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Aussitôt que la vie

« Marcher, c’est écouter, suivre une trace, sentir la douceur de la terre ou l’arête des pierres, boucler une boucle, aller en ligne droite ou faire un détour, chercher le chemin, trouver le chemin, revenir en arrière, repartir en avant… […] » Ainsi commence Aussitôt que la vie de Marie Gillet, qui vient de paraître.

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Entre ciel et terre (source)

Ce journal d’une marcheuse « entre Maures et Garlaban » en Provence, tenu durant le mois de février, est écrit « sur le tracé des mots », ceux qu’elle note dans son carnet « promeneur » – écrire et marcher sont inséparables pour la narratrice. Cette amoureuse des carnets précise qu’ils « ne servent pas pour la nostalgie seulement mais pour l’action d’écrire », ce sont « des herbiers de mots, des dictionnaires personnels, des bibliothèques de traces ».

Des listes de mots à propos des fleurs, des arbres, des couleurs, aident à raconter le chemin, les imprévus, les paysages. Marie Gillet se promène « sur la colline et au-delà », comme indiqué en sous-titre : des phrases naissent ensuite de ses pas, où réapparaissent les mots des listes, balises pour rendre ce qu’elle a ressenti tout du long.

Ce sont les observations d’une visuelle qui aime nommer les choses du monde vivant avec justesse (le blog Bonheur du jour en témoigne à sa façon). La promeneuse ne se limite pas à décrire. En avançant, elle marche avec ceux envers qui elle se sent redevable, par-delà les souffrances de son enfance. Le mistral ravive des souvenirs : « Dès que j’ai habité chez Mètou, j’ai appris à vivre comme on vit ici : avec le vent. »

« Pendant longtemps, j’ai aimé sans me poser trop de questions cette nature que j’ai beaucoup fréquentée plus pour moi-même que pour elle. » A présent, la marcheuse regarde la nature autrement, attentive à la palpitation des choses, se refusant à cueillir quoi que ce soit, à prendre des photos, tout entière disponible pour les rencontres et les éblouissements du jour.

Enfant, elle a beaucoup appris en accompagnant « le Chef ». Quand elle a pu se promener sans lui, elle lui rapportait des « butins » dans l’espoir d’un « satisfecit ». Elle ne connaissait pas encore la joie de marcher tranquillement, « gratuitement, pour le plaisir, pour la beauté du monde ». Le bonheur de répondre librement à l’appel du dehors, du champ, de la colline, des arbres.

Le chêne occupe une place maîtresse dans la mémoire de celle qui a grandi en Ile de France. Après son installation dans le Var, près de Toulon, elle a découvert le chêne kermès, le chêne-liège et surtout le chêne vert au doux nom de « yeuse ». Là où elle vit, la couleur bleue, la préférée, offre tant de nuances qu’elle cherche toujours comment nommer exactement « le bleu du ciel et le bleu de la mer ». Le mot « azur » ne suffit pas.

« L’air était pur et calme. Il allait faire très beau. Rien ne s’opposerait à la lumière. ». Dans le sac à dos de la marcheuse, en plus du carnet, il y a toujours un livre, pour accompagner les pauses, les moments de contemplation. Le texte s’interrompt parfois pour de courtes citations, comme cette troisième strophe des Arbres d’Yves Bonnefoy (dans Ce qui fut sans lumière) où bat le cœur du récit.

Aussitôt que la vie doit son titre à un passage de l’Odyssée dont Marie Gillet s’est souvenue devant « une immense prairie d’asphodèles » sur une terre brûlée par un  incendie deux ans auparavant. Là aussi – dans le texte et devant les fleurs – les mots vibrent, indiquent une direction : laisser derrière soi ses propres enfers pour aller vers la lumière.

Voici une œuvre d’une profonde sérénité, d’un grand calme intérieur, en contraste avec la tension dramatique de Nous, long roman d’un conflit familial. Tout en mouvement, regard, mémoire, accueil de ce qui se présente et méditation, Aussitôt que la vie est aussi, d’une autre manière, le journal d’une résiliente. En quelque deux cents pages, Marie Gillet nous invite à regarder la beauté où qu’elle soit et à retrouver dans la nature un chemin de vie.

Commentaires

  • Peut être que Aussitôt que la vie serait plus en phase avec ce que je vis actuellement?

  • J'ignore ce que tu vis, Keisha, mais ce livre est porteur de beauté et de sagesse, je te le recommande de toute façon. Bon courage.

  • Ce sera un réel plaisir de lire ce nouveau recueil, très en accord avec ce que je vis au quotidien semble-t-il.

  • Tu y trouveras sans doute bien des points communs avec ton paradis mallorquin.

  • Les impressions d'une marcheuse, la Provence, la nature, quand il est sorti je me suis dit qu'il était tout-à-fait dans ce que j'aime. A noter précieusement.

  • N'hésite pas à mettre tes pas dans les siens, Aifelle. Bonne semaine.

  • Avec joie, Marie.

  • ah je suis en train de le lire et je prends mon temps car les pages sont bien pleines de listes magiques !
    un livre qui pour moi va aller rejoindre Sue Hubbel et consoeurs

  • N'est-ce pas ? Un livre de bonne compagnie pour qui le lit et parmi ces écrivains qui chantent le monde au naturel.

  • Les mots de Marie sont des trésors.
    Merci à vous Tania de les recenser et de les élever à leur juste mesure.
    Un bonheur de vous lire aussi.
    A bientôt de vous découvrir davantage.
    Douce journée.
    Den

  • Bienvenue, Den. Marie Gillet sème des graines de vie et de paix, à partager encore et encore.

  • Je suis convaincue par ta lecture, par les extraits et expressions que tu cites ( un herbier de mots, que c'est joli et évocateur ). J'aime particulièrement ces livres qui sont des moments aussi pour le lecteur.

  • Voilà, exactement. Quand "Nous" renvoie surtout aux deux personnages qui s'y confrontent, ce livre-ci ouvre plus d'espace aux lecteurs et à leur propre cheminement.

  • J'avais quelque apréhension au départ , mais grâce à vous j'ai décidé d'acheter ce livre à cause d'une seule phrase dans l'extrait que vous publiez : « ...cette vie à laquelle je n'ai pas d'autre part que la contemplation .», Merci à vous !

  • Je vous souhaite d'en faire votre miel, Béatrice.

  • Oh, j'ai hâte de découvrir ce livre. Mettre ses pas dans ceux d'une marcheuse contemplative me semble être un beau programme. Doux dimanche Tania. brigitte

  • Et tu y reconnaîtras les beautés de ta belle région, Brigitte. Je t'en souhaite déjà bonne lecture & une belle après-midi.

  • je viens de le lire pour la deuxième fois car il est riche de magnifiques images de la nature et des sentiments que font naitre ses lignes sur l'enfance

  • Oh, ton commentaire m'avait échappé, excuse-moi. Je trouve aussi que c'est un livre auquel on reviendra un jour ou l'autre.

  • Bravo, Tania, pour cette magnifique présentation du livre dont je viens de terminer la lecture. Tu es certainement plus près de la préoccupation de l'auteur que moi qui, n'ayant pas lu les deux romans précédents, suis restée sur le choc d'une enfance marquée par le drame et le silence. Il y a aussi cet équilibre qu'elle porte aujourd'hui par la longue pratique de la contemplation et celle de l'amour des autres de tout ce qui vit.

  • Tu as raison, Mayalila, merci de le souligner. C'est un peu ce que je voulais indiquer en écrivant que ce texte-ci est aussi "le journal d'une résiliente".

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