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chemins

  • Débrancher

    anne le maître,sagesse de l'herbe,quatre leçons reçues des chemins,essai,littérature française,chemins,marche,beauté,sagesse,culture« Débrancher.
    Renouer, si peu que ce soit, avec les cycles naturels. Aller jour après jour des ténèbres de l’hiver aux éclosions du printemps, des marées d’équinoxe aux mystérieux solstices.
    Se connaître soi-même comme un être cyclique, avec ses temps de force et de faiblesse, ses moments fertiles et ses périodes où l’énergie reflue.
    Laisser la Terre tourner. »

    Anne Le Maître, Sagesse de l’herbe

  • Merci, Anne Le Maître

    Sagesse de l’herbe. Quatre leçons reçues des chemins : Anne Le Maître, rencontrée dans la blogosphère où elle partage deux passions, l’aquarelle et l’écriture poétique, offre sous ce titre à cheminer avec elle. « D’aussi loin que remontent mes souvenirs, il y a les prés, les forêts et les chemins qui les sillonnent, et le temps suspendu de la promenade. »

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    © Anne Le Maître, Colline. Vézelay 2015 (Bleu de Prusse)

    Ce livre allie délicieusement la balade et la réflexion, l’observation et l’amour de la vie. Quand Anne Le Maître se met en route, elle emporte une carte, une gourde, parfois quelques pinceaux – « Un sac, pour les trouvailles. Un carnet, pour les mots ». Elle marche, elle regarde, elle songe : « Chaque fois que sonne l’heure des mots, chaque fois me reviennent, plus fort que tout, ces leçons apprises des chemins. Cette sagesse à hauteur de brin d’herbe. Je crois que je n’en ai pas d’autre. »

    Elle nous emmène à la rencontre des jonquilles dans les bois de Pâques, dans la lumière d’un matin de printemps ; un jour d’été, à la cueillette des mûres avec une enfant. Pour mesurer le monde, « la seule aune » du corps : « Ce qui compte c’est le pas, le souffle et le nombre de battements de cœur qui me séparent du but. » Au passage, l’enseignante de Dijon rappelle une définition, une étymologie, une citation. La science et la lecture sont ses compagnes discrètes et sûres.

    « Il a suffi de trois pas hors de chez moi pour que je rejoigne d’autres intentions, d’autres rythmes, d’autres temporalités, plus mystérieux. » Echapper au temps des machines – celles du travail, celles que nous laissons envahir notre vie – et « renouer, si peu que ce soit, avec les cycles naturels ». Anne Le Maître fait un bel éloge des saisons : « J’aime à la folie cette ronde des saisons propre à nos latitudes tempérées, qui fait passer des collines du brun au vert puis à l’or poussiéreux des moissons. »

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    Anne Le Maître à La Hulpe, 11 mai 2019

    S’ouvrir à la beauté du monde, sans angélisme ni naïveté. La laideur, la nature blessée, le paysage défiguré existent – « Mais comprenez ceci : je n’ai pas ignoré la porcherie derrière l’églantine. J’ai vu l’églantine devant la porcherie. J’ai vu le vallon tout autour de l’antenne, et le bleu incroyable d’un champ d’orge empoisonné qu’on aurait pourtant dit pétri de ciel pur. J’ai vu. Je me suis efforcée de voir. C’est un effort constant, une vraie discipline. »

    En résonance, des écrivains, des jardiniers, des poètes, la Bible, des peintres – des porteurs d’Espérance. Ils s’invitent, quand elle découvre un lieu, un paysage – quelques dessins à l’encre noire à l’appui –, quand elle admire, quand elle contemple. Il en faut, de l’espérance, pour accompagner quelqu’un dans un service d’oncologie, pour affronter jour après jour l’érosion effrénée du monde par l’homme.

    Anne Le Maître sait raconter la magie des rencontres avec une fleur, un oiseau, un arbre, un animal sauvage. Elle aime les appeler par leur nom, les identifier pour reconnaître ces « autres » que sont nos compagnons dans la sphère du vivant. « Il y a là une forme de politesse faite au monde. » « Apprenons à nommer. Prenons cette peine. L’émerveillement ou l’inquiétude : tout plutôt que l’indifférence, cette mort lente du cœur. »

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    La Hulpe, jardin de l'Académie de musique

    Même dans sa cour où elle bataille contre les herbes indésirables, la conteuse a de quoi penser, comme Hubert Reeves à la rencontre des fleurs sauvages, devant l’infiniment petit, la vie en abondance. Qu’est-ce que le sauvage, au fond ? « La friche, proclame Gilles Clément, qui a beaucoup réfléchi au rapport entre espaces sauvages et terres cultivées, la friche est le territoire de la liberté et de la créativité. »

    J’ai rencontré Anne Le Maître à La Hulpe, où elle participait avec ses aquarelles lumineuses à un parcours d’artistes. Le soleil nous a permis de faire connaissance dans le jardin de l’Académie de musique, en compagnie d’un chat malicieux. J’en ai ramené ce précieux petit livre de sagesse à garder près de soi pour le rouvrir souvent. Merci, Anne.

