Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Culture - Page 66

  • Peu de chose

    Avril (4).jpgC’est peu de chose, la poésie :

    Un air plus tiède,
    L’arbre sans vent,
    Le soir qui cesse d’approcher,
    Les douces plantes qu’un remords
    Ramène au jardin des anciens jours.

    C’est peu de chose, la poésie :
    Un cœur irrésolu,
    Tous les chemins qui recommencent…

    Et la vie peut-elle autre chose
    Que tendrement, avidement
    Recommencer ?

    Robert Vivier, Cahier d’un printemps
    (Pour le sang et le murmure, 1954)

  • Lumière d'avril

    Quatre pissenlits en fleurs dans le bac du ginkgo biloba sur lequel pointent à peine de minuscules boules vertes qui deviendront feuilles… Avril a commencé sous le soleil. C’était le moment d’aller saluer le printemps au parc Josaphat. Un peu tôt pour la floraison des cerisiers au-dessus de l’allée d’entrée près du boulevard, mais juste à temps pour admirer encore les magnolias.

    avril,printemps,parc josaphat,floraisons,nature,promenade guidée

    En ce lundi de Pâques, jour férié et pour la première fois hors des vacances scolaires des francophones – les vacances « de printemps » commenceront le premier mai dans le nouveau calendrier –, j’ai choisi de vous montrer ce ciel d’azur qui nous a réjouis au début de la semaine dernière et qui faisait chanter les couleurs : roses ou blancs, les magnolias deviennent arbres de lumière, et les massifs de forsythias ne sont pas en reste.

    avril,printemps,parc josaphat,floraisons,nature,promenade guidée

    Nous étions nombreux à prendre des photos au parc ce jour-là, comme cette maman occupée à photographier sa fille installée sur une branche basse, dont la veste rose s’harmonisait parfaitement avec cette féerie florale.

    avril,printemps,parc josaphat,floraisons,nature,promenade guidée

    Admirez la belle allure de l’élagueur devant les forsythias en fleurs. Derrière lui, mon arbre préféré au parc Josaphat, un remarquable platane à feuilles d’érables que je vous ai déjà montré, dont la beauté m’émeut particulièrement quand il n’est que ramure – et quelle ramure ! – et qu’un léger brouillard printanier frémit au bout de ses branches.

    avril,printemps,parc josaphat,floraisons,nature,promenade guidée

    Dans le Quartier des Fleurs que j’aime traverser en empruntant la rue des Mimosas, d’autres magnolias me font de l’œil, comme celui de l’avenue des Jacinthes près de la maison Ajoux – maison toute en rondeurs visitée il y a quelques années à l’occasion d’une promenade guidée –, un énorme bouquet posé près de ses fenêtres.

    avril,printemps,parc josaphat,floraisons,nature,promenade guidée

    Superbe aussi, ce magnolia de l’avenue des Glycines : on l’aperçoit du trottoir dans le jardin d’une belle maison blanche qui a son entrée au-dessus d’un petit perron sur le côté. J’ai longtemps rêvé d’y habiter.

    avril,printemps,parc josaphat,floraisons,nature,promenade guidée

    J’ai été très étonnée quand j’ai vu à l’Inventaire du patrimoine architectural qu’elle avait été conçue en briques rouges ; pour moi, son charme est lié au crépi blanc de ses murs et en particulier  à cette façade tournée vers le sud. Ensoleillée, elle joue au printemps un irrésistible duo avec le magnolia en fleurs.

  • Prêtresse voluptueuse

    « Fabricant de tabac et marchand, le montois Zéphir Robette se lance dans la distillation et le commerce de liqueurs. Chez Honoré Petitjean, en Haute-Saône, il achète en vrac de l’absinthe distillée, qu’il met en bouteille en Belgique sous la marque Robette.
    C’est Zéphir Robette qui commande cette affiche à Livemont en 1896. L’artiste lui crée un visuel qui deviendra une icône. Elle paraît dans la publication française
    Les Maîtres de l’Affiche qui, entre 1895 et 1900, reproduit mensuellement les plus belles affiches illustrées des grands artistes français et étrangers de l’époque, suivant une idée du célèbre Jules Chéret.

    privat livemont,fleurs à l'affiche,exposition,schaerbeek,maison autrique,art nouveau,affiches,peintures,estampes,publicité,art,fleurs,femme,culture
    Privat Livemont, Absinthe Robette, imprimeur lithographe Goffart, 1896

    Absinthe Robette est créée en 1896, une année de grâce pour Livemont qui dessine alors parmi ses plus belles affiches. Somptueuse et audacieuse, celle-ci est certainement l’une des plus abouties. Perdue dans ses pensées, l’héroïne a des airs de prêtresse voluptueuse avec sa chevelure orangée semblant douée de vie. « L’absinthe vous transportera ailleurs » semble-t-elle suggérer au milieu de ce décor à la découpe orientale, habité de volutes japonisantes, presque psychédéliques. La ligne blanche cède ici la place à une auréole claire, qui donne à la figure une allure divine. »

    Carnet de visite Privat Livemont. Fleurs à l’affiche !

