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bonnard

  • Le soleil blond

    Bonnard Etude pour le printemps.jpgAllongé près de la fenêtre
    Par où l’air du printemps pénètre,
    Le chat, de soleil imprégné,
    Ferme à demi ses yeux striés.

    Un merle tout reluisant lisse
    Du bec la lumière que glisse
    A ses plumes, dans l’air tiédi,
    L’or tout jeune de ce midi.

    Tu t’en vas, enfant, boucles libres,
    Par les prés où la brise vibre,
    Des rayons se posent, heureux,
    Aux détours blonds de tes cheveux.

    Et moi, je recueille en mon âme
    L’azur, les longs nuages pâles,
    Et ce doux soleil enfantin
    Marchant dans l’herbe de satin.

    Marie Gevers, « Brabançonnes » à travers les arbres

    Pierre Bonnard, Etude pour "Le Printemps", 1912, Huile sur toile, 70,3 x 64,6 cm
    © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Sylvie Chan-Liat

  • Pierre Lesieur

    On peut voir actuellement au musée Bonnard une exposition intitulée
    « Onze ans de collection ». J’y découvre le nom d’un peintre que je ne connaissais pas, Pierre Lesieur (1922-2011), qui signe cette lumineuse Table jaune à la bonbonnière verte. En 2018, ses œuvres dialoguaient dans ce musée avec celles de Bonnard pour l’exposition intitulée
    « Pierre Lesieur, Intérieurs ».

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    © Pierre Lesieur, Table jaune à la bonbonnière verte, années 2000,
    pastel et technique mixte sur panneau, Le Cannet, musée Bonnard, don de Michelle Lesieur

    « Pour lui comme pour Bonnard, les êtres et les choses qui l’entourent, sélectionnés avec soin, participent à l’atmosphère prégnante que l’on retrouve dans ses tableaux. […] Tous deux ont donné aux choses du quotidien un supplément d’âme, une place aussi importante que les êtres dans une tradition du regard, du peintre sur son environnement, symbolisant cette conversation ininterrompue entre les peintres dans la lignée de Bonnard, Matisse ou Vuillard. » (Site du musée Bonnard)

    Je vous recommande la visite du site de Pierre Lesieur, avec ses généreuses galeries photos. Parmi les textes cités là, un extrait de Claude Roy consacré au peintre dans son atelier de Saint-Rémy-de Provence : « Pierre est un piégeur de lumière. Qu’il peigne un mur crépi sous le soleil d’été ou une chambre à coucher aux volets demi clos, un jardin ou un atelier, qu’il fasse à une jeune femme ou au chat noir et blanc l’offrande réfléchie des couleurs autour d’eux, ou qu’une toile si claire et pâle nous apparaisse comme clignant des yeux, éblouie par la clarté diffuse, qu’il célèbre par la croisée ouverte le noir très noir de la nuit noire ou les ombres longues du coucher de soleil, c’est d’abord la lumière qui est le personnage central de sa peinture. »

  • Bonnard par l'image

    Délicate attention sous le sapin de Noël, le coffret Bonnard paru chez Hazan dans la collection « L’essentiel » est signé par Valérie Mettais (après ceux qu’elle a consacrés à Klimt, Van Gogh, Bosch, Turner, à l’impressionnisme, au Caravage). Lancée au printemps dernier, cette collection compte déjà douze titres qui proposent une « promenade visuelle » en une cinquantaine de chefs-d’œuvre. Ces coffrets sont conçus dans une nouvelle optique, en phase avec la mode contemporaine des « immersions » artistiques. 

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    Bonnard, Femme dans un paysage ou La sieste au jardin, vers 1914,
    huile sur toile, 100,5 x 249 cm, Oslo, Nasjonalmuseet (cliquer pour agrandir)

    On y privilégie les illustrations, disposées en accordéon entre deux cartons de couverture reprenant un détail d’une toile magnifique, Femme dans un paysage ou La sieste au jardin, conservée au musée national d’Oslo : une femme en blanc se repose et pose sur une chaise-longue devant un paysage. Quand Bonnard la peint, ils sont à Vernonnet, dans l’Eure, où ils ont acquis une maison de campagne non loin de Giverny, « Ma roulotte ». Il m’a fallu chercher longuement l’illustration entière, souvent coupée à droite de la table dressée à l’ombre d’un arbre, reprise en couverture du coffret. Non seulement le panorama se trouve ainsi tronqué, mais il manque une figure omniprésente dans l’œuvre du peintre : un chat roux et blanc qui tient compagnie à Marthe Bonnard.

