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écologie

  • Nacres

    Travailleur bénévole à la cathédrale des Saints Michel & Gudule, Etienne Leurquin, qui nous a éclairés sur les expositions en cours « autour » d’Hildegard von Bingen, a installé près de l’entrée trois vitrines présentant des nacres, sous le titre « Sens chrétien de la nacre, de la perle et de la coquille Saint-Jacques ».

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    Une des trois vitrines exposées à la cathédrale

    Il y expose des objets d’art religieux reliés à la Semaine Sainte et à la fête de Pâques. Certaines pièces anciennes sont d’une beauté remarquable à la fois par leur aspect irisé comme un arc-en-ciel et par la finesse des scènes sculptées.

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    Nacre ancienne. Au centre : la Cène

    « A l’image de notre Eglise postconciliaire (Vatican II), les « nacres » exposées sont humilité par rapport à l’ivoire, pauvreté par rapport à l’or, et fruits de patience comme tout artisanat. La nacre est renouvelable et sa production écologique. » (Feuillet de présentation)

  • Expo à la cathédrale

    Le nom d’Hildegard von Bingen (1098-1179) m’a attirée la semaine dernière à la cathédrale des Saints Michel & Gudule (elle porte les deux noms des saints patrons de Bruxelles). Je m’attendais à une exposition sur la célèbre « sainte du XIIe siècle, à la fois bénédictine, poétesse, musicienne, compositrice, botaniste, linguiste, tacticienne, herboriste », « figure marquante de la médecine monastique (à qui l’on doit même d’avoir inventé la bière !) », selon le feuillet de présentation.

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    En réalité, les deux expositions de mai annoncées par Ars in Cathedrali sont reliées aux seules études botaniques d’Hildegard, qui a observé et dessiné les plantes, étudié leur qualités nutritionnelles et médicinales. Ce sont des installations de Françoise Lesage sur « Hildegard et le règne végétal » et d’Anne Mortiaux, « Flore, terre et eau du marais Wiels ». L’hommage à Hildegard von Bingen comprendra aussi trois concerts et deux conférences (du 24 au 26 mai).

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    Bannières : plantes d'Hildegard von Bingen par Françoise Lesage

    En entrant dans la cathédrale, le regard est attiré par les bannières suspendues entre les colonnes : des dessins de plantes avec leurs racines (pastel gras sur toile de lin). Mis à l’échelle de l’espace d’exposition par Françoise Lesage, ces dessins de plantes d’Hildegard sont présentés dans un style majestueux.

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    Anne Mortiaux, installation dans le baptistère d'eaux puisées et mélangées. 

    L’allée latérale de gauche (côté nord) mène au baptistère, où l’on découvre une installation très particulière près des fonts baptismaux (ci-dessus) : Anne Mortiaux y a mis dans des jarres et clepsydres de l’eau puisée au marais Wiels (une zone humide près d’une ancienne brasserie bruxelloise), à la roselière de La Louvière (friche des faïenceries Boch) et à l’étang de Ladrée à Ohey (ancienne fosse d’extraction d’argile). Ce rapprochement entre l’eau du baptême et la défense de ces zones de biodiversité à protéger est pour le moins inattendu.

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    Le marais Wiels, de formation récente, est apparu au début du siècle en région bruxelloise dans la commune de Forest, quand un chantier préparatoire à la construction de bureaux (obsession immobilière) a percé la nappe phréatique, engendrant un étang de près de neuf mille mètres carrés, où la vie a peu à peu repris : son histoire et son importance sont parfaitement présentées sur le site de Natagora Bruxelles.

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    Herbier du marais Wiels (Anne Mortiaux)

    En continuant, on découvre sur le sol, dans le déambulatoire qui longe le Trésor de la cathédrale, les herbiers d’Anne Mortiaux : ce sont ses cueillettes entamées au marais Wiels en octobre, identifiées sur une liste. Disposées en accordéon, elles illustrent le passage des saisons : automne, hiver et printemps. Ces herbiers font écho à ceux d’Hildegard von Bingen, qui avait inventé une langue, « la lingua ignota », pour renommer les plantes (elle compte mille dix mots). A la fin de l’article en lien, vous trouverez quelques-uns des noms qu’elle leur a donnés.

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    Françoise Lesage, 182 plantes (n° 752 à 935 de la "lingua ignota"), 2024 (détail ci-dessous)

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    Françoise Lesage s’en est inspirée. Une longue bande de soie et chanvre présentée sur la dernière colonne de la nef, du même côté, un travail d’aquarelle et broderie, reprend « 182 plantes » inventoriées par Hildegard. L’artiste a brodé ton sur ton sur le bord inférieur l’alphabet qu’elle avait conçu. L’autre tissu suspendu sur la colonne de l’autre côté de la nef a été tissé à partir de laine teinte avec ces plantes. Les bandes colorées suivent l’ordre des plantes indiqué dans l’herbier d’Hildegard, chacune étiquetée avec son nom et son numéro.

