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bruxelles - Page 5

  • Route

    Hockney Canyon.jpg« Il fit un petit essai qui montrait son itinéraire à travers le canyon. Une route tortueuse était tracée à la verticale au centre de la toile, entourée de taches de couleurs vives qui représentaient les collines et la végétation avec, ici et là, des arbres ou une maison. Ce tableau n’avait rien à voir avec ceux qu’il avait peints jusque-là – sauf avec celui qu’il avait fait au hasard pour essayer les couleurs acryliques – et ressemblait à un dessin d’enfant. Le second fut plus grand, plus ambitieux : il peignit le trajet de sa maison à son atelier, dans des couleurs plus douces, avec une technique par moments presque pointilliste. La route ondulante traversait la toile horizontalement, bordée par un paysage plus complexe qui incluait des collines, des arbres, de la végétation basse, mais aussi un court de tennis, une piscine, un poteau électrique, un plan quadrillé de Downton L.A., la mer à l’horizon. Tout était à la même échelle, comme dans ces cartes dessinées par les enfants. Ces deux tableaux, et ceux qui suivirent, n’étaient pas des paysages traditionnels mais des voyages dans le temps, des récits pleins de vie qui charmaient l’œil par leur équilibre de couleurs chaudes et de formes géométriques. Les critiques penseraient qu’il était retombé en enfance. David n’avait aucun doute : il s’engageait sur la bonne voie. »

    Catherine Cusset, Vie de David Hockney

    © David Hockney, Nichols Canyon, 1980, acrylique sur toile 84 x 60"
    (non exposé à Bozar)

  • Hockney par Cusset

    Si vous ne savez pas grand-chose de David Hockney et que vous comptez visiter l’exposition actuelle à Bozar – très courue, il vaut mieux réserver –, je vous recommande Vie de David Hockney par Catherine Cusset (Folio acheté après ma visite) : « Ce livre est un roman. Tous les faits sont vrais. J’ai inventé les sentiments, les pensées, les dialogues » écrit-elle au début de son avant-propos.

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    © David Hockney, Mr. and Mrs. Clark and Percy, 1970-71. Acrylic on canvas, 213.4 x 304.8 cm
    (Tate : Presented by the Friends of the Tate Gallery 1971)

    Après une première incursion à Bozar où la cohue était telle que j’en suis sortie à peine entrée, j’y suis retournée un autre jour sur le temps de midi, comme on me l’avait conseillé quand j’ai demandé un échange. En première partie, « Œuvres de la collection de la Tate, 1954-2017 » : passé les débuts, les fameuses piscines et les nus masculins, c’est la salle des doubles portraits qui m’a le plus retenue, et aussi ce vase et son ombre, avant de plonger dans la luxuriance californienne et dans l’exploration de la vision multifocale à l’aide de clichés numériques.

    Après In the Studio (immense photo panoramique de son atelier de Los Angeles, 2017) vient la seconde partie de l’exposition, les grandes réalisations sur Ipad : L’arrivée du printemps en Normandie (2020) avec des arbres et paysages dont il suit la transformation de l’apparition des bourgeons jusqu’à la floraison, des coins de jardins, de la pluie tombant dans une mare, des fleurs printanières – une immersion spectaculaire, colorée et joyeuse. (Exposition aussi à Paris.)

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    David Hockney, My parents, 1977, huile sur toile, 72 x 72", © David Hockney Collection Tate, U.K.

    Vie de David Hockney, une sorte de portrait du peintre, rend hommage à un artiste dont la liberté fascine Catherine Cusset : liberté dans la vie comme dans la création. Né en 1937 dans une famille modeste, d’un père pacifiste qui « n’avait pas d’argent mais ne manquait pas de ressources » et d’une mère généreusement nourricière pour ses enfants, dès qu’il a pu tenir un crayon en main, David a dessiné et déjà à l’école, ses dessins plaisaient et étaient exposés.

