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Nature - Page 35

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    Musée Van Buuren / 4

    Dans le tram, au retour du musée Van Buuren, une jeune fille assise près de la vitre me fait penser à un Balthus. Est-ce sa pose alanguie ? ses cheveux relevés ? sa robe bain de soleil blanche ? son immobilité ? Non. C’est la position de sa jambe droite, pliée vers l’arrière, le pied cambré. (Chez moi, je ne retrouverai pas la toile que j’avais en tête. Un peu l’atmosphère des Beaux jours – remplacer le miroir par un écran de téléphone.)

    Van Buuren (133).JPG

    A la descente du tram, je me demande d’où viennent ces écailles brunes dont le quai est jonché. Il suffit de lever les yeux : les arbres perdent leur écorce par grandes plaques, à cause de la sécheresse exceptionnelle de cet été 2018. Les platanes de l’avenue Demolder, en sursis d’abattage, ont déjà leur tronc quasi tout pelé. Je rentre avec un grand morceau d’écorce à la main, en pensant à Jephan de Villiers.

  • Deux

    Jardin Demolder (35).JPG

    Ils étaient deux à nous suivre ou à nous précéder, curieux de l’animation, à un peu de distance. On appelle un chat ? Le plus souvent, sauf pour les familiers, il feint l’indifférence. Il vit sa vie. Pour celui-ci, tiens, c’était juste le moment de faire ses griffes. Pour l’autre, de surveiller ses arrières.

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  • Estivale au jardin

    Premier jour de l’été, première Estivale 2018 à Schaerbeek. La formule n’a pas changé : des promenades guidées sont proposées par l’asbl PatriS le jeudi à 12h30 et le dimanche à 17h, elles sont gratuites (sur inscription). Lorsqu’un lieu privé s’ouvre à la visite, c’est une aubaine, surtout quand on passe devant assez souvent.

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    La guide a donné rendez-vous à l’angle de l’avenue Demolder et du boulevard Lambermont ; à l’origine, en face, une brasserie occupait l’angle du côté impair, dotée d’une marquise au-dessus de sa terrasse – d’où le recul imposé à toutes les maisons construites dans le prolongement ; des jardinets, derrière des grilles, agrémentent les façades. Les travaux dans l’avenue Demolder sont loin d’être terminés, les barrières et le bruit du chantier seront un peu gênants (ensuite viendront la réfection des trottoirs et la plantation de tilleuls pour remplacer les platanes, pas tous, hélas, mais ce n’est pas le sujet du jour).

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    Notre guide signale, côté impair, une maison de briques rouges (ci-dessus à gauche) à l’allure plus modeste que ses voisines, qui a perdu des éléments de façade originaux ; c’est toujours intéressant de découvrir les photos ou dessins anciens conservés au patrimoine communal que la guide montre pour nous aider à comprendre comment une façade a évolué au cours du temps. Ces maisons ont été construites entre 1907 et 1913.

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    L’avenue Demolder est de style éclectique : des maisons « classiques », « beaux-arts », parfois « art déco » ou « pittoresques » s’y côtoient. Dans l’ensemble, beaucoup de riches détails architecturaux persistent un siècle plus tard, et c’est un enchantement quand les propriétaires les conservent et les font restaurer. Je vous renvoie à un ancien billet sur cette avenue, où sont évoqués les Teughels, Diongre ou Hemelsoet, entre autres architectes renommés de cette époque.

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    Quand des sgraffites retrouvent leur splendeur ou quand, les originaux perdus, des artisans d’aujourd’hui les renouvellent, quel bonheur pour les yeux ! Ainsi ces deux créations d’Elise Raimbault qui représentent, en haut d’une façade, la musique et la littérature. En face, nous admirons un sgraffite restauré : une jolie femme entourée d’enfants symbolise la douceur du foyer. Les deux maisons qui jouxtent cette façade présentent de beaux matériaux, mais la polychromie du sgraffite attire l’œil en premier. La guide montre sur une photo d’époque les grands sgraffites sur le même thème qui ornaient les maisons voisines, disparus.