    Dans la « petite bibliographie subjective » qu’elle ajoute à la fin de Sagesse de l’herbe, des « voyageurs immobiles », des « scientifiques contemplatifs », de « grands arpenteurs », des « maîtres spirituels », des « aventuriers du minuscule ». Précieuses listes où je retrouve des livres aimés et d’autres à découvrir. Anne Le Maître, « terrienne », est entrée dans cette famille d’écrivains avec Sagesse de l’herbe, un livre à offrir et à s’offrir.

  • Rêves

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    « Je ne pensais pas qu’il mentait, ce qu’il inventait de sa vie me touchait parce qu’il me le donnait, c’était peut-être ce qu’il y avait de plus intime en lui, et j’aimais qu’il me le confie. J’ai ajouté que les rêves sont aussi ce que nous sommes, même si cela ne se voit pas. Il a posé sa main sur la mienne et m’a demandé si je voulais faire un tour en barque après le passage attendu de deux autres péniches. Bien sûr que je le voulais. Je pensais à mon père vantant l’art de vivre de Murger, auquel il avait sans doute renoncé mais qui pourtant l’avait habité toute sa vie, comme un rêve impossible et nécessaire. »

     

    Michèle Lesbre, Chemins

  • Chemins intérieurs

    Le dernier roman de Michèle Lesbre, Chemins (2015), s’ouvre sur le plus vieux souvenir qu’une fillette a de son père : « J’ai trois ans. Un homme qui me paraît immense entre dans la minuscule cuisine de l’appartement rue du Souci à Poitiers, me prend dans ses bras, je ne l’ai jamais vu. Ma mère me demande de l’appeler papa. C’est mon père. » 

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    Spilliaert, Femme au pied de l'arbre

    Entre les étapes d’un voyage en France, les souvenirs intimes de cet « étranger » mort seul à cinquante ans sont le cœur du récit : « Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, quelqu’un que je ne connais pas me remet sur son chemin. » Un homme en costume de velours et casquette de tweed qui lit, assis sur le trottoir, sous un réverbère, bien qu’il n’ait rien d’un vagabond, observé de la terrasse d’un café parisien tandis qu’il pose son livre et bourre sa pipe.

     

    La narratrice va se mettre en route à cause d’un couple d’amis : ils ont insisté pour lui prêter leur nouvelle maison en leur absence. Elle n’a pu refuser, alors qu’elle regrette tant l’ancienne qu’ils ont vendue, peut-être parce que la nouvelle maison se trouve près d’un canal – « J’ai souvent rêvé de vivre dans une de ces maisons d’éclusier qui semblent se tenir hors du temps. »


    Elle décide d’emporter Scènes de la vie de bohème, le livre d’Henry Murger que lisait l’inconnu et qui était la lecture préférée de son propre père, « un manifeste heureux » sur la vie « poétique et libre » de Murger et de ses amis dans laquelle, sans doute, il s’était projeté. Elle espère approcher ainsi « cette part de mystère et de douleur » chez l’homme qui lui a tant manqué. Dans son périple le long du canal, elle croisera d’autres inconnus qui le lui rappellent.

     

    Train, chambres d’hôtel, paysages… Les moments de contemplation et d’introspection alternent avec les rencontres de hasard, mais il est un autre fil conducteur, celui des lieux connus, aimés, quittés, qu’elle décide de revoir, autant de pauses où la mémoire s’appuie aux traces du passé. Sans oublier la lecture de Murger, où très vite elle comprend que son père a dû s’identifier à Rodolphe, le personnage où transparaît Murger lui-même.

     

    « L’amour est toujours différent de ce qu’on imagine. » Quel était celui de ses parents, avant que son père ne parte ? Quel était ce sentiment qu’elle-même avait pour Martin, un ami d’antan, son préféré dans leur joyeuse bande, et dont elle ne sait ce qu’il est devenu ? Quel est celui de ce couple complice qui l’accueille sur une péniche, et avec elle le chien qui a choisi de l’accompagner dans ses tours et détours ?

     

    Dans Chemins, le voyage ou plutôt la flânerie est prétexte à remuer des souvenirs, à revisiter des moments d’enfance, de jeunesse, à réinventer un père et une mère à présent invisibles, mais si présents. « Une bouleversante quête du père, et un très beau roman des origines », dit la quatrième de couverture. Michèle Lesbre s’y révèle à nouveau une romancière du mouvement, comme s’il fallait mettre ses pas ailleurs pour mieux réveiller le passé, l’intime, au cœur du temps qui passe.

     

    « Nostalgie, oui, mais pas seulement. Il y a dans les livres de Michèle Lesbre un élan vital, une qualité d’émerveillement, un humour diffus, une sorte de confiance qui comblent le lecteur : « C’est peut-être la dernière fois, mais quelle dernière fois ? Il y en a tant. » » (Eléonore Sulser, « Michèle Lesbre, sur les chemins buissonniers de la mémoire », Le Temps, 28/2/2015) Chemins conte aussi, avec une douce lenteur, sa traversée de la solitude.