    Le principal de son collège recommanda de l’envoyer, dès ses quatorze ans, dans une école d’art, mais il fallait une autorisation de la ville, qui refusa. Deux années d’enseignement général à endurer, ce qui mettait le garçon en rage, une rage atténuée grâce aux cours gratuits donnés le soir par un voisin. Autre fait marquant de son adolescence, la main qui prend la sienne dans une salle de cinéma, une révélation du plaisir homosexuel dont il n’osera parler à ses parents.

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    © David Hockney, Man in Shower in Beverly Hills, 1964, Tate Britain

    Enfin admis aux Beaux-Arts de Bradford, David Hockney peut « se livrer à sa passion du matin au soir ». Il y rencontre un jeune professeur stimulant qui pousse ses étudiants à aller à Londres et les invite chez lui. Deux ans plus tard, son élève propose deux tableaux pour l’exposition annuelle des artistes du Yorkshire – acceptés, à sa grande surprise. Un visiteur achètera même le portrait de son père !  

    Entre Bradford et Londres, Hockney découvre que « le figuratif appartenait au passé, qu’il était antimoderne », ce qui l’inquiète un certain temps, puis il comprend grâce à Ron, un ami américain, qu’il doit peindre ce qui compte pour lui – « Tu es nécessairement contemporain. Tu l’es, puisque tu vis dans ton époque » – et aussi, en faisant connaissance avec Adrian qui partage le coin d’atelier de Ron, le premier homme « ouvertement gay » qu’il rencontre, à vingt-deux ans, comment lui-même voudrait vivre.

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    David Hockney, Lithographic Water Made of Lines, Crayon and Two Blue Washes without Green Wash, 1980,
    © David Hockney / Tyler Graphics Ltd.

    Quelques ventes et un chèque inattendu pour une gravure primée lui permettent de s’envoler pour New York où l’accueille pour l’été un autre Américain, Mark, son premier amant. Pour rire, ils se métamorphosent en « blonds peroxydés » : « La vie, comme la peinture, était une scène sur laquelle on jouait. »  La façon totalement libre dont ses amis vivent là-bas, partagent la douche ou le lit sans culpabilité, lui donne le goût de vivre en Amérique : « Un grand blond dans un costume blanc qui ne cachait pas sa sexualité déviante », voilà qui attirerait davantage l’attention des critiques.

    Au Collège royal de Londres, Hockney n’a plus peur d’être lui-même et peint ce qu’il veut. Ses gravures lui rapportent assez pour aller à Los Angeles en janvier 1964. Le mode de vie californien devient le sien. Il y dessine Peter, l’étudiant dont il est tombé amoureux, près de la piscine, il devient « le peintre de la Californie ». David Hockney se fait si bien remarquer qu’à 32 ans, il a droit à une première rétrospective à Londres, à la Whitechapel Gallery. Il devient un peintre connu, interviewé, photographié, il voyage.

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    David Hockney, Peinture sur le Motif pour le Nouvel Age Post-Photographique, 2007,
    Oil on 50 canvases, 457.5 x 121.9 cm overall ((Tout un mur à l'entrée de l'exposition)
    Tate: Presented by the artist 2008 © David Hockney. Photo: Prudence Cuming Associates 

    Catherine Cusset raconte son parcours d’artiste (peintre, photographe, dessinateur, créateur de décors et de costumes pour l’opéra) et ses recherches, sa vie et ses amours, ses allées et venues entre l’Angleterre et l’Amérique. Grand maître des couleurs et, selon Rinus Van de Velde, le dernier artiste mythique après Picasso, plus rien ne l’arrêtera sur le chemin de l’art et de la célébrité. Hockney dit avoir « l’intention de vivre une vie intense jusqu'au dernier jour ».

