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Société - Page 36

  • Edith Bruck raconte

    27 janvier 1945 : libération du camp d’Auschwitz par l’Armée rouge en Pologne occupée (Wikipedia). Avant de lire le nom d’Edith Bruck sur de nombreux blogs fidèles au devoir de mémoire, je ne savais rien de cette écrivaine italienne d’origine hongroise, née Edith Steinschreiber en 1931. Le pain perdu (2021, traduit de l’italien par René de Ceccatty, 2022) est le récit autobiographique et le témoignage d’une survivante d’Auschwitz.

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    Edith Bruck en janvier 2020 (source)

    Petite fille aux pieds nus et aux tresses blondes, elle a grandi à la campagne, benjamine d’une famille nombreuse. Au lieu de « Ditke », son diminutif, ses frères et sœurs l’appelaient « Boulette ». Sa mère, fatiguée de ses « pourquoi ? », lui répondait souvent « Demande-le-Lui, à Lui » en lui criant dessus, exaspérée de la voir s’approcher des fous, des vieux. On s’en rappellera en lisant la « Lettre à Dieu » à la fin du récit.

    Ditke était « la première de la classe, malgré les lois raciales, que le village n’appliquait pas à la lettre. » Elles étaient trois élèves juives au dernier rang, deux filles de commerçants et elle, « fille de Stein Schreiber », « exclu de l’armée, en 1942 », qui conduisait les bêtes des autres au marché, « pour un gagne-pain de misère ».

    Sa grand-mère maternelle meurt quand Ditke a douze ans. Dans une poche raccommodée de son peignoir, sa mère trouve de l’argent, deux alliances en or et une chaînette avec l’étoile de David. Cela leur permet de construire une petite maison d’une seule grande pièce avec une cuisine. Au premier « Heil Hitler ! » lancé à sa sœur Judit, qui est pour sa petite sœur une seconde mère, leurs parents sont bien forcés de leur expliquer que pour les autres, ils ne sont pas hongrois mais juifs.

    A Noël, le tambour annonce que les Juifs ne pourront plus sortir de chez eux après six heures, « ni quitter le village, ni voyager ». Au treizième printemps d’Edith, ils fêtent la Pâque juive sans joie ni chants. Une brave voisine leur a offert de la farine, la mère a préparé de la pâte pour la fin de la fête quand deux gendarmes font céder la porte sous leurs coups et leur donne cinq minutes pour sortir – « le pain, le pain » répète sa mère, mais les voilà tous jetés dehors. En chariot puis en train, les familles juives sont emmenées dans le ghetto du chef-lieu local. Un oncle arrivera à leur y apporter de la nourriture pour l’anniversaire de Ditke, « fêté avec un gâteau, mais maman soupirait encore pour le pain perdu. »

    Fin mai, « des bandes de corbeaux noirs, armés, d’apparence humaine » les chassent de là pour les entasser dans des wagons à bestiaux. Seule consolation : ils sont tous ensemble. A quarante-huit ans, les parents « ont vieilli d’un coup ». Quatre jours plus tard, ils sont à Birkenau, aussitôt séparés. Ditke se retrouve seule avec sa sœur Judit.

    A Auschwitz, Ditke est « 11152 ». Quand elle s’inquiète de sa mère, une kapo polonaise lui montre la fumée : voilà ce qu’est devenue sa mère. Au camp, il leur faut s’habituer à la nourriture immangeable comme à la faim, aux poux, à la peur. « Chaque jour, à chaque heure, à chaque minute on mourait : l’une par sélection, une autre à l’appel, une autre de faim, une autre de maladie » ou foudroyée par le courant du fil barbelé.

    Après la Pologne, ce sera l’Allemagne : Dachau, où elles sont mises au travail. Judit et Ditke sont affectées à un petit commando de quinze femmes choisies pour travailler dans la cuisine d’un château pour les officiers de terre et leurs familles. Elles y volent parfois un supplément de nourriture. Puis on les déplace d’un endroit, d’un camp à l’autre. L’enfer sur terre.

    « Nous avons vécu dans l’agonie, au milieu des morts, dans le froid, la faim jusqu’au dernier appel du 15 avril, mais de l’aube à neuf heures, personne n’est venu nous compter. La kapo qui nous mettait en rangs à coups de bâton, parce que certaines d’entre nous ne pouvaient tenir debout, avait disparu. » Quand Judit se risque dehors, elle revient en criant que les Allemands sont partis. Des soldats arrivent pour les libérer et les emmènent à l’hôpital militaire de Bergen-Belsen. On y augmente très lentement leur nourriture. Le jour de ses quatorze ans, Ditke reçoit un sachet de sucre.

