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Belgique - Page 13

  • Ode à Arvo Pärt

    Van Reybrouck nl.jpgExtrait de l’Ode à Arvo Pärt : « Après son année passée sur place en tant qu’hôte du Berliner Künstlerprogramm en 1981, le compositeur resterait vivre à Berlin près de trente ans. Les premières années, il était exclu qu’il retourne en Estonie, son pays d’origine, qui faisait encore partie de l’Union soviétique. Ce serait à Berlin qu’il deviendrait le plus grand compositeur de notre temps, produisant une œuvre remarquablement homogène qui utilisait tout ce qui paraissait dépassé, ou même était devenu interdit dans la musique classique contemporaine. Oser être suranné et radicalement simple, profondément religieux et insolemment esthétique. »

    David Van Reybrouck, Odes

    Couverture originale (De Bezige Bij, 2018)


    Spiegel im Spiegel, la première musique d'Arvo Pärt que j'aie écoutée et aimée

  • 54 Odes

    D’une Ode à l’ex à une Ode à la vie, David Van Reybrouck, essayiste, historien, romancier et auteur de théâtre né en 1971, aborde dans Odes (textes traduits du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin, 2021) 54 sujets qui sont autant d’occasions d’exprimer sa gratitude. « Les textes réunis ici sont tous parus de 2015 à 2018 sur la plateforme journalistique néerlandaise De Correspondent. »

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    Il s’agit d’expériences vécues, de rencontres, d’art, de vie quotidienne, de voyages, de lectures, de musique… « Soudain nous étions là de nouveau. Un café de Bruxelles, lundi de la semaine dernière. C’était le soir et nous étions assis l’un à côté de l’autre. A regarder les gens, à sentir nos cuisses se toucher, à penser à cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. » »

    Six ans de vie ensemble, puis trois mois de silence avant ces retrouvailles. « Qui sont donc ces gens que nous avons tant aimés ? Le mot « ex » ne rend pas justice aux rapports intenses, stratifiés, que nous entretenons avec nos anciennes amours. » Sur ces vies qui convergent puis divergent, l’auteur cite « le plus beau poème d’adieu de la poésie néerlandaise » :
         « Demain
         je vais retrouver la femme que j’aime
         et lui rendre ses ailes. » (Rodaan al-Galidi)

    Ce recueil d’hommages à la première personne dit les sentiments et les émotions, en y mêlant de nombreuses observations et références culturelles. A Zagreb existe un musée des Relations brisées, fondé par un couple d’artistes qui n’a pas voulu « partager douloureusement » leurs affaires communes et a préféré les exposer, en souvenir du temps passé ensemble ; l’idée a plu, d’autres couples en rupture sont venus enrichir la collection.

    L’Ode à la déconnexion s’insurge contre « le dogme qu’il vaut toujours mieux pouvoir être en ligne partout. » L’Ode au printemps, née d’un paysage d’arbres fruitiers en fleurs aperçus du train, interroge la place congrue de la nature et de la vie sauvage dans la littérature néerlandaise du dernier demi-siècle. Les seuls néerlandophones à en parler encore sont selon lui « les poètes du dimanche et les alpinistes ». Les artistes contemporains n’ont pas « ce genre de pudeur », comme Olafur Eliasson « déployant un fleuve » dans un musée de Copenhague.

    Van Reybrouck se rend au bois de Hal pour admirer son « tapis bleu-mauve de jacinthes sauvages » qui attire du monde chaque année et pense aux tableaux de Monet, à la ressemblance entre « le vieux Monet » et le jeune Jackson Pollock, aux photos « fantastiques » du plancher de l’atelier de Pollock prises par Robert Weingarten. « Et vous découvrez que les éclaboussures sur le plancher aux Etats-Unis sont aussi des touches de lumières de nénuphars à Giverny et de jacinthes dans un bois près de Bruxelles. » (Ode au printemps)