  • Lignes

    geneviève asse,une fenêtre sur le livre,exposition,wittockiana,bruxelles,beaux livres,illustration,lignes,couleurs,bleu,gravure,peinture,livres,carnets,culture« Aux lignes gravées à la pointe sèche et aux burins répondent les lignes des cuvettes, traces des plaques de cuivre sur les feuilles imprimées. Geneviève Asse en parle comme des fenêtres : « [elles] tiennent lieu de lignes, de fils de lumière, de stèles transparentes avec lesquels je construis dans l’espace. Les cuvettes comptent autant que les traits que j’inscris, elles suscitent une profondeur, une distance, une sensation de relief. » (BNF, p. 20) »

    Géraldine David & Perrine Estienne, Geneviève Asse – Une fenêtre sur le livre, Editions Esperluète – Wittockiana, 2021.

    Geneviève Asse © René Tanguy

  • De Geneviève Asse

    Geneviève Asse (1923-2021), « artiste majeure de son temps » (Yves Peyré), a quitté ce monde peu de temps avant que s’ouvre l’exposition qui lui est consacrée depuis la mi-septembre à la Wittockiana (musée du livre et de la reliure) : Geneviève Asse – Une fenêtre sur le livre. J’étais curieuse de découvrir de plus près l’univers de cette artiste d’origine bretonne, inhumée sur l’Ile-aux-Moines où elle avait une maison et un grand atelier.

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    Vue partielle de l'exposition

    Dès l’entrée, j’ai ressenti une grande paix à côtoyer l’œuvre de cette peintre fameuse également créatrice de livres et passionnée pour le dessin et la gravure. C’est avec le poète et éditeur Pierre Lecuire (1922-2013), qui concevait le livre comme une œuvre d’art et a collaboré pour plusieurs ouvrages avec Nicolas de Staël, qu’elle a réalisé son premier livre illustré : L’Air (1964). Geneviève Asse les avait rencontrés tous deux en 1953 chez Jean Bauret, « fabricant de textiles et collectionneur de tableaux » (Guide du visiteur, source des citations).

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    Son livre suivant rendra hommage à Giorgio Morandi. Au-dessus d’une table où sont exposés des carnets (prêts de Silvia Baron Supervielle), deux petites huiles des années ’70, Composition et Fenêtre (par courtoisie de la Galerie Laurentin), témoignent de son exploration du bleu et du trait pour animer l’espace du papier, de son option pour la clarté, la simplicité, l’aérien… Morandi, Chardin, Cézanne, Braque, découverts lors de ses visites au Louvre et dans les livres, sont de véritables sources d’inspiration pour Geneviève Asse. Chez Chardin, elle admire la sobriété, la transparence, la conception de l’espace.

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    © Geneviève Asse, Sans titre, 1968.
    Huile sur toile, 14,4 x 22 cm. Courtesy Galerie Laurentin

    Les natures mortes l’attirent, les objets, leur solitude. Elle en peint au début, avant de se consacrer uniquement aux lignes et aux couleurs – pionnière de l’abstraction. Lumineuse, une petite huile sur toile de 1968 (Sans titre) donne une incroyable sensation d’espace à travers de subtiles nuances de blanc, de bleu, de gris. On voit dans ses carnets des essais de matière, de couleurs, des esquisses au crayon. C’est le travail sur le blanc et l’ocre qui a mené l’artiste vers le bleu, et parfois le rouge. Ces carnets de peintre sont traités comme de petits livres à part entière, elle peint aussi leur couverture, leur tranche.

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    Geneviève Asse, carnet de dessin à spirale, non paginé [12 p.], 1980, 22 x 14 cm

    Tous les livres exposés sont de précieuses éditions originales. Des pointes sèches, des aquatintes de Geneviève Asse accompagnent des textes de Francis Ponge (frontispice de Première et seconde méditations nocturnes, 1987), de Charles Juliet (Une lointaine lueur, 1977), d’Yves Bonnefoy (Début et fin de la neige, 1964)… « Tout le livre vous parle : son épaisseur, son papier, sa couverture, ses gravures et son texte aussi », dit Monique Mathieu, grande relieuse française, prix Rose Adler en 1961, que l’artiste admirait beaucoup et qui devint une amie, « malgré la nature solitaire de Geneviève Asse ». Toute une table est consacrée au grand livre Haeres signé par le poète André Frénaud, mari de Monique Mathieu, et par Geneviève Asse.