    « Ils nous ont rendu nos noms, inscrits sur des papiers, avec nos dates de naissance, nos origines, nos numéros de déportées, nos lieux de captivité : nous avions l’impression de renaître, libres et dispersées dans le monde des vivants. » Et le reste de leur famille ? Sans attendre leur tour de rapatriement, les deux sœurs se mettent en route dans la confusion générale. Elles ne se doutent pas des difficultés à venir.

    A Budapest où vit leur sœur Mirjam, elles la trouvent avec un petit garçon, « déjà veuve ». Son mari « est mort congelé en marche vers les camps, après des années de travaux forcés ». Puis elles retrouvent leur sœur Sara, enceinte, ensuite David, leur frère de vingt ans, qui leur apprend la mort de leur père au camp. Au village, quand elles y retournent, les voisins les regardent avec stupeur, se défendent d’avoir fait du mal ; leur maison a été vidée, dévastée.

    La deuxième partie de Pain perdu raconte leur « nouvelle vie ». Judit veut absolument rejoindre la Palestine – le rêve de leur mère – et ne comprend pas que sa sœur ne veuille pas l’y accompagner. Ditke n’a qu’un objectif en tête : écrire, tenir la promesse qu’elle a faite à des mourants de Bergen-Belsen de raconter ce qu’ils ont vécu. Elle sera un témoin de la Shoah comme son ami Primo Levi. « L’écriture d’Edith Bruck est à l’image de sa volonté et de sa force. Claire et directe, elle ne laisse aucune place aux atermoiements ou aux dérobades. » (Gabrielle Napoli)

    Survivre est une chose, vivre en est une autre. Trouver un travail, peu importe lequel, se marier et divorcer, plusieurs fois, voyager, et finalement se fixer en Italie pour commencer une carrière d’écrivaine. A 90 ans, sa vue baissant, sa mémoire aussi, Edith Bruck décide de « survoler, rétrospectivement » son existence dans Il pane perduto : « Et aujourd’hui, mon long chemin me semble à moi-même invraisemblable, un conte dans la « forêt obscure «  du XXe siècle, avec sa longue ombre sur le troisième millénaire. »

  • Un faux erratum

    Jean-Marc Jancovici est un des fondateurs de l’association « The Shift Project » (le projet de changement), un mouvement citoyen « à la fois lobby et groupe de réflexion » (La Libre Belgique). Sous la rubrique « Planète », Valentine Van Vyve y signait lundi un reportage sur les Shifters, qui ont pour objectif de « bâtir le plus rapidement possible une économie décarbonée », une association née en France et aussi active en Belgique, à l’occasion d’un rassemblement sur le campus du Solbosch (Université Libre de Bruxelles).

    Jancovici Blain mere-nature.jpeg

    Libération vient de consacrer un dossier de quatre pages au succès du Monde sans fin (14 & 15/1/2023), un succès qui dérange. On y apprend que cette bédé a été victime d’une attaque inédite juste avant les fêtes : « de faux représentants de la maison d’édition Dargaud ont démarché des librairies pour faire insérer dans l’ouvrage un texte contestant les thèses défendues par l’auteur. »

    Pour se forger une opinion sur Jancovici, « le mieux est encore de se plonger dans l’un de ses nombreux ouvrages » (Gilles Toussaint, Dans l’ombre de « Janco », LLB, 16/1/2023). Ou de suivre ses conférences

    P.-S. Voici, pour alimenter le débat, le lien vers le dossier Jancovici publié par Reporterre. (22/1/2023)

  • Le monde sans fin

    Le monde sans fin (2021), bande dessinée où Jean-Marc Jancovici, ingénieur polytechnicien, répond aux questions du dessinateur Christophe Blain (dans le rôle de Candide), propose une analyse globale de l’état du monde et des grands motifs d’inquiétude pour l’avenir. Comment agir efficacement contre le réchauffement climatique ? Où mène le développement économique prédateur de ressources non renouvelables ? Sommes-nous irrésistiblement piégés dans la spirale désastreuse de la fuite en avant et de la croissance à tout prix ? L’intérêt du grand public se lit dans le succès de ce livre, « le plus vendu de l'année 2022 en France » selon Wikipédia.

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    J’ai parlé ici de La décroissance heureuse de Maurizio Pallante, du plaidoyer pour la localisation d’Helena Norberg-Hodge, du défi de la surpopulation sur notre planète ou encore d’Ethique de la considération de Corinne Pelluchon. Dans Le Monde sans fin, une bédé de vulgarisation accessible à tous, cette problématique est abordée à partir d’observations simples et des questions que nous nous posons tous sur le climat, l’énergie, le mode de vie.

    Sur un mode à la fois sérieux et humoristique, « Janco » résume à travers les dessins de Blain comment le développement des transports et de l’industrie a fait passer l’humanité des énergies renouvelables aux énergies fossiles, comment « on a pris l’habitude, avec ce siècle de progrès techniques et de diffusion abondante de l’énergie, de tout contrôler, de repousser les limites. » Il démonte le concept d’énergie dite « verte » : toute énergie devient sale si on l’utilise à grande échelle, de façon massive : « choisir une énergie, c’est arbitrer entre les inconvénients que tu acceptes et ceux dont tu n’as pas envie ».