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    Françoise Lesage, 182 plantes (n° 752 à 935 de la "lingua ignota"), 2024 - teintures (détail)

    Sur la bannière du chœur, d’après le feuillet explicatif de Françoise Lesage, la grande ortie symbolise la célèbre bénédictine. Cette femme puissante « piquait » les puissants de son époque en s’exprimant en public, ce qui était interdit aux femmes, comme cette plante qui repousse après avoir été coupée.

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    Bannière du choeur : la grande ortie pour symboliser Hildegard von Bingen

    D’abord déconcertée par l’absence d’un panneau explicatif ou d’un petit guide pour les visiteurs, j’étais tout de même heureuse de revisiter la belle cathédrale des Saints Michel & Gudule. Une rencontre providentielle nous a permis d’en apprendre un peu plus sur place et de mieux comprendre le sens de ces expositions. Merci à notre guide, grâce à qui mon compagnon de visite et moi avons fait une autre découverte. Je vous en parlerai la prochaine fois.

    P.-S. Ces deux expositions restent visibles à la cathédrale jusqu'au 27.06.2024 (entrée libre).

  • Ecologie

    Wulf Libretto.jpg« Dans Generelle Morphologie, Haeckel ne se contentait pas de brandir l’étendard de la nouvelle théorie de l’évolution, il inventait aussi un nom pour désigner la discipline de Humboldt : l’Oecologie ou « écologie ». Le terme était tiré du mot grec « maison » – oikos – appliqué au milieu naturel. Tous les organismes terrestres vivaient ensemble dans un même lieu comme une famille occupe le même foyer. Et comme les membres d’une famille, il arrivait qu’ils entrent en conflit ou qu’ils s’entraident. La nature organique et inorganique formait un « monde de forces en mouvement », écrivait-il dans Generelle Morphologie, en reprenant les termes exacts de Humboldt. Haeckel lui empruntait l’idée d’un tout cohérent constitué d’interactions complexes, et lui donnait un nom. L’écologie, disait Haeckel, était « la science des relations d’un organisme avec son environnement. »

    Andrea Wulf, L’Invention de la nature. Les aventures d’Alexander von Humboldt

  • Deux extraits

    « J’avais noté comme une maxime : L’écriture peut naître d’une révolte, devenir un engagement, être une protestation.

    C’est alors que je m’étais dit, n’oublie pas : ou bien on se bat, ou bien on se couche. Comment se bat un écri-vain ? Et une écri-vaine, comment elle se bat, puisqu’on fait la différence ? Ses armes sont-elles différentes de celles d’un écri-vain ? Je veux dire ses livres ? » (pp. 169-170)

    Claudie Hunzinger couverture Grasset.jpeg

    « Le matin, j’ouvrais la porte sur le pré et sur une sorte de bourdonnement mental, non, les abeilles. Une incandescence sonore. Celle du monde. Il était toujours là. Scintillant. Je me disais, personnellement, je ne me sens pas assez déprimée pour manier l’ironie, pas encore assez disjointe de ses débris, même si c’est vraiment classe d’être sans illusions. L’ironie, qu’est-ce que c’est classe. J’aurais aimé être une ironique contestataire. Mais pour moi, il y avait encore un écho, un éclat, un frisson qui se manifestait dans le monde, comme le palimpseste d’un paradis à déchiffrer entre ses débris. Auxquels je tenais, profondément imbriquée.

    A chaque fois, dehors, je n’ai pas honte de trouver, malgré l’évidence, que le monde est une perfection. » (pp. 245-246)

    Claudie Hunzinger, Un chien à ma table

    * * *

    Au moment de programmer ce billet, j’apprends que Coumarine, dont le blog était en pause depuis un an et demi, a pris son dernier envol ce 7 juin 2023.
    Ces extraits auraient pu plaire, il me semble, à cette passionnée d’écriture qui signait ses livres de son nom, Nicole Versailles. En guise d’hommage.

    Tania

  • Un chien à sa table

    En apprenant le prix Femina attribué à Claudie Hunzinger pour Un chien à ma table, j’ai pensé à Bambois, la vie verte, lu dans les années septante, première lecture « écolo ». Une dizaine de livres ont été publiés depuis lors chez Grasset, parmi lesquels La Survivance (2012) paraît proche de ce roman-ci. Je m’attendais à y trouver une bonne dose de radicalité, mais pas autant de désespoir ou, disons, de divorce avec la société. Comme la perception du monde a changé en un demi-siècle !

