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  • Nuages dedans dehors

    Les nuages ont eu le bon goût de laisser de la place au soleil pour le dimanche sans voiture organisé ce 19 septembre à Bruxelles. Voici donc Saint-Servais sous un ciel de peintre, en haut de l’avenue Louis Bertrand fort animée pour l’occasion, en guise d’introduction à l’exposition en cours à la Maison des Arts de Schaerbeek : « Nuages (d’hier et d’aujourd’hui) ».

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    Eglise Saint-Servais, Schaerbeek

    Temps suspendu, que Lucile Bertrand fait flotter dans une structure en métal, illustre sa prédilection pour ce qui est fragile. Elle utilise des matériaux pauvres et des matériaux organiques. Poétique, ce nuage de plumes blanches dit la beauté du monde « entre légèreté et poids, entre envol et chute », et aussi son équilibre instable.

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    © Lucile Bertrand, Temps suspendu, 2020,
    Structure en métal peint, plumes, tulle, fils de nylon. 180 cm haut x 45 cm côtés

    L’atelier de la nuagerie montre dans la véranda à côté des luminaires en coton, soie et polyester, nuages d’intérieur. Objets de déco « design », à louer ou fabriqués sur mesure, ils sont connectés au wifi et on peut les faire changer de couleur. Amusant, ce nuage dans un miroir ou, vu du jardin, comme décor de fenêtre. Le monde à l’envers, en quelque sorte !

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    Créateurs de Nuages | Atelier de la Nuagerie | Bruxelles

    Je me demandais quelle œuvre serait à la hauteur du grand salon ancien aux murs nuageux en permanence. Jacqueline Mesmaeker y a placé un projecteur sur un trépied : les images en mouvement dans le petit cadre m’ont semblé d’abord une mer de nuages. En réalité, « l’installation évoque le Pacifique à l’aide d’une mer du Nord projetée à l’envers. Même le mouvement des vagues est inversé. » Aux Antipodes est une œuvre de la collection du musée d’Ixelles.

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    © Jacqueline Mesmaeker, Aux Antipodes, 1973,
    vidéo, cadre ancien, trépied avec projecteur, 12 minutes, collection Musée d’Ixelles

    A l’étage, une salle est consacrée à Stephan Balleux et à sa série « Ars memoriae » réalisée en 2020 durant le confinement, une période éprouvante dont il fait le récit (illustré) sur son site. Empêché de se rendre dans son atelier, il a travaillé alors à de petits formats. Une de ses œuvres figure sur l’affiche de l’expo. Pour faire se rencontrer le dedans et le dehors, il peint des espèces de nuages bleus à la gouache sur des documents d’architecture « vintage ». Adepte de la déconstruction et de la reconstruction de l’image afin de questionner le visible, le réel, le statut de l’image et de la peinture, cet artiste perturbe la composition et interpelle le spectateur. (Son exposition au musée d’Ixelles en 2014 s’intitulait « La peinture et son double ». Une nouvelle expo est en cours au Botanique.)

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    Jean-Marie Bytebier dépayse autrement avec ses zooms du ciel, des toiles à la limite de l’abstrait (croisées au musée d’Ixelles également, lors de l’exposition d’Agnès Varda). Elles me paraissaient inertes jusqu’à ce qu’un rayon de soleil change tout à coup l’atmosphère de la chambre où il est exposé. Ces peintures presque immatérielles contrastent fort avec les sculptures textiles d’Elodie Antoine, en blanc ou en noir, dans la petite salle précédente.

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    Avant de descendre, si vous allez à la Maison des Arts où cette exposition sera visible jusqu’au 21 novembre, ne manquez pas sur le palier le grand nuancier du ciel de Christina Garrido, « Local color is a foreign invention » (British Islands »). Elle y a imprimé des détails de peintures du XVIe siècle à nos jours, classés selon le principe du nuancier Pantone en indiquant sous chaque fragment le titre, le peintre et la table du tableau. On peut les retrouver et les agrandir sur son site personnel.

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    © Christina Garrido, Local color is a foreign invention (British Islands), 2020,
    impression pigmentaire sur papier Hahnemühle 308 gr., 134 x 149 cm. Collection Edgard F. Grima, Paris

    L’exposition « Nuages » se veut une invitation « au rêve, à l’évasion et à la légèreté. » Les œuvres m’ont paru de qualité inégale, mais il y a des découvertes à faire. Parmi quelques toiles des collections communales, j’ai aimé par exemple ce portrait tout simple du roi Albert Ier devant la mer par Jacques Madyol.

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    © Jacques Madyol (1874-1950), Albert Ier, s.d., 41 x 32,5 cm.
    Collection communale de Schaerbeek

    Pour info, un joli cahier d’observation et de dessin conçu par Jacinthe Folon fera le plaisir des enfants qui vous accompagneraient pour cette visite (il est disponible à l’accueil). Quant à l’artiste qui a créé deux œuvres in situ pour l’occasion, je vous en réserve la surprise pour le prochain billet.