    Les explications, images et chiffres, sont très claires. Le contenu dense réclame de l’attention, du temps pour digérer l’information. Un exemple simple (p. 29) : 4000 m de dénivelé à vélo en 10 heures demande aux jambes du cycliste une puissance moyenne de 100 W ; l’emploi d’un mixeur à soupe, « 4 cyclistes » ; d’un aspirateur, « 10 cyclistes » ; d’un ascenseur, « 50 cyclistes ». On comprend qu’avec l’emploi des machines, l’homme contemporain « ne peut rien faire d’autre que d’extraire une source d’énergie dans son environnement ».

    Surprise : j’imaginais que le charbon était une source d’énergie devenue secondaire, or son utilisation « n’a jamais baissé depuis qu’on a commencé à se servir de ce combustible ». Bois, charbon, pétrole se superposent sur les graphiques historiques, avant que s’y ajoutent – sans les remplacer – le gaz, l’hydroélectrique, le nucléaire et enfin l’éolien, le solaire et autres renouvelables. Pire : aujourd’hui, « 40 % de l’électricité mondiale provient du charbon », 40 % !

    Les petits gestes comme éteindre la lumière n’ont « rien à voir avec des économies d’énergie significatives », vu tout ce qu’on achète et la façon dont on se déplace. Blain représente « Mère Nature » en femme rousse plantureuse qui nous alerte sur les dangers en cours et à venir. « La pression de l’humain sur la planète augmente aussi vite que la quantité d’énergie disponible », or depuis le début de la révolution industrielle, nous sommes passés de 0,5 milliard d’humains à huit milliards sur terre.

    On découvre que depuis la première convention climat (COP), ce sont les énergies fossiles qui ont le plus augmenté, et le charbon en tête. Agriculture, industrie, transports, alimentation, productions et consommations révèlent une spirale énergivore. L’avion est « le plus gros consommateur d’énergie par personne et par déplacement » : un aller-retour Paris-New York équivaut à « une grande baignoire de pétrole » (300 à 400 l par voyageur), « à peu près la consommation annuelle de quelqu’un qui se sert de sa voiture tous les jours » ! Et cela, faut-il le rappeler, sans taxes sur le carburant.

    La civilisation des villes et des loisirs (dans les pays industrialisés) repose sur un modèle de « société de l’énergie infinie » et de « croissance » mis à mal aujourd’hui. Ce n’est plus une « crise », comme lors des chocs pétroliers ; les ressources de Mère Nature ont bel et bien (si l’on peut dire) commencé à s’épuiser pour de bon. Le réchauffement climatique nous accule à de grands changements globaux – dont l’auteur souligne l’urgence absolue.

    Jancovici dénonce l’obsession aveugle des dirigeants pour la croissance quel qu’en soit le prix, les dérives de la consommation à outrance. Partisan de la décroissance, il défend le recours à l’énergie nucléaire pour atténuer pendant quelque temps l’impact des changements nécessaires et dédramatise la peur qu’elle engendre depuis Tchernobyl et Fukushima : c’est le reproche principal qui lui est fait, ainsi qu’une approche biaisée du renouvelable. Certains écologistes partagent son analyse, d’autres la contestent.

    En ce qui me concerne, il me semble que Le monde sans fin est un livre à lire et à discuter : il a le mérite de montrer et de chiffrer sur quoi repose notre mode de vie d’une manière globale et de nous rendre plus conscients de nos choix. Les dernières pages sur le striatum – en écho aux études de Sébastien Bohler (Le bug humain. Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher, 2019) – m’ont semblé plus faibles, quoiqu’elles éclairent un peu les raisons de notre envie individualiste (et mortifère ?) de « toujours plus ».

  • Politesse

    ernaux,la place,récit,littérature française,portrait du père,famille,culture,écrire la vie« La politesse entre parents et enfants m’est demeurée longtemps un mystère. J’ai aussi mis des années à « comprendre » l’extrême gentillesse que des personnes bien éduquées manifestent dans leur simple bonjour. J’avais honte, je ne méritais pas tant d’égards, j’allais jusqu’à imaginer une sympathie particulière à mon endroit. Puis je me suis aperçue que ces questions posées avec l’air d’un intérêt pressant, ces sourires, n’avaient pas plus de sens que de manger bouche fermée ou de se moucher discrètement. »

    Annie Ernaux, La place (in Ecrire la vie)

  • "Il était gai."

