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ethique de la considération

  • Nouveau-né

    pelluchon,ethique de la considération,essai,philosophie,considération,vertus,mode de vie,morale,respect de soi,respect des autres,respect de la nature,respect des animaux,respect du vivant,sobriété,écologie,culture« En faisant du nouveau-né l’emblème de la considération, en insistant sur le potentiel et l’imprévisibilité liés à la venue au monde de chaque personne, mais aussi sur son inscription dans un monde déjà-là, avec ses traditions et ses codes, nous mettons en évidence le fait que chaque naissance est nouveauté et continuité. Toute personne qui porte un nouveau-né dans ses bras devrait penser aussitôt à ce dont ce dernier a besoin pour s’épanouir. Cela signifie réfléchir au type d’organisation politique pouvant lui permettre de s’accomplir et comprendre que les nouveaux arrivants doivent être accueillis dans un monde stable qui les aide à se situer par rapport au passé et à créer quelque chose de neuf susceptible de faire évoluer ce monde. C’est en ce sens que le nouveau-né peut nous mettre sur le chemin de la considération. »

    Corinne Pelluchon, Ethique de la considération

  • De la considération

    Sans doute est-ce à propos de Réparons le monde (2020) que j’avais noté le nom de la philosophe Corine Pelluchon, un titre qui n’était pas disponible à la bibliothèque. Mais j’y ai trouvé Ethique de la considération (2018). J’étais curieuse de voir préciser le sens de ce terme qu’on entend utiliser de plus en plus fréquemment.

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    (Signature du dessinateur non identifiée)

    L’épigraphe est très belle, la voici : « Aussi bien, par les temps corrompus que nous vivons, me bornerai-je à te recommander, pour commencer, de ne te consacrer à l’action ni tout entier, ni toujours, mais de réserver à la considération une partie au moins de toi-même, de ton cœur et de ton temps. » (Bernard de Clairvaux, De la considération)

    Corine Pelluchon introduit son éthique des vertus sans y mêler la foi, en partant de la conscience individuelle : « C’est dans la conscience individuelle que la société joue son destin. » L’objectif de son essai consiste à chercher comment on peut intégrer l’intérêt général à l’intérêt personnel de manière à promouvoir plus de sobriété, plus de coopération et rendre le monde plus habitable.

    Quelles sont les manières d’être à encourager en faveur de l’environnement, de la cause animale et de la démocratie – avant d’atteindre un point de non-retour ? Protéger la biosphère doit devenir un devoir d’Etat. Les effets délétères de nos modes de vie ne sont pas immédiatement perceptibles, d’où la difficulté à mettre en pratique la considération : le respect de la nature, des êtres vivants, le civisme. (Je joins un article publié par ailleurs sur le coût écologique d’internet – sommes-nous prêts à diminuer notre consommation numérique ?)

    Pour commencer, la philosophe examine l’articulation du souci de soi au souci du monde. L’humilité est le socle des quatre vertus cardinales – la justice, la prudence, le courage et la tempérance – nécessaires pour développer la compassion et l’empathie. En évitant et de se mentir à soi-même et de se mépriser, « il s’agit de regarder les choses et les êtres en leur accordant de l’importance ».

    L’amour du monde n’a pas sa place dans le stoïcisme, qui prône le détachement. Selon Corine Pelluchon, il faut aussi accepter les émotions négatives pour pouvoir préserver, voire réparer le monde. Elle fait l’éloge de l’intranquillité et appelle à la responsabilité, dont la structure a été modifiée par les technologies et la mondialisation. Dans la considération, on se sent relié aux générations passées, présentes et futures : « ce qu’il faut laisser en héritage à nos enfants, ce n’est point de l’or, mais un sens profond du respect » (Platon, Les lois).

    Dans l’éthique de la considération, « c’est la joie qui est l’essence d’une vie bonne » et non les plaisirs – une vie bonne importe plus qu’une vie heureuse, ce qui implique un certain accomplissement de soi. Certains concepts philosophiques (« individuation », « êtres sentients », « existential »…) rendent parfois la lecture moins aisée, même si l’essayiste les redéfinit au moment de les introduire.

    Corine Pelluchon cherche à réconcilier les notions de liberté et d’interdépendance, insiste sur la générosité, le courage, la persévérance et l’optimisme requis pour lutter contre l’économisme et « promouvoir, par son mode de vie et son engagement, un modèle de développement écologiquement soutenable et plus juste envers les humains et les animaux ». C’est l’objectif de l’écosophie (Arne Naess) : « il ne s’agit pas d’une simple prise de conscience écologique mais d’un savoir vécu menant de la connaissance de nos interactions avec les autres vivants et avec les milieux à la sobriété, c’est-à-dire à un mode de vie écologiquement responsable et épanouissant. »

    Ce que je retiendrai de cette Ethique de la considération, c’est ce qu’elle appelle la « transdescendance », à savoir « l’expérience de notre communauté de destin avec les autres vivants, humains et non humains », inséparable du désir d’en prendre soin et de transmettre un monde habitable. Comment pratiquer la considération (deuxième partie) ? Cela passe par l’acceptation de sa vulnérabilité et l’apprentissage d’une certaine manière d’entrer en relation avec les autres.

    L’économisme, qui met la politique à son service et marchandise le vivant, mène à la déshumanisation. La considération envers les humains, la nature et les animaux, est à l’opposé de l’exploitation éhontée des ressources au profit de groupes privés. Corine Pelluchon prône un mode de vie sobre, écologique et juste. J’ai eu plus de mal à la suivre dans la troisième partie (« Voies de la considération »), mais j’ai aimé sa grande attention au monde commun si malmené dans les dernières décennies et sa façon de relier le travail sur soi, les rapports avec les autres et avec le monde vivant, son optimisme « actif ».