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    Il est temps de nous diriger vers la large façade classique de l’hôtel de maître (1910) au jardin hors de l’ordinaire. La belle porte (vitre et fer forgé) ouvre sur un passage cocher qui mène à l’arrière. Le premier propriétaire, un entrepreneur, avait réservé tout le premier étage à une salle de billard. La guide résume l’histoire de cette demeure due à l’architecte Albert Dankelman, cite ses propriétaires successifs dont une danseuse tombée amoureuse d’un entrepreneur de jardins. Dans les années 1990, la maison a été remise à neuf, mais pas le jardin. La dernière propriétaire, qui a acquis cette propriété de 19 ares en 2010, lui a rendu sa beauté.

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    Première surprise en découvrant le jardin à l’arrière de la maison : le mur qui le longe porte un beau relief, une fontaine végétale, et aussi les marques de la serre qui a été enlevée, probablement pas d’origine. Ensuite, on aperçoit de magnifiques écuries, dans le fond, restaurées il y a un an, une construction en briques avec une tourelle à flèche ! Nous y entrerons plus tard.

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    Au bout du chemin, le jardin se déploie aussi vers la droite en intérieur d’îlot, à l’arrière des jardins des maisons suivantes. Un robot est en train de tondre la pelouse, un lapin qui l’a visiblement adopté comme compagnon de promenade ne cesse de lui tourner autour. Deux lapins, deux chats, c’est un jardin vivant. Quel superbe terrain de jeux pour une famille de quatre enfants !

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    D’autres belles surprises dans ce jardin : un pavillon à coupole avec sa balustrade neuve où s’appuie un beau massif d’hortensias, et dans le fond, près d’une pièce d’eau, une serre ancienne elle aussi remise en état, de style rocaille, flanquée de jardinières dans le même matériau qui imite les formes organiques de la nature.

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    C’était une serre chauffée, comme en atteste un très vieux poêle, peut-être destinée à la culture d’orchidées en vogue au début du siècle dernier. C’est en 1928 qu’on a trouvé la formule du ciment de Portland, un matériau liquide auquel on pouvait donner forme avant qu’il se solidifie et devienne un tronc d’arbre, jardinière en faux bois, voire un écureuil.

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    Durant cette visite centrée sur le patrimoine, on a peu parlé des plantations, mais lorsque la guide a déploré la perte d’une grande boule de buis dévorée comme tant d’autres par la pyrale et fait admirer d’autres buis encore intacts, un des participants a expliqué la méthode la plus écologique pour s’en préserver : installer des oies à proximité. Les larves de ce papillon nocturne font leur régal ! (Mieux vaut prévenir que guérir, les premiers signes d’attaque une fois visibles, il n’y a plus grand-chose à faire.)

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    Cette première Estivale schaerbeekoise s’est terminée par la visite des élégantes écuries et de leur tourelle. L’intérieur a retrouvé ses voussettes originales au plafond, les murs sont en briques apparentes. Une grosse cuisinière anglaise en fonte et un établi de boucher font office de cuisine à proximité d’une grande table en bois, on sent que les propriétaires veulent respecter l’esprit du lieu. 

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    Au moment de saluer et de remercier la propriétaire, certains se sont enquis de l’intérieur de sa maison, également de style éclectique. Mais la visite organisée se limitait à ce beau grand jardin, si rare en ville, et je suis ravie d’en avoir fait le tour.

  • Splendeur

    mai,beau temps,fleurs,marie gevers,madame orpha ou la sérénade de mai,littérature française,belgique,culture« L’année d’Orpha et Louis, après ce long hiver et ce soudain éclatement du printemps, un mois de mai admirable précipite son azur dans le jardin. Les marronniers d’Inde, les aubépines rouges et blanches, et le cytise dont le chemin est planté, fleurissent simultanément et partagent leur splendeur avec le miroir vivant. A côté du pont, un vieux cytise penché retombe en ramures et forme une sorte de chambrée close par la verdure jeune et la pluie d’or des grappes en fleurs.

