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Textes & prétextes - Page 170

  • Les oiseaux de Norge

    mosaïque oiseau 1.jpgFrançois s’est tu. Il a parlé doucement aux oiseaux, il en garde un des plus menus blotti dans sa main et sent battre son cœur comme une petite feuille secouée par le vent.

    Et d’autres volant en cercle formaient une joyeuse couronne autour de son sourire.

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    Il se fit alors un chant très vif et très mystérieux, un hymne touchant et multiplié, et François à son tour fut enseigné par les oiseaux.

     

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    Mais comment apporter aux hommes des mots d’une langue si légère ?

    Comment dire le moment de lumière et l’odeur, le juste ton de la musique et la ferveur de l’écoute ?

    Norge, Les oiseaux (Joie aux âmes, 1941

    – début du Poème de la salutation)

    Mosaïques sur T&P

    * * *

    Pour info : Michel Kacenelenbogen jouera La promesse de l'aube
    (
    Romain Gary) 
    en extérieur au Château du Karreveld
    (renseignements ici) les 28 et 29 août (21h).

  • Couleurs et formes

    Voici les derniers de ces « billets de sortie » que je vous ai postés depuis le début des grandes vacances pour commencer la semaine, billets « légers » pour un été trop lourd cette année. Nous avons croisé depuis lors bien d’autres « belles de trottoir », certaines plus neuves que d’autres, d’une variété réjouissante.

    mosaïque,trottoir,schaerbeek,1030

    Pauvre B…, écrivait Baudelaire. J’y ai pensé en découvrant cette dalle qui arbore nos couleurs nationales : « ma belle(g)ique » a de beaux restes, mais elle s’écaille par endroits. Comme notre Etat qui ne se trouve plus d’alliance majoritaire pour gouverner ? Sans commentaire, mais on n’en pense pas moins.

    mosaïque,trottoir,schaerbeek,1030

    Nous avons été inquiets pour le petit peuple des arbres dans l’îlot. Quelques mésanges bleues s’étaient cognées aux vitres, sans dommage, mais en laissant le temps de constater qu’elles étaient pâlichonnes, leur plumage ébouriffé, signes peut-être de la maladie qui les a décimées en Allemagne. Puis nous n’en avons plus vu sur la terrasse où elles se posaient souvent. Le mois d’août nous a ramené quelques charbonnières et puis des bleues tout de même, ouf, que nous (y compris le chat) revoyons sautiller de branche en branche dans le sycomore.

    mosaïque,trottoir,schaerbeek,1030

    Plus de fleurs que d’arbres sur les pavés mosaïques, il me semble, mais j’ai tout de même aperçu sur mon chemin ces beaux bouleaux aux feuillages d’automne et, dans une autre rue, cette composition végétale plus abstraite qui ne manque pas d’allure. Avec des cerises.

    mosaïque,trottoir,schaerbeek,1030

    On se demande parfois ce qui se cache derrière le choix d’un motif pour égayer le trottoir devant sa porte. Une raie ! Une écrevisse !  Comme elles semblent perdues en ville. Souvenir de vacances ou d’un hobby ? Dommage qu’il n’y ait personne à la porte, on poserait la question. Remarquez qu’elle est posée sur une assiette, cette écrevisse, près d’un crayon noir et de points d’interrogation.

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    Encore plus inattendu, très joliment figuré avec ses yeux ronds et ses pattes à cinq doigts, un gecko. Bravo au mosaïste, il ou elle a trouvé de très jolies couleurs pour cette apparition lumineuse sur fond gris. Ce petit lézard est sacré dans certains pays d’Asie et il porterait bonheur. C’est certainement pour cela qu’une amie m’a offert le joli gecko en métal qui grimpe au mur dans l’entrée.

    mosaïque,trottoir,schaerbeek,1030

    Pour la suite du bestiaire de trottoir, rendez-vous demain.

  • Sans parler

    schlink,olga,roman,littérature allemande,apprentissage,amour,culture« Quand je fais avec quelqu’un une randonnée ou une promenade et que nous restons sans parler, ou quand je sors du cinéma avec quelqu’un et que nous attendons un peu pour commenter le film, je pense à Olga. De même, quand quelqu’un, homme ou femme, me dit son bonheur d’avoir trouvé un être avec qui l’on peut rester sans parler. Cela fait du bien d’être lié à l’autre sans être obligé de se donner en spectacle pour le distraire. Mais ce n’est pas une chose dont les uns seraient capables et les autres non, qui lierait les uns et séparerait les autres. Le silence s’apprend – en même temps que l’attente, qui va avec le silence. »

    Bernard Schlink, Olga

  • Olga en trois volets

    Pour faire le portrait d’un personnage… Olga de Bernard Schlink (traduit de l’allemand par Bernard Lortholary, 2019) raconte en trois volets la vie de son héroïne : une petite fille pauvre pleine de curiosité pour le monde et qui, grâce à la voisine qui gardait volontiers cette enfant silencieuse, « apprit à lire et à écrire avant même d’aller à l’école ».

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    Son père débardeur et sa mère blanchisseuse morts du typhus, Olga Nowak est confiée à sa grand-mère, en Poméranie. Mécontente de son prénom slave, celle-ci veut l’en faire changer pour un prénom allemand, mais la petite résiste. Elle veut avant tout apprendre : elle lit tout ce que l’instituteur lui prête, elle apprend à jouer de l’orgue avec l’organiste. Sinon, « elle n’était pas vraiment intégrée ».