    C’est avec La place (1983, prix Renaudot 1984) que j’ai découvert le monde d’Annie Ernaux. Ce récit s’ouvre sur une citation de Jean Genet qui me frappe davantage aujourd’hui qu’alors : « Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours quand on a trahi. »

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    Annie Ernaux, 8 ou 9 ans, avec son père et la chienne Miquette.
    © Collection personnelle d’Annie Ernaux
    (Source)

    Le jour où elle est devenue professeur « titulaire » après avoir réussi les épreuves pratiques du Capes, elle le résume sur un ton distant, décrivant les circonstances et sans exprimer d’autre sentiment que la colère « et une espèce de honte » en pensant à cette « cérémonie ». Elle écrit à ses parents qu’elle est reçue : « Ma mère m’a répondu qu’ils étaient très contents pour moi. »

    « Mon père est mort deux mois après, jour pour jour. » Un dimanche de juin, comme le dimanche initial de La Honte (quand son père a voulu tuer sa mère). L’attitude de sa mère, la toilette du mort, les préparatifs de l’enterrement, tout est rapporté de manière factuelle, à part peut-être son impression, en voyant son visage changer : « il ressemblait à un oiseau couché. »

    Après quelques jours près de sa mère, elle rentre chez elle en train avec son fils – « les voyageurs de première n’aiment pas le bruit et les enfants qui bougent » – « maintenant, je suis vraiment une bourgeoise ». Par la suite, elle tente d’écrire un roman avec son père pour personnage principal, l’abandonne avec « une sensation de dégoût » : « Pour rendre compte d’une vie soumise à la nécessité, je n’ai pas le droit de prendre d’abord le parti de l’art, ni de chercher à faire quelque chose de « passionnant », ou d’« émouvant ». »

    « Je rassemblerai les paroles, les gestes, les goûts de mon père, les faits marquants de sa vie, tous les signes objectifs d’une existence que j’ai aussi partagée.
    Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante. L’écriture plate me vient naturellement, celle-là même que j’utilisais en écrivant autrefois à mes parents pour leur dire les nouvelles essentielles. » 
    Choix radical qu’Annie Ernaux rappellera dans son discours de Stockholm : « Il me fallait rompre avec le « bien écrire », la belle phrase, celle-là même que j’enseignais à mes élèves, pour extirper, exhiber et comprendre la déchirure qui me traversait. »

    La place raconte les origines du père, au caractère gai, joueur, « heureux quand même ». Ce gars de ferme servant la messe le dimanche est entré dans le monde à la guerre de 14 – « Paris, le métro, une ville de Lorraine, un uniforme qui les faisait tous égaux, des compagnons venus de partout, la caserne plus grande qu’un château. » Après, il n’a plus voulu du travail à la ferme ; il est devenu ouvrier dans une corderie, un ouvrier sérieux (« ni feignant, ni buveur, ni noceur »). Il y a rencontré sa mère, « une ouvrière vive, répondeuse ».

    Ils ont loué un logement à Y., « deux pièces en bas, deux à l’étage », puis ont eu le projet de « prendre un commerce ». Ils ont économisé et repris l’unique café-épicerie de la Vallée, à trente kilomètres du Havre. Le gain paraissait d’abord facile, puis les demandes de crédit leur ont donné la peur de « manger le fonds » ; son père a dû reprendre un travail d’ouvrier sur un chantier de construction de la basse Seine. « Elle était patronne à part entière, en blouse blanche. Lui gardait son bleu pour servir. »

    « Naturellement, aucun bonheur d’écrire », note Annie Ernaux, résolue à se tenir « au plus près des mots et des phrases entendues ». Leur première fille n’était pas vaccinée contre la diphtérie, elle en meurt à sept ans. Après la deuxième guerre mondiale, la seconde étant souvent malade, ils quittent la Vallée au climat trop humide. Retour à Y. où ils trouvent « un fonds de café-épicerie-bois-charbons dans un quartier décentré. » « La vie d’ouvrier de mon père s’arrête ici. »

    Bonheur de leur nouveau mode de vie et aliénation, réhabilitation et dénonciation, Ernaux a l’impression « de tanguer d’un bord à l’autre de cette contradiction. » Pour son père, la satisfaction d’avoir tout ce qu’il faut, de manger à sa faim, de ne priver la gosse de rien, de devenir le propriétaire de l’établissement – sinon ne « pas péter plus haut qu’on l’a ».

    Sa fille ressent de plus en plus le décalage entre l’éducation reçue à l’école et les manières du père, les langages différents d’un côté et de l’autre. Son père a des goûts simples et populaires – « Il était gai. » –, elle se sent divisée. Quand elle montre ses bonnes notes, il est heureux qu’elle « apprenne » bien (apprendre n’est pas travailler, on ne travaille que de ses mains). Les remarques qu’elle lui fait amènent des disputes, limitent les conversations. « J’écris peut-être parce qu’on n’avait plus rien à se dire. »