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Notes de Bonnard

En sortant de l’exposition Bonnard et le Japon, j’ai trouvé à la boutique de l’Hôtel de Caumont un petit livre : Pierre Bonnard, Un sentiment qui tient le mur – Notes, propos et entretiens, dans la collection de poche de L’Atelier contemporain. J’ai découvert avec curiosité ces notes bien présentées sur papier ivoire, illustrées de photos, de dessins et de mots griffonnés sur des pages d’agendas.

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« Ce livre regroupe des notes de Bonnard qui révèlent un artisan passionné du métier de peindre autant qu’un poète fervent de la vie brève, un célébrant du passage »  annonce Alain Lévêque dans la préface. Le titre vient de l’artiste lui-même qui se rangeait dans la peinture et aussi le dessin « de sentiment ». Soucieux de rendre en peignant l’émotion première, il écrit, en janvier 1934 : « Une vision sentimentale qui tient le mur. (Un sentiment qui tient le mur.) »

Les premières notes extraites des agendas de Bonnard conservés à la Bibliothèque nationale datent de janvier 1927 (il a 59 ans) : « Violet dans les gris. Vermillon dans les ombres orangées, par un jour froid de beau temps. » (7/1/1927) Le temps qu’il fait, c’est ce qu’il écrit en premier sous la date, par exemple, à la fin de ce mois-là : « beau temps par vent d’est » ou « pluvieux le matin belle après-midi ». Ou tout simplement : « beau ».

Ce sont des notes très concises, souvent des phrases nominales, des notations sur la couleur. « Si c’est harmonieux ce sera vrai – couleur, perspective, etc. Nous copions les lois de notre vision – non les objets. » (8/1/1928) Elles disent la recherche du beau : « Que le sentiment intérieur de beauté se rencontre avec la nature, c’est là le point. » (18/1/1939)

Des peintres y sont nommés : Cézanne, Vallotton, Rubens… On trouvera plus loin de petits textes de Bonnard en hommage à Odilon Redon, Maurice Denis, Paul Signac, Maillol, ses souvenirs sur Renoir. Dans les premiers jours de septembre 1940, il cite des poètes : « 4 poètes Villon La Fontaine Verlaine Mallarmé ». En janvier 1944 : « Celui qui chante n’est pas toujours heureux. »

Pour un numéro spécial que lui consacre la revue Verve, Bonnard sélectionne quelques notes dont celle-ci m’a fait penser au wabi-sabi japonais : « Les défauts sont quelquefois ce qui donne la vie à un tableau. » Son petit-neveu Antoine Terrasse en cite d’autres, devenues célèbres, pour le catalogue de Bonnard dans sa lumière à la Fondation Maeght en 1975 : « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » et aussi « J’espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon. »

Les divers entretiens qui suivent éclairent la manière dont l’artiste considérait l’art, sa vie de peintre, ce qui comptait pour lui, à différentes périodes de sa vie. A Raymond Cogniat, en 1933, il confiait une date clé pour sa conception de la peinture : « C’était pendant des vacances que je passais dans le Dauphiné, dans une propriété de ma famille, aux environs de 1895 ; un jour, les mots et les théories qui étaient le fond de nos conversations : couleurs, harmonies, rapports de lignes et de tons, équilibre, ont perdu leur signification abstraite pour devenir quelque chose de très concret. Brusquement j’avais compris ce que je cherchais et comment je pourrais tenter de l’obtenir. 
La suite ? Le départ était donné ; le reste a été de la vie quotidienne. »

Observations personnelles, propos tenus, correspondances, Un sentiment qui tient le mur est plein de ces mots d’artiste parfois fulgurants : une vision de l’art et de la vie. Avec justesse, à la fin de la préface, Alain Lévêque écrit que «  Bonnard est l’un des grands peintres de l’émotion première de vivre » et qu’« En nous redonnant à aimer la simple matière des heures journalières, sans jamais moraliser, Bonnard nous convie à faire fruit du temps fini. »

Commentaires

  • A toulouse j'ai visité un musée avec plein de Bonnard (un amateur très éclairé!)

  • J'espère bien y visiter un jour la Fondation Bemberg, quelle collection !

  • Cette boutique est parfaite pour se laisser tenter :):) Ce petit livre permet de faite durer le plaisir à la sortie de l'exposition...tu as bien fait de te l'offrir

  • Les bonnes boutiques de musée proposent des publications qu'on ne voit pas forcément en librairie, j'aime y faire un tour.

