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poésie - Page 5

  • Impressions, Bonnefoy

    Le peintre qu’on nomme l’orage a bien travaillé, ce soir,
    Des figures de grande beauté sont assemblées
    Sous un porche à gauche du ciel, là où se perdent
    Ces marches phosphorescentes dans la mer.
    Et il y a de l’agitation dans cette foule,
    C’est comme si un dieu avait paru,
    Visage d’or parmi nombre d’autres sombres.

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         © Linda Van der Meeren, Cooper’s Moon (détail), Expo Kleur (Asse, 2022)

    Mais ces cris de surprise, presque ces chants,
    Ces musiques de fifres et ces rires
    Ne nous viennent pas de ces êtres mais de leur forme.
    Les bras qui s’ouvrent se rompent, se multiplient,
    Les gestes se dilatent, se diluent,
    Sans cesse la couleur devient autre couleur
    Et autre chose que la couleur, ainsi des îles,
    Des bribes de grandes orgues dans la nuée.
    Si c’est là la résurrection des morts, celle-ci ressemble
    A la crête des vagues à l’instant où elles se brisent,
    Et maintenant le ciel est presque vide,
    Rien qu’une masse rouge qui se déplace
    Vers un drap d’oiseaux noirs, au nord, piaillant, la nuit.

    Ici ou là
    Une flaque encore, trouée
    Par un brandon de la beauté en cendres.


    Yves Bonnefoy, Impressions, soleil couchant (La vie errante)

  • Un signe pour toi

    Il est pour toi, ce signe, afin qu’il te réjouisse comme la trouvaille d’une pépite d’or.

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    Range-le si tu veux avec le flacon vide et la truelle ébréchée, mais tu le retrouveras par quelque jour de dénuement.

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    Il est chaleur et lumière et s’efforce de toucher en toi ce sourire perdu qui est plus profond que toi-même.

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    Il semble maintenant très lointain, mais voici que tout proche, il vient éveiller ce qui depuis toujours cherche un éveil. […]

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    J’ai reçu tous mes signes, mais je reviens encore caresser ces visages et ne puis me lasser d’adorer leur contour.

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    J’ai recueilli le sourire de l’ange et cet ange en retour attendait nos sourires.

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    A toi, je parle ici d’une voix malhabile.
    Puisse mon signe pour toi se faire aussi léger que la fleur du pommier.

    Afin qu’un jour tu le cueilles ardent et coloré comme la pomme de septembre.

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    Trouverais-je un signe pour toi qui as fermé tant de livres sans y découvrir de secours ?

    Saurai-je envoyer dans ta nuit cette petite lueur clignotante ?

    Saurai-je mettre dans ton pain cette poignée de ciel affirmative ? […]

     

    Géo Norge, Un signe pour toi (Œuvres poétiques, Le vin profond, Pour le hautbois)

    Début du printemps 2022

  • Kör, poète national

    mustafa kör,poète national,carl norac,poésie,belgique,cultureUn jour arrive où
    malgré toutes les promesses
    tu cesses de te tenir debout
    au milieu du combat
    pour le pain et l’amour

    Le corps après tout n’était qu’un outil
    qui exécute ce qu’a demandé le souffleur

    Finies l’agitation
    et la tragédie des cœurs
    Le mystique t’avait réservé
    le rôle principal

    Le monde t’avait assemblé en braillant
    quand tu devins un homme et serras les poings
    pour affronter la vie
    qui elle-même allait ce même jour brailler
    à cause du destin qui frappa ta moelle
    comme le gel une fleur

    Mustafa Kör, Brood en Liefde / De Pain et d’Amour, traduit du néerlandais par Katelijne De Vuyst & Danielle Losman, éditions maelstrÖm reEvolution, 2022. (Source : Les plats pays, 28/2/2022).

    * * *

    Mustafa Kör sera intronisé demain « poète national ». Il succédera pour deux ans à Carl Norac (merci encore pour les « Fleurs de funérailles » durant le premier confinement), Els Moors, Laurence Vielle et Charles Ducal.

    Né en Turquie en 1976, Kör a grandi au Limbourg dans une famille de mineurs. A 22 ans, la colonne brisée dans un accident de voiture, il commence à vivre dans un fauteuil roulant et se tourne vers l’écriture en autodidacte, devient romancier et poète en langue néerlandaise. « Même sans mon accident, la poésie aurait croisé ma route, mais l’aurais-je vue ? » (La Libre Belgique)

    Vous vous souvenez du Flirt Flamand ? Voici un nouveau concours de poésie « transfrontalier » (par-delà la frontière linguistique, je précise) : Ik poëzie je graag Je te poème.

  • Le ciel

    le ciel,christophe van rossom,poésie,littérature française,belgique,poésies belges,la fureur de lire,2021,cultureLe ciel belge avait bien commencé. Il était bleu, comme beaucoup d’autres, avec çà et là, certes, quelques nuages de beau gabarit, et, même, certains assez sombres et gonflés de pluie ; mais, baste, il n’était pour autant pas si mal.

    Puis vint une sous-commission qui, pour d’obscures raisons, souhaita le repeindre en gris. Elle octroya à cette fin, mais, en raison de grèves, de dysfonctionnements et d’un manque de compréhension entre les vents du Nord et du Sud, les travaux ne purent être achevés dans les temps. Ils ne reprirent jamais d’ailleurs.

    C’est pourquoi l’on peut voir quelquefois une trouée de bleu dans le ciel belge, souverain et vide.

    Christophe Van Rossom, né en 1969
    Recueil Sous un ciel dévoyé, 2005

    Poésies belges, anthologie, La fureur de lire, Bruxelles, 2021

    Les tours de Notre-Dame de Laeken, matin gris, 26/9/2021

  • Festin de silence

    LOUIS THÉVENET 1874 - 1930 NM aux poissons.jpgSur la table
    Le pain le beurre l’eau
    Et le vin
    Le poisson
    Les pommes de terre
    Cuites sous la cendre
    Des secrets
    Les paroles bues
    Les mots avalés
    Nous avons toujours faim
    Nous avons toujours soif
    Nos gestes ne combleront jamais
    L’abîme de nos voix

    Béatrice Libert, née en 1952
    Recueil Etre au monde, 2004

    Poésies belges, anthologie, La fureur de lire, Bruxelles, 2021

    Louis Thévenet, Nature morte aux poissons, 1925