    Exposition en cours à la Maison Autrique, Schaerbeek > 14.01.2024

  • Fleurs à l'affiche !

    2023 est l’année de l’Art nouveau à Bruxelles. La maison Autrique met à l’honneur Privat Livemont (1861-1936), un artiste bruxellois particulièrement bienvenu dans cette maison due à Victor Horta, le grand architecte de l’Art nouveau à Bruxelles, né la même année que lui. L’exposition Privat Livemont. Fleurs à l’affiche ! aurait pu s’intituler « Femmes à l’affiche ! » Fleurs et femmes figurent sur de nombreux sgraffites de Livemont ornant des façades à Schaerbeek – une nouvelle carte de promenade lui est dédiée. 

    Livemont Affiche.jpg
    L’affiche « Bec Auer » figure en entier sur la couverture du petit catalogue
    bien illustré (Galerie le Tout Venant et La Maison Autrique, 2023)

    La maison se visite de la cave au grenier, il y a beaucoup à voir. Privat Livemont, peintre, décorateur, enseignant, fut un remarquable affichiste autour des années 1900, aussi célèbre alors que Mucha. En plus des affiches venant de musées bruxellois, de la Bibliothèque royale et de collectionneurs privés, l’expo présente des peintures, des estampes, des dessins et de la correspondance, des photos, des objets prêtés par son arrière-petit-fils, Hubert Guillard-Livemont.

    Privat Livemont Cercle artistique.jpg
    Affiche de 1897, Coll. KBR

    Professeur de dessin à l’Ecole industrielle, Livemont crée en 1890 une première affiche pour le Cercle Artistique de Schaerbeek. Il en dessinera sept. Les premières comportent des fleurs de cerisier, des cerises, l’âne, emblèmes de la commune, puis ce qui deviendra son motif de prédilection : une femme de profil « à la chevelure serpentine » (carnet de visite). A tous les étages, il faut explorer chaque pièce : chaque recoin participe à l’exposition avec de petits formats, comme ce portrait de la femme de l’artiste.

    Privat Livemont (6) Madeleine Brown en lectrice.jpg
    Privat Livemont, Madeleine Brown dans l'atelier de son mari, huile sur panneau, 1896

    Privat Livemont (32) Son fils.jpg
    Franz Livemont, né en 1891, fils unique de l'artiste, 1896, Coll. Guillard-Livemont

    A la fin du XIXe siècle, les affiches auparavant petites et monochromes destinées à être placées à l’intérieur cèdent la place, grâce aux progrès de l’imprimerie, aux grandes lithographies placardées dans les rues. Comme Mucha, Toulouse-Lautrec, Bonnard, Privat Livemont y trouve un nouveau moyen d’expression et y excelle. Il reçoit des commandes publicitaires pour Delacre et De Beukelaer, deux grandes biscuiteries belges.

    Privat Livemont De Beukelaer.jpg
    Privat Livemont, Biscuiterie De Beukelaer, 1900, collection Guillard-Livemont :
     « Tout est floral et stylisé dans la composition : vêtement, coiffe et décor d’arrière-plan. »

    La « femme chandelier » de Livemont sur la publicité du Bec Auer, reprise partiellement sur l’affiche de l’exposition (ill. 1), est extraordinaire avec les bras de lumière s’échappant de ses cheveux. Elle en tient d’autres dans les mains, avec des lampes comme des fleurs au bout de longues tiges. Le nom de la firme est discrètement repris sur la robe entre les motifs de lampes-fleurs suspendues. Quels dégradés subtils de jaune et de bleu !

    Privat Livemont La Vague.jpg
    Privat Livemont, La Vague, lithographie couleurs et rehauts d'or, 1897

    En 1897, Privat Livemont, peintre-décorateur, dessine et fait réaliser par Boch des panneaux en céramique pour orner la façade de la Grande Maison de Blanc dans le centre de Bruxelles. Il exécute cette année-là une première estampe destinée à la décoration intérieure : La Vague, à la fois symbolique et japonisante, hommage à Hokusaï ; elle inspirera un vitrail pour l’Hôtel Saintenoy (Ixelles).