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    André Frénaud, Geneviève Asse, Haeres, Paris, Editions de l'Ermitage, 1977

    Lorsque Silvia Baron Supervielle, avec qui elle a signé Les Fenêtres en 1976,  décide de traduire le recueil de poésie de Borges, Les Conjurés, Gallimard a déjà confié la traduction à Claude Esteban, mais propose de publier la sienne sous forme de livre illustré. La femme de Borges suggère de faire appel à Geneviève Asse. Dès sa lecture, celle-ci déclare que le livre sera rouge, en accord avec « le rythme, le titre, les formes des poèmes ». Un rouge vibrant, celui choisi par Picasso pour Le Chant des morts de Reverdy. Le livre paraît à Genève en 1990.

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    Jorge Luis Borges, Geneviève Asse, Les Conjurés 3 Photo © Lou Verschueren 

    Pour Asse, « la peinture, le dessin, la gravure forment un tout qui avance ensemble. La gravure penche du côté de l’écriture […] ». Si Geneviève Asse aime les poètes, elle a confié que de tous les écrivains qu’elle avait vus, c’est Samuel Beckett qui [l’] a le plus retenue (dans un documentaire de Florence Camarroque, Geneviève Asse. Entre ciel et mer). La femme de l’écrivain s’approvisionnait dans une boutique tenue par la mère de l’artiste boulevard Blanqui, ce qui facilita un premier contact. Beckett lui confiera un texte court, Abandonné, pour lequel Asse a créé douze petites gravures à la pointe sèche.

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    Samuel Beckett, Geneviève Asse, Abandonné, Paris, 1971 Photo © Lou Verschueren 

    « Bon qu’à ça », avait répondu Beckett à une enquête de Libération (Pourquoi écrivez-vous ?, 1985). Geneviève Asse reprend cette réponse à son compte au micro de Laure Adler (France culture, 2010) où on peut l’écouter parler de son travail – « J’essaye d’y mettre ma lumière » – et un peu d’elle-même : « Je suis une silencieuse. » Entre le ciel et la mer, qu’y a-t-il ? L’horizon. Une ligne.

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    Geneviève Asse, Carnet de peintre. Le bleu Asse Photo © Lou Verschueren 

    En fin de parcours, dans une salle voisine, on peut admirer de magnifiques reliures sur des livres édités par Pierre Lecuire, du Fonds Michel Wittock (Fondation Roi Baudouin). On aimerait toucher, feuilleter ces beaux ouvrages, comme le font ces mains sur plusieurs vidéos de Simon Malotaux projetées à l’exposition, ouvrant l’un ou l’autre livre ou carnet. A la Bibliotheca Wittockiana, Geneviève Asse – Une fenêtre sur le livre offre une approche très intéressante d’une grande artiste. A découvrir jusqu’au 30 janvier 2022.

  • Le fidèle Louis Pion

    Van Cutsem, mécène / 4     

    Louis Pion (1851-1934), peintre et photographe, fait partie des artistes méconnus originaires de la région de Tournai. C’est lui qui a signé le beau portrait de profil en couverture de Henri Van Cutsem, un mécène. Né dans une famille d’agriculteurs, contrairement à ses frères, il choisit une autre voie et apprend le dessin et la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai sous la direction de Léonce Legendre. Puis, à Bruxelles, de Joseph Stallaert.

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    Louis Pion, Mignon rêvant à sa destinée, 1877,
    acquis par la ville, Tournai, Musée des Beaux-Arts

    Après son voyage en Italie en 1873, il revient à Bruxelles et y fait connaissance avec Guillaume Charlier, dont il devient l’ami. Pion lui a servi de modèle pour Le Déluge, sa première sculpture primée et acquise par Henri Van Cutsem. Tous deux entrent dans le cercle intime du mécène, qui les invite chez lui avenue des Arts à Bruxelles ou dans sa villa de Blankenberge.