  • Signer

    damas,jacky,roman,littérature française,belgique,tolérance,juifs,chrétiens,musulmans,école,adolescence,amitié,culture« Le lierre a laissé un espace sur le mur que j’agrandis en cassant des branches à mains nues. Le mur est gris. J’hésite. Finalement je choisis blanc. Je prends mon temps pour que ce soit soigné. Je commence par : Là-bas je suis parti. Quand je suis rentré tout était mort. La vie est revenue avec Jacky. En refermant le pot, je m’en fiche plein les baskets. « Merde ! » Jacky crie que ça partira au white spirit. Je viens m’allonger à ses côtés : « Alors ? » Mon pote sourit : « Cool. » On reste longtemps à regarder notre taf. « Faut signer maintenant ! » Je le regarde : « Tout le monde saura que c’est nous. » Il éclate de rire, se lève, saisit un pinceau, ouvre le pot de peinture noire et inscrit « Jewish Rebel » tout en bas, à droite de la tête bleue, puis il me le tend, je reste quelques instants immobile, cherchant un nom qui me ressemble, soudain, ça vient et je trace « Muslim Monster » au-dessous de la signature de Jacky. »

    Geneviève Damas, Jacky

    Source de la photo (détail) :  Le village de Doel - Photographies de Sylvain Mary

  • Ibra et Jacky

    Geneviève Damas – beaucoup d’entre nous ont aimé son premier roman, Si tu passes la rivière (2011) – signe cette année Jacky, un roman qui sonne juste sur un sujet délicat, sans tomber dans les stéréotypes : la rencontre entre un jeune musulman (revenu du djihad) et un garçon juif de son âge. Jacky est aussi le titre donné par Ibrahim Bentaieb, dix-huit ans, à son travail de fin d’études (TFE) secondaires. Son professeur titulaire de classe a bien insisté : pour obtenir son diplôme, il lui faudra non seulement réussir ses trois examens de passage, mais aussi lui remettre un travail sur n’importe quel sujet qui l’intéresse, avant la délibé du mois d’août.

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    Rien ne l’inspire, à part Jacky, qu’il a rencontré en janvier. A la fin du premier trimestre, la prof de français avait annoncé à ses élèves, musulmans pour la plupart, que pour lutter contre la montée des intolérances à la suite des attentats de Paris et de Bruxelles, ils participeraient à une journée d’activités avec une classe de catholiques et une classe de Juifs, pour « éprouver la tolérance » entre eux. (Damas a animé un atelier d’écriture sur ce thème : « Oser l’espoir ».) Peu enthousiastes, certains garçons avaient d’abord pensé à se procurer un certificat médical pour y échapper, mais ils étaient tout de même arrivés au Centre culturel laïc juif, « un lieu sous surveillance militaire au centre de Bruxelles ».

    Arielle, écrivain et organisatrice, les avait accueillis un par un, distribué des autocollants avec leur prénom, puis les élèves avaient été répartis en groupes dans différents locaux, ensuite en « binômes » : « Ibrahim ira avec Jacky ». Il espérait tomber sur un catholique, mais « un minus aux cheveux noirs » lui avait alors souri et tendu la main : ils avaient trois quarts d’heure pour faire connaissance. « C’était juste un garçon comme moi. Disons qu’il n’était pas différent de ce que j’aurais été si cela [qu’on découvrira plus tard] ne m’était pas arrivé. » 

    « Mon portrait de Jacky » – chacun devait rédiger le portrait de son interlocuteur sans le nommer, texte qui serait lu par quelqu’un d’autre – permet au lecteur de situer le personnage éponyme ; celui qu’il a fait d’Ibrahim ne viendra qu’à la fin du roman, comme indiqué sur le plan qui précède l’introduction. Quand Jacky Apfelbaum lui propose de rester en contact sur les réseaux sociaux, il lui a répondu qu’il ne pouvait plus les utiliser et donné son numéro de téléphone.

    Pour participer au voyage de fin d’année, Ibrahim a dû d’abord parler avec son assistante de justice et attendre l’autorisation de la juge. A son retour de Rome, il reçoit un texto de Jacky : « On se voit ? » Il file en vélo à leur rendez-vous au Bois de la Cambre, la première d’une série de rencontres où ils font connaissance et se découvrent plus proches qu’ils ne l’auraient cru ; ils deviennent amis. Ensemble, ils s’inscrivent aux vingt kilomètres de Bruxelles, vont « graffer » à Doel (la passion de Jacky). L’un habite Schaerbeek, l’autre Uccle, mais le jeune Juif de milieu aisé envie « Ibra » dont les parents sont plus présents que les siens.

    Geneviève Damas fait raconter par Ibrahim, étape par étape, le développement d’une amitié a priori improbable. Tout n’est pas idyllique dans leur relation, mais l’émotion surgit à maintes reprises et on s’attache aux deux protagonistes. Ibra et Jacky ont chacun leurs problèmes personnels et on se prend à espérer, quand les embûches se présentent, qu’ils arrivent à surmonter ce qui pourrait les éloigner l’un de l’autre.

  • JC Schmitt en lumière

    Drôme 2021 (22).jpgSchmitt expose à Venterol ?