    Privat Livemont Cabourg.jpg
    Affiche de 1896, Coll. Musée d'Ixelles

    En revanche, la nageuse de « Cabourg à 5 heures de Paris » qui attire des nageurs autour d’elle relève d’un humour plutôt lubrique. Cette affiche est commentée dans une des capsules vidéos projetées dans la bibliothèque, où des experts et expertes abordent l’art de Livemont sous différents angles, tous très intéressants – comme sa façon d’embellir la femme mais aussi de l’utiliser dans l’affiche publicitaire – cela vaut la peine de s’asseoir pour les écouter.

    Privat Livemont Expo internationale 1897.jpg
    Dimensions : 274 x 127 cm

    La très grande affiche de l’Exposition universelle de 1897 à Bruxelles (dans les parcs du Cinquantenaire et de Tervueren) est présentée dans le hall d’entrée de la maison Autrique. Une femme majestueuse porte une robe aux motifs de lion brabançon sous son manteau feuillagé ; elle tient un bouclier où Saint Michel, patron de la ville, terrasse le dragon. Dans le fond, en grisaille, l’arcade du Cinquantenaire vers laquelle se pressent des visiteurs du monde entier.

    Privat Livemont (37) Mère et enfant.jpg
    Privat Livemont, Cacao Helm, lithographie couleurs,
    imprimerie Van Leer à Amsterdam, 1899 (désolée pour le reflet)

    La femme-fleur si souvent dessinée par Privat Livemont peut être maternelle et nourricière, comme sur l’affiche au magnifique fond vert couvert d’épis de blé où un enfant impatient tend la main vers l’assiette de biscuits que sa sœur dévore des yeux (De Beukelaer, ill. 4) ou celle-ci : une petite fille assise par terre près de branches d’églantier ouvre la bouche pour goûter une cuillerée de chocolat tendue par sa mère.

    Privat Livemont Sculpture et Peinture.jpg
    Privat Livemont, La Sculpture et La Peinture, lithographies couleurs imprimées sur vélin crème, 1900,
    Coll. Galerie Le Tout Venant (cliquer sur les liens pour de meilleures couleurs)

    Ou une artiste. Comparons La Peinture et La Sculpturecomplémentaires, le rouge et le vert contrastent et s’inversent entre la bordure supérieure et l’arrière-plan du sujet principal. En haut, les fleurs se courbent, comme agitées par le vent ; derrière la peintre et la sculptrice, leurs tiges se dressent, immobiles, un motif répétitif qui laisse la vedette au sujet féminin. Les gestes des mains sont gracieux, les regards concentrés, les vêtements et la coiffe raffinés.

    Privat Livemont (41) Fileuse et Brodeuse.jpg
    Privat Livemont, La Fileuse et La Brodeuse, lithographies couleurs, 1904,
    Coll. Galerie Le Tout Venant

    La fileuse et La brodeuse sont au travail devant un paysage hollandais. C’est aux Pays-Bas que s’est tenue, en 1904, la première grande rétrospective consacrée à l’artiste. De belles estampes florales montrent que Privat Livemont a précisément étudié les plantes avant de les utiliser comme ornement. L’exposition Fleurs à l’affiche ! de la maison Autrique montre toutes les facettes de son art et de sa renommée, dont témoignent de nombreux documents en vitrine. Ne manquez pas ce bel hommage à un grand artiste de l’Art nouveau à voir jusquà la mi-janvier à Schaerbeek.

  • Ne pas être vu

    Ernaux Quarto.jpg« L’exposition que je fais ici, en écrivant, de mon obsession et de ma souffrance n’a rien à voir avec celle que je redoutais si je m’étais rendue avenue Rapp*. Ecrire, c’est d’abord ne pas être vu. Autant il me paraissait inconcevable, atroce, d’offrir mon visage, mon corps, ma voix, tout ce qui fait la singularité de ma personne, au regard de quiconque dans l’état de dévoration et d’abandon qui était le mien, autant je n’éprouve aujourd’hui aucune gêne – pas davantage de défi – à exposer et explorer mon obsession. A vrai dire, je n’éprouve absolument rien. Je m’efforce seulement de décrire l’imaginaire et les comportements de cette jalousie dont j’ai été le siège, de transformer l’individuel et l’intime en une substance sensible et intelligible que des inconnus, immatériels au moment où j’écris, s’approprieront peut-être. Ce n’est plus mon désir, ma jalousie, qui sont dans ces pages, c’est du désir, de la jalousie et je travaille dans l’invisible. »

    Annie Ernaux, L’occupation

    *[adresse de l’autre femme]