    Le choix de léguer la collection Van Cutsem à Tournai, outre la rencontre avec le bourgmestre déjà évoquée, tient aussi à la position prise par la Commission des musées de Bruxelles lors de l’inventaire : elle a refusé Périmèle, Nymphe de Capri, une grande toile de Léonce Legendre, professeur puis beau-père de Louis Pion.

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    Léonce Legendre, Périmèle, Nymphe de Capri, Tournai, Musée des Beaux-Arts

    « L’âme bercée des visions artistiques qui le transportent dans le monde idéal, il traduit à l’île de Capri la légende d’une nymphe transformée en île, dans tout l’éclat de sa jeunesse et l’épanouissement de sa beauté. Couchée sur le sable, son opulente chevelure dorée s’enroule sous ses bras gracieusement renversés derrière la tête, la nymphe regarde la mer bleue dont les flots viennent effleurer ses pieds roses. Des coquillages et quelques branches de corail agrémentent le premier plan, tandis qu’on aperçoit au loin l’île de Capri baignée d’air et de lumière à demi confondue dans la profondeur du ciel. » (Louis Pion, à propos de l’œuvre de Léonce Legendre, archives du Musée des Beaux-Arts de Tournai)

    Dès lors, Louis Pion va se dévouer à l’avancement du projet de musée avec la ville de Tournai et avec l’architecte choisi par Van Cutsem pour le construire. Entre la commande à Victor Horta (1903) et l’inauguration du musée des Beaux-Arts de Tournai (1928), vingt-cinq ans de travail, de changements dans les plans, et la guerre de 1914-1918. Il fut décidé à Tournai d’exposer dans ce nouveau musée à la fois la collection d’art moderne de Henri Van Cutsem et les collections d’art ancien de la ville.

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    Source : La Librairie belge

    Pour faire avancer les choses, Louis Pion n’a pas manqué d’écrire au bourgmestre de Tournai : « Afin d’engager le Conseil à voter l’achèvement complet en une fois, le collège s’y montrant sympathique – Horta proposa d’abandonner ses honoraires d’une partie des travaux qui restaient à exécuter et Charlier après un instant de réflexion se tourne vers moi et dit : « Eh bien si Tournai veut faire ça – reprendre les travaux tout de suite et les achever en une fois, moi aussi je ferai quelque chose. Tu peux dire de ma part à l’administration communale […], moi aussi je ferai quelque chose : je donne pour le Hall de la sculpture toutes mes œuvres se trouvant dans mon atelier. » (archives du Musée des Beaux-Arts de Tournai, sans date)

    Le Dictionnaire des peintres belges mentionne dans sa notice sur Louis Pion, en plus de sa peinture, sa pratique de la photographie « qui donne naissance à une production d’admirables grisailles consacrées aux travaux des champs ». Il signale que l’artiste a été directeur de l’Académie de Tournai et, de 1926 à 1932, premier conservateur du musée des Beaux-Arts.

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    Louis Pion, La lecture, s.d., crayon sur papier, Tournai, Musée des Beaux-Arts

    Dans son discours inaugural en 1928, fidèle, « Le commandeur, Louis Pion » (titre du chapitre qui lui est consacré), 77 ans, n’a pas manqué d’évoquer ses amis disparus (Van Cutsem, décédé en 1904 ; Charlier, en 1925) : « C’était à mon sens un mandat que je tenais de mes amis défunts et dont l’accomplissement m’était imposé comme un devoir doublement sacré ». Il a aussi regretté le manque de place pour exposer tous les artistes et souhaité que « dans un temps pas trop éloigné, on pourra annexer au Musée deux nouvelles salles où ils seront mis en valeur ». Le projet d’extension actuel du musée, malgré la polémique suscitée par certains aspects du projet architectural, répond donc à un besoin d’espace ressenti dès sa naissance.

     

    Source : Henri Van Cutsem, un mécène, publié dans la collection « L’œuvre au miroir des mots » en 2018-2019, à l’occasion d’une exposition des Archives & Musée de la Littérature et du Musée des Beaux-Arts de Tournai.