    A l’intérieur du livre, ce sont des illustrations pleine page et le plus souvent en double page, sans bord, sans texte. La plupart sont complètes, comme ce lumineux Nu à la baignoire au petit chien ; quelques-unes sont légèrement tronquées pour se plier au format choisi. Un petit livret explicatif (48 pages) est joint : après une courte présentation du peintre, les œuvres (de différents musées et collections particulières) y sont reprises en vignettes noir et blanc, avec leur légende et un commentaire succinct. « L’ensemble offre une expérience immersive inédite. » (Site de l’éditeur)

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    Bonnard, Nu dans le bain au petit chien, 1940-1946,
    huile sur toile, 121,9 x 151 cm, Pittsburgh, Carnegie Museum of Art

    Quand on aime, on ne compte pas, dit-on, et voilà pourquoi plusieurs albums consacrés à Bonnard se suivent dans ma bibliothèque. Je les en ai retirés d’abord pour vérifier où ils avaient été imprimés : quasi tous en Europe, à l’exception d’une impression au Japon ; la plus belle vient de l’Imprimerie nationale (Michel Terrasse, Bonnard, du dessin au tableau, 1996). Si la photogravure est souvent italienne, j’ai été surprise de voir que l’impression et la reliure du coffret Hazan sont cette fois faites en Chine – dommage.

    Comme souvent, pour faire connaissance avec l’œuvre d’un artiste, rien de tel qu’un hors-série de Beaux-Arts magazine. Celui-ci avait été publié à l’occasion de l’exposition Bonnard au Centre Pompidou en 1984 – à peu près la période où j’ai commencé à m’intéresser à cet artiste dont quelqu’un m’avait dit qu’il était le « peintre du bonheur ». Un cadeau apprécié, lui aussi.

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    Chez Ars Mundi, Pierre Bonnard par André Fermigier (1987) m’a séduite par sa belle sélection de quarante œuvres majeures illustrées en couleurs et en pleine page à droite, avec pour chacune une bonne analyse de l’œuvre en regard. En l’ouvrant à la table des matières, j’y trouve un amusant chat à l’encre de Chine (1903) dont je ne me souvenais pas. Bonnard Inédits (2003), aux Editions Cercle d’art, est signé par Gilles Genty et Pierrette Vernon, qui se sont intéressés aux nombreux dessins de Bonnard : un excellent complément aux ouvrages sur le peintre.

    Et puis, bien sûr, des catalogues d’exposition. A la Fondation de l’Hermitage en 1991, dans cette belle maison de maître sur une colline de Lausanne. A la Fondation Pierre Gianadda, en 1999, à Martigny – heureux temps des vacances en Suisse ou au Val d’Aoste, propices à ces belles étapes ! Au Musée d’art moderne de la ville de Paris, en 2006 : glissée dans Bonnard, l’œuvre d’art, un arrêt du temps, une carte reproduisant L’atelier au mimosa porte une écriture amie qui me recommande d’y aller : « A contempler longuement, à revoir sûrement. » Quelle joie ce fut de découvrir en 2011 le musée Bonnard alors tout nouveau avec sa première exposition : « Bonnard et Le Cannet. Dans la lumière de la Méditerranée » !

  • On dirait

    zoé valdés,les muses ne dorment pas,récit,littérature espagnole,ma nuit au musée,madrid,musée thyssen,art,peinture,balthus,bonnard,canaletto,modèle,muse,culture« L’affiche de l’exposition ne pouvait être que le tableau en question, Passage du commerce Saint-André, qui – pourquoi continuer à me le cacher ? – m’a évoqué dès le premier regard la scène des marchands du Canaletto dont je viens de parler.
    Là aussi, un homme de dos – semblable aux amis du marchand de Canaletto -, une baguette de pain à la main, semble retourner chez lui. Mais une fillette, presque adolescente, contemple, à l’instar du célèbre marchand de Canaletto, la partie cachée du passage et… elle aussi nous regarde ! On dirait qu’elle nous observe, depuis ce passé que seul l’art peut nous rendre présent, en faisant de nous des confidents ou des complices immédiats. »

    Zoé Valdés, Les muses aussi ne dorment pas

    Balthus, Le passage du commerce Saint-André, huile sur toile, 1954, Collection privée

  • Valdés au musée

    Les muses ne dorment pas (2021, traduit de l’espagnol (Cuba) par Albert Bensoussan), raconte une histoire entre récit et fiction née « les yeux clos », comme l’annonce Zoé Valdés en première page. « A Cuba, l’art m’a sauvée de la constante incurie sociale et politique » écrit-elle pour commencer, musées et galeries lui permettaient «  un saut immense, un bond tellurique, comme au ralenti, vers la liberté ». Zoé Valdés vit à Paris depuis 1995. En exil, l’art n’a cessé de l’aider à vivre, déclaration qui m’a rappelé le beau récit de Maria Gainza présenté ici.

