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1961, Charlotte

Ruge couverture.jpg« On entendait un brouhaha et des rires à travers la double porte de l’ancienne cave à vin. Vingt et une heures trente et ils étaient toujours là en bas. […]
– Désolée, je ne voulais pas déranger, dit Charlotte, soudain décidée à se retirer sans engager les hostilités.
Mais avant qu’elle ait pu refermer la porte, Wilhelm lui lança :
– Ah, Lotti, tu ne pourrais pas nous faire en vitesse quelques sandwichs, les camarades ont faim.
– Je vais voir ce que j’ai, marmonna Charlotte, et elle remonta l’escalier à pas lents.
Elle resta un instant dans la cuisine, éberluée par tant d’impudence. Finalement, comme si elle avait été télécommandée, elle prit un pain frais dans le placard (heureusement que Lisbeth avait fait les courses) et commença à en couper des tranches. Pourquoi faisait-elle ça ? Etait-elle la secrétaire de Wilhelm ? Elle était la directrice d’un Institut !... Non, évidemment non, elle n’était pas la directrice d’un institut. A son grand regret, on avait rebaptisé les instituts « sections », si bien qu’elle n’était maintenant plus que « chef de section », ce qui était moins prestigieux mais ne changeait rien à l’affaire : elle était active, elle travaillait comme une mule, elle occupait un poste important dans cette académie où étaient formés les futurs diplomates de la RDA (…). Elle était chef de section dans une académie – et qui était Wilhelm ? Rien. Un retraité, mis sur la touche de façon anticipée… Et il était vraisemblable, se dit Charlotte, tandis que, figée par la fureur, elle regardait dans le réfrigérateur à la recherche de quelque chose qu’elle pourrait tartiner sur les tranches de pain, il était vraisemblable que Wilhelm, après son échec comme directeur administratif de l’Académie,
aurait fini dans le ruisseau si elle n’avait pas foncé à la direction du district et supplié les camarades de donner à son mari une tâche au moins honorifique, quelle qu’elle soit. »

Eugen Ruge, Quand la lumière décline

Commentaires

  • Je lis quelque chose de comparable chez Lea Ypi à propos de la condition des femmes en Albanie: oui elles étaient les égales des hommes en ce sens qu'elles avaient accès comme eux à tous les métiers mais à côté de cela la société restait complètement machiste et l'homme ne prétendait pas les aider à aucune tâche ménagère.

  • C'est cela. Que lis-tu de Lea Ypi ?

  • Oui, beaucoup de femmes travaillent "comme des mules" et font tout à la maison; mais je remarque que ça change; chez mes 4 jeunes couples, les hommes aident le plus possible.
    bon week-end !

  • Espérons. Chez nous, depuis la retraite, les tâches sont bien partagées, heureusement. Bon week-end, Anne.

  • Eugen Ruge campe de beaux personnages et cette Charlotte possède une forte personnalité.

  • Il y a de quoi être en colère,. Evidemment je lui soufflerais bien à l'oreille de le laisser se débrouiller si c'était si simple.

  • Elle trouvera une façon astucieuse de laisser son mari et les autres se débrouiller sans elle.

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