    En ce chaud midi de mai, je me suis glissée dans l’étang et je nage longtemps, mêlée aux reflets des arbres, puis m’arrêtant, je fais la planche sous le cytise. L’or du soleil filtre en pluie avec les fleurs et un azur extraordinaire y brille. »

    Marie Gevers, Madame Orpha ou la sérénade de Mai

    Photo Visoflora.com

     

     

  • Jours de mai

    Des jours de mai si radieux, voilà qui n’est pas fréquent. 29° lundi dernier (28 mai) à Bruxelles, 23° à Palma de Majorque ou à Toulon, le climat européen perd-il le nord ? A nous, ce printemps, les repas en terrasse, les belles heures à lire dehors ou à suivre des yeux le vol des martinets jusqu’au coucher du soleil.

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    Sur la terrasse, les lupins ont commencé à fleurir à la fin du mois d’avril, pendant notre séjour dans le Midi, à présent ils ont trop chaud en plein soleil et je crains qu’ils ne refleurissent plus cette année. Idem pour la clématite en pot. Mon jardin suspendu comporte principalement des vivaces, j’y ai invité quelques annuelles comme cet anthémis pour son rose éclatant, ces félicias pour leur fraîcheur guillerette, quelques géraniums qui assureront le spectacle sans continuer jusqu’à l’automne.

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    La spirée se couvre ces jours-ci de rose tendre, tandis que le bleu des campanules apparaît ici et là dans les bacs et les pots, des fidèles au rendez-vous de la belle saison, comme les lysimaques. La lavande leur volera bientôt la vedette. Plus discrètes, les fleurettes des ruines-de-Rome attirent pourtant aussi les insectes butineurs, des bourdons surtout, quelques abeilles (j’ai lu avec consternation que presque la moitié des colonies d’abeilles sont mortes cet hiver en région bruxelloise).

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    Les fleurs vanille du laurier-rose se sont montrées précoces cette année –il a si peu gelé qu’il n’a fallu le rentrer que quelques nuits d’hiver, le laurier-rose est moins frileux que les dipladénias dont la floraison se fait encore attendre.

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    Pourquoi mai me fait-il penser à Marie Gevers ? J’ouvre Plaisir des Météores et je lis : « Jamais le mois de mai ne parvient à épuiser toutes les beautés dont il dispose. Ces beautés inemployées constituent sans doute une immense réserve, qui foisonne, luit et chante en quelque lieu d’azur, où seule notre imagination peut nous mener. On devine, tout au long des jours et des nuits, cette profusion de beautés accumulées. C’est pour cela que mai, s’il est en proie à de durs nuages, traversé par des courants méchants, contrarié par les saints de glace, bref, attaqué par ce que nous nommerons l’anti-mai, ne nous semblera jamais terni, maussade, ni froid. (Les réserves de mai)

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    Les splendeurs livrées par mai atteignent une grande force d’émotion. C’est parce que, limitées par le temps, il faut bien qu’elles se hâtent, fusent, éclatent. Leur clarté, leur azur, débordent les moments qui leur sont assignés ; et les jours en proie à l’anti-mai sont submergés de joie, de chants et de fleurs. Les moments rayonnants parviennent à se rejoindre par-dessus plus d’un jour de vilain temps.
    Mais les réserves de mai doivent être, pourtant, pleines de merveilles, et j’aime à m’y rendre en idée.
    Songez, par exemple, aux nombreux arcs-en-ciel empêchés de se former parce qu’un nuage malencontreux s’est mis devant le soleil ?
    Sans doute brillent-ils tous dans les réserves de mai. »