Par les températures si douces de la dernière semaine de février, l’appel de la nature était irrésistible. Si le parc du château de La Hulpe est quelque peu « envahi » durant le week-end, ce lundi-là, on pouvait s’y promener en toute quiétude. Ce domaine régional aux portes de la région bruxelloise comporte de nombreux arbres remarquables. Sur ce plan du parc, on en situe vingt-cinq d’espèces différentes.
Ce robinier faux acacia – si c’est bien lui – illustre la beauté des arbres en hiver, quand leur ramure se dessine à l’encre de Chine sur le ciel. Spilliaert aimait peindre les arbres à cette saison où l’on distingue si bien les branches qui s’étagent, qui se divisent et s’affinent vers leur extrémité, leur allure interne. A présent, les rameaux les plus fins créent déjà une impression de flou sur leur contour, signe de renaissance.
Sans ses feuilles, comment reconnaître un arbre ? Mon Guide des arbres d’Europe conseille de regarder alors « l’écorce et le port » et présente trois pages de « rameaux hivernaux des arbres facilement reconnaissables » aux bourgeons opposés ou alternes. J’aurais pu l’emporter. Mais tout au plaisir de la marche, on s’arrête peu, c’est le contraire d’une promenade d’observation. Qui m’aidera à nommer cet arbre qui porte encore au bout de certaines branches quelques cupules ouvertes en croix ? J’aime sa rondeur, son élan vers le ciel.
Quant aux conifères, dont la verdeur fait plaisir à voir, ils ne sont pas faciles à distinguer les uns des autres. Celui-ci serait un épicéa – ses petits cônes bien accrochés pendent – et non un sapin aux pommes dressées, si je ne me trompe. Avez-vous vu le sourire de Chantal Thomas à La Grande Librairie quand François Busnel lui a présenté une pomme de pin, au moment d’évoquer De sable et de neige ?
Les talus de la butte calcaire au bord du chemin qui mène vers l’étang de la longue queue s’érodent dangereusement – les racines des hêtres sont dénudées, les arbres fragilisés, plusieurs sont déjà tombés lors des grands vents. Pour la protéger, l’accès à la butte n’est dorénavant plus autorisé, au grand dam des enfants qui aimaient y grimper.
Une compagne de promenade me montre au bord de l’eau une curiosité que je n’avais jamais observée : des pneumatophores. « En botanique une excroissance aérienne des racines de certains arbres ayant pour fonction les échanges gazeux quand ils sont impossibles pour les racines dans les zones humides. » (Wikipedia) J’aurais bien fait de photographier l’arbre en entier : un copalme d’Amérique (le bas du tronc pourrait correspondre à son écorce « brun foncé avec des crevasses subéreuses » (id.) ? Ou un cyprès chauve auquel les pneumatophores permettent de respirer dans des sols gorgés d’eau, comme à cet endroit ?
Le parc de La Hulpe comporte plusieurs cryptomérias du Japon (une petite plaque identifie l’un d’entre eux). Leurs troncs joliment cannelés ont des couleurs changeantes, du brun à l’orange, du rouge au vert. Leur écorce, une fois bien observée, est très reconnaissable et aussi leurs feuilles courbées vers l’avant. Au bout des rameaux s’étirent des chatons d’un vert plus jaune alors qu’ils portent encore par ailleurs des petits cônes de deux centimètres tout au plus.
Quand on remonte vers le château, quelle merveille de voir se détacher sur le ciel, en haut de la pelouse, les silhouettes des arbres. On les dirait dessinées à l’encre de Chine !
Les murets du pont de pierre s’arrondissent sous leurs ornements, même si sous un ciel gris, les mousses ne brillent pas autant qu’un jour de soleil. Le long du chemin repose un tronc coupé à la torsade impressionnante. Les arbres sont plus mobiles qu’on ne l’imagine : ils cherchent la lumière, jouent avec le vent.
Plus loin, un feuillage d’un vert frais qui se glisse entre des arbres nus attire mon regard – encore un conifère inconnu. Ses branches tendues à l’horizontale sont de toute beauté. Et puis, à quelque distance du chemin qui mène vers la ferme de la Fondation Folon, voici les lignes élancées de jeunes bouleaux dansant en rythme le long d’un bosquet, légèrement courbés en direction de bouleaux plus âgés.
La lumière de leurs écorces, qui contrastent gracieusement sur le reste de la végétation, est aussi du plus bel effet sur l’autre rive du plan d’eau.
Au bout de celui-ci, on aperçoit la cime d’un autre arbre remarquable du domaine, un sapin de Vancouver, qui domine tout – il peut atteindre soixante mètres de hauteur. Quand on redécouvre les lignes blanches des bouleaux avec de beaux cornouillers décoratifs à l’avant-plan, comment ne pas s’arrêter à nouveau pour contempler ?