    Herbert est le fils de l’homme le plus riche du village. Pour ses sept ans, il reçoit un border collie et ils courent ensemble « par monts et par vaux ». Sa sœur Viktoria a un an de moins. Tous deux sont orgueilleux et sensibles à l’intérêt d’Olga pour leur monde – ils deviennent amis. Si en grandissant, Viktoria ne rêve que d’élégance, Olga a un seul vœu : devenir institutrice. Une fois sa sœur partie en pension, Herbert se rapproche d’Olga qu’il trouve souvent occupée à lire.

    Un jour, il se déclare devenu athée, ils en discutent, ou de l’infini. Pour le garçon, son monde est trop limité, il veut plus, aller plus loin, et une fois que son précepteur lui a parlé de Nietzsche, « devenir un surhomme, sans trêve ni repos », rendre l’Allemagne grande et devenir grand avec elle, « même si cela devait exiger d’être cruel envers lui-même et envers autrui. »

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    Olga et Herbert tombent amoureux l’un de l’autre, mais les Schröder ne voient pas cela d’un bon œil, surtout Viktoria, qui ne veut pas que son frère invite Olga pour la Saint-Sylvestre et la déconsidère aux yeux des jeunes gens de la vieille noblesse. Mais le feu d’artifice attire tout le village et Olga retrouve Herbert pour  lui souhaiter une bonne année : ce sera celle de son entrée à l’école normale d’institutrices de Posen, où elle est reçue avec mention. Lui, après avoir passé son bachot, entre au régiment de la garde et, avec sa première solde, lui offre ce dont elle rêvait depuis longtemps : un stylo noir F. Soennecken.

    La première partie du roman raconte à la troisième personne, de l’enfance à la retraite, la vie d’Olga devenue institutrice et celle d’Herbert qui rejoint le corps expéditionnaire dans le protectorat allemand d’Afrique du Sud-Ouest, une aventure coloniale qu’Olga désapprouve, tout en sachant qu’Herbert va où il veut, de toute façon. Comme une femme de marin ou de soldat, elle se fait à sa vie solitaire et à leur correspondance. Viktoria manigance pour la faire muter loin de chez eux, au nord de Tilsit, en Prusse-Orientale, « au bout du monde ».

    Herbert aime le désert et lui écrit des lettres « plus journalistiques et plus bravaches qu’elle n’aurait souhaité », mais Olga est heureuse, travaille à l’école et au jardin, tient l’orgue le dimanche, se lie avec une famille de fermiers et en particulier avec Eik, le petit dernier. Quand Herbert vient la voir, excité par la bataille avec les Hereros puis atteint du typhus dont il guérit, elle lui présente la fermière et le petit qui aime jouer avec elle, mais Herbert ne s’intéresse pas à eux. Ses parents le déshériteront s’il épouse Olga, il repart pour faire « de grandes choses, il ne savait pas encore lesquelles ».

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    Argentine, Brésil, Sibérie… Olga vit comme « la maîtresse dans la vie d’un homme marié ». Obsédé par l’Arctique, Herbert met sur pied une expédition vers le pôle Nord. Elle lui écrit poste restante à Tromsø, et continue même quand il ne répond plus et que le journal annonce des défections, l’abandon du bateau immobilisé dans la banquise. Eik devient architecte. Olga n’en revient pas quand il lui annonce en 1936 qu’il est entré dans les SS. Devenue sourde à la suite d’une grippe, elle est mise à la retraite à cinquante-trois ans. La guerre l’oblige à quitter son village, le service des réfugiés lui trouve une chambre en ville où elle fait de la couture dans quelques familles.

    Le deuxième volet est le récit de Ferdinand, le plus jeune garçon de la dernière famille chez qui elle coud. On le lui a confié parce qu’il est souvent malade, souffre d’otites et de bronchites : Olga s’assied près de lui, lui raconte des légendes, des contes populaires ou les aventures d’Herbert. Elle se met bien en face de lui pour lire sur ses lèvres et elle restera sa confidente quand il ira au lycée, heureuse de leurs discussions, mais mécontente de ses mauvaises notes : « Ne pas apprendre quand on en avait la possibilité, c’était se montrer bête, enfant gâté, prétentieux. » Ils seront amis pour la vie et c’est Ferdinand qui, dans la troisième partie, mettra la main sur les lettres d’Olga à Herbert.

    Bernard Schlink donne dans Olga un très beau portrait de femme qu’on n’oubliera pas, tout en peignant une époque, une société et ses clivages, des relations fortes comme on en a peu dans la vie, le bonheur de s’être trouvés.

  • Les arbres inspirent

    Si les parcs accueillent volontiers des sculptures, l’art peut aussi s’exprimer dans un agencement inédit. Au parc de Woluwe, ce trio m’a séduite, chaque arbre entre deux pierres dressées. De profil, on a l’impression de voir les pierres porter des branches. De plus près, on peut presque entendre une conversation entre amis. C’est très beau.

    Parc de Woluwe (17).jpg

    Le site de Bruxelles environnement renseigne sur cette œuvre originale intitulée « Les arbres protégés » (1998) : « La sculpture de Nathalie Joiris (1964) a été sélectionnée dans le cadre du concours annuel organisé par la Fondation européenne pour la sculpture. Trois aubépines poussent chacune entre deux stèles de granit, comme protégées par elles. Le vivant et le statique s’allient, l’art et la nature se marient. »

    Les arbres inspirent, comme le montrait Anne, l’ArtisAnne-textile, il y a peu, avec les « anastyloses » de Valentine Armand exposées à Brantôme, une autre manière de « retenir la présence de l’arbre » (V. A.) et de le recréer.