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    Hunzinger vue par Françoise Saur (2 juin 2012) © Claudie Hunzinger, Françoise Saur

    Dès le début, chaque mot est posé au plus juste : une femme « assise au seuil de la maison face à la montagne de plus en plus violette », ressent la présence des végétaux, des roches, de l’air annonçant la pluie, tandis qu’une ombre approche au crépuscule. « Il y a un chien, ai-je crié à Grieg qui se trouvait dans son studio situé à côté du mien, à l’étage. Chacun son lit, sa bibliothèque, ses rêves ; chacun son écosystème. Le mien, fenêtres ouvertes sur la prairie. Le sien, rideaux tirés jour et nuit sur cette sorte de réserve, de resserre, de repaire, de boîte crânienne, mais on aurait pu dire aussi de silo à livres qu’était sa chambre. »

    Ils sont deux à se tenir compagnie depuis près de soixante ans, deux à observer le chien haletant et tremblant qui s’est réfugié à ses pieds, roulant sur le dos, le ventre « piqueté de tétons ». Un nom lui vient « en un éclair » : « Yes ». La chienne, une race de berger selon Grieg, a été salement maltraitée. Pas de tatouage, des tiques, un bout de chaîne métallique cassée autour du cou. Elle vide une assiette, une gamelle d’eau, en vitesse, puis file au dehors.

    Claudie Hunzinger décrit peu à peu l’endroit où Grieg et Sophie se sont installées trois ans plus tôt, aux Bois-Bannis : une ancienne bâtisse sur un replat, là où la moraine s’est immobilisée « des millénaires auparavant ». Forêts, lisières, clairières offrent « des réservoirs de baies, de moelles, de sèves et de sucs puissants ». Pour le reste, le supermarché de temps en temps.

    Et les voilà à se raconter les chiens de leur vie, de Perlou, la première, jusqu’à Babou, morte trois ans plus tôt. Grieg avait aimé les chiens « à responsabilité, nobles, dressés à la conduite des troupeaux », devenus ensuite « des amis désœuvrés qui logeaient à la maison ». – « Alors, comme ça, tu aurais voulu un chien à toi, a repris Grieg, un secrétaire pour écrire la biographie de Sophie Huizinga ? »

    Il adore l’appeler « écri-vaine », avec un « tiret subliminal », pour la titiller, ou « ma Biche » dans les bons jours. Son affaire à lui, c’est la lecture – « habitant dans les livres, survivant grâce à la littérature ». Elle, elle écrit, et surtout elle sort : « je voulais le dehors, sans cesse aller dehors, pleuvoir, neiger, pousser, tourbillonner à gauche, à droite. »

    Son sac, sa parka, ses Buffalo aux pieds pour la première fois, elle se rend à Lyon où on l’a invitée à parler de son dernier livre, Les Animaux. Passé, présent, le récit ne s’encombre pas de transitions, le puzzle d’une vie se dessine, de la découverte de la maison et de la prairie en fleurs – « fragment d’holocène négligé par le capitalisme » – au TGV où elle se prépare à parler pour les arbres et pour les bêtes, de son « histoire vue par une femme qui déplace le centre vers les marges et les caches profondes sur le point de s’effondrer elles aussi ».

    Pas d’altérité, pour elle, face au monde animal, une « connexion immédiate et totale » : « née comme ça », Sophie s’est ressentie longtemps « comme une anomalie, pas née dans la bonne espèce ». Consciente, à la fin de la rencontre littéraire, d’avoir brouillé les frontières en portant ces « grolles monstrueuses » (les mêmes que celles de Brigitte Fontaine), elle se sent au début d’un processus de réveil, après quelques mois à traîner, et se réjouit d’explorer encore la montagne, malgré les limites de l’âge. Au retour, Grieg l’attend devant la maison, la petite chienne hirsute à ses pieds : Yes est revenue, joyeuse, joueuse.

    Un chien à ma table est le roman d’un compagnonnage entre elles deux, entre eux trois, sans compter l’ânesse, de jour et de nuit, puisque Grieg qui jusqu’alors dormait dans sa chambre lui a proposé de dormir ensemble. Elle leur a fabriqué en bas un sommier avec des paquets de journaux (Le Monde) empilés entre quatre planches, énorme lit conjugal où Yes, très vite, trouve sa place.

    Leur maison est un abri où affronter le chaos du monde et aussi leur vieillesse. Un centre autour duquel explorer tout ce que vivent la flore et la faune, en ces temps où « la sixième extinction animale de masse est en cours ». Observer la terre et le ciel, épier voire accueillir les rares passants. Un mode de vie ramené à l’essentiel, à l’écart, dans une grande méfiance de la société. Ecrire pour dire ce que signifie « être au monde intensément ». Les livres comptent énormément pour eux deux.

    Nourri de vécu, de lectures, d’immersion dans le monde vivant, Un chien à ma table (titre inspiré par Un ange à ma table de Janet Frame) est un roman déroutant, provocateur, magnifique. La vie s’y réinvente au contact d’une chienne attachante, en liberté.