche. Coup de filet.
    Une étonnante apparition d’un matin près de la fenêtre nous révèle la splendide épeire fasciée (araignée guêpe ou argiope frelon, elle ne manque pas de surnoms évocateurs) et son cocon raffiné, en forme de montgolfière retournée.

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    CLOCHERS. Autre écriture verticale dans le paysage, dont Proust a magnifié la présence, le clocher est la signature d’un village.
    A Venterol, le campanile en fer forgé du XVIIe siècle attire l’œil dès qu’on approche de ce beau village perché. De pierre, celui de l’église Saint-Michel à La Garde Adhémar se profile entre de hauts murs.

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    DE JOUR, les merveilles de la terre : lavandes, oliveraies, vignes, lointains si bleus dont le dégradé me charme. En passant, le regard se pose sur les cabanons de pierre au milieu des champs.
    DE NUIT, le ciel s’habille de larges rayures aux couleurs intenses puis de plus en plus douces avant de laisser leur toile aux étoiles.

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    ENSEIGNES. Non loin de la mairie de ce village médiéval classé parmi les plus beaux de France, je m’interroge devant la mystérieuse enseigne de « Gustave Comte de Salsifis », peintre à la palette un peu sorcier : qui m’en dira le secret ? Serait-ce lui qui a jeté un sort à La F..rmi ?

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    FLEURS. Avec les oiseaux, toutes sortes de fleurs décorent les jolies plaques en céramique (signées Dana) qui indiquent aux flâneurs le nom des rues et des traverses de La Garde Adhémar. Et aussi le « Jardin des herbes ». Le parvis de l’église offre une superbe vue panoramique sur la plaine de Pierrelatte. Une petite barrière ouvre sur l’escalier d’un « jardin remarquable », tout en terrasses, qui rassemble des plantes médicinales et aromatiques.  

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    « G » ? La lettre est presque au milieu du mot « encoignure » qui relie les deux dernières photos de ce billet. L’une, prise dans une ruelle de Venterol, joue sur la forme triangulaire ; certains détails y révèlent la présence d’un tigre de salon. L’autre encoignure, sur le site du Val-des-Nymphes (un endroit de culte païen puis chrétien à ne pas manquer, tout près de La Garde Adhémar), abrite un bénitier à l’entrée d’une petite chapelle dans un mur, non loin d’un bassin. Il y a beaucoup à découvrir autour de la chapelle prieurale (XIIe siècle) au centre de ce vallon plein de résonances.

    Merci pour vos commentaires sur T&P en mon absence.
    Ravie de vous retrouver bientôt pour de nouveaux échanges.

    Tania