    Parmi les belles rencontres de l’auteur, dont le titre le plus connu est sans doute Congo. Une histoire (prix Médicis 2012), actuel président de PEN Flandre, il y a celle de Lobsang Chokta, vice-président du département de PEN pour les écrivains tibétains en exil lors d’un congrès annuel de PEN international à Reykjavik. « Un vieil esprit dans un jeune corps », un homme « exceptionnellement doux », ancien moine bouddhiste qui avait traversé l’Himalaya à pied pour se rendre auprès du dalaï-lama, avec qui il a eu l’occasion de faire une excursion en voiture de location et de contempler « d’infinis paysages d’une infinie beauté ». (Ode au plus bel être humain)

    Comment ne pas s’émouvoir en lisant l’Ode à la progéniture qui ne verra jamais le jour (en vers) ? Comment ne pas être surpris qu’une Ode au gypaète barbu mène à la mort d’Eschyle ? Comment ne pas s’arrêter sur une fin de paragraphe, dans Ode à l’auto-stop – « Plutôt libre et vulnérable qu’en sécurité et craintif » – en se demandant si cette devise n’est pas plus masculine que féminine ? Comment ne pas acquiescer en lisant l’Ode au réconfort où il parle de la mort de son père ?

    Inattendue, la notation d’un mot dont l’auteur a dû chercher la signification, « brouhaha », mot répété dans tous les romans de Modiano, a-t-il observé. Bienvenues, à rebours des habitudes contemporaines, l’Ode au refus de photographier, l’Ode à l’écoute, l’Ode aux gens âgés : « Sans doute peu de choses nourrissent-elles autant l’intelligence émotionnelle que les relations entre des gens nettement plus âgés ou plus jeunes. » Van Reybrouck (laïc) ose une Ode à nos dirigeants religieux (opposés aux dirigeants politiques) et séduit avec une Ode à la négligence (en peinture, chez Liebermann ou Turner).

    Dans la postface où l’auteur explicite comment est né ce recueil dont certains textes sont illustrés (en plus du sous-bock dessiné par Tzenko au début de chaque ode, comme celui qui figure sur la couverture), il dit ceci : « Ecrire des odes, je le conseille à tout le monde : on en devient plus attentif, plus enthousiaste, plus avide et plus reconnaissant. » (Postface)

  • Liberté

    cinéma,film,achter de wolken,au-delà des nuages,cecilia verheyden,2016,film flamand,belgique,chris lomme,jo de meyere« Jamais tape-à-l’œil, sa mise en scène élégante [celle de la jeune scénariste et réalisatrice flamande Cecilia Verheyden] n’élude pourtant aucune question liée au sujet. Notamment celle de la sexualité des personnes âgées, abordée frontalement mais avec énormément de tact et une touche d’humour. Et s’il évoque bien par exemple la "tendance" du "rétrosexe" (le fait de coucher avec un ancien amour), le film ne se résume jamais à une enquête sociologique, toujours concentré sur son personnage principal.

    Portée par des acteurs flamands très justes, cette chronique familiale aborde joliment la question de la liberté en amour. »

    Hubert Heyrendt (La Libre Belgique, 10/2/2016)
    à propos du film Achter de wolken / Au-delà des nuages

  • Au-delà des nuages

    Achter de wolken ou Au-delà des nuages, tel est le titre d’un beau film intimiste vu en août à la télévision. Ce premier long métrage de la réalisatrice Cecilia Verheyden date de 2016. Les rôles principaux sont magnifiquement interprétés par deux acteurs flamands renommés, Chris Lomme et Jo De Meyere.

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    Bande annonce à voir ici

    Après la mort du mari d’Emma, malade, leur fille et leur petite-fille viennent la soutenir, puis l’accompagnent à la cérémonie funéraire. Parmi les nombreux amis présents, il y a Gerard qui fut le meilleur ami du défunt dans sa jeunesse. Tandis que la fille d’Emma cherche à la faire sortir de la maison et à rencontrer des gens, celle-ci n’aspire qu’à être seule et tranquille.