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    Canaletto, La place Saint Marc à Venise, vers 1723 – 1724, huile sur toile, Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza

    Le 10 mars 2019, la romancière cubaine est à Madrid pour passer une nuit au musée Thyssen-Bornemisza : après avoir vu Place Saint-Marc à Venise de Canaletto à l’atelier de restauration, visité une exposition temporaire consacrée à Balthus – peintre avec qui elle a un rapport très personnel –, Zoé Valdés monte au second étage où l’attendent un lit de camp, un bureau et une chaise, face au portrait de Misia Godebska par Bonnard. Zoé trouve que sa fille Attys Luna ressemble un peu à Misia. Pierre Bonnard sera l’autre « pierre angulaire » du livre.

    Voici Balthus, d’abord, pour qui « María » a posé nue, « en catimini », à vingt-trois ans. C’est un vidéothécaire voisin qui a remarqué la jeune femme ; elle emprunte régulièrement des films porno pour son mari, un diplomate cubain, peintre et tyran domestique. Serge lui propose de poser pour lui, dans son studio privé, pour deux cent cinquante francs l’heure. Il vend ses photos à un club d’amateurs de nus féminins.

    Après avoir refusé, notamment par crainte du service de sécurité de l’ambassade, elle accepte la proposition. L’argent facile à gagner pour compléter son emploi dans un bureau culturel lui permettra de s’offrir un peu de luxe. Elle a du succès. Serge lui remet un jour une lettre l’invitant à poser pour un peintre. Toujours à l’insu de son mari, à qui elle fait croire qu’elle visite tel ou tel musée, elle se rend avec une amie à l’adresse reçue : son épouse japonaise les accueille chez Balthasar Klossowski de Rola qui n’est autre que le fameux Balthus.

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    En couverture, Le Repos (Renée Monchaty) par Bonnard, vers 1920

    Tout se passe bien. Avec le temps, Balthus bavarde un peu, parle de son vieil ami Bonnard. D’une toile de Canaletto où un marchand semble regarder le spectateur du tableau. D’un « tableau mort » c’est-à-dire, lui explique le peintre, « un tableau qui a existé et qui est mort. Qui existe, bien qu’il soit mort. Qui ne se montre pas parce qu’il n’intéresserait personne ou par ce que le peintre n’aimerait pas qu’on le voie. Ou que la famille du peintre ne serait pas d’accord pour l’exposer, une fois qu’il ne serait plus de ce monde. » Mais un secret finit souvent par être dévoilé, en art comme dans la vie.

    Au début de « Bonnard » figure cette phrase du peintre : « Il ne s’agit pas de peindre la vie. Il s’agit de rendre vivante la peinture. » Le voici à Rome en 1921, accompagné par Renée, une de ses muses. Sur la toile intitulée Piazza del Popolo, on verra des gens affairés, la place baignée de lumière rose, comme dans une œuvre de Canaletto, et à gauche, cette jeune fille qui regarde le peintre, comme le marchand sur l’autre toile. Renée Monchaty est alors la reine de Bonnard, bien qu’il soit fiancé à Marthe. Elle est son modèle depuis cinq ans, et sa maîtresse. Il se dit « incapable de peindre sans aimer ».

    Quatre ans plus tard, à Paris, Renée, enceinte, lui demande de l’épouser, mais Bonnard refuse. Il va bientôt se marier avec Marthe. Désormais, Renée n’est plus que douleur. C’est la rupture. Quand elle le revoit un jour par hasard, il sort de chez une fleuriste avec un bouquet de roses jaunes. Puis c’est le drame. L’année suivante, Bonnard est à Cuba, à Matanzas ; une fillette l’interroge sur ce qu’il est en train de peindre, et on en apprend davantage sur le « tableau mort ».

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    Pierre Bonnard, Piazza del Popolo, 1922, huile sur toile, collection privée

    Dans un musée de Madrid, une romancière rêve et voyage. Alina Gurdiel, qui a eu l’idée de la collection « Ma nuit au musée », présente Les muses ne dorment pas en ces termes : « Les muses sont des jeunes filles, des adolescentes parfois, des innocentes sacrifiées sur l’autel du désir des peintres. Aujourd’hui, elles feraient des procès. A l’époque, elles n’avaient le choix que de poser pour de l’argent, ou pire, par dévotion. »