    Il s’agit cette fois de Jean-Christophe Schmitt (°1956), qui vit et travaille dans le Vaucluse (et non de Jean-Louis Schmitt auquel j’avais consacré un billet il y a deux ans). Pour lui, « Peindre c’est aimer à nouveau. » (Henry Miller)

    A l’affiche de la galerie Ombre & Lumière, un portrait de femme aux yeux noirs, pensive, absorbée.

    © Jean-Christophe Schmitt, Qui es-tu

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    « Il y faut la couleur que la nuit a levée de l’ombre, il y faut la trame silencieuse d’un geste travaillé tout le jour. Car l’on n’abdique rien à veiller ainsi devant l’informe et bientôt cet informel que creuse un réel absorbant, visage ou paysage, fruits légendaires ou ligne sans âge comme une pelote de labyrinthe qui ne dit pas son nom et cherche son Ariane. » (Jean-Christophe Schmitt, Une toile à la mer (mécanique du peintre), juillet 2021)

    © Jean-Christophe Schmitt, Peintre et modèle

    Drôme 2021 (20).jpgLa plupart des œuvres exposées ici chantent la figure féminine et les couleurs. Quelques natures mortes, quelques paysages. Parmi ces peintures intimistes dont le sujet baigne « dans une lumière diaphane et miroitante » (Guylaine Carrot, 2013), j’ai aimé cette vue d’atelier toute en transparence. A voir à Venterol jusqu’au 10 octobre.

    © Jean-Christophe Schmitt, L’Atelier transparent

  • Echappée drômoise

    Echappée ? En peinture, cela se dit « d’une perspective de ciel ou de lointain entrevue par un espace libre, réservé à cet effet » (Jules Adeline, Lexique des termes d’art, citation du TLF). Voilà qui résume bien le lieu et l’esprit de mon séjour en Drôme provençale, dont voici un début d’abécédaire.

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    ARBRES. Oliviers scintillant sous le soleil, pins s’arrondissant à la rencontre du ciel, ombre accueillante des tilleuls, yeuses omniprésentes, les arbres sont des repères dans ce paysage de vignes et de lavandes.
    Ils font signe par la fenêtre ouverte. Ils vous attendent au bord de la route ou du chemin, comme ce « sempervirens » à la silhouette imposante.

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    BESTIAIRE. Les petits scorpions de Provence aiment rôder la nuit et, quand on a la chance de disposer d’une piscine, il convient de vérifier si l’un ou l’autre n’y est pas tombé en s’aventurant sous la bâche. Coup de filet.
    Une étonnante apparition d’un matin près de la fenêtre nous révèle la splendide épeire fasciée (araignée guêpe ou argiope frelon, elle ne manque pas de surnoms évocateurs) et son cocon raffiné, en forme de montgolfière retournée.

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    CLOCHERS. Autre écriture verticale dans le paysage, dont Proust a magnifié la présence, le clocher est la signature d’un village.
    A Venterol, le campanile en fer forgé du XVIIe siècle attire l’œil dès qu’on approche de ce beau village perché. De pierre, celui de l’église Saint-Michel à La Garde Adhémar se profile entre de hauts murs.

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    DE JOUR, les merveilles de la terre : lavandes, oliveraies, vignes, lointains si bleus dont le dégradé me charme. En passant, le regard se pose sur les cabanons de pierre au milieu des champs.
    DE NUIT, le ciel s’habille de larges rayures aux couleurs intenses puis de plus en plus douces avant de laisser leur toile aux étoiles.

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    ENSEIGNES. Non loin de la mairie de ce village médiéval classé parmi les plus beaux de France, je m’interroge devant la mystérieuse enseigne de « Gustave Comte de Salsifis », peintre à la palette un peu sorcier : qui m’en dira le secret ? Serait-ce lui qui a jeté un sort à La F..rmi ?

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    FLEURS. Avec les oiseaux, toutes sortes de fleurs décorent les jolies plaques en céramique (signées Dana) qui indiquent aux flâneurs le nom des rues et des traverses de La Garde Adhémar. Et aussi le « Jardin des herbes ». Le parvis de l’église offre une superbe vue panoramique sur la plaine de Pierrelatte. Une petite barrière ouvre sur l’escalier d’un « jardin remarquable », tout en terrasses, qui rassemble des plantes médicinales et aromatiques.  

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    « G » ? La lettre est presque au milieu du mot « encoignure » qui relie les deux dernières photos de ce billet. L’une, prise dans une ruelle de Venterol, joue sur la forme triangulaire ; certains détails y révèlent la présence d’un tigre de salon. L’autre encoignure, sur le site du Val-des-Nymphes (un endroit de culte païen puis chrétien à ne pas manquer, tout près de La Garde Adhémar), abrite un bénitier à l’entrée d’une petite chapelle dans un mur, non loin d’un bassin. Il y a beaucoup à découvrir autour de la chapelle prieurale (XIIe siècle) au centre de ce vallon plein de résonances.

    Merci pour vos commentaires sur T&P en mon absence.
    Ravie de vous retrouver bientôt pour de nouveaux échanges.

    Tania