    Puis elle reçoit un message de Gerard sur son téléphone : « wil je zien » (je veux te voir) auquel elle répond « waarom ? » (pourquoi ?) avant de raccourcir le mot en « waar ? » (où ?) Gerard et Emma s’aimaient avant qu’elle ne fasse le choix de se marier avec l’autre des deux amis il y a plus de cinquante ans. Il en reste quelque chose que le film va dévoiler peu à peu, pas à pas. Emma ne se rend pas au premier rendez-vous qu’elle a accepté, Mais Gerard n’a pas l’intention de s’en tenir là – après tant d’années où cette femme lui a manqué, il est décidé à persévérer.

    L’intrigue principale est bien sûr liée à l’évolution de la relation entre eux deux, à leurs rencontres, à leurs souvenirs qui reviennent à la surface. La personnalité d’Emma, son désir de continuer à mener sa vie de manière autonome, apparaît bien dans ses rapports tendus avec sa fille Jacky (Katelijne Verbeke), elle-même mal à l’aise dans une liaison amoureuse avec un homme marié. La mère supporte mal les visites et les conseils de sa fille qui lui semble vouloir prendre le contrôle sur son mode de vie. Elle refuse de lui raconter tout ce qu’elle fait.

    En revanche, les rencontres entre Emma et sa petite-fille Evelien (Charlotte De Bruyne) sont pleines de complicité et de franchise. Quand Emma lui parle d’un rendez-vous avec un homme qu’elle a aimé avant de se marier, Evelien est choquée – si vite après l’enterrement de son grand-père ?! – puis de plus en plus curieuse de la liberté avec laquelle Emma se conduit.

    Peut-on retomber amoureux après cinquante ans d’éloignement et où cela peut-il mener ? C’est la grande question explorée dans le scénario de Michael de Cock d’après sa propre pièce de théâtre, écrit en étroite collaboration avec Jo De Meyere et Chris Lomme. Après de nombreuses conversations intenses, ils ont abouti à cette histoire dont l’amour et la vie sont l’enjeu, à tous les âges de la vie. Les dialogues sont excellents. Il y a des moments très drôles aussi, comme la séquence du dancing (une idée de la fille d’Emma, désireuse que sa mère continue à voir du monde).

    J’ai trouvé les images et les ambiances de Cecilia Verheyden très belles, que ce soit dans la maison, le jardin d’Emma ou dans les scènes d’extérieur, sous la pluie ou sur une plage. J'ai aimé la musique (Steve Willaert) qui accompagne à merveille les scènes d’atmosphère, les moments de solitude, les retrouvailles. Bref, un premier film très réussi, notamment grâce au superbe jeu plein de sensibilité de ses deux grands acteurs. Achter de wolken / Au-delà des nuages a remporté le prix du Jury au Washington DC International Film Festival.

  • Beauté intérieure

    Le Chat au parc suite (3) beauté.jpg« Mettons-nous dans la tête d’un visiteur s’approchant de la sculpture. Il l’aperçoit d’abord de profil, et que voit-il ? Un énorme Chat ouvrant son manteau devant les promeneurs. Et que se dit-il ? Voilà un gros pervers qui dévoile sa nudité aux passants. Eh bien non !

    Le Chat ne mange pas de ce pain-là ! Et ceux qui le connaissent le savent. Il est bien trop subtil que pour verser dans cet humour graveleux de bas étage. Par contre, ceux qui ont vu la sculpture de face ont été pris par le charme de l’image évoquée : nous avons tous un petit oiseau* qui chante à l’intérieur de nous. Pour certains, c’est un rossignol ou un canari, pour d’autres, un vilain gros canard qui chante faux. » (Geluck, Le Chat.com)

    Philippe Geluck, Le Chat déambule, parc de Bruxelles > 10.09.2023

    Philippe Geluck, Beauté intérieure (*dans la statue, l'oiseau se balance)