  • Ma bibliothèque a un certain nombre d'ouvrages, mais pas celui-ci. Je vais voir en librairie, j'aimerais bien le feuilleter.

  • Bonne chance pour tes recherches.

  • La boutique de l'hôtel de Caumont où j'ai vu 4 grandes expos dont celle- là, est exceptionnelle, d'un grand standing; j'y trouve toujours un beau cadeau! Et puis, j'adore Aix.
    As -tu lu sur Bonnard (dont j'ai vu aussi le musé du Cannet, petit bijou non loin...) Elle, par bonheur, et toujours nue
    de Guy Goffette, un auteur belge que j'aime bien?
    Merci Tania!

  • C'est au musée Bonnard que j'ai vu pour la première fois l'autoportrait de la couverture - une visite que je recommande absolument aux amateurs.
    Le beau texte de Guy Goffette, avec ce merveilleux nu des MRBAB en couverture du Folio, c'est une lecture d'avant le blog et j'y reviendrai sans doute un jour.

  • j'aime énormément ce genre de livre, j'ai un livre sur Nicolas de Staël du même ordre, des extraits de Poussin parlant de sa peinture, c'est souvent très éclairant
    je connais mal Bonnard sûrement une bonne façon de faire mieux connaissance

  • C'est cela qui m'a attirée, exactement : les propos du peintre lui-même. On n'en a jamais fini de découvrir un artiste qu'on aime, ton blog en témoigne assurément.

  • Bien sûr. Figure-toi que la première fois que j'ai entendu parler du peintre, c'était par une personne chère qui disait "Bonnard, le peintre du bonheur" et cela a éveillé ma curiosité. La formule est un peu simpliste, mais elle dit vrai sur cet enchantement que rend le plus souvent sa peinture.

  • Quelle belle et intéressante prolongation de l'expo !
    Oui, les idées et points de vue des artistes nous apprennent tant sur leurs oeuvres.

  • Ce sont vraiment des notes au jour le jour, une phrase ou deux, et puis ses réponses lors d'entretiens. Un bon prolongement, oui, merci Colo.

  • Une belle acquisition, tant dans le contenu que la présentation.
    J'avais un peu approché Bonnard à travers un livre de Goffette, il y a plus de 7 ans déjà ("Elle, par bonheur, et toujours nue").

    Le Wabi sabi, je ne connaissais pas cet art japonais de l'imperfection. Je lis dans votre lien :
    « Aujourd’hui, la recherche de perfection envahit le monde moderne dans tous les domaines sans pour autant apporter satisfaction à ceux qui se démènent. » Je vais méditer cela.

  • Merci, Christw. Plus je connais Bonnard et plus il m'émeut. Je relirai ce Goffette.
    Le wabi-sabi est une école du regard et une sagesse, oui.

  • je rectifie: jamais trop :-)

  • Celui-ci m'a fait de l'œil ;-).

  • Je viens juste de visiter l'exposition sur Bonnard et le japonisme, Intéressant le wabi sabi , la beauté des vieux objets!

  • J'espère que l'exposition t'a plu, Claudialucia, et que tu en parleras sur ton blog.

  • Oh, tu as pu voir cette expo, c'est formidable, peut-être as-tu en plus déjeuné dans l'Hôtel de Caumont, ce lieu magique...
    Ces phrases merveilleuses « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » « J’espère que ma peinture tiendra, sans craquelures. Je voudrais arriver devant les jeunes peintres de l’an 2000 avec des ailes de papillon. » Oui Bonnard c'est le bonheur, ce petit livre me semble précieux, à voir très bientôt. Lumineuse semaine Tania, à bientôt. brigitte

  • Merci, Brigitte, de vibrer à l'unisson. Cette fois-ci nous n'avons pas déjeuné là, mais à une terrasse du Cours Mirabeau.
    Après des journées sombres, le soleil brille ce matin et cela me réjouit. Belle journée !

  • Vu les Bonnard à la fondation Bemberg, qui propose plus de 30 toiles du "peintre du bonheur", je l'appelle ainsi également. As-tu vu le film Bonnard, Pierre et Marthe ? Très belle réalisation avec une lumière et des prises de vue à la hauteur de la beauté des peintures du peintre. Peut-être trouve -t-on cet